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28 janvier 2022 5 28 /01 /janvier /2022 08:37
Luc Ferry en quête d'un nouvel humanisme


Luc Ferry, ex-ministre de l'éducation nationale, professeur, auteur d'une abondante bibliographie cherche à ré-introduire la philosophie dans les affaires de la cité et la conduite des coeurs. Rien que cela !  A ses yeux la philosophie doit redevenir ce qu'elle était à Athènes, il y a deux mille cinq cents ans : un art de vivre et de mourir. Autrement dit une école de sagesse. Pour ce faire, rien n'est plus fécond que de se plonger dans les grands mythes qui sont à la source du " miracle grec ".

 

Au commencement était les mythes - nous dit-il. Ce sont des histoires littéraires, bien sûr, mais qui tentent toutes de répondre à une question philosophique fondamentale, celle de savoir ce qu'est " une vie bonne" pour les mortels. La mythologie grecque va ainsi préformer l'interrogation philosophique la plus fondamentale, celle qui va de Parménide aux stoïciens, en passant par Platon et Aristote. L'expression " vie bonne" renvoie à une interrogation qui n'est pas seulement morale, mais qui touche à la question du sens. Il ne s'agit pas tant de respect de l'autre que de chercher le sens de la vie pour des êtres qui vont mourir et qui ont peur de la mort. L'idée qui va dominer la mythologie et que la philosophie va reprendre quasi intégralement, c'est celle qui vient de la Théogonie d'Hésiode. Hésiode raconte la naissance des dieux, puis la guerre que deux générations de dieux vont se livrer. La première, composée par les Titans, dieux violents et guerriers, la seconde qui réunit les Olympiens, fils des Titans, conduite par Zeus. Les Olympiens vont faire la guerre aux Titans pour établir un partage juste et paisible du monde. A Gaïa reviendra la terre, à Ouranos le ciel, à Poséidon la mer etc. Ce qui va naître alors dans l'espace intellectuel, culturel, moral et même métaphysique grec est l'idée de cosmos, c'est-à-dire l'idée que l'univers tout entier n'est plus un chaos, mais qu'il est au contraire harmonieux, juste, beau et bon. C'est cette idée de cosmos qui permet de répondre à l'interrogation sur " la vie bonne". Le sens de la vie doit se définir comme la mise en harmonie de soi. C'est le sens de la quête d'Ulysse. Que fait-il, sinon chercher à regagner sa place dans l'ordre cosmique. Il a été déplacé par la guerre de Troie, il va mettre vingt ans à retourner chez lui, dans son lieu d'origine, Ithaque, afin de se réajuster à l'ordre du monde, tout simplement. Car, au fond, que disent les stoïciens ? Qu'une vie réussie, c'est une vie en harmonie avec l'ordre cosmique. D'où les trois pans de leur philosophie. D'abord, la théorie, qui est la contemplation du monde pour déterminer où se trouve notre place. Ensuite, la morale, qui est l'ajustement à cet ordre du monde. Enfin, la question du salut : qu'est-ce qui nous sauve de la mort ? Ce message formulé rationnellement par les stoïciens, c'est celui que l'on retrouve avec des accents encore cultuels et religieux, dans les grands mythes fondateurs grecs que sont l'Odyssée et la Théogonie.

 


Lorsque Zeus gagne la guerre contre les Titans, il fait apparaître que le monde est un ordre cosmique harmonieux, juste et beau. Ce monde est divin, en ce sens que nous, les humains, ne l'avons pas créé nous-mêmes. Mais ce divin-là n'est pas incarné dans une personne comme dans le Christianisme ; il est la structure anonyme et aveugle du monde. La première rupture, que le Christianisme instaure par rapport au divin grec, réside dans l'incarnation. Cette rupture va tout changer, et la problématique de la morale et la problématique du salut, puisque ce divin, incarné dans la personne du Christ, ne sera plus appréhendé par la raison, d'où la mort de la philosophie, si l'on peut dire, mais par la foi, fides, la confiance. L'autre rupture est l'idée moderne d'égalité que pose le Christianisme. Et aussi d'humanité. On va inventer en même temps l'idée moderne d'humanité et la valorisation du travail. C'est la parabole des talents qui raconte l'histoire d'un maître qui part en voyage et confie des sommes d'argent à ses trois serviteurs. Losqu'il revient il demande des comptes. Que signifie cette parabole ? Simplement une rupture radicale avec le monde aristocratique pour lequel ce qui fait la dignité d'un être, c'est ce qu'il a reçu au départ, à savoir les talents ou les dons naturels. L'aristocrate est bien né, ou bien doué. Il y a une hiérarchie naturelle des êtres. Ce que la parabole des talents introduit est l'idée que ce qui fonde la dignité est non ce que l'on a reçu mais ce que l'on a fait. La liberté plutôt que la nature. Du coup, on invente à la fois l'idée d'humanité, l'idée d'égale dignité des êtres et la valorisation du travail.
 


Une nouvelle étape est franchie. Mais celle qui est la plus importante selon moi - poursuit Luc Ferry - après la réconciliation des grecs et des chrétiens, c'est la révolution qui a eu lieu au XIIe siècle où se pose l'idée qu'il faut désormais explorer la nature par la raison. Pourquoi : parce que la splendeur de la nature en tant que création divine doit porter les traces de la divinité du créateur. Elle ne peut pas être l'effet du hasard. Il n'y a plus alors de raison pour que raison et foi se contredisent. On trouve déjà là le thème qui sera cher à Pasteur qu'un peu de science éloigne de Dieu, mais que beaucoup nous y ramène. Ce qui sera repris dans l'avant-dernière encyclique de Jean-Paul II - Fides et ratio - foi et raison. D'une certaine façon, il est visible que la modernité n'est jamais parvenue à saper le christianisme. Il y a aujourd'hui dans le monde à peu près 2 milliards de chrétiens. S'il y a une déchristianisation en Europe, elle est néanmoins à relativiser. Car si la quantité a diminué, la qualité a augmenté. Il y a aujourd'hui plus de chrétiens de conviction que d'habitude. Mais ce qui se passe, tout particulièrement avec la révolution scientifique des XVIIe et XVIIIe siècles, c'est que les dogmes chrétiens, notamment les arguments d'autorité, vont être plongés dans un acide, celui des Lumières et de l'esprit critique auxquels ils ne résisteront pas : du moins pas entièrement. Cela se fera en deux temps : d'abord de Descartes à Hegel et avec les Lumières, qui sont pour une bonne part, une sécularisation de la religion chrétienne ; puis avec la philosophie contemporaine, de Schopenhauer jusqu'à Heidegger, qui coïncide avec une sécularisation de cette première sécularisation. On peut le voir chez Nietzsche dans ce qu'il appelle la critique du nihilisme.



