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29 avril 2016 5 29 /04 /avril /2016 10:24
Cette nuit la mer est noire de Florence Arthaud
Cette nuit la mer est noire de Florence Arthaud

J’ai toujours eu pour elle une immense admiration. Son courage, son énergie, son insolence, son panache, tout en elle provoquait mon enthousiasme. Sa mort brutale, le 9 mars 2015, dans un accident stupide d’hélicoptère avec d’autres jeunes champions, m’avait bouleversée. Aussi ai-je lu son livre,  « Cette nuit la mer est noire », publié un an après sa disparition, avec émotion et un intérêt grandissant tant il est rédigé avec naturel, simplicité et talent. On y retrouve Florence dans toute sa spontanéité et son intelligence, sa gentillesse aussi, sa passion absolue pour le grand large mais également son amour des siens et de la nature, sans oublier son chat Bylka qui restera seul sur son bateau à la dérive pendant 24 heures. Nous sommes le 29 octobre 2011, Florence fête ses 54 ans et a envie d’être seule en mer pour cette occasion. C’est ainsi. Ce soir-là, elle est en Méditerranée,  au large du Cap Corse et navigue  en direction de Marseille. Subitement, une vague va la renverser alors qu’elle se trouve à  l’arrière du bateau dans une position…délicate.

 

« J’ai basculé en une fraction de seconde. Je suis dans l’eau. Il fait nuit noire. Je suis seule. Je tourne la tête en tous sens, instinctivement. Je vois mon bateau qui s’éloigne. Je cherche un repère. Une lueur. Un objet. Un signe de vie. Rien. Je suis absolument seule. Isolée dans l’immense masse sombre et mouvante de la mer. Dans quelques instants, la mer, ma raison de vivre, va devenir mon tombeau. »

 

Ces terribles instants, où elle va lutter pour survivre, feront remonter à sa pensée les moments clés de son existence qu’elle évoque avec beaucoup de spontanéité dans ce livre-mémoire qui nous touche d’autant plus que la mort ne lui laissera que trois années et demie de sursis, avant de la rattraper. Elle revenait de deux mois de navigation qui l’avait conduite à Ibiza, puis à Alger, enfin à Carthage et à Rome. C’est alors l’accident, l’effroi, l’eau noire.

 

« La  peur que j’éprouve n’a rien des frayeurs que je rencontre en course. Ces frissons-là, ces montées d’adrénaline,  je les recherche ! Sur les océans, même déchaînés, on reste projeté vers cet horizon qui, invisible ou non, signifie la vie, l’existence intense, limpide, et sans aucun doute l’éternité. Si je n’avais eu cet amour des grands frissons, je serais restée chez moi, j’aurais pris un travail comme tout le monde. Et j’aurais fait du tricot. »

 

Le goût de la mer, Florence l’a éprouvé dès l’enfance où, en compagnie de ses deux frères, son père l’emmenait en Méditerranée à bord de son voilier. D’autre part, ce père éditeur lui aura permis de rencontrer les plus grands marins du monde et de les écouter narrer leurs histoires, leurs démêlés avec les océans, leurs tours du monde à la voile. Quelle meilleure initiation ? Si bien que la jeune fille de bonne famille, éduquée chez les religieuses, quittera à 18 ans le domicile familial, en laissant un petit mot d’adieu sur son oreiller, pour connaître à son tour le grand frisson de l’inconnu et, à force de volonté, de se forger un destin. On se souvient de son arrivée en Guadeloupe en 1990 à bord de son « Pierre Ier », victorieuse de cette Course du Rhum mythique où elle parvint  à laisser assez loin derrière elle ses concurrents, tous des marins chevronnés, alors qu’elle portait une minerve et avait été victime d’une hémorragie. Quelle arrivée ! Une femme pour la première fois victorieuse d’une telle course !

 

«  Malgré la minerve, l’hémorragie, la panne de pilote automatique et l’absence de radio, j’ai gagné cette Route du Rhum 1990, dans des conditions où j’aurais pu abandonner mille fois, dès le départ. J’avais senti, je sentais qu’il n’y avait qu’une seule chose à faire, précisément : gagner cette course.  (…) Unie par toutes mes fibres à mon bateau et à l’océan, je vivais mon destin ».

 

Cet exploit magnifique, quasiment inimaginable, la faisait entrer d’emblée dans la légende des océans et la baptisait « La petite fiancée de l’Atlantique ». Ses amis marins se sont inclinés avec admiration devant cette prouesse, les Poupon, Kersauson, Lamazou, Péron et quelle est la femme qui n’a pas été fière de voir cette frêle jeune fille prouver aux hommes qu’elle pouvait avoir les mêmes capacités qu’eux, la même intelligence, la même persévérance, la même audace à vaincre le danger et à s’affronter au plus redoutable des éléments ? Une course est aussi une stratégie. Il faut user de feeling et jouer à qui perd gagne avec les probabilités, ruser avec la houle et les vents, choisir les bons angles d’orientation, être un stratège habile avec les vagues. Oui, naviguer est un art difficile et, sans nul doute, Florence Arthaud était un grand marin. Elle avait un sens inné de la mer, elle savait comment l’affronter, comment surmonter ses colères et ses caprices, comment s’y maintenir et s’y conduire.

