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6 août 2021 5 06 /08 /août /2021 08:48
Photos  Yves Barguillet

Photos Yves Barguillet

 

La Bretagne a toujours eu un double visage : tantôt brutale, barbare, hérissée par la force de ses vents, de ses solitudes, de ses ajoncs, de ses rocs et de ses caps ; tantôt colorée et maternelle, grâce à la tiédeur de ses chaumes, de ses baies, de ses sentes et de ses plages. Le Golfe du Morbihan appartient à cette Bretagne colorée et maternelle. Il y a sans doute plus de huit mille ans que l'homme s'est enraciné ici et, qu'au gré des marées, le rivage s'est dessiné d'un trait gracieux avec, en abondance, des bois, des vallons, des escarpements, des dolmens nichés dans les bruyères, des villas blanches ensevelies sous les lauriers et les hortensias, des calvaires de granit, des moulins en ruine, des murets de pierre dans lesquels s'arc-boutent les figuiers et les aloès, des chemins capricieux et des vasières mauves. Inlassablement, le flux et le reflux ont façonné des centaines d'îles et îlots et une extraordinaire mer intérieure de 11500 hectares.

 

En ce lieu, un grand nombre d'espèces végétales et animales cohabitent malgré la présence de l'homme et, ce, dans une harmonie si remarquable que l'on se doit de le souligner. Car l'homme demeure sur ces terres depuis longtemps ; la preuve en est les sites mégalithiques uniques au monde que l'on peut recenser comme le tumulus de Gravinis et le dolmen de Locmariaquer, nommé table des marchands ou table de César, couvert de caractères et de dessins. Il est vrai qu'aucun département ne nous transporte - de par son histoire - à des âges aussi reculés ; aucun ne possède de souvenirs plus nombreux d'époques inconnues, de peuples oubliés, n'ayant laissé pour traces que ces pierres étranges, ces alignements inexplicables (Carnac), que les bretons - plus épris de légende que de science - considèrent comme des armées de géants pétrifiées par la parole de Saint Cornély. Aujourd'hui, la thèse la plus vraisemblable apparente ces objets à des pierres tombales dressées par un peuple qui regardait ces demeures comme étant celles de l'éternité, ce qui expliquerait leur importance et leur ampleur. Depuis, beaucoup d'eau est passée sous les ponts du Bono et d'ailleurs, apportant avec elle le sel pour les paludiers, le courant pour les meuniers, les poissons pour les pêcheurs, les coquillages pour les ostréiculteurs, la brise pour les plaisanciers et la beauté pour les promeneurs venus s'enchanter de ces rivages.

 
 

Peu d'endroit au monde ne dégage une telle impression d'harmonie, aucune union de mer, de végétation, de lumière et de ciel ne semble avoir trouvé d'accord plus parfait. Sont réunis - pour offrir au visiteur une suite de paysages variés, qui se découvrent au hasard des promenades - des baies et rivières tranquilles, des points de vue immenses, des jeux de lumière vaporeux, une déclinaison de couleurs subtile. Là tout n'est que contraste, changement, renouvellement. Au rythme des marées s'ajoute celui des saisons, afin qu'à chaque instant, selon les pluies, les nuages, les ensoleillements, rien ne soit jamais semblable et que l'on passe, sans transition, d'une atmosphère écossaise à une atmosphère méditerranéenne et latine. Bien qu'en transit, les oiseaux migrateurs y paraissent chez eux. L'escale est appréciée par la bernache de retour de sa Sibérie natale, le canard Souchet, la bécassine des marais, l'échasse blanche, la sterne, l'hirondelle et l'avocette, ou bien la spatule blanche qui ne s'arrête qu'un moment entre l'ouest africain et les colonies hollandaises.