Mais une fois que l'on a tout déconstruit, que reste-t-il ? Eh bien ce qui va apparaître n'est rien de moins que la sacralisation de l'humain, qui n'est pas pour autant idolâtrie, mais la conviction que les seules raisons qui méritent que l'on risque sa vie ne sont plus Dieu, la Patrie ou la Révolution, mais bien les êtres humains eux-mêmes. Le sacré s'incarne dorénavant dans les proches, et aussi le prochain qui est le contraire du proche, celui qu'on ne connaît pas, comme en témoigne l'humanitaire. Nous assistons à l'émergence d'un sacré à visage humain qui requiert une spiritualité d'un autre type. Lequel ?
La philosophie, disait Hegel, c'est notre temps saisi par la pensée. Notre époque appelle un humanisme d'un genre nouveau. Non plus l'humanisme des Lumières, de Voltaire et de Kant, qui était un humanisme de la raison et des droits, mais un humanisme du coeur et de la transcendance de l'autre. Bref, de l'amour. Nous vivons un tout nouvel âge de l'humanisme. C'est une révolution comme il en arrive peu, peut-être une fois tous les mille ans.

 

 

Voici la thèse que soutient avec talent un philosophe que je respecte infiniment, mais qui me paraît être trop optimiste, hélas ! Car notre époque ne dessine pas le visage de cet humanisme du coeur et de la transcendance, à l'heure où rarement la violence n'a été aussi présente, ni l'égoïsme si  habituel, ni le goût du profit si prononcé. Et l'on sait d'autre part que l'humanitaire, sous des dehors très estimables, n'est pas toujours dénué d'intérêts moins avouables et que le droit d'ingérence conduit le plus souvent à la catastrophe. Finalement, à écouter ce très sympathique philosophe, nous ne ferions rien d'autre que de revenir au vieux précepte chrétien : aimez-vous les uns, les autres. Mais cela fait vingt siècles que l'on s'y emploie sans grand résultat.

 

 

  

De Luc FERRY à  lire : 

 

La sagesse des mythes  chez  Plon
La tentation du christianisme  ( avec Lucien Jerphagnon ) chez Grasset
Quel avenir pour le christianisme ( avec Philippe Barbarin ) chez Salvator

Combattre l'illetrisme ( 2009 ) chez Odile Jacob

La révolution de l'amour. Pour une spiritualité laïque ( 2010 ) chez Plon

 

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14 janvier 2022 5 14 /01 /janvier /2022 10:12

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La publication de l'ensemble des lettres de François Mauriac, il y a de cela plusieurs années, dont une centaine inédites, révèle un pan méconnu de l'oeuvre du grand écrivain.

« Vos lettres, disait Chardonne à Mauriac, sont vous-même plus que tout ; et à votre oeuvre, il faut ajouter votre personne. » On y rencontre en effet le premier mouvement de la pensée aussi bien que la profondeur d'une lumineuse intelligence, les élans d'une âme sans cesse en éveil, les émotions du moment, la colère, la passion, l'ironie cinglante, la chaleur de l'amitié, l'ambiguïté des sentiments, les doutes, la foi, et tous les combats auxquels cet infatigable polémiste fut mêlé.


Adressée aux grands de son époque – de Maurice Barrès et Francis Jammes, ses parrains en littérature, au général de Gaulle, dont il fut l'ardent supporter jusqu'à la fin, sans oublier les nombreux amis de jeunesse, et l'essentiel des écrivains français, Montherlant, Valéry, Proust, Paulhan, Cocteau, Drieu La Rochelle, Gide ou Claudel, cette correspondance résume soixante années d'histoire littéraire et intellectuelle, inscrites en filigrane dans la vie ardente de cet éternel adolescent profondément amoureux de la vie, de la beauté des êtres, de la nature, et tiraillé entre des désirs multiples et parfois difficilement conciliables.


C'est réellement un « Mauriac par lui-même » que ces missives nous révèlent, indispensable complément du Bloc-Notes et des Nouveaux Mémoires intérieurs pour mieux comprendre, et parfois même surprendre, dans sa vérité la plus intime, l'homme, le témoin capital, engagé corps et âme dans les combats majeurs de son temps, en se faisant le défenseur, lors de la guerre d'Espagne, sous l'Occupation, puis lors des guerres coloniales, des rebelles et des insoumis.


Réunie et présentée par Caroline Mauriac – l'épouse de Jean Mauriac, second fils de l'écrivain –, cette correspondance constitue un pan essentiel de l'oeuvre mauriacienne. Elle rassemble les deux volumes des Lettres d'une vie parus chez Grasset en 1981 et 1989, et plus d'une centaine de lettres inédites considérées jusqu'ici comme trop sulfureuses pour être publiées. Destinées aux quelques hommes qui ont beaucoup compté dans sa vie affective, elles confirment les véritables penchants du créateur des Anges noirs et du Désert de l'amour et laissent entrevoir les « abîmes de tendresse » dans lesquels il n'a cessé de se débattre.

 

Il est vrai que Mauriac a toujours donné l'impression de causer la plume à la main, si bien qu'à travers ses lignes, il nous semble surprendre sa voix brisée par un cancer de la gorge. Caressant les uns, griffant les autres et convoquant à ses côtés toute la littérature française. Il arrive même que Mauriac se laisse intimider par le génie tempétueux de Claudel ou par l'intelligence retorse de Sartre mais jamais il ne s'abaissera, dans ses propos, à la moindre platitude.

 

Mauriac abritait deux hommes en lui, nous dit François-Laurent Balsa, un jésuite qui sentait le souffre et un janséniste qui vous aspergeait d'eau bénite. Le matin, il courait les offices religieux et le soir les salons mondains. C'était un homme du monde qui avait la tentation du désert et dont le drame fut de n'être que rarement d'accord avec son camp, mais sans parvenir à le quitter, si bien qu'il s'est trouvé souvent isolé, incompris, cruellement calomnié. C'est ce qui s'exprime dans cette correspondance, sorte de bloc-notes intime, où l'on suit l'évolution de sa pensée qui lui fait susurrer des choses graves et profondes de façon légère, parfois frivole, et toujours d'un style inimitable.
 


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10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 10:02
Antonietta de Gérard Haddad

Antonietta s’assoupit parfois, oublie certaines choses et bientôt les symptômes sont plus explicites, elle est atteinte d’une maladie dégénérative incurable. Son mari raconte son calvaire, leur calvaire, dans un livre adressé à la disparue. Dans ce récit, Gérard Haddad nous conte cette agonie, cette descente aux enfers, une descente qui n’est pas linéaire mais au contraire remplie de périodes de rémission, d’espoir de guérison, d’espaces de paix et de quiétude. Des épisodes de calme entrecoupés, hélas, de crises parfois très cruelles, toujours avilissantes et souvent très difficiles à gérer. Il adresse ce livre à sa femme sous la forme d’un merci pour ce qu’elle a fait et a été pour lui et sous la forme d’une demande de pardon pour tout ce qu’il lui a fait. Le sous-titre du livre : Lettres à ma disparue évoque clairement sa forme et tout aussi clairement son contenu.

Il a commencé son récit alors que le mal était déjà tapi au fond des chairs et des organes d’Antonietta mais pas encore très perceptible. Il introduit ses épitres par des éloges qu’il adresse à sa femme qu’il n’a pas toujours respectée comme il aurait dû. Ce récit s’articule autour des aléas de la santé d’Antonietta mais plus encore autour des nombreux voyages qu’ils ont entrepris, tout d’abord pour visiter leurs parents et amis restés dans leur pays d’origine respectif : la Vénétie pour elle, la Tunisie pour lui, et puis pour des congrès ou des vacances plus ou moins culturels. Il relate avec beaucoup de précision les rencontres, les découvertes et hélas les accidents de santé d’Antonietta.

