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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 09:22

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Qu'est-ce que le bonheur, qu'entend-t-on par être heureux, nager dans le bonheur ? Il y a déjà le plaisir, la joie, la satisfaction, alors le bonheur de quelle façon est-il autre, de quelle façon se singularise-t-il, comment savoir que nous sommes heureux ? Et être heureux, ne serait-ce pas seulement ...ne pas être malheureux ? Autant de questions que nous sommes en droit de nous poser, tant il est vrai que l'on parle beaucoup du bonheur sans très bien savoir le définir, sans savoir si nous l'avons jamais éprouvé, s'il est chimère ou réalité ?

 

L'optimisme de ceux qu'on a appelés au XVIIIe siècle  " les philosophes" a placé le bonheur dans le développement des "Lumières", c'est-à-dire dans le développement de la connaissance et de l'intelligence. Après s'être appliqués à libérer les esprits de tout ce qu'ils considéraient comme des préjugés, ils ont pensé affranchir les individus de toutes les servitudes, les oppressions, les despotismes, et ont eu une confiance illimitée dans  " le progrès".



Deux ouvrages de Rousseau sont centrés sur le bonheur : L'Emile et La Nouvelle Héloïse. Selon le philosophe, l'éducation de l'enfant devait le rendre heureux. C'était une première approche de ce bonheur tant souhaité. Pour qu'il l'éprouve, il fallait donc laisser l'enfant se développer, jouer, se promener, apprendre librement. L'idée dominante était que la nature humaine est foncièrement bonne et, par conséquent, ne présente aucun obstacle au bonheur individuel. En quelque sorte, le bonheur serait de pouvoir faire ce que l'on veut, comme on le veut, quand on le veut. Vision simpliste des choses que la vie s'est empressée de démolir, car le bonheur est chose plus complexe et mystérieuse que certains ont bien voulu le laisser entendre. Par exemple un Président de la République, qui ambitionnait de contribuer au bonheur des Français, ne fit, en définitive, que des lois pour les contraindre davantage.

 


Le bonheur humain peut-il être une organisation parfaite de la société telle que Charles Fourier, théoricien socialiste l'espérait au début du XIXe siècle, le fruit de l'usage de la raison et de la recherche de l'intérêt bien compris ?  Dans Les frères Karamazov de Dostoïevski, le personnage du Grand Inquisiteur croit que le salut promis aux hommes est la réalisation d'un royaume terrestre de justice, d'amour, d'équité pour tous. Puis, il s'aperçoit que bien peu d'entre eux sont capables de répondre à cet appel. Aussi renonce-t-il à ce rêve déraisonnable pour entreprendre une tâche plus humaine : l'établissement d'un ordre terrestre tel que les hommes puissent l'envisager comme accessible, même si une part de leur liberté est entre les mains de quelques maîtres qui se chargent d'aménager et d'organiser rationnellement leur condition.

 

D'importants textes bibliques développent l'idée que le bonheur a un caractère aléatoire, hasardeux, improbable. Les guerres, les maladies, les injustices, les famines semblent, en permanence, compromettre le bonheur de l'homme sur la terre. On a parlé de ce monde comme d'une vallée de larmes où le bonheur n'est concevable que dans un autre monde.  Shopenhauer, philosophe du XIXe siècle, rappelait que, durant sa vie, l'homme oscille en permanence entre souffrance et ennui. Selon lui, le bonheur était inaccessible. Aussi fallait-il s'appliquer à ne pas ajouter au malheur en pratiquant la bienveillance et la compassion et trouver, pour soi-même, la paix intérieure en s'exerçant, comme les sages de l'Inde, au détachement et au renoncement des désirs.

Aristote, son prédécesseur, était plus optimiste. Il estimait que le plaisir est un élément du bonheur mais qu'il n'en est pas le tout. Il s'ajoute à l'acte comme la beauté s'ajoute à la jeunesse. Un homme n'est heureux que s'il vit conformément à sa nature et se tient à l'écart des perversions de l'esprit et de la chair. La vie heureuse est une continuité d'actions que la raison accompagne - écrivait il.  La pratique de la vertu ajoutait un élément supplémentaire en procurant la force de supporter les privations et les inconvénients dont la vie ne cesse de nous affliger.