 

« Comme toujours, je voulais être seule sur mon bateau. Profiter de cette intimité avec les vagues et l’infini du cosmos. La beauté de cette solitude ne peut être décrite que par ceux qui la vivent. Beauté de ce décor sauvage, beauté de la liberté goûtée ici sans entraves, beauté de ces moments magiques où le temps n’existe plus et où les rêves peuvent devenir réalité. »

 

Toujours prisonnière des eaux noires en cette nuit du 29 octobre, Florence ne devra la vie sauve qu’à son portable retrouvé dans la poche de sa veste de quart. Par miracle, il est étanche. Ainsi, peut-elle joindre sa mère, qui prévient son frère et le Cross de Toulon (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage). Celui-ci fera diligence et parviendra à la sauver in extremis car, autre miracle, Florence avait relevé sa position juste avant de tomber à l’eau. Si bien que l’hélicoptère la repère assez aisément. Cette nuit, la mort n’a pas voulu d’elle. Florence va retrouver son bateau et son chat Bylka, sa fille Marie, sa mère qui, au téléphone, avait bien cru assister à la mort de sa fille en direct.

 

« Aujourd’hui, j’ai conscience que j’aurais pu – que j’aurais dû – mourir et cela me touche profondément. C’est sans doute ce qui m’oblige à témoigner. Vivre pour moi-même, franchement, je m’en moque. (…) Ce salut m’a été donné, je le ressens comme une deuxième vie qui m’est offerte. »

 

Pas pour longtemps hélas ! Mais quel bel exemple de vie, quel beau parcours hors norme, que de rêves et d’enthousiasmes suscités par cette femme qui aimait la houle, les grands horizons, les hommes et femmes de bonne volonté et les chats.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 08:06
Les larmes de la mer

 

Si le ciel vire ses voiles,
vous saurez que les navires, partis à l'aube,
ont ouvert des voies d’eau sur l’infini,
que les hommes voguent vers la haute mer,
qu’ils reposent au fond des cales, sous des bâches,

la tête pleine de chimères.
Vous connaîtrez l’angoisse, l’obsession,
quand tout se tord et se tend,
que tout s’exaspère,
que les cordages lâchés se lovent sur les ponts.
L’air saturé d’étoiles est un miroitement sans fin.

 

 

Dans cette pénombre,
des signaux brefs nous disent
qu’ailleurs est un espace familier et meilleur,
au loin, alors qu’un cap se profile,
notre faim s’accroît d’un dernier désir.
Les marins, l’oreille en alerte,

surprennent le bruit sourd des vents qui remontent à leur base.
Désormais, n’y-a-t-il plus d’attente à espérer ?
Ce continent nous restera-t-il inconnu ?
Où mener notre course sans céder, sans faiblir trop vite ?

 

 

Ecoutons respirer les éléments,
voyons le ciel se mouvoir.
Qui s’avance, qui va dans la nuit ?
Il y a mieux à faire que de dormir. Veillons !
Tenons-nous à la proue, droit, le visage impérieux.
Force nous est de scruter, d’imaginer des contrées
où s’honoreraient des bêtes mythiques.
L’oiseau passe qui annonce un continent proche, une terre sauvage.

 

 

Reflet qu'un chemin de solitude propage,
demain nous apprendra que la fin est proche,
que le jour tarde à se lever.
Il hésite à la frontière des mondes.
N'est-ce pas des galaxies qui neigent dans l'univers,
n'est-ce pas l'éclipse qui s'accomplit avec majesté ?
Il faut se refuser à la médiation,
accepter que la route aboutisse ou bien reprendre l'océan.

En Atlantique, rien ne meurt vraiment.
Il y a une vérité à comprendre,
un chemin de halage à emprunter.
J’ai soif ! Quel océan pour m’abreuver,
quelle terre pour, à son terme, accueillir mon voyage ?
Je ne connais que l’illusion de l’apparence,
que son destin tragique.

 


La nuit sur tous les fronts.
Elle gave la terre, un limon putride tapisse les ruisseaux.
Le ciel germe ses feux. L'éclosion d'une flamme assemble les cris.
On brise les sceaux de tout un peuple,
on saccage les villes bâties à la hâte sur des éperons rocheux.
L'Atlantique est une contrée au-delà du possible.
D'étranges choses s'y passent.
On ne lève pas l'ancre pour s'affranchir 
mais pour se porter secours.
Celui qui revient porte son deuil.
De là où je suis, je prends en compte l'éternité.
Avec elle, je dérive, je l'étarque fort,
je la mène vers ce point que je refais chaque jour,
à chaque heure. Un point qui sursoit ma vision.

 

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  (Extraits de  Profil de la Nuit )

 

 

 

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Les larmes de la mer
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26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 09:28
La maison de famille proche de Meung-sur-Loire

La maison de famille proche de Meung-sur-Loire

Lorsque j’étais enfant, la fête que je préférais, en dehors de Noël, était la fête de Pâques. Je crois même que j’avais un faible pour elle. Bien que j’appréciais le sapin décoré et semé de flocons de coton, le feu dans la cheminée, les cadeaux étagés autour des souliers au petit matin et la crèche attendrissante, Pâques avait le privilège de correspondre avec le renouveau de la nature, le retour dans la maison de campagne, qui avait été fermée durant l’hiver, et que nous allions ouvrir grâce au retour du soleil printanier. Quitter Paris pour une dizaine ou une quinzaine de jours était  un événement que j’attendais depuis des mois et qui supposait une immersion totale dans ce que j’aimais le plus : le jardin, les fleurs, l’autorisation de vivre au gré de ma fantaisie, de retrouver le parc et ses arbres centenaires, la rivière des Mauves qui serpentait nonchalamment au pied de la demeure. Comment n’aurais-je pas été enthousiaste et ravie à la seule pensée de renouer avec ce monde végétal que j’appréciais plus qu’aucun autre, en compagnie des oiseaux qui préparaient patiemment leurs nids et accordaient leurs voix, avec les amples espaces qui ne cessaient de solliciter  mon regard, enfin avec cette bonne odeur de terre qui germait en silence. Le rendez-vous s’annonçait chaque année sous les meilleurs auspices.