Il raconte aussi leur jeunesse, leur vie de couple parfois un peu agitée mais toujours très riche et très soudée malgré quelques écarts de sa part, l’écriture qu’il partage, elle s’activant surtout pour la dactylographie que lui ne maitrise pas. Et puis, viennent les temps difficiles, le temps du handicap de plus en plus lourd, de plus en plus invalidant, le temps des séjours hospitaliers de plus en plus sinistres, le temps de l’hospitalisation à domicile avec des personnes très dévoués et pourtant loin de la famille et même de la France. Le handicap qui fait fuir dramatiquement certains amis et même certains de leurs enfants. Le temps des déception et le temps des nouveaux amis, des personnes de grand cœur. Puis vient le temps de la fin de vie, du décès, des obsèques, et enfin de la solitude qu’il faut affronter en attendant sa propre fin. Toute une vie à deux concentrée dans ce livre plein d’amour mais pas seulement, car il recèle beaucoup d’empathie, de tendresse, de complicité et aussi d’amitié et de respect pour les autres malgré les déceptions et les défections à endurer.

Denis BILLAMBOZ


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L'auteur

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13 décembre 2021 1 13 /12 /décembre /2021 09:52
Les demeurées de Jeanne Benameur

Un petit livre par la taille mais un grand livre par son sujet et la manière de le traiter. Jeanne Benameur, avec ce texte, a voulu rendre à ceux que nous prenons pour des « abrutis », leur juste place dans la société car s’ils n’ont pas l’intelligence académique, ils ont souvent une sensibilité très aiguisée qui est, elle aussi, une forme d’intelligence. Un tout petit roman, une longue nouvelle, un conte philosophique, je ne sais … ce petit livre est un peu tout ça à la fois. Il commence comme un texte de poésie en vers racontant la vie d’une mère et de sa fille affectées de la même tare, elles ne sont pas très intelligentes, elles sont même carrément demeurées, « abruties ». « Quand on s’adresse à La Varienne, elle s’agrippe du regard à la bouche de celui qui parle. Ses lèvres à elle marmonnent, imitantes et muettes. Luce ne supporte pas. Luce se tait. Le silence entre elles tisse et détruit le monde ». Le livre évolue progressivement, même le style change, la poésie s’étiole pour faire place à un discours plus moral, plus prosaïque, qui évalue, plaide, juge. On pourrait penser que ce livre a été écrit  en deux temps, l’auteure aurait laissé une première version dans un tiroir avant de la reprendre pour la conclure dans un style moins elliptique, plus direct, plus concret, plus démonstratif.

 

 

Ce texte, c’est l’histoire de La Varienne et de sa fille Luce. Elles sont toutes les deux, selon le terme même de l’auteure : « abruties », à la limite de l’autisme et de l’anorexie pour la fille : « La Varienne pousse les tartines plus près du gros bol plein, comme on donne aux bêtes à l’étable. Mais la petite n’a qu’un seul estomac et l’appétit de l’alouette du matin ». Elles vivent esseulées au bout de village. La mère travaille chez des bourgeois pendant que sa fille laisse couler le temps en jouant avec des petits riens, en regardant le monde qui l’entoure sans s’interroger, juste en regardant. Cette vie sans histoire et sans relief butte sur la loi, la loi est formelle, la petite doit-être scolarisée. La mère accompagne donc sa fille à l’école où l’institutrice est résolue à l’instruire, à lui apprendre à lire. Mais, l’enseignante butte sur le mur de l'incompréhension totale, sur le manque de volonté absolu. Luce ne veut pas apprendre, les mots lui font mal, elle tombe même très malade. Ce blocage physiologique détruit les belles convictions que l’institutrice a apprises à l’école des maîtresses, elle n’accepte pas cette défaite. A son tour, elle somatise son échec. La fillette a cependant enregistré ce qu’elle a appris et elle peut le restituer par le dessin ou la broderie. L’enseignante comprend alors qu’il n’y a pas que le savoir académique, d’autres formes de savoir existent. La Varienne connait les plantes, elle est un peu guérisseuse ; la petite est habile de ses mains et elle a une bonne mémoire.

 

 

Un texte qui remet en question les fondamentaux de l’école primaire. Cette femme et sa fillette ne sont peut-être pas intelligentes à la manière définie par l’Académie, mais elles ont une intelligence innée, animale, une intuition aiguisée, elles connaissent la nature et ses secrets, elles transmettent par une sensualité affective ce que d’autres transmettent par la parole. « A l’intelligence, il faut un espace pour se poser. Il faut des mains, de l’air pour la craie et l’encre. L’abrutie n’a rien ». Elles ne disposent pas dans leur cervelle de cet espace mais elles ont une sensibilité très fine qui leur permet de déchiffrer, d’apprendre et de transmettre différemment. L’auteure s’applique à nous faire comprendre que l’humanité n’est pas coulée dans un seul moule, qu’il y a des êtres différents qui méritent eux aussi notre considération et notre respect.

 

Denis BILLAMBOZ

 

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13 décembre 2021 1 13 /12 /décembre /2021 09:31
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Mario Vargas Llosa ou le porteur de flambeau

 

Ces amis qui enchantent la vie de Jean-Marie Rouart

 

Milan Kundera ou l'insignifiance des choses

 

Mon prix Renée Vivien 2022  - Intégral du poème 'Dans le murmure du songe"

 

Dans le murmure du songe (Extraits) Mon prix Renée Vivien 2022

 

Mon prix Renée Vivien 2022

 

Une jeunesse à l'ombre de la lumière de Jean-Marie Rouart

 

Au-delà du tableau de Céline Posson-Girouard

 

Les lilas de Bellême de Céline Posson-Girouard

 

Lovely Brunette, tout simplement d'Edmée de Xhavée

 

Villa Philadelphie de Edmée de Xhavée

 

La Rinascente d'Edmée de Xhavée

 

Les promesses de demain de Edmée de Xhavée

 

Lovebirds de Edmée De Xhavée

 

La rivière des filles et des mères d'Edmée de Xhavée

 

Couronne en feu de Yannick Girouard (poème)

 

Adieu Christain Bobin, l'homme-joie

 

Avec les fées de Sylvain Tesson

 

Blanc de Sylvain Tesson

 

La panthère des neiges de Sylvain Tesson

 

Un été avec Homère de Sylvain Tesson

 

Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson
 


"Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson   

 

Passé le dernier amer, le dernier cap, la salutation des phares ...  Poème

 

Le goût de lire

 

Lorsque la poésie se pare des traits de la jeunesse - Isabelle Prêtre

 

Je vous parle d'un peuple à nul autre semblable ( Poème )

 

L'urgence approche avec ses feux ( poème)
 

François Mauriac, épistolier

 

Venise et les écrivains

 

Un itinéraire en poésie

 

Incandescence (Poème)

 

Poètes d'aujourd'hui : Yannick Girouard et Yveline Vallée

 

Premier sang d'Amélie Nothomb

 

Les coeurs inquiets de Lucie Paye

 

La littérature a-t-elle un avenir aujourd'hui ?