 

 
L'intellectualisme de Spinoza n'a pas séparé la parfaite connaissance de la vertu et la vertu du bonheur. L'homme, participant de l'essence infinie de Dieu, se sait éternellement uni à la substance divine et l'amour intellectuel de Dieu est sa béatitude. Pour Kant, la recherche du bonheur ne devait être en aucune façon le mobile de la vertu. L'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme devaient représenter des postulats suffisamment importants pour que nous lui sacrifions le bonheur. Il est vrai que les Grecs avaient déjà eu conscience que le bonheur, en tant qu'état imperturbable et définitif,  n'appartenait pas aux mortels.  A travers l'histoire, les philosophes ont toujours été convaincus que la vie des êtres soumis au temps, au changement et à ses aléas, était incompatible avec le bonheur absolu, que celui-ci était une conquête toujours fragile, que certains de ses éléments ne dépendaient pas de nous et que nous restions exposés aux bons et aux mauvais coups du sort. Ils ont toujours souligné que le bonheur ne pouvait pas se confondre avec le plaisir, qu'il ne se séparait pas de la moralité, qu'il s'accordait avec les aspirations les plus nobles et les plus élevées. En effet, la permissivité ne rend pas l'homme heureux. On dit de certaines personnes qu'elles ont des natures heureuses, comme s'il y avait une prédispositions au bonheur. Peut-être la recette est-elle simplement de ne pas envier celui des autres...

 

Le bonheur nous tombe rarement dessus comme le malheur. On ne sait d'ailleurs pas très bien pourquoi et comment nous sommes heureux. Ce n'est pas une immersion subite comme le sont la joie et le plaisir ; plutôt un état où les éléments, qui nous composent, paraissent être en accord les uns avec les autres. Est-ce l'amour, la réussite professionnelle, une santé à toute épreuve qui concourent à composer ce subtil équilibre ? Je crois que sa définition est impossible pour la bonne raison que le bonheur n'est semblable pour personne, car particulier à chacun. Certains vous diront qu'ils ont éprouvé du bonheur dans des situations difficiles, voire problématiques, simplement parce que de se sentir en mesure de les surmonter leur communiquait un sentiment de plénitude et que cette satisfaction-là s'apparentait au bonheur. Ne cherchons pas non plus à le traquer, ce serait une quête perdue d'avance. Ne tient-il pas à la fois de l'harmonie intérieure et de quelques opportunités extérieures ! On ne s'étourdit pas de bonheur comme on s'étourdit de plaisir ; on s'apaise et se rassure à son contact, on goûte alors à la saveur rare de la sérénité et on l'éprouve sans pouvoir le partager, tant il ne relève que de nous-même.

 

Néanmoins, l'aspiration au bonheur ne se laisse pas décourager. Elle reste au coeur de chacun, profonde, universelle, incoercible, fermement liée à l'exigence de voir réunis bonheur et vertu et de s'alimenter à la flamme de la sagesse et de la raison. Le bonheur ne se décrète pas mais se secrète comme un suc et c'est pour cela qu'il reste personnel, que chacun le ressent, le perçoit selon sa nature et que l'on ne peut en aucune façon le quantifier ou le cerner. Il est au secret du coeur ce quelque chose qui ressemble au contentement, à la plénitude. Il n'est pas en soi absence de malheur, mais plus précisément quiétude de l'esprit, harmonie et concorde de ce qui compose l'étoffe intime de notre être.

 

" J'ai senti que le bonheur était proche, humble comme un mendiant et magnifique comme un roi. Il est toujours là ( mais nous n'en savons rien ), frappant à la porte pour que nous lui ouvrions, et qu'il entre, et qu'il soupe avec nous ".