 

Mes parents préparaient l’automobile la veille au soir et la chargeaient de l’indispensable, ce qui était suffisant pour que nous ayons l’air d’effectuer un véritable déménagement. Pour ma part, je n’emportais que peu de chose. J’avais laissé dans un placard les quelques vêtements nécessaires à mes vagabondages et les vacances de Pâques étaient trop courtes pour que je sois astreinte à des devoirs de vacances. N’était-ce pas la liberté à plein temps, l’assurance d’organiser mes journées selon les caprices de mon imagination ?

 

A peine le portail s’ouvrait-il sur le paysage bucolique que j’avais déjà oublié les rigueurs du collège, les rues parisiennes et leur agitation, le macadam qui privait la végétation de tout espace de liberté, les horaires strictes, les obligations scolaires et que la seule vue des coucous parsemant le gazon, de la grive musicienne répétant ses gammes, de la pie préparant laborieusement son nid, oui, je devenais autre, je n’avais plus rien en commun avec la petite élève appliquée et austère. Quelque chose d’irrépressible jaillissait soudain de moi, j’aurais voulu tout embrasser, tout étreindre : le ciel d’un bleu tendre, la rivière murmurante et discrète, les champs au loin qui portaient la promesse des moissons, l’éclat des bourgeons qui timidement venait ressusciter l’architecture dénudée des arbres et des bosquets. C’était un lien fusionnel qui s’établissait alors entre cette nature en train de se reconstruire et mon enfance qui progressivement s’éveillait au monde, en découvrait les mystères infinis, les ressources insoupçonnées, les sublimes réalisations.

Les ruines de l'abbaye du Rondonneau

Les ruines de l'abbaye du Rondonneau

Cette soudaine intimité rurale éveillait ma curiosité : les vaches à traire, le cheval à rentrer du labour – tous les paysans n’avaient pas encore de tracteurs – les premiers légumes à ramasser, les  plantations à prévoir, les arrosages à assurer, les végétaux à tailler ; oui, tout me séduisait de cette vie qui imposait ses rythmes, de cette nature qui ne cessait d’alterner ses spectacles. La maison de nouveau habitée et chauffée, les enfants avaient quartier libre. Nous pouvions gagner les bois pour d’interminables parties de cache-cache, sauter dans une barque pour se laisser glisser dans les méandres de la rivière, préparer un goûter dans la petite cabane où nous avions un vieux fourneau à notre disposition ou bien inventer un jeu de piste, partir à travers champs à la découverte de la tour fantomatique du château des Touannes  qui levait en moi toutes sortes de rêves de princesse oubliée et d’amours sacrifiés. Mes cousins et cousines étant plus âgés, je courais à leurs basques ne voulant pour rien au monde être exclue de leurs jeux, d’autant que mon imagination, plutôt féconde, me valait de les surprendre en maintes occasions. Je leur proposais de partir en quête de personnages de légende que les ruines voisines ne pouvaient manquer d’évoquer. N’avions-nous pas ici, au Rondonneau, le départ de plusieurs souterrains qui, jadis, reliaient la petite abbaye à Cléry et la guerre de cent ans n’avait-elle pas laissé des traces dans les environs tout proches d’Orléans et de Patay qui se rappelaient le passage de Jeanne d’Arc ? Et que dire du château de Meung-sur-Loire qui, en 1461, avait  compté le poète François Villon parmi ses prisonniers. Comme la propriété appartenait, à l’époque, à une famille, j’étais parfois conviée par la fille aînée qui, à l’aide d’une torche électrique, m’invitait à descendre visiter les prisons, ce qui provoquait en moi des frissons de terreur. On y voyait encore les chaînes des prisonniers, des outils de torture, de quoi nourrir pour plusieurs mois une imagination enfantine. On sait que la lugubre réputation de ces cachots n’a eu d’autre cause que la dureté des détentions qui provoqua la mort de nombreux prisonniers. On sait aussi que le passage du pont de Meung a marqué le début de la victoire définitive de la Pucelle sur l’occupant anglais. Elle est relatée comme suit par un chroniqueur de l’époque : « Et alors de Duc Jean II d’Alençon, comme lieutenant général de l’armée du roi, accompagné de la Pucelle, de messire Louis de Bourbon, comte de Vendôme, d’autres seigneurs, capitaines et gens en armes en grand nombre tant à pied qu’à cheval, partirent d’Orléans avec une importante quantité de vivres, de charrue et d’artillerie, le mercredi 15 du mois de juin, pour aller mettre le siège devant Beaugency mais en voyant le pont de Meung-sur-Loire combien les anglais l’avaient fortifié et fortement défendu par des  vaillants combattants, qui tentaient de le défendre. Malgré cette défense, le pont fut pris dans l’assaut, sans guère retarder l’armée. »

Le château de Meung-sur-Loire et ses fameuses prisons
Le château de Meung-sur-Loire et ses fameuses prisons