 

Virginia Woolf ou la magie des illusions

 

Paul-Jean Toulet ou une poésie fantasque

 

Alain-Fournier à l'heure du Grand Meaulnes et de son entrée dans la Pléiade

 

Jean-Marie Le Clézio ou le nomade mystique

 

Emmanuel Levinas ou l'autre plus que soi-même

 

Fedor Dostoïevski ou la fraternité universelle

 

Petit prélude crépusculaire  ( poème )

 

Oscar-Vladislas Milosz ou l'entrée dans le silence

 

Patrice de la Tour du Pin ou la liturgie intérieure

 

Le vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway

 

La poésie d'hier à aujourd'hui

 

L'indistincte patrie - poème -

 

Alexandre Soljenitsyne, témoin et prophète

 

 ILES ( poème)

 

Les partisans de Dominique Bona

 

Romain Gary de Dominique Bona

 

Mes vies secrètes de Dominique Bona

 

Berthe Morisot, la femme en noir de Dominique Bona

 

Je suis fou de toi - Le grand amour de Paul Valery de Dominique Bona

 

"Deux soeurs" de Dominique Bona


Le coeur révélé  ( Poème )  

 

"L'enfant qui " de Jeanne Benameur

 

Songeuse espérance

 

Quand nos amis les animaux se plaignent des trop doctes humains ( fable)

 

Marie Noël ou la traversée de la nuit - Cinquantenaire de sa mort et procès en béatification

 

Stefan Zweig ou la nostalgie de l'ancienne Europe

 

Jules de Didier van Cauwelaert

 

Le bal du comte d'Orgel de Raymond Radiguet

 

24 heures de la vie d'une femme de Stefan Zweig

 

Michel Déon ou l'invitation au voyage

 

"De l'âme" de François CHENG

 

Plus rien ne sera jamais semblable - poème

 

L'archipel d'une autre vie d'Andreï Makine

 

Qu'une étoile se lève ... ô mon Prince ! Prière

 

Yves Bonnefoy ou recommencer une terre

 

"Marcel Proust, une vie à s'écrire" de Jérôme Picon

 

Les larmes de la mer  ( poème )

 

La part de l'ange de Jean Clair

 

La primevère ( fable )

 

Enfance : les lueurs persistantes ( poème )

 

Saint Valentin - L'ombre improbable - poème

 

La société des abeilles - fable

 

Le peintre d'éventail de Hubert Haddad

 

La coccinelle et l'éléphant - fable

 

L'ombre du silence

 

On l'appelle "TERRE" - Poème

 

Les couleurs de l'enfance ou le bel été

 

Le lieu de réminiscence ( poème )

 

Baronne Blixen de Dominique de Saint Pern

 

Ensemble, nous veillerons le feu

 

Stances à la bien-aimée en ce jour de la saint Valentin

 

L'adieu

 

Parole d'ombre

 

Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit de Jean d'Ormesson

 

Histoire du juif errant de Jean d'Ormesson

 

René Depestre, une voix haïtienne

 

Roger Kowalski ou l'aube crépusculaire

 

Jean-Michel Maulpoix ou la poésie du seuil

 

Jules Supervielle ou l'enfance de l'univers

 

L'âne et le petit cheval - fable


Le Chant de Malabata  (poème)

 

Terre Promise

 

Le coeur cousu de Carole Martinez

 

Le grand Coeur de Jean-Christophe Rufin

 

Immortelle randonnée de Jean-Christophe Rufin

 

Blaise Cendrars, le poète vagabond

 

Le jardin d'incertitude - présentation  

 

Léon Tolstoï : relire Guerre et paix

 

Hannah Arendt et la banalité du mal  

 

Mélodie d'Avril  ( poèmes )

 

Bernard Moitessier ou la longue route

 

Joe Bousquet ou l'horizon chimérique

 

Marceline Desbordes-Valmore ou le renoncement

 

L'hiver des poètes  

 

Fitzgerald le magnifique entre dans la Pléïade  

 

Scholastique Mukasonga ou la quête du paradis perdu

 

L'automne des poètes

 

Le pays du lieutenant Schreiber d'Andreï Makine

 

L'art d'écrire selon Andreï Makine  

 

Andreï Makine ou l'héritage accablant  

 

Colette ou les voluptés joyeuses

 

Sandor Marai, une oeuvre crépusculaire

 

Poèmes à l'absent   

 

Réflexions sur la poésie       

    

René-Guy Cadou ou la rêverie printanière           

 

Les signes pourpres d'Armelle Barguillet Hauteloire     

 

Autoportrait à quatre mains - Channe questionne Armelle

 

Profil de la nuit, un itinéraire en poésie        

 

Gaston Bachelard ou le droit de rêver      

 

André Comte-Sponville ou le gai désespoir 

 

Alain Finkielkraut ou le coeur intelligent          

 

Jean d'Ormesson et les étrangetés du monde      

 

Le silence selon Emile Cioran


La solitude selon Emile Cioran 

 

Alexandre Pouchkine ou l'empire des mots           
 

Boris Pasternak ou l'intensité tragique           

 

Julien Gracq, prince des lettres

    

        

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8 décembre 2021 3 08 /12 /décembre /2021 09:33
Pompéi ou l'apocalypse selon Pline le jeune

Quel est l'événement qui inspira à l'apôtre Jean la description si précise de l'Apocalypse ? La question s'est posée et il n'est peut-être pas irréaliste d'établir un rapprochement entre le récit des Evangiles et le désastre survenu dans le sud de la péninsule italienne peu de temps auparavant...

 

Voici le Vésuve, autrefois verdoyant de vignes ;
Ici, le raisin doré a coulé dans les barils.
Voici la montagne que Bacchus aima plus que les collines
de Nisa, sa patrie ;
Sur cette montagne, aujourd'hui, les Satyres dansent.
Elle fut la maison de Vénus préférée à Sparte,
Ce lieu était illustre parce qu'il portait le nom d'Hercule.
Tout gît, enseveli sous les flammes et le terrible incendie !
Les dieux eux-mêmes n'auraient pas voulu que ceci leur soit attribué !

 

Ainsi parle le poète Martial dans un épigramme célèbre rédigé en l'an 88 de notre ère, relatant la terrible désolation et l'anéantissement de deux cités prospères : Pompéi et Herculanum le 25 août 79, après qu'une pluie de feu et de lave se soit abattue sur elles, sous l'effet d'une éruption d'une telle violence que le conduit volcanique fut déplacé et la morphologie du relief modifié pour acquérir celle qu'on lui connaît aujourd'hui.


Ce 25 août, à l'aube, on dit qu'une lumière sale éclairait la ville de "Misène" où demeuraient Pline l'Ancien et son neveu Pline le Jeune. La terre avait tremblé si fort durant la nuit que personne, dans la belle villa patricienne, n'avait fermé l'oeil. Soudain, la mer s'était retirée loin et des poissons avaient échoué sur les sables. Du côté du volcan, une nuée noire effrayante, puis des traînées de flammes et une épaisse fumée s'étaient mises à dévaler les pentes à la vitesse d'un torrent. Le spectacle était fascinant et l'oncle, saisissant l'importance de l'événement en train de se produire, avait demandé que l'on armât un bateau afin d'observer le phénomène de plus près. Victime de sa curiosité, il mourra asphyxié par les gaz dans les bras des deux esclaves qui l'accompagnaient, alors que son neveu, plus prudent, contemplait le spectacle à 30 km de là, voyant le cône du volcan se soulever et une colonne de cendres et de gaz, comme le tronc d'un arbre immense, s'élever jusqu'à 26 km d'altitude, créant des explosions en rafales et un grondement ininterrompu.