 

Julien Green  ( Journal - 1940 )

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 10:09

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Les mélodies que l'on entend sont douces,
mais celles que l'on n'entend pas sont plus douces encore :
aussi, tendres pipeaux, jouez toujours,
non pas à l'oreille sensuelle, mais plus séduisants encore
modulez pour l'esprit des chants silencieux.


 

Keats ( Ode à l'urne grecque )

 

 

Dérivé du mot image, en latin imago, imagination est de la famille étymologique du verbe imiter qui signifie reproduire ce que l'on a perçu. Mais, si nous réfléchissons plus avant, imaginer ne serait-ce pas plutôt la faculté de reformer différemment ce que l'on voit, de le modifier au gré de notre fantaisie ?

 

" Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, il n'y a pas imagination", écrit Gaston Bachelard dans "L'air et les songes". Alors qu'est-ce que l'imaginaire et qu'est-ce qu'imaginer ? On pourrait envisager qu'imaginer est une façon particulière de voyager dans sa pensée, de concevoir, d'inventer des images, des formes ou des figures nouvelles, car c'est la loi même de l'expression poétique que de transgresser l'ordre des choses, de s'octroyer la liberté de voguer à sa guise sans plus se référer à des idées précises, en quelque sorte une façon de s'affranchir des concepts habituels de l'esprit. En règle générale, l'imaginaire ne relève ni du domaine de la sensation, qui est un phénomène subi, ni de celui de la perception, sinon ce ne pourrait être que d'une perception d'absence. Imaginer, ce serait poser le réel en néant, néantiser ce qui est.

 

" Tout imaginaire paraît sur fond de monde, mais réciproquement toute appréhension du réel comme monde implique un déplacement caché vers l'imaginaire. Toute conscience imaginante maintient le monde comme fond néantisé de l'imaginaire et réciproquement toute conscience du monde appelle et motive une conscience imaginante comme saisie du sens particulier de la situation " - nous dit Jean-Paul Sartre.

 

Le philosophe Alain a montré, pour sa part, en quoi une image diffère d'une perception, parce que dans la perception la chose est inépuisable, alors que l'imaginaire ne peut pas être observé ; imaginer, c'est envisager un être ou une chose absent, c'est sortir de ce qui est donné ici et maintenant. " Il n'y a point d'images, il n'y a que des objets imaginaires" - précise Alain.
 


Pour Platon, par exemple, l'image n'est qu'un second objet, une réplique, une perception passée qui redevient présente sans être semblable pour autant. Similitude avec ce qui a été, statut paradoxal à classer entre l'être et le non-être, glissement du réel vers le non-réel. Ce que nous percevons, soulignait-il, n'est plus la réalité vraie, puisque nous sommes déjà dans un monde d'apparence. Pour lui, le vrai monde, le monde supérieur ne pouvait être que celui des idées. Il faut se rappeler que Platon, contrairement à Aristote, supposait que les idées nous précédaient et existaient de toute éternité. A partir de cette supériorité de l'idée sur l'image, Platon envisageait trois mondes : le monde des concepts, le monde dans lequel nous vivons et le monde des artistes qui est celui de l'illusion et du simulacre, un monde d'autant plus dangereux que l'homme est sensé céder facilement à la magie des artifices.
 


Pascal n'était pas très éloigné de cette vision des choses, lorsqu'il écrivait : "C'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité si elle était infaillible de mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux".
 