Le château de Meung-sur-Loire et ses fameuses prisons

Par ailleurs, ma familiarité avec les animaux s’est évidemment intensifiée à les côtoyer de si près. Ce fut néanmoins une initiation difficile avec ses joies et ses chagrins. Le premier de ces chagrins eut lieu alors que j’accompagnais Renée, notre employée de maison, qui venait de capturer une poule. Je ne comprenais pas très bien ce qu’elle allait faire et fut épouvantée lorsque je la vis suspendre dans la buanderie l’animal par les pattes, sortir un couteau et lui couper la gorge. Je me mis à hurler en voyant la pauvre bête battre des ailes avant de se raidir. Et bien quoi ? – me dit Renée, si tu aimes manger de la poule, il faut bien la tuer et la plumer. C’est seulement alors que j’ai fait la relation entre la souffrance de l’animal sacrifié et le plaisir que je prenais à savourer une aile ou une cuisse dorée à point. Cette prise de conscience fut un véritable choc. Bien entendu, lors du déjeuner du lendemain où la pauvre poule était servie sur un plateau, je susurrais que je n’avais pas faim. Tu n’as pas faim ? - s’étonna ma mère. Mais tu as couru toute la matinée, tu dois avoir de l’appétit ou bien tu es malade ? Je fis donc semblant d’être malade. Mais cela ne pouvait durer. Il fallut que je m’habitue à cette réalité brutale. La vie n’est faite que de cela. Et l’apprendre suscite autant d'affliction que de résignation. Ainsi les vacances de Pâques voyaient-elles alterner les effrois et les émerveillements. La nature si belle jouait de toutes ses féeries, les cloches carillonnaient  le retour de toutes les espérances, on ramassait des œufs en chocolat dans les buissons et un lapin manquait dans le clapier.
 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
 

 

 

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La rivière des Mauves

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 10:26
Villa Philadelphie de Edmée de Xhavée

Nous le savions depuis ses tous  premiers ouvrages, roman ou nouvelle, Edmée de Xhavée est une conteuse qui se plaît à remonter le temps, à réveiller les belles au bois dormant assoupies dans les replis de sa mémoire, figures d’un passé que les photos familiales, les souvenirs de ses proches lui ont révélées, ce qui n'entrave nullement une imagination qui galope en tête et mène la danse. Aussi est-ce un monde à jamais disparu que notre auteure ressuscite aujourd'hui dans un roman qui nous parle de la vie d’une famille, de ses joies, ses peines, ses enchantements mais également de ses larmes et ses secrets, secrets évoqués d’une plume lisse et incisive, sans fioritures, par phrases courtes, obéissant à l’unité de lieu – tout se passe en Wallonie – à défaut de l’unité de temps, puisque l’histoire se déroule entre les années 1920 et 1960. Une tranche d’existence qui s’éveille au cours des années folles, au lendemain d’une guerre qui avait meurtri une partie de l’Europe, et s’achève durant les années 60 alors que se lève sur le monde une modernité qui entend bien changer le visage des choses.

 

 

Dans cet entre-deux, et au cœur d’une demeure cossue, une famille va écouler son présent composé de grandes joies, de nombreuses fêtes, d’alliances arrangées, de naissances, soit un quotidien presqu’ordinaire si ce n’est qu’il est vécu dans un écrin raffiné empli de jolis objets et constitué de rites immuables. Malgré cette aisance, les deux sœurs, Rosalie et Eveline, qui tiennent les rôles principaux, feront en sorte que l’actualité soit aussi malmenée que possible, que l’existence ne parvienne jamais à être le long fleuve tranquille  que leurs parents avaient souhaité pour elles. D’affrontements en ruptures, d’espérances en désillusions, elles mèneront des vies parallèles sans parvenir à créer l’harmonie  tant espérée par leur mère.

 

 

« Les deux sœurs se rendaient régulièrement avec leurs fiancés à leur futur logis, pour contrôler l’avancée des travaux de la double maison que Richard avait tenu à orner, sur la façade, d’une plaque où, emprisonnées par une frise de roses en mosaïque, des lettres dorées annonçaient : Villa Philadelphie. L’amour de deux sœurs ne méritait-il pas d’être mis en évidence, d’avoir son propre temple » - avait-il expliqué avec fierté. »

 

 

Edmée de Xhavée, qui connait bien le cœur féminin, nous brosse des portraits contrastés, fouillant l’inconscient de chacune, leurs aspirations et leurs refoulements, leurs attirances et leurs dégoûts, leurs plaisirs et leurs amertumes. Ce sont, par ailleurs, des portraits très intimes qu’elle propose et dévoile, nous entrainant à sa suite dans les méandres de ces cœurs qui se cherchent sans jamais se trouver. Jolie plongée dans les rumeurs intérieures.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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Edmée de Xhavée

Edmée de Xhavée

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 09:42
La part de l'ange de Jean Clair

 

Le livre attire d’emblée  la curiosité par  son titre « La part de l’ange », ouvrage publié récemment par l’académicien Jean Clair, évocation indifférente aux dates, attentive à notre époque dans ce qu’elle a de plus dérisoire et qui entend, dans ses divers propos, rendre justice à la part invisible de l’esprit, à « la part de l’ange ».  Cette part de l’ange  n’est autre que l’image de l’alcool qui s’évapore durant son vieillissement en fût. C’est également l’expression qui désignait jadis la part de l’oreiller laissé à découvert pour accueillir l’ange chargé de veiller sur le sommeil de l’enfant. Jean Clair, conservateur général du patrimoine, se plaît à renouer avec les symboles de notre passé, nous proposant tout d’abord une autre lecture de la peinture du XXe siècle que celle envisagée par le surréalisme et la modernité à l’américaine qui a vu progressivement disparaître le visage de l’homme  et le remplacer par des signes à géométrie variable. Incisif et percutant dans sa démonstration, l’auteur défend une peinture réaliste, essentiellement figurative. Ses peintres : Chardin, Manet, Bonnard, Balthus ; il aurait pu ajouter Michel Ciry, admirable portraitiste de visages en interrogation ou en prière. (Voir l’article que je lui ai consacré en cliquant  ICI )

 

 