 

La légende veut que le Golfe est autant d'îles que de jours dans l'année. En vérité, seules quarante d'entre elles méritent l'appellation d'île habitable, car bon nombre sont privées ou interdites à la visite. Les deux plus grandes sont Arz et l'Ile-aux-Moines. La légende, encore elle, dit qu'il y a très longtemps ces deux îles ne formaient qu'une seule terre. Les gens d'Arz étaient connus pour être des pêcheurs, ceux d'Izénah (L'Ile-aux-Moines), marins de père en fils, bénéficiaient d'une réputation plus flatteuse de seigneurs de la mer. Il arriva que l'un d'eux s'éprit d'une jeune fille d'Arz au grand désespoir de ses parents qui, dépités et en proie à la fureur, le firent enfermer dans le monastère. A la nouvelle, la jeune fille s'en vint chaque jour chanter sous les murs du couvent, ce qui eut tôt fait d'exaspérer le prieur. Il en appela aux esprits marins afin qu'ils fassent en sorte que cette amoureuse éplorée ne vienne plus troubler la sérénité de la vie monastique. Il semble que les esprits entendirent sa requête, car un flot puissant vint séparer les terres, faisant de ces étendues deux îles soeurs mais distinctes.

 

L'Ile-aux-Moines est de toutes les îles du Golfe la plus grande et la plus visitée. Il est vrai qu'à elle seule, elle rassemble les contrastes et les charmes de cette région privilégiée. On ne peut rester insensible à la profusion de fleurs et de parfums, aux plages animées et aux criques secrètes, aux landes parcourues par les vents et aux souriantes baies ombragées de pins centenaires. En suivant les venelles, en longeant les jardins, rêve et réalité se mêlent au gré des rencontres : vieilles croix rongées par les embruns, chaumières, fontaines, menhirs perdus, autant de monuments qui n'ont d'autres atouts pour nous séduire que leur simplicité séculaire. Bâti à flanc de coteau, le bourg regroupe la majorité des demeures, s'étoile en ruelles bornées de jardins clos. L'église, qui protège l'ensemble, est dédiée à Saint-Michel. En hiver, l'île ne compte que sept-cents habitants. En été, la population décuple. Des moines l'habitaient dès le XIe siècle et une moitié de l'île fut, par la suite, propriété du monastère de Saint-Gildas du Rhuys, tandis que revenait aux nonnes de Saint-Georges de Rennes l'autre moitié. La Révolution, en nationalisant les biens du clergé, fit partir les dernières communautés et l'Ile-aux-Moines redevint au XVIIIe une île de pêcheurs et de meuniers.

 

Quant à Arz, elle ressemble à une étoile de mer. Ramassée entre ses multiples pointes, elle a une superficie de 313 hectares à marée haute, le double - dit-on - à marée basse. C'est un merveilleux belvédère, d'où l'on peut contempler le Golfe dans son ensemble. Plus discrète que sa voisine, Arz redoute le tourisme et les promoteurs, soucieuse de conserver sa tranquillité et son autonomie. Sur ses rivages, comme sur ceux des terres environnantes, les légendes courent leur train comme le vent sur les ajoncs et les bruyères, et l'esprit des îliens est hanté de fantômes, de voix funèbres et de visions mystérieuses. On ne vit pas impunément sur des terres aussi anciennes, nourries de messages intraduisibles, sans avoir le coeur chargé de contes et de fables, de mythes et de superstitions. La vérité du Golfe réside là, dans cette équation quasi insoluble entre un passé qui se perd dans la nuit des temps et un devenir qui s'ouvre avec crainte aux lumières trop crues du présent.
 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Le Golfe du Morbihan, terre de légende
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commentaires

P
Magnifique golfe, sans oublier son climat doux aussi bien en été qu'en hiver. Merci pour ce partage.
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P
une perle en Bretagne cordialement
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N
voilà qui m'a rappelé, avec un brin de nostalgie, les nombreuses années de vacances en famille, passées dans cette région dont je suis totalement amoureuse<br /> merci pour ce rappel de doux souvenirs, armelle
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