Le philosophe reprochait à l'imagination de troubler notre raison et de fausser notre jugement qui ne savait plus alors discerner et apprécier. Quant à Descartes, il considérait l'imagination comme le degré le plus bas de la pensée. Elle n'était jamais qu'une modalité qui ne s'expliquait que par sa relation étroite avec le corps (sensation), celui-ci ayant le pouvoir d'activer l'imaginaire. Si bien qu'il n'attribuait à l'imagination que des images en corrélation directe avec les sens. Malbranche ne l'appelait-il pas la folle du logis ? Mais s'il peut en être ainsi de l'imagination dite reproductrice, qui nous transporte ailleurs mais parfois à la dérive et nous divertit à bon compte, qu'en est-il de l'imagination créatrice qui n'adhère plus au réel, crée des images inédites, tisse un réseau d'actualités innovantes et initie un voyage au pays de l'infini ? Pour celui qui réfléchit, elle est un mirage mais un mirage fascinant, imposant - nous dit Bachelard - le réalisme de l'irréalité. Elle prend alors les allures d'un "psychisme précurseur" qui projette des impressions intimes sur le monde extérieur. Ne serait-elle pas alors la reine des facultés, celle qui permet au poète et à l'artiste en général d'entrer dans le monde des correspondances ? Désormais, l'esprit invente, consent au fictif, c'est-à-dire à ce qui n'est pas, tant il est vrai que nous ne pouvons pas vivre sans ces contrastes et variations qui tendent tous à modifier les choses. C'est une forme de liberté face au réel qui tient le monde à distance et fait preuve d'une dynamique novatrice, tant et si bien que même le savant, l'inventeur ont eu, à un moment ou à un autre, recours à elle.

 

Il est évident que cette imaginaire-là se situe bien au-delà du psychologique. On doit donc trouver une filiation régulière du réel à l'imaginaire, car comment oublier l'action signifiante de l'image poétique ? Elle n'est autre qu'un sens à l'état naissant. Son rôle est de notifier autre chose et de faire rêver autrement. L'image littéraire, c'est-à-dire l'image créatrice, ne vient pas habiller une image nue mais donner la parole à une image muette, finalisant un désir humain. Cette faculté nous aide à mieux comprendre dans quelle mesure notre conscience peut être envahie, habitée, voire submergée, par des productions différentes de celles habituelles de l'esprit. Tous les arts ont été inventés pour perpétuer un moment d'éphémère où le non-réel se laisse capturer. D'ailleurs ne serait-il pas plus judicieux de parler d'imagination novatrice ?


Mais pour quelles raisons les hommes aspirent-ils à ce point à quitter la réalité ? Simplement parce qu'elle est frustrante, qu'elle ne parvient pas à satisfaire leurs désirs. Le fantasme, le rêve, l'art témoignent de ce processus de compensation. L'imagination fait partie de l'économie de la vie. Elle reste consciente, contrairement à la folie, et elle n'est nullement pathologique. Privés d'elle, nous ne saurions vivre, parce qu'elle est une source de création permanente qui produit des images originales et vivantes : - " On les éprouve dans leur lyrisme en acte ; elles donnent - et tout particulièrement les images littéraires - une espérance à un sentiment, une vigueur spéciale à notre décision d'être une personne, une tonicité même à notre vie physique" - ajoute Bachelard, qui poursuit : - " Le livre qui les contient est soudain pour nous une lettre intime ".

 

Ce rapport très particulier entre l'imaginaire et le réel est celui qui relie le pouvoir créateur de la pensée de l'homme à sa situation de créature limitée, à cette finitude qui le rend dépendant du monde extérieur. En l'homme se trouve donc une faculté centrale qui peut devenir la folle du logis si l'on n'y prend garde, mais sait se hausser, dans la mesure où elle est régulée, jusqu'à l'art qui est en nous la manifestation d'une puissance essentiellement créatrice. Cette faculté produit des schèmes. Un schème est une méthode, un dynamisme d'où fusent les idées. Kant écrit : " C'est un art caché dans les profondeurs de l'âme humaine". Et Nabert : "Nous avons donc une imagination pure, comme pouvoir fondamental de l'âme humaine qui sert à priori de principe à toute connaissance". Elle est, en conséquence, le signe absolu qu'en l'homme existe des ressources mystérieuses qui le dépassent.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 07:44