D’où les belles pages que l’on peut lire sur les visages humains, figures surprises tour à tour dans leur intimité ou leur déchéance, leur inquiétude ou leur méditation. Belles pages aussi sur « l’origine du monde » et les énigmes du corps et de sa sexualité. Ce corps, compagnon rebelle, que désavoue souvent  le prude Jean Clair, lequel ne craint pas de passer pour misanthrope en avouant qu’il préfère la compagnie silencieuse des « objets » – c’est-à-dire des œuvres qui, souvent, rendent mieux compte de l’homme que l’homme lui-même. Et puis il y a la nature que cet amoureux de la campagne, où il a vécu son enfance, ne cesse de louer,  attaché à tout jamais à ses champs, à ses labours, à ses enclos, cette terre nourricière que l’on galvaude et abandonne. Jean Clair  rumine tout au long de ces pages  « la stabilité perdue de la ferme, cet univers borné et brodé de clôture, de culture et de coutume » qui s’est vu obligé de céder la place  à l’agriculture industrielle. A l’heure où se pose avec une acuité évidente la question de l’environnement, Jean Clair nous apparaît d’un pessimisme lucide car, selon lui, n’est-il pas déjà trop tard ? Ouvrage d’un taiseux et d’un méditatif qui s’attarde avec mélancolie à contempler la part que la poésie a perdu aujourd’hui dans nos vies, cette autre part de l’ange … Et se désole de voir l’ordinateur remplacer peu à peu le livre et l’écrit. Qui prend le temps d’écrire encore à sa famille, à ses amis, à ses proches ? Les sms n’ont-ils pas charge d’enterrer à tout jamais l’art épistolaire ?

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Vue de Dresde après les bombardements alliés du 13 et 14 février 1945

Vue de Dresde après les bombardements alliés du 13 et 14 février 1945

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16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 08:57
La primevère

Une primevère adressait au soleil
Chaque matin cette prière :
Soleil ! Soleil ! disait-elle,
Emporte-moi dans tes rayons,
Qu’au firmament je puisse
briller de même façon,
Telle une fleur de lumière.
Ne suis-je pas la première levée
De toutes les fleurs de la terre,
Et ne suis-je pas parée,
Dans le souci de te plaire,
D’un zeste d’éclat solaire ?
L’astre acquiesçait volontiers,
Car, vraiment, cette primevère
N’avait pas sa pareille
Pour l’honorer avec ferveur.
Si elle n’était pas la plus belle,
Sa fraîcheur ne faisait pas moins d’elle
La plus délicieuse des fleurs.
Pour cette raison, le soleil
Prenait plaisir à lui parler :
C’est dans le jardin des hommes
Qu’il te faut croître et prospérer.
Que ferais-tu au firmament
Où brûlent des feux trop ardents ?
Apprécie, jeune fleur,
Le chant plaintif du vent
Et la complainte du torrent.
Et quand vient le matin,
Aux fins de te désaltérer,
Goûte  l’incomparable rosée.

 

Cher soleil, lui répondit-elle,
Ce qui m’entoure est certes charmant,
Mais il me paraît qu’au firmament,
Tout l’est davantage encore.
On n’y connait pas le sort
Qu’inflige la froidure de l’hiver.
Et là-haut, eh bien ! je suppose,
Que la vie semble plus rose.

 

Grands dieux ! soupirait le soleil,
Petite fleur tu t’illusionnes trop.
Dis-toi que sur terre comme au ciel,
Chacun souffre les mêmes maux.
Et s’il est vrai que tu m’aimes un peu,
Sois sur la terre, si tu le veux,
Mon ambassadrice de lumière.
Mais surtout, je t’en prie,
Reste fidèle à toi-même.
Qui sait si un vent mutin,
Ne dispersera pas un matin,
Dans le vaste univers,
Un petit nuage de pollen !
Si bien que, lorsque je serai cendres,
Tu seras encore une reine
Dans une galaxie lointaine.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  ( Extrait de « La ronde des fabliaux » )
 

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La primevère
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4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 08:51
Andreï Makine ou l'héritage accablant

 

De lui, Dominique Fernandez, dans son Dictionnaire amoureux de la Russie disait,  il y a quelques années : « A voir la haute stature, le port rigide, le visage taillé à la serpe, la barbe de prophète, les yeux clairs, on dirait un de ces pèlerins qui parcouraient, un bâton à la main (…), l’immensité de la steppe. Mais sous ce physique serein de moine, se cache un esprit rebelle, tourmenté, violent ». Et c’est bien cette impression qu’il donne, à le voir, en photo ou derrière un micro, que son oeuvre, où l’on retrouve la Russie  immense et tourmentée, est bien celle d'une inspiration habitée par une inexplicable tragédie. 

 

Dans chacun de ses romans, l'écrivain nous plonge dans une Russie toujours plus rude où brille parfois un reflet de France. Mais, même lorsque la France est absente, c’est le français que Makine utilise pour décrire et raconter, comme s'il ne pouvait plus s'exprimer que dans la langue de Racine et de Voltaire.    

 

« Je crois qu’on détruit une œuvre en lui accolant une biographie » : Makine est très peu disert sur sa vie. Les critiques, les journalistes en sont souvent réduits à puiser dans ses romans des anecdotes qui leur paraissent autobiographiques. Et même si l'on peut envisager que l’écrivain ait pu, à un moment donné de sa vie, côtoyer les services de renseignement comme le narrateur de "Requiem pour l’Est", on ne trouve aucunement et précisément dans ses livres de traces autobiographiques. D'ailleurs l'homme s'en défend, même s'il n'en remet pas en cause la tentation, entretenant par là sa part de mystère. Dans un premier temps, il explique, en citant Flaubert, la raison pour laquelle il ne s’épanche pas : « Flaubert disait que l’écrivain ne devait laisser que ses œuvres, et que dire des choses sur soi était une tentation petite-bourgeoise à laquelle il avait toujours su résister. Je ne sais pas s’il est très intéressant de savoir si les crises d’épilepsie consécutives à sa syphilis ont pu avoir une influence sur l’écriture de Madame Bovary ». Mais, lorsque Makine avoue que s’il garde pour lui les éléments de son histoire personnelle, c’est pour ne pas en perdre la sève et la disperser en vaines paroles …  ne confirme-t-il pas, à cette occasion, qu’il y a beaucoup de lui dans ses romans ? Devant l’acharnement des journalistes, il répond, alors qu’il vient de publier "Une femme qui attendait: « J’aurais pu vous dire : “ Vous savez quand j’étais étudiant, j’ai été quelque temps dans un village de Sibérie, et bien là-bas il y avait une femme qui attendait depuis trente ans son fiancé parti à la guerre…” Quel intérêt ? Si je fais ça, j’assassine mon roman, je vends mon âme et l’âme de cette femme ».      