 

C'est l'historien Tacite qui demandera à Pline le Jeune de décrire les jours funestes dont il avait été le témoin, faisant de lui le seul et unique historien officiel de ce qui est considéré aujourd'hui comme l'une des éruptions les plus violentes de l'histoire et, de ce témoignage, le plus ancien document de volcanologie. Et qu'écrit-il en 106 après J.C. dans ses deux lettres adressées à Tacite, alors que l'univers s'assombrissait alentour et qu'il percevait les cris de ceux qui mouraient sous un déluge de pierres incandescentes ?  " Je pourrais me vanter qu'au milieu de si affreux dangers, il ne m'échappa ni une plainte ni une parole qui annonçât de la faiblesse ; mais j'étais soutenu par cette pensée déplorable et consolante à la fois que tout l'univers périssait avec moi. "
Lorsque la lumière reparut trois jours plus tard, le jeune homme découvrit un paysage inconnu, comme si tout ce qui l'environnait avait été recouvert d'un immense suaire gris et qu'il ne restait plus du volcan, jadis haut de près de 2000 mètres, que le rebord. Celui-ci sera rehaussé de 90 m lors de l'éruption de 1944 et s'élève aujourd'hui à une altitude de 1276 mètres.


Pendant dix-sept siècles Herculanum et Pompéi et leurs populations vont reposer sous cette couche de cendres, comme pétrifiées, figées à un moment précis de leurs activités et de leurs vies, n'existant plus que dans les souvenirs relatés par l'historien latin. Des fouilles seront entreprises de façon désordonnée dans un premier temps ; puis, à la vue de l'importance des découvertes, se mettra en place une organisation plus contrôlée qui permit à notre monde moderne de voir ré-apparaître, devant ses yeux subjugués, cette grande cité de Pompéi qui s'étendait sur 3 km environ, prospère, dynamique, riche de grandioses édifices publics, de temples, d'un théâtre et d'un amphithéâtre, d'avenues, de maisons particulières, d'échoppes et de boutiques, après qu'elle ait dormi intacte, à l'écart du monde vivant, sous ses sept mètres de cendres.


Cette apocalypse qui, en quelques heures, avait rayé de la carte deux villes splendides, les enterrant vives sous le feu de ses nuées ardentes, a-t-elle influencé Jean l'évangéliste, lorsqu'en 95, à Patmos, soit seize ans après l'événement, il écrivait : " Il se fit un grand tremblement de terre et le soleil devint noir comme un sac de crin, et la lune devint comme du sang. Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme un figuier, agité par un grand vent, jette ses figues vertes. Et le ciel se retira comme un livre qu'on roule ; et toutes les montagnes et les îles furent ôtées de leur place. "


Si rien ne permet d'affirmer quoi que ce soit, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement entre le texte de l'historien et celui de l'apôtre. Alors même qu'une autre hypothèse nous vient à l'esprit : cette éruption volcanique, par son ampleur et ses conséquences, ne nous rappelle-t-elle pas ce que furent, plus proches de nous, les fins atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki ? Et l'apocalypse, qui hante toujours l'imaginaire de l'homme, si elle se produisait, ne risquerait-elle pas de ressembler à cette pluie de feu et de cendres dépeinte par le témoin ?  " Déjà sur ses vaisseaux volait une cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu'ils approchaient ; déjà tombaient autour d'eux des éclats de rochers, des pierres noires, brûlées et calcinées par le feu ; déjà la mer, abaissée tout à coup, n'avait plus de profondeur." (  La mort de Pline l'Ancien racontée par Pline le Jeune )

 

Car si les séismes causés par la nature peuvent être terribles, ceux, dont l'homme menace l'homme, pourraient se révéler plus effroyables encore... Pensons aux armes chimiques, par exemple.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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29 novembre 2021 1 29 /11 /novembre /2021 09:24
Bruges-la-morte de Georges Rodenbach

 

A propos de ce livre, Christian Berg parle de « pari illusionniste », cette école littéraire qui cherchait l’illusion de l’être perdu dans une forme quelconque de supplétif. Mais ce qui m’a personnellement  attiré vers ce livre, c’est tout d’abord la ville de Bruges qui attise ma curiosité depuis qu’elle faisait partie de mon programme d’études à la faculté des lettres. Cette ville, que j’ai enfin découverte passionnément quand j’ai atteint l’âge de la retraite, assouvissant ainsi cette vieille passion. Et, par la même occasion, cette lecture m’a fait découvrir un auteur dont je ne connaissais même pas le nom. En évoquant l’œuvre de Georges Rodenbach (1855-1898), une amie, lectrice assidue, a réveillé en moi la passion que j’ai pour Bruges, cette ville que l’écrivain a qualifiée de « morte » alors que, moi, je l’ai toujours considérée comme l’expression de la vitalité flamboyante d’une région qui toisait l’Occident médiéval du haut de sa puissance et de ses beffrois. J’ai donc voulu savoir ce que Georges Rodenbach avait trouvé.

 

Bruges-la-morte, ville éteinte coincée entre son opulence médiévale que j’ai fantasmée longtemps après mes études d’histoire médiévale et l’agitation touristique que j’y ai trouvée quand je l’ai enfin découverte. Bruges-la-morte, peut-être la Bruges évoquée par Baudelaire dans « La Belgique déshabillée », - « Ville fantôme, ville momie, à peu près conservée. Cela sent la mort, le Moyen Age, Venise, les spectres, les tombeaux. Une grande œuvre attribuée à Michel Ange – Grand Béguinage. Carillon. Cependant Bruges s’en va, elle aussi. » Un cadre idéal pour planter le décor du drame qu’il se proposait d’écrire, une ville qui pouvait s’identifier à l’être adoré qu’Hugues Viane avait perdu cinq ans avant de s’installer dans ce décor. L’auteur prévient le lecteur dans son avertissement, il a choisi cette ville : « …afin que ceux qui nous liront subissent aussi la présence et l’influence de la Ville, éprouvent la contagion des eaux mieux voisines, sentent à leur tour l’ombre des hautes tours allongée sur le texte. »

 

Un jour, au hasard de l’une de ses promenade vespérales, Viane rencontre une femme en tous points semblable à son épouse décédée, il la suit jusqu’au théâtre où elle est danseuse, l’installe dans un appartement et l’admire comme il admirait son amour disparu. « Et c’est si bien la morte qu’il continuait à honorer dans le simulacre de cette ressemblance, qu’il n’avait jamais cru un instant manquer de fidélité à son culte ou à sa mémoire. » Mais l’habitude érode les apparences de la ressemblance, l’admiration s’étiole peu à peu… La Vivante n’était destinée qu’à faire survivre la Morte, tant qu’elle était à distance, mais quand elle avait voulu se confondre avec elle, sans même le savoir, elle l’avait détruite définitivement car elle ne pouvait pas prendre sa place. « La ressemblance est la ligne d’horizon de l’habitude et de la nouveauté. » La résurrection, la réincarnation, la pérennité sont impossibles, elles sont du seul domaine de Dieu qui est l’unique maître dans ce roman empreint de religiosité ; et l’illusion s’est évanouie quand le double a voulu se fondre dans son original comme quand « l’Eve future » de Villiers de l’Isle-Adam a voulu suppléer son modèle.