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L'égalité, comment la décliner ? Et d'abord, de quelle égalité s'agit-il, à quel propos, dans quelles circonstances et à quelle fin l'envisager ? Aspirons-nous, en tant qu'hommes, à l'égalité ou bien nous en méfions-nous ? Bien qu'elle soit inscrite sur le fronton de nos édifices publics au côté de la liberté et de la fraternité, son sens ne nous apparait-il pas autrement ambigu ? Egalité des droits ? Oui, bien entendu. Chaque citoyen doit avoir accès aux mêmes droits au sein de sa nation, mais aussi aux mêmes devoirs : entre autre celui de payer ses impôts et de se plier aux lois. Egalité des sexes ? Parlons-en ! Cette égalité supposée fut sans doute la plus bafouée au cours des siècles et l'est encore aujourd'hui, où des femmes sont toujours réduites par la force ( ou la misère ) à la prostitution. Egalité des chances ? Chacun sait qu'elle est impossible, car aucun de nous ne vient au monde avec les mêmes atouts, la même vitalité, la même santé et dans les mêmes conditions... Et même, placés dans des conditions identiques, la chance ne fera jamais, comme à son habitude, que de tourner au gré des vents et de favoriser l'un au dépens de l'autre. A aucun moment, nos chances ne se révèlent égales. Julien Benda dans "La trahison des clercs" écrivait à ce propos : "Les égalitaristes modernes, en cessant de comprendre qu'il ne peut y avoir d'égalité que dans l'abstrait et que l'essence du concret est l'inégalité, ont montré, outre leur insigne maladresse politique, l'extraordinaire grossièreté de leur esprit."



Paul Valéry a eu, lui aussi, une phrase assez assassine à l'encontre des aspirations de la société contemporaine à cette égalité des individus qui, nécessairement et malheureusement, tend à les réduire " vers le modèle le plus bas". Le mot est enfin lâché. Cette forme d'égalité concerne davantage  l'individu,  c'est-à-dire le citoyen lambda que l'on aimerait niveler, façonner, conditionner, de manière à ce que les hautes instances du monde puissent obtenir de lui ce qu'elles souhaitent et qu'ainsi les sociétés soient soumises aux desiderata d'une poignée de gouvernants et de technocrates,  oligarchie toute puissante, plutôt qu'à l'être humain en tant que personne.
 Cela ne fut-il pas déjà l'idéal imposé par des totalitarismes comme le nazisme et le communisme ; demain, peut-être, par le mondialisme ? 



Car, par nature, la personne humaine est unique.  Contrairement à l'individu que l'on ne voit que comme une unité distincte dans une classification, comptant avec la communauté et... singulièrement innombrable, il en va autrement de la personne qui se définit traditionnellement par sa capacité à assumer ses responsabilités et à disposer de son libre arbitre. Si bien que dans cette perspective, aucun de nous n'est l'égal de l'autre, si ce n'est dans le respect qu'il inspire. Chacun est différent, non seulement dans son apparence, ses attitudes, sa voix, mais dans l'élaboration de son être, le développement intime de sa personne qui, selon la belle formule de Jean-Paul II n'a pas seulement le droit "d'avoir plus", mais "d'être plus". D'ailleurs, on parle de l'individu en général et de la personne en particulier. C'est ainsi que je puis être le proche, le frère de l'autre, mais  ne serai jamais l'autre. L'autre m'est inéluctablement autre et il est bien qu'il en fût ainsi, car chaque personne a, de ce fait, le privilège d'être soi.