 

Andreï Makine est né en 1957 à Krasnoïarsk en Sibérie. Il serait devenu très tôt orphelin. A ce moment, une femme, sa grand mère, a beaucoup compté pour lui : elle l’a initié dès son plus jeune âge à la langue et à la culture française. Mais cette femme, que l’on retrouve sous les traits de Charlotte dans "Le testament français" et d’Alexandra dans "La terre et le ciel de Jacques Dorme",  se référait à une France d’un autre temps et le comportement de Makine aujourd’hui, à l’égard de la France contemporaine, est révélateur : dans "cette France qu’on oublie d’aimer" ou dans le "Testament français", Makine exprime une sorte de désillusion. Il ne retrouve plus la France surannée qu’on lui avait décrite et à laquelle il rêvait. Cela explique peut-être le réactionnaire qui subsiste en lui et que certains dénoncent.  

 

Après sa découverte du français, on retrouve Makine adolescent : il s’est alors passionné pour la poésie et lancé dans l’écriture, expression de sa liberté (cette « noble liberté intérieure des Russes » dont parlait Pouchkine). Et puisqu’il nous faut l’inscrire dans une filiation russe, il convient de préciser qu’il admire Dostoïevski, Boulkakov et Bounine auquel il consacrera sa thèse effectuée à la Sorbonne : « Poétique de la nostalgie chez Ivan Bounine ».  Par ailleurs, il a voulu s’affranchir de cet héritage en choisissant la langue française. Dès lors, dans la culture hexagonale, il se réfère à Marcel Proust, pour « sa vision poétique des choses » et à Guy de Maupassant « pour la qualité, la rigueur de sa narration ». S’il est vrai que quelques critiques l’ont aimablement surnommé le Proust des steppes, son écriture s'apparente davantage à celle du père de Madame Bovary de par sa parfaite maîtrise du français classique. Dominique Fernandez, dans un article paru le 26 octobre 1995 dans le Nouvel Observateur s’émerveille devant Makine : quand certains lui reprochent des fautes de français, lui y voit, et avec raison, des licences poétiques d’un « étranger qui manie la langue française avec une pertinence et une virtuosité de néophyte supérieures à celles de l’expert chevronné, jusqu’à s’autoriser des néologismes ou remettre en circulation de vieux mots oubliés (sirventès : poème satirique, terme dérivé du Moyen-Âge provençal) ». Cet éloge n’est pas le seul : en effet, on apprécie autant  l’accent slave de sa prose  que « la musique sobre de la nostalgie et de la douleur ». Makine dit de ses textes qu’ils sont très modernes tout en restant classiques. Et, il est vrai, que s'ils se révèlent modernes par leur inspiration, ils restent classiques dans leur forme. La Russie désenchantée que Makine décrit est servie par une langue admirable qui tient de celle de nos auteurs français du XIXe que, jeune homme, il a pu lire dans sa Russie natale où la censure n’interdisait pas les Balzac, Zola et Flaubert.   

 

Lorsque s'ouvre  l’ère Brejnev, dans les années 70, se profile pour le jeune Makine la tentation de la dissidence :  il aurait fréquenté alors les cercles de la contestation intellectuelle. Mais les ennuis, qui ne cessent de se faire plus inquiétants, l'incitent à partir pour la France : comme d’autres compatriotes écrivains il choisit l’exil. On peut  penser ici à  Ivan Chmeliov qui a exalté l’âme de sa terre dans  Pèlerinage en 1935 ou Alexandre Soljenitsyne, expulsé d’Union soviétique en 1977, bien que les immigrés russes en France aient toujours cultivé l’espoir de revoir un jour leur Sainte Russie. Et c'est là que le cas Makine est singulier : contrairement aux autres, il tire un trait sur ses racines en choisissant la nationalité française puisque la nationalité russe ne se conjugue à aucune autre. Abhorrant la société matérialiste de l’ère Gorbatchev, il obtient un statut de réfugié politique. Cependant on ne peut nier la douleur qu’il peut y avoir à se couper ainsi de son pays natal. La métaphore de l’amputation, développée dans "Requiem pour l’Est", apparaît dès lors explicite : «  Plus tard, dans la nuit, je pensai à cette douleur fantôme qu’éprouve un blessé après l’amputation. Il sent, très charnellement, la vie de la jambe ou du bras qu’il vient de perdre. Je me disais qu’il en était ainsi pour le pays natal, pour la patrie, perdue ou réduite à l’état d’une ombre, et qui s’éveille en nous (…) ».  