 

Roman d’une grande sensualité qui donne un visage humain à la ville pour l’identifier à la femme perdue qu’« Il (l’)avait mieux revue, mieux entendue, retrouvant au fil des canaux son visage d’Ophélie en allée, écoutant sa voix dans la chanson grêle et lointaine des carillons », dans une écriture élégante, poétique, lyrique, qui soutient le drame et accompagne sa montée, représentative de son époque au contour du XIXe et du XXe siècles. Même si la « mélancolie de ce gris des rues de Bruges où tous les jours ont l’air de Toussaint », inonde ce roman d’une brume chère aux auteurs de ce mouvement littéraire, Bruges restera toujours, pour moi, une ville magique aux charmes comparables seulement à ceux qui parèrent la belle que Viane cherchait dans son double. Et avec Pierre Selos je me souviens :

 

« Et j'entendais le carillon de Bruges

Le carillon de Bruges

Monter dans le matin

Et j'entendais le carillon de Bruges

Le carillon de Bruges

Au lointain »

 

 

 

Denis BILLAMBOZ

 

 

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24 novembre 2021 3 24 /11 /novembre /2021 10:00
Venise et les écrivains

 

Elle les a inspirés presque tous, les poètes et les écrivains, venus des quatre coins du monde pour que leurs mots disent à leur tour ce que cette muse unique au monde ne pouvait manquer de leur dicter. La littérature vénitienne commença, il y a plus de sept siècles, dans une geôle génoise : c'est là qu'en 1295 Messire Marco Polo, citoyen de Venise, croupit en attendant sa libération et trompe son ennui en couchant par écrit le récit de son épopée en Orient qui le mena jusqu'à la cour du grand Khan, empereur des Mongols. C'est ainsi que naît "Le livre des merveilles". Depuis lors, les écrivains vont se suivre sans se ressembler, fascinés par la cité et les mystères qu'ils y devinent. On pourrait presque - parodiant le titre d'un récent ouvrage - écrire Venise ou la tentation de l'écriture. Chacun d'eux aura sa propre vision de la Sérénissime. Ainsi Dante, fasciné par celle infernale de l'Arsenal, Petrarque séduit par les institutions et la beauté de la cité des eaux, un mirage qui tient ses promesses, Commynes éblouit par le Grand Canal et ses palais qu'il décrivait : " la plus belle rue que je crois qui soit en tout le monde, et la mieux maisonnée". Il est vrai que le mirage vénitien a de quoi enflammer l'imagination. Peu de temps après lui, Montaigne sera saisi par le spectacle de la place Saint-Marc, l'Aretin qui, arrivé à Venise en 1527 et tient son nom de sa ville natale Arezzo - y rédigera et y fera imprimer "Le maréchal " et "La courtisane" qui figurent parmi les comédies les plus réussies du XVIe siècle. L'Aretin sut, en effet, utiliser de manière vivante la langue dite "vulgaire" et la mettre au service d'une indéniable liberté de pensée et d'action. C'est à partir de cette époque que Venise devient un centre important de l'édition du livre, ne comptant pas moins de plusieurs centaines d'éditeurs auxquels, désormais, une foule d'auteurs vont proposer leurs manuscrits.

 

Mais c'est plus précisément le théâtre qui passionne les Vénitiens. Il y a pléthore de spectacles et presque tous sont des produits du cru. Son plus illustre représentant sera Carlo Goldoni, auteur prolifique, qui introduit dans la tradition populaire son sens aigu de l'observation et ses personnages hauts en couleurs, comme son "Arlequin, valet de deux maîtres" qui peut être considéré comme l'exemple type du divertissement vénitien de l'époque. Un autre orfèvre en la matière sera Giacomo Casanova (1725 - 1798) qui, entre deux rendez-vous galants, trouvait le temps de rédiger d'intéressants mémoires, tandis que Goethe viendra y rêver un moment mais préférera Rome à la Sérénissime et que Shakespeare y mettra en scène son "Othello" et "Le marchand de Venise".

 

L'ère du libertinage achevée, c'est une Venise tout différente, passée aux mains des Autrichiens après le traité de Campoformio (1797) que les romantiques vont découvrir. La cité des merveilles est à l'abandon, les splendeurs des siècles précédents sont oubliées, les lampions de la fête permanente éteints, Venise est exsangue. Mais cette cité funèbre n'en reste pas moins attirante. Chateaubriand y vient en 1806 et écrit : "que ne puis-je m'enfermer dans cette ville en harmonie avec ma destinée, dans cette ville des poètes, où Dante, Pétrarque passèrent". Lord Byron, qui y séjourna plusieurs années et y mènera une existence fort tapageuse, fera passer dans son oeuvre, principalement dans "Childe Harold et Beppo", la noire et magnétique poésie de la cité lagunaire. Les Anglo-Saxons, qui se plaisent lors de leur voyage d'études artistiques à faire halte à Venise, seront nombreux à la décrire. Ce sera le cas d'Elisabeth et Robert Browning, de Charles Dickens et, plus particulièrement, de l'historien d'art John Ruskin qui, le premier, dans "Les pierres de Venise", disserte longuement sur l'architecture gothique de la ville. Madame de Stael trouve Venise éblouissante, George Sand, qui y vit des amours tumultueuses avec Alfred de Musset à l'hôtel Danieli, nous plonge dans la douceur des clairs de lune sur le Grand Canal, comme le fera Théophile Gautier. Taine et Stendhal, ainsi que les frères Goncourt, ne seront pas en reste pour écrire des pages élogieuses sur les incomparables beautés de Venise et de sa lagune, alors même que Henry James avec "Les carnets d'Asper Jorn" et "Les ailes de la colombe" l'élève au rang de mythe littéraire. Quant à Gabriele d'Annunzio, il lui consacrera quelques-unes de ses plus belles pages. D'autres verront la mort s'y profiler. C'est Balzac qui, en 1837, écrit : "cette pauvre ville qui craque de tous côtés et qui s'enfonce d'heure en heure dans la tombe". Ce thème de l'inévitable disparition sera repris par Barrès et Zola, ce dernier notant que ce qui a fait sa force, son isolement au milieu des flots, fera demain sa faiblesse et sa mort. Et nous en venons à  "La mort à Venise", titre du roman de Thomas Mann, celui qui communique au plus haut point ce sentiment de lente désagrégation. La quête funèbre de Gustav von Aschenbach illustre un des aspects de Venise les plus sombres et les plus désenchantés.