Il est curieux de constater à quel point notre époque cultive les paradoxes. Alors qu'elle cède volontiers aux chants des sirènes égalitaires, dans le même temps elle prône avec vigueur le respect des différences. Alors acceptons bien volontiers ce prédicat de la différence, parce qu'il est à l'évidence celui de nos origines, de nos milieux, de nos formations, de nos choix, de nos sensibilités, de nos goûts, de notre identité, de nos caractères et de nos désirs. Mais rappelons-nous le danger qu'il y a, dans la majorité des régimes connus, à ce que les personnes, au lieu de cultiver le dialogue et la communication, soient tentées de se tourner ensemble vers l'oeuvre collective par incitation de l'Etat, enclin à prêcher dans ce sens. Néanmoins, pourrions-nous imaginer un seul instant un monde où régnerait l'uniformité, comme ce fut le cas dans la Russie soviétique des tsars rouges ? L'ennui en serait le sceptre et la couronne. Mais, par chance, Dieu ( ou le Hasard ) a voulu que multitude ne rime pas avec monotonie et que la Nature soit le premier exemple de la pluralité et de la diversité. L'égalité, je ne la vois belle et compréhensible que dans l'amour. Cet amour de l'autre qui n'en fait point mon égal, mais mon...semblable. En définitive, l'égalité reste une aspiration spirituelle et ne peut être envisagée que comme une ultime fiction.
 Comme le disait si bien  Madame de Staël : " Le Christianisme a véritablement apporté l'égalité devant Dieu, dont l'égalité devant la loi n'est qu'une image imparfaite".

 

Si bien que le principe d'égalité - si proche de l'égalitarisme - risque fort au XXIe siècle de représenter un danger plutôt qu'un idéal, tant l'égalité sert bien la cause de toutes les formes possibles de totalitarisme, en faisant des êtres une multitude uniforme et conforme à leurs aspirations et à leurs voeux.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 08:31

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Il est courant d'entendre nos hommes politiques parler de la démocratie en une surenchère de superlatifs, allant jusqu'à jeter l'anathème sur ceux qui ne s'y soumettraient pas entièrement. Mais qu'est-ce donc que la démocratie ? Avant même de tenter de savoir si elle est une entrave à l'autorité, posons-nous la question et définissons son principe : celui de gouverner avec le peuple, de s'opposer à l'idée d'aristocratie et de monarchie absolue ; elle s'instaurait à l'origine comme l'essence même de la liberté de pensée et d'opinion, opposée à la pensée unique ; à laquelle vint s'ajouter, à la Révolution, la défense des droits de l'homme. Curieusement deux éminents penseurs en ont parlé de façon contradictoire, ce qui est intéressant pour ouvrir le débat : Tocqueville et Charles Maurras. Voici, en effet, deux hommes de haute intelligence politique qui illustrent parfaitement la contradiction et invitent à l'échange d'idées.


Le premier en vante les mérites, le second en souligne les méfaits. Cependant il convient de nuancer, car Tocqueville, avec une grande lucidité dans son ouvrage  De la démocratie en Amérique, tout en la prenant pour exemple et en demandant aux européens de s'en inspirer, était conscient des difficultés de l'adapter aux  peuples européens qui sont, par nature, plus révolutionnaires que démocrates. Tocqueville voyait la démocratie comme un pis-aller, un état de gouvernement en mesure d'éviter les dangers d'une dictature. Pour lui, la marche vers l'égalité était inévitable ; il rejoignait ainsi l'analyse de son père qui, avec un fatalisme empreint d'amertume, se résignait à la voir dans l'air du temps, puisque les aristocrates avaient consenti aux idées des Lumières. Tocqueville posait la question de savoir si elle était compatible avec la liberté. N'écrivait-il pas : " La plupart de ceux qui vivent dans les temps d'égalité sont plein d'une ambition vive et molle, ils veulent obtenir sur le champ de grands succès, mais ils désireraient se dispenser de grands efforts" ?


Vivant dans un monde chamboulé par la Révolution française, il en tirait le sentiment de la marche irrésistible de l'Histoire et en déduisait un concept : la victoire du principe démocratique sur le principe aristocratique. Etait-il pour autant fataliste ? La dégradation des rapports entre la monarchie absolue et la noblesse, l'incapacité de Louis XV à adapter le régime aux revendications libérales de l'aristocratie avaient couvé l'esprit du temps, celui-ci  accepté par la noblesse mais ignoré de la monarchie. Pour Tocqueville, la responsabilité du drame historique que fut la Révolution, drame inévitable, en incombait