Ainsi étions-nous avant la connaissance,
A l’instant où l’univers se fit image en notre esprit.
La terre était neuve et brillait d’un feu ardent.
L’homme parlait à ses troupeaux,
La femme sur lui levait un regard de soeur.
En ces temps nos coeurs habitaient nos corps, immensément.
Me penchant à la fenêtre,
Je voyais comme à travers un voile notre jardin.
Comment accède-t-on à l’impénétrable ?
La folie a pris le pas sur la raison.
L’invisible a cessé de nous rêver.
J’écris pour ne pas me perdre.
Je note au fur et à mesure mes impressions.
Souvent la poésie me quitte, je m’égare
Parce qu’en route j’ai lâché le fil ténu de l’enfance.
Ah ! L’enfance ! Nous nous y réfugierons
Lorsque le monde aura achevé de vieillir.
Confiants, nous franchirons des frontières que nous croyions abolies.
La nature s’offrira à nous,
Ce sera l’aube, l’origine,
L’ère du rayonnement, peut-être.
On ne lit rien à la surface des mots
Mais feignons d’en deviner le sens.
Personne ne va au-devant de ceux qui s’éveillent,
A moins que l’enfant ne nous ait mis en sommeil pour la vie...
Léogane, une demeure à la pointe d’une île blanche,
Un lieu où descendre au fond de soi.
C’est un cérémonial dans lequel on entre,
Un itinéraire commencé avant l’aube.
L’enfant nous guide d’un pas de sourcier.
Une cloche tinte. Elle nous rappelle que le temps
Laisse en nous l’empreinte de ses dents voraces.
Le péril est au bout de cette longe qui nous tient attentifs.
N’allons pas au-delà du signe sur la pierre,
Du tatouage sur la rive abordée.
A nos épaules le temps pèse de tout son âge
Tandis qu’au loin se perçoit le murmure des orges et des blés.
Jadis, sur les plaines,
Il y avait des brumes,
Dans les hêtres pleureurs
Des battements furtifs.
La vie était à son zénith.
Au large, la mer essaimait ses lames grises.
Non, je ne te demanderai pas de te souvenir,
Seulement de me dépeindre le monde
Imprévisible qui t’habite.
L’immensité repose en toi.
Ton regard est plus insondable que l’univers.
Rien qui n’y soit pas depuis toujours.
Une lueur tempère les ténèbres,
Partout se respire une persistante odeur d’oyat.
Admettons que les choses
Ne fassent que semblant de recommencer.
Lorsque l’œuvre sera accomplie, la parole dite,
Qu’auras-tu à m’apporter de meilleur,
A me confier de nécessaire ?
Une fête s’installera dans son décor gaufré.
Les baraques de tir, les manèges,
Les vieilles mélodies, les clowns plus tristes
Que des soldats à la parade,
Cette joie monotone pour notre avril.
Peut-être me diras-tu : il se fait tard ?
J’aurai un petit rire. Il pleuvra.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( extraits de " PROFIL de la NUIT " )
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