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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 09:56

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Cet article a été rédigé en octobre 2011, mais il me semble plus que jamais d'actualité ... 

 

Pourquoi ne pas se poser la question et tenter de l'élucider, en se demandant, par la même occasion, si le rire n'est pas davantage conformiste que libérateur ? Kierkegaard reconnaissait que l'ironie était la marque du solitaire : " Quand l'ironie devient collective - écrivait-il - on passe à autre chose, à cette grossièreté de la foule qui sanctionne ce qui la dérange ". On croit souvent que le rire est une expression de l'indignation, qu'il montre du doigt les injustices et les abus, que l'on rit de ce qui est répréhensible, choquant, grotesque, inconvenant. On le sait depuis Bergson : le rire précède de peu l'insensibilité ; il fait donc mauvais ménage avec la colère. On peut raconter des blagues sur le tyran, cela ne l'atteint pas : le plus souvent, dans le même mouvement, le rieur brise le ressort de sa révolte. En définitive, le rire dénonce les ridicules, nullement les fautes.

 


Tourner en ridicule le Christianisme ou l'Islamisme ou un grand de ce monde, est-ce que cela leur donne tort ? Car qui rit de tout, ne s'indigne plus de rien, ou, pire, ne respecte plus rien. Est-ce du ridicule qu'il faut se garder ou de la violence : violence des propos, des attaques verbales, des préjugés, des a priori ? Il n'est pas dit que les esprits y gagnent en liberté. Bien au contraire ! La liberté de la presse ne garantit pas la liberté des esprits. La relaxe obtenue, jadis, par le journal Charlie Hebdo nous rassure sur cette liberté de la presse, mais la question reste posée sur la liberté en tant que telle et sur la capacité du rire à être libérateur. Cette culture de la dérision, que nous entretenons avec une certaine complaisance, nous rend-t-elle plus libres, plus efficaces, plus clairvoyants ? Rire à bon compte, n'est-ce pas réducteur ?  On se cache alors derrière le rire comme derrière un écran. Le rire de dérision offense toujours et ne résout pas.

 

 

Et la caricature, qui est le propre de la dérision, ne s'efforce-t-elle pas de rendre visible, en l'agrandissant, tout mouvement de l'être, réalisant ainsi des déformations et disproportions, art de l'exagération et de l'outrance par excellence ? Nous voyons alors le comique s'opposer à la grâce et à la beauté et s'accommoder à bon compte de la raideur, voire de la laideur. Le rire devient ainsi une brimade sociale. Il est là pour inventer un mode de correction dont on use volontiers à l'égard des petites sociétés qui se forment au sein des grandes. A l'insociabilité supposée des personnages visés s'érige l'insensibilité des censeurs. " Le rire ne peut pas être absolument juste - écrivait Bergson - répétons qu'il ne doit pas non plus être bon. Il a pour fonction d'intimider en humiliant. Il n'y réussirait pas si la nature n'avait laissé à cet effet, dans les meilleurs d'entre les hommes, un petit fonds de méchanceté, ou tout du moins de malice. Peut-être vaudra-t-il mieux que nous n'approfondissions pas trop ce point. Nous n'y trouverions rien de très flatteur pour nous. Nous verrions que le mouvement de détente ou d'expansion n'est qu'un prélude au rire, que le rieur rentre tout de suite en soi, s'affirme plus ou moins orgueilleusement lui-même, et tendrait à considérer le personnage d'autrui comme une marionnette dont il tient les ficelles. Dans cette présomption, nous démêlerions d'ailleurs bien vite un peu d'égoïsme, et, derrière l'égoïsme lui-même, quelque chose de moins spontané et de plus amer, je ne sais quel pessimisme naissant... quelle amertume". En effet, peut-on se permettre de ne pas penser comme tout le monde ?

 

A l'évidence, le sarcasme ne peut rien contre le fanatisme, celui-ci n'étant jamais qu'une arme de dérision... dérisoire. Il est vrai, par ailleurs, que la caricature annihile toute forme de confiance, si bien que, contrairement à ce que nous serions tentés de croire, le scepticisme ne neutralisera jamais aucun fanatisme. Il aurait même tendance à l'exacerber. La seule chose que l'on puisse opposer à l'excès est la modération, au fanatisme .... le discernement, ce qui manque trop souvent, hélas ! à nos élites. 

 

Armelle Barguillet Hauteloire

 

 