 

Avec difficulté, le statut de réfugié obtenu, il parvient à publier ses premiers romans dont la légende veut qu’il les ait présentés comme traduits du russe. En effet, Makine écrit en français et les éditeurs semblent avoir refusé de prendre ce moujik au sérieux. Lorsqu'on lui pose la question : pourquoi le choix du français? - il répond : « Pour ne pas être poursuivi par les ombres trop intimes de Tchekhov ou Tolstoï »? Le français serait donc choisi de façon arbitraire ? Et le russe délaissé du fait du poids de l’héritage littéraire ? En définitive, d’autres explications apparaissent plus satisfaisantes et révèlent le véritable culte que Makine voue à la langue française, un culte justifié par des critères de littérarité.    

 

En 1995, la gloire arrive enfin pour lui, grâce à la parution au Mercure de France ( Simone Gallimard se serait dite séduite ) du "Testament français". Evènement rarissime dans le milieu littéraire, le livre obtient deux récompenses prestigieuses : le Médicis et le Goncourt, auxquels s’ajoute le Goncourt des lycéens. Fait rare également, les jurés du Médicis choisissent de ne pas départager le russe Andreï Makine et le grec Vassili Alexakis, ce qui est significatif du dialogue qui spontanément s'intronise entre les divers pays sur le plan culturel. 

   

Après cette consécration, Makine, dont on ne sait plus trop s’il faut le considérer comme un écrivain russe d’expression française (selon François Nourrissier) ou comme un écrivain français d’origine russe (il a obtenu la nationalité française un an après le sacre du Goncourt) a acquis une place incontestable dans le milieu littéraire : il a publié de nouveaux romans, a reçu de nouveaux prix littéraires et est traduit en plus de trente langues. Aujourd'hui il entre à l'Académie française, dont il sera le membre le plus jeune, consécration d'un parcours exigeant et sans concession.

 

Afin de compléter cet article, prenez connaissance de celui-ci : L'art d'écrire selon Andreï Makine

 

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13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 08:34
L'ombre improbable

 

Descendons un peu plus bas
dans le silence qui touche aux origines.
La vérité est au-delà de la frontière des ombres.
Ni ombre, ni lumière vraiment,
mais une sorte de paix, une eau dormante
épargnée par le temps.
Suis-je encore vivante ? Je ne sais,
tant je vis ton absence
comme une terrible éternité.
Un jour, je fus ravie hors de ma propre conscience.
Je ne souffrais plus du simple poids des choses.
J’étais au seuil d’un autre monde
et me dévêtais de mon linceul d’humanité.
Que mon pas était léger !
Tout, dans le sens nécessaire, allait immuable
et je te cherchais en un pays de collines et de frangipaniers.
Quel écho me rendra ton appel et ta voix ?
Est-ce en mon âme que tu t’es égaré,
en ma mémoire que tu chemines fidèlement ?

 

Cette nuit, le jardin s’est refermé sur mon chagrin.
Bien que nous soyons en été,
mon cœur, de son hiver, est resté le prisonnier.
Combien de jours, de semaines, sans ton amour ?
Dans ce parc, tu m’as avoué
qu’il te plaisait de méditer,
aussi est-ce ton ombre improbable
que je suis venue guetter.
Tout à l’heure, il faisait clair,
il y avait là des enfants, des fleurs,
des bosquets, des marchands.
Me serais-je endormie ?
Sur quel aveu à te dire,
sur quelle peine à te confier ?

Pousse lentement la porte du jardin,
que ton pas s’inscrive,
oui, ton pas sans le mien,
sur la terre humide encore de la nuit,
arrête-toi, je te rejoins.
Quelle attente, quel souvenir lointain, un instant te retient ?
Mon absent, dans l’ombre révélatrice, reviens-moi, je t’en prie.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  ( extraits de « Profil de la Nuit » )

 

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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 09:05
corbeau, chouette et engoulevent
corbeau, chouette et engouleventcorbeau, chouette et engoulevent

corbeau, chouette et engoulevent

Dans le vaste domaine des légendes et croyances relatives aux oiseaux, l’une des plus anciennes est probablement la distinction faite entre oiseaux de bon et de mauvais augure. Les corbeaux, par exemple, ont toujours eu une mauvaise réputation en raison de leur cri guttural et de leur livrée sombre. Et puis, sur les champs de bataille, ne se repaissaient-ils pas des cadavres ? Cela suffit amplement à expliquer qu’ils étaient considérés comme néfastes et inquiétants. François Villon y faisait allusion dans sa « Ballade des pendus ». La chouette, elle aussi, était fort mal considérée en France au XIXe siècle et passait pour annoncer la mort. Il est vrai que dans les campagnes, on l’entendait souvent chuinter sur le toit des maisons où se trouvait un malade car, en général, la lumière, qui l’attirait, y restait en veille une bonne partie de la nuit. La légende du caractère funeste des rapaces nocturnes a été entretenue par les gens de lettres comme Boileau dans « Le Lutrin » :

 

Là, depuis trente hivers, un hibou retiré

Trouvait contre le jour un refuge assuré.

Des désastres fameux ce messager fidèle

Sait toujours des malheurs la première nouvelle.


L’engoulevent a joui à son tour d’une triste renommée car on croyait qu’il buvait le lait des chèvres lorsqu'il survolait les pâturages au crépuscule. On le nommait volontiers « crapaud volant » à cause de sa grosse tête et de son puissant gosier.

cigogne, hirondelle, pic vert et martin-pêcheurcigogne, hirondelle, pic vert et martin-pêcheur
cigogne, hirondelle, pic vert et martin-pêcheurcigogne, hirondelle, pic vert et martin-pêcheur

cigogne, hirondelle, pic vert et martin-pêcheur

A l’opposé, certains oiseaux ont été appréciés et considérés comme des porte-bonheur. C’est le cas de la cigogne qui était chargée d’apporter les bébés dans les familles. L’hirondelle de cheminée est aussi un oiseau que l’homme a toujours observé comme l’annonciateur des beaux jours, bien qu’elle soit sensée prédire le mauvais temps lorsqu’elle vole au ras du sol. Enfin, une légende, qui remonte à Aristote, fut colportée jusqu’au XIXe siècle, affirmant que l’hirondelle s’engourdissait pendant l’hiver et le passait au fond des marais, ce qui est totalement faux. En réalité, elle disparaît de nos régions durant la saison froide pour aller chauffer ses plumes sous des cieux plus cléments, en bon oiseau migrateur qu’elle est.