 

Plus proches de nous, à l'aube du XXe siécle, on croise dans les calli le souvenir de Marcel Proust dont j'ai déjà parlé (voir mon article : Proust et Venise), Henri de Regnier qui y rédige "L'Altana ou la vie vénitienne", André Suares et son "Voyage du condottiere", Ezra Pound et son "Cantos", Ernest Hemingway et son "Au-delà du fleuve sous les arbres" qui aimait séjourner dans l'île de Torcello ou consommer un montgomery (cocktail à base de martini) au Harry'bar au bord du Grand Canal. Il y a, d'autre part, parmi les célébrités, James Hadley Chase et son "Eva", Daphné du Maurier et "Ne vous retournez pas", Paul Morand, l'homme pressé qui ne dédaignait pas s'y attarder et rédigea son "Venises", Marcel Schneider et "La fin du Carnaval", Hugo Pratt et sa "Fable de Venise", Frédéric Vitoux qui l'évoque dans "Charles et Camille", enfin André Pieyre de Mandiargues et Philippe Sollers, sans oublier Jean d'Ormesson et "La douane de mer", qui ne passait pas une année, je crois, sans aller y ressourcer son imaginaire. La belle ne manque pas d'admirateurs, elle que certains virent semblable à un vaisseau à demi englouti dans les eaux, d'autres comme une inépuisable et impérissable inspiratrice à laquelle ils ne cessent de rendre vie et jeunesse par la grâce et la ferveur de leurs mots.

 

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Marcel Proust à Venise

 

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10 novembre 2021 3 10 /11 /novembre /2021 09:31
Le Chant de Malabata -  Final - Edition Les Cahiers Bleus/librairie Bleue (2001)

Cette seconde publication du "Chant de Malabata",  faite par Les Cahiers Bleus/Librairie bleue de Dominique Daguet en  juin 2001, comprend ce final que j'ai ajouté à la suite du premier poème publié en 1986 par les éditions "Le pont de l'Epée" de Guy Chambelland et qui fut couronné par l'Académie française l'année suivante.
 


MALABATA

Quelle est cette voix qui me hèle,
quelles sont ces lèvres qui me nomment,
alors que nul ne connait mon nom ?
Y a-t-il autre psalmiste que le vent
sur cette aire offerte au labour du temps ?
Non, cette voix vient d’ailleurs,
elle est battement de cœur et de ferveur
et aucun mot ne peut traduire ce que j’entends.
Erreur, de t’avoir trop longtemps contestée,
m’a conforté en toi et voici que j’avance
tel le puisatier en quête de silence.
(Seul le pèlerin connaît le lieu où il se rend.)
Ah ! les églises pleines de lampes et de cierges
et de mots laissés en attente,
légers et inconsistants comme l’encens !
Ces prières, ces plaintes, ces chants
contenus que les lèvres,
ces têtes inclinées que j’aime,
cela auquel je crois,
que j’effleure de mes mains,
icônes pâlies par les caresses.
Perce l’ultime rayon de connaissance,
l’ailleurs pénètre au plus profond du réel.
Enfin je me redresse.
Mon pas n’est plus pour les seules migrations terrestres,
mon regard pour les seuls horizons humains.


Le Chœur :


Mais toujours nous aurons ces visages et ces larmes
et ces mains désertées dans l’attente du soir.

 

Le Récitant :


Alors, devant la Face de Dieu, le silence,
le grand, le vrai, l’intransgressable silence,
qui du haut des hauteurs
domine encore de haut ces hauteurs,
de ce silence, plus enclos en lui-même,
qu’en ses pétales la fleur.
Un silence qui, d’un pôle à l’autre,
a tout empli et tout comblé,
aile tendue comme voile sur l’océan
et le souffle arrache ce qui est épars.

Alors, devant la Face de Dieu,
la juste mesure,
l’homme contenant et contenu,
plein de son propre silence,
univers sans poids, ni altitude,
voyageur revenu du plus lointain exode,
de la planète la plus éloignée
de celles qui sont au loin,
de la planète grise et plus grise encore
dans la multitude des autres.
Homme pour qui et par qui
Dieu acheva la Création,
homme pour lequel  Il n’achève pas de la recréer ;
le plus aimé du seigneur,
lui le premier et qui s’en vient le dernier,
lui pour qui tout se donne et rien ne se retire,
conquérant et preux chevalier,
voué à la disgrâce du trépas.

Ô ami trop aimé,
avec qui Dieu partagera-t-il sa souveraineté,
sinon avec toi, homme deux fois nommé ?
Ton étoile était bien petite en ton exil,
aussi vaste sera-t-elle vaste la terre promise.
Que le temps fut long en ton absence,
pécheur égaré en des tâches mesquines.


Et voilà l’achèvement,
homme encore et toujours recommencé,
n’est-ce pas en toi que finit l’infini ?
Faiblesse et faute en Dieu,
grandeur et plénitude en LUI.
Tu entres dans le silence de l’Esprit
et dans l’incandescence de ce silence
comme en une eau baptismale.
Vois le Maître qui, à ton devant s’avance,
homme du plus long entravement,
sur la nef que guident les vents,
tu remontes le fleuve au Levant
et au port l’Hôte t’attend …


Le Chœur :


Alors, nous serons à la pointe extrême de la terre,
au-delà de l’au-delà même,
en ce lieu où il n’y a plus de jointure,
et de nos bouches montera le chant du poème,
jusqu’à tes assises, ô Seigneur juge,
que tu tiens éternellement,
ce chant d’humanité plénière,
ce chant, ce dernier chant jusqu’à Toi,
cette dernière prosodie, cette dernière psalmodie jusqu’à Toi,
cette dernière prière jusqu’à Toi,
et sur la face de la terre,
où si longtemps se croisèrent nos errances,
Seigneur,
il n’y aura plus que le flot du verbe qui revient à Toi,
ce flot condensé où les mots sont vagues articulées,
ce flot vers Toi remonté,
comme cours du fleuve à sa source,
comme chatoiement  du vent à son cap.

 

Armelle B.Hauteloire  (Extraits du « Chant de Malabata » version 2001 publié par les Cahiers Bleus/Librairie Bleue


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7 novembre 2021 7 07 /11 /novembre /2021 10:37

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" Et sur cette mer figée, soudain, une caravelle de vie et d'espérance immobilisée là depuis des siècles."

 

Il y a d'abord le désert, un monde minéral, surprenant, qui déploie à l'infini ses entablements rocheux, ses monts sculptés, ses pistes caillouteuses ou ses bombements de sable qui prennent au soleil la couleur de l'or et du feu. Etrange, fabuleux labyrinthe en plein vent, où, il y a de cela très longtemps, Dieu parlait à l'oreille de Moïse. Oui, terre originelle que les siècles n'ont point changée et qui semble nous offrir, dans le silence et la solitude, un cliché véridique de ce que fût, au commencement des temps, l'aurore du monde. Est-ce donc ici que tout commence ou que tout finit ?  Est-ce ici que nous est présenté la géologie primitive de notre planète, sa face immémoriale que le passage des siècles n'est pas parvenu à changer ? Car, en ces lieux, règnent le chaos, celui qui présida à la naissance de la terre, avant que l'homme ne vienne y inscrire son oeuvre personnelle. C'est sans doute l'absence de civilisation qui frappe, parce que rien du quotidien de l'existence humaine n'y est visible. La route est comme une piste, celle que quelques nomades empruntent (on en recense 80.000) pour le traverser à dos de chameaux et que l'on surprend, de loin en loin, fragiles esquifs dans cette mer de sable et de pierre où la température peut atteindre les 50°. Mer figée, immense à parcourir. On imagine ce qu'éprouvèrent les enfants d'Israël errant quarante ans dans ce territoire inhospitalier où la nature a oublié de sourire !  Par chance, le Sinaï est resté à l'écart des invasions touristiques, encore préservé des migrations contemporaines, d'où la sensation exaltante de pénétrer en un désert, mythique pour les uns, mystique pour les autres.