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commentaires

P
la dérision est une arme, et, comme toute arme, elle est nocive.<br /> Elle se tient loin de l'amour, loin de la paix, et surtout loin du respect.<br /> On a parlé d'une certaine Presse, celle de la caricature, et on a confondu liberté de penser et liberté de parler.<br /> On pense ce que l'on veut, voilà notre seule liberté, mais on n'a pas le droit de faire couler les larmes, et de heurter le cœur de qui que ce soit. Voilà pourquoi je ne suis pas pour la liberté de parler, celle qui consiste à dire n 'importe quoi., <br /> Voilà pourquoi, aussi, je déteste la Critique. Sauf celle qui met en lumière le talent d'un homme!<br /> Car briser l'oeuvre d'un artiste,par exemple, et par la même cet artiste, ce n'est certes pas prouver sa propre intelligence, mais faire éclater sa méchanceté.<br /> On ne peut pas, non plus, rire ou se moquer de tout.<br /> Il faut vivre et penser en virtuose, c'est à dire, toujours sur la pointe de l'âme, comme on marcherait sur la pointe des pieds , pour ne jamais heurter un humain.<br /> J'aime l'humour, quand il est bon, ce qui est rare, mais je hais la dérision. Elle est facile, elle est inutile, elle est néfaste.<br /> Elle est aussi une négativité, elle oeuvre main dans la main avec le néant, fruit de la déception ou de l'agressivité , elle est toxique, pour son propriétaire et pour celui qui la reçoit.<br /> Isabelle Prêtre
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B
Oui, la presse doit rester libre. Non, rien ne justifie un seul de ces meurtres. Cependant, la liberté de parole doit faire en sorte de ne pas blesser. Personne ne détient la vérité. Les religions sont, pour certains, nécessaires pour vivre, des sortes de béquille. Il faut respecter cela,&quot;l'opium du peuple&quot;<br /> Merci Armelle de nous rappeler tout cela.
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T
Voilà une réflexion utile, c'est une bonne idée d'avoir reproposé ce texte à la lecture, tant cette question des limites à la liberté d'expression prend aujourd'hui une acuité terrible. Elle dérangera toujours - c'est tellement plus facile d'être tolérant avec ceux qui partagent notre opinion. <br /> La dérision excessive choque, certes, mais dénonce aussi. Que dire des interdits totalitaires ? Boulgakov n'a cessé de s'en moquer, comme une bonne part du peuple soviétique. Savez-vouos ce que j'ai lu dans La Libre Belgique aujourd'hui ? Un responsable religieux en Arabie Saoudite vient de lancer une fatwa contre... les bonhommes de neige ! Avouez qu'on a envie d'en faire un dessin.
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M
Pour être prémonitoire, c'est prémonitoire. Je pense que la dérision est un penchant particulier de notre époque totalement déculturée et déspiritualisée. On ridiculise ce qui nous dérange.
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A
Comme vous, Alain, je n'apprécie pas le sarcasme, ni la dérision, qui n'apportent, ni l'un, ni l'autre, de solution et disculpent à bon compte en donnant à ce rire sarcastique la place qu'il ne<br /> mérite pas. L'humour est de tout autre nature et peut en effet stigmatiser sans méchanceté des situations peu graves. Face au fanatisme, il n'y a guère que la résistance dans ce qu'elle a de plus<br /> digne. L'indifférence risque à la longue de n'être qu'un refuge.
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C
Bonsoir Armelle. Cet article, que vous semblez avoir écrit depuis déjà quelques années, m'effraie. Pas dans ce que vous démontrez, bien entendu, mais par mon ressenti après l'avoir lu, et relu. Le<br /> pire d'hier devient plus grave aujourd'hui. J'ai l'impression que le rire est imposé au plus grand nombre pour tenter de faire oublier les dérives en tous genres. Je suis fatigué des invectives qui<br /> se baladent de l'un à l'autre. Des moqueries de certains vis-à-vis de leurs semblables qui tentent ainsi de s'octroyer une prétendue supériorité. De quel droit ? Je me protège. Assez de chose à<br /> gérer dans ma vie sans la compliquer avec des "rires" qui flirtent avec le dégoût et l'inutile. Bonne soirée, quand même à vous. À bientôt.
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A
Bien d'accord avec vous, Edmée.
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E
En effet les nombreuses "blagues" - très mauvaises pour la plupart, et surtout plus insultantes que drôles - sur les religions, ethnies etc... ne font que lasser et, d'une certaine manière,<br /> détourner les yeux du vrai danger lorsque danger il y a! L'insulte est vile, et en rien une forme de courage ou d'opinion...
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A
C'est vrai que l'humour et l'auto-dérision sont les meilleures armes face à la dérision et donc au sarcasme trop fréquent de nos jours. Mais, pour y parvenir, il faut tenir à distance sa<br /> subjectivité et surtout sa susceptibilité, ce qui n'est pas à la portée de tous. Ce que je déplore dans la dérision pratiquée avec de plus en plus de férocité et de virulence de nos jours, est le<br /> ridicule dans lequel on tente de plonger l'autre et la blessure que l'on ne manque pas de lui infliger.Ne dit-on pas que le ridicule tue ?
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P
Armelle, j'ai toujours eu du mal avec les grandes définitions (compréhension). Je suis d'accord avec Delphine et Niki car je pratique l'auto-dérision : bien souvent c'est pour éviter d'entendre une<br /> vacherie et je pense qu'on désamorce beaucoup de bricoles en commençant par se moquer de soi-même, puis ça devient un mode de vie assez confortable et permet de prendre du recul sur soi. Je n'aime<br /> pas qu'on tourne les religions en dérision quand elles sont propres à chacun et que cela peut blesser les gens dans leurs convictions ou les inciter à être méchants. Le fanatisme peut-être autre<br /> chose que religieux, pour moi qui ne suis pas du tout philosophe et assez terre à terre,on peut le rencontrer au détour d'une simple conversation et là, je peux le dire car cela m'est arrivé encore<br /> hier, seul l'humour est arrivé à ses fins et tu vas me dire... c'était encore une conversation sur les prêtres. Du coup, mon raisonnement peut paraître idiot, mais j'ai fait pareil pour la<br /> politique : respect pour les autres et s'il n'y a pas réciprocité, un coup de pied au derrière fait bien souvent moins mal que des mots...
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