 

Un autre oiseau annonce volontiers la pluie, c’est le pic-vert. Quant au martin-pêcheur, il devint, sous l’inspiration d’Aristote et de Plutarque, un être extraordinaire doué du pouvoir de calmer les flots et d’attirer les poissons. D’autres légendes ont elles aussi la vie dure et survivent à notre époque où les progrès de la technique ne sont pas parvenus à faire totalement disparaître de nos existences le goût du merveilleux.

aigle royal, alouette et coqaigle royal, alouette et coq
aigle royal, alouette et coq

aigle royal, alouette et coq

Ainsi l’aigle royal serait le seul oiseau en mesure de fixer le soleil sans être ébloui, alors que le hibou et la chouette seraient aveuglés par la lumière du jour. Nous voyons que divers oiseaux ont servi de symbole ou d’emblème. L’aigle royal n’est-il pas l’expression de la puissance et de la gloire ? Les Anciens l’avaient dédié à Jupiter. Napoléon Ier le reprit à son compte pour en faire décorer les drapeaux de sa Grande Armée alors que Charlemagne et du Guesclin l’avaient adopté pour orner leurs armoiries. L’alouette des champs fut l’emblème des Gaulois et décora leurs casques, le coq est celui des Français, ce fameux coq gaulois fut choisi à la Révolution et figura sur notre drapeau de 1830 à 1870. Il symbolise le tempérament français où l’on décèle un mélange de hardiesse et de versatilité, de vigilance et de légèreté. La chouette fut jadis l’oiseau de la sagesse chez les Grecs qui en avaient gravé l’effigie sur leur monnaie, c’était également la compagne de la déesse Athéna (Minerve chez les Romains). La colombe, quant à elle, exprime la paix et la concorde depuis l’histoire biblique du déluge, tandis que le paon semble personnifier l’orgueil et que le cygne représente la grâce et l’élégance, immortalisé par le ballet « Le lac des cygnes » sur la musique de Tchaïkovsky.

 

La langue parlée et écrite contient elle aussi de nombreuses allusions aux oiseaux. En voici quelques-unes : bavard comme une pie – rouge comme un coq – bayer aux corneilles – léger comme une plume – gai comme un pinson – être le dindon de la farce. Le nom de certains d’entre eux est même passé dans le langage courant pour qualifier un trait de caractère particulier à un individu et que l’oiseau posséderait lui aussi : pensons à butor, à bécasse, à étourneau, à tête de linotte, à petit serin. Ajoutons encore l’expression « Le chant du cygne » qui relève davantage du domaine des légendes. Elle nous vient de l’Antiquité où l’on imaginait que le cygne chantait encore après sa mort et que sa voix était alors plus douce et  harmonieuse que jamais. Enfin, quelques expressions parlées sont devenues des proverbes ou des sentences issues de la sagesse populaire : « une hirondelle ne fait pas le printemps », « petit à petit l’oiseau fait son nid », « faute de grives, on mange des merles », « qui n’a mangé ni pluvier, ni vanneau ne sait ce que gibier vaut ». Oui, à n’en pas douter, l’oiseau a sa place dans la vie et l’imaginaire des hommes. Bientôt un article sur "Les oiseaux et la littérature".

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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L'oiseau dans la littérature

 

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colombe, paon et cygnecolombe, paon et cygne
colombe, paon et cygne

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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 08:28
De quel vocable use nos amis les animaux ?

 

Vous le savez, bien sûr et depuis longtemps, le coq chante, cocorico,

la poule caquette,

le chien aboie quand le cheval hennit

et que beugle le bœuf et meugle la vache,

l'hirondelle gazouille,

la colombe roucoule et le pinson ramage

Les moineaux piaillent,

le faisan et l'oie criaillent quand le dindon glousse

La grenouille coasse mais le corbeau croasse et la pie jacasse

Et le chat comme le tigre miaule,

l'éléphant barrit,

l'âne braie, mais le cerf rait

Le mouton bêle évidemment et bourdonne l'abeille

La biche brame quand le loup hurle.

Vous savez, bien sûr, tous ces cris-là, mais savez-vous

 

 

Que le canard nasille, les canards nasillardent !

Que le bouc ou la chèvre chevrote

Que le hibou hulule mais que la chouette, elle, chuinte

Que le paon braille,

que l'aigle trompète

 

Savez-vous

Que si la tourterelle roucoule,

le ramier caracoule et que la bécasse croule

que la perdrix cacabe,

que la cigogne craquette et que si le corbeau croasse,

la corneille corbine et que le lapin glapit quand le lièvre vagit.

Vous savez tout cela, bien ! Mais savez-vous

 

Que l'alouette grisole,

que le pivert picasse

Ou que le sanglier grommelle,

que le chameau blatère

Et que c'est à cause du chameau que l'on déblatère,

que la huppe pupule

Et encore …

 

que la souris, la petite souris grise chicote. Avouez  qu'il serait dommage d'ignorer que la souris chicote et plus dommage encore de ne pas savoir

que le geai, Que le geai cajole !

 

 

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  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • : Grâce au pouvoir des mots, une invitation à voyager sur les lignes et interlignes.
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Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
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Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

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   Goethe

 

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