 

Néanmoins, le Sinaï est, depuis les temps les plus reculés, un carrefour important, une porte entre l'Afrique et l'Asie et un pont entre la Méditerranée et la Mer Rouge. Au XVIe siècle avant notre ère, les pharaons avaient construit la route de Shur qui les menait jusqu'à Beersheba et Jérusalem. Les Nabatéens, puis les Romains, utilisaient, quant à eux, une autre voie que l'on nomme aujourd'hui Darb-el-Hadj, ce qui signifie "route des pèlerins". Malgré son aridité terrifiante, le Sinaï surprend ses rares visiteurs par sa beauté. Si la terre ne se prête pas à l'agriculture et si les Bédouins n'y survivent que grâce aux palmiers-dattiers, aux légumes qui poussent autour des points d'eau et à leurs troupeaux qui paissent sur les collines, elle n'en est pas moins grandiose. En dehors de ces quelques vies humaines, elle appartient au loup et au renard, la hyène et la chèvre sauvage, l'aigle et la gazelle. Car elle ne semble être là pour personne, que pour elle-même...

 

Quelle route fut celle des enfants d'Israël, en ce territoire sévère et hostile, quand ils quittèrent l'Egypte pour se rendre à Canaan sous la conduite de Moïse ? Bien que le tracé exact soit controversé par les érudits, il semblerait que celui-ci, une fois la Mer Rouge traversée, passait par Elim (ce que l'on pense être l'actuel El-Tur) avec ses 12 puits et ses 70 palmiers, puis par la plaine d'Ebran (Wadi Hebran) et, ce, jusqu'au Mont Horeb, où il leur avait été demandé de fonder une organisation religieuse et sociale. Tandis que notre car progresse, soudain nous apercevons, dans une étroite vallée pierreuse, les murs de la forteresse monastique construite par l'empereur Justinien au VIe siècle et qui est devenue le monastère Ste Catherine, au pied du Mt Moïse. A l'intérieur de l'enceinte, qui conserve sa silhouette primitive, et ne fut jamais, au cours des siècles, ni conquise, ni détruite, se regroupent des constructions d'époques diverses, dont une église, une mosquée, un musée, une bibliothèque, un ossuaire et les bâtiments conventuels du plus vieux monastère chrétien élevé à l'endroit précis où Dieu se serait révélé à Moïse dans le miracle du Buisson Ardent.


Les premiers moines vécurent dans une extrême pauvreté et certains furent victimes des nomades maraudeurs jusqu'au moment où ils envoyèrent une requête à Médine en 625 pour demander à Mahomet sa protection politique. Celle-ci leur fut accordée et la preuve en est toujours visible grâce à un document (l'original se trouve en Crète) que Mahomet en personne signa avec la paume de sa main. On raconte qu'il séjourna au monastère alors qu'il était encore marchand, ce qui est plausible, le Coran mentionnant les lieux sacrés du Sinaï. Si bien que lors de la présence ottomane dans la Péninsule, le monastère fut épargné. La Mosquée, construite vers le Xe siècle, est là pour rappeler que le Sinaï est aussi un carrefour des religions. D'ailleurs, à l'intérieur de l'enceinte, on croise autant de Chrétiens que de Musulmans ou de Juifs, venus en famille avec leurs enfants, se recueillir et admirer les pièces rares que recèle le musée, dont des icônes de la période byzantine (du  IVe au Xe siècle) réalisées selon la technique de la cire fondue. La plus belle, selon moi, est un Christ Pantocrator de la fin du VIe siècle qui plonge son regard dans le vôtre comme s'il lisait au plus profond de vous. Saisissant !

 

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 Christ Pantocrator du musée Ste Catherine du Sinaï


Le musée contient également de très beaux objets du culte comme une mitre en vermeil datant de 1678, don de la Crète, et un somptueux reliquaire de la même provenance, ainsi que des vêtements sacerdotaux et une bibliothèque réputée comme la plus grande et la plus importante après celle du Vatican. La pièce d'exception est le Codex Syriacus que l'on date du milieu du IVe siècle et qui est considéré comme le manuscrit le plus précieux au monde. Malgré les merveilles qu'il abrite, le monastère frappe par sa simplicité. Tout y reflète le calme, tout y est imprégné de recueillement. On peut vraiment dire qu'ici le temps suspend son vol. Plus loin, le jardin s'étend comme un long triangle et forme une véritable oasis au milieu des montagnes abruptes. A force d'efforts, les moines, appartenant à l'Eglise grecque orthodoxe, sont parvenus à faire pousser quelques palmiers, des plantes aromatiques et médicinales. A l'est,  se trouve une colline où vivaient Jethro et ses sept filles, dont l'une devint l'épouse de Moïse. De là, on aperçoit deux sommets : celui de Moïse ou Sinaï ou Saint Sommet ou encore Mont Horeb selon la Bible, qui culmine à 2285m et celui de Sainte Catherine (2637 m), du nom de cette jeune fille née à Alexandrie qui tint tête à l'empereur Maxence au début du IVe siècle. L'empereur, ayant donné l'ordre à cinquante sages de lui faire adjurer sa foi chrétienne, la jeune fille réussit à les convertir par la force de ses arguments. Sous la torture, au lieu de plier, son courage et ses convictions eurent pour conséquence de subjuguer l'impératrice elle-même et quelques-uns des membres de la Cour. Ses restes, retrouvés non loin du monastère par un religieux, font dorénavant l'objet d'une vénération et reposent dans un reliquaire au coeur de l'église.
Il est midi, les cloches sonnent, joyeux carillon au coeur de cette sévérité. Notre dernière visite sera pour la chapelle du Buisson Ardent de style byzantin. En cet endroit, le pèlerin entre en se déchaussant, en souvenir du commandement de Dieu à Moïse : " Ote les sandales de tes pieds, car l'endroit où tu te trouves est saint ". Fait inhabituel, l'autel n'est pas érigé au-dessus de reliques, mais sur les racines du Buisson. Dans l'abside, la mosaïque de la Transfiguration est la plus ancienne d'Orient. Quant au buisson, il pousse toujours à quelques mètres de la chapelle où il a été transporté. C'est le seul buisson de son espèce dans la péninsule du Sinaï.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE    (Photos Yves Barguillet lors de notre voyage en 2013)

                       

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Le monastère Sainte Catherine
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Le désert du Sinaï

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Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
Différemment des notes et des couleurs qui touchent d'abord notre sensibilité, ils ont vocation à transmettre, informer, émouvoir, expliquer, séduire, irriter, formuler les idées, forger les concepts, instaurer le dialogue.
Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

Veux-tu vivre heureux ? Voyage avec deux sacs, l'un pour donner, l'autre pours recevoir.
   Goethe

 

 MES DERNIERS OUVRAGES PUBLIES ( cliquer sur l'icône pour accéder à leur présentation )

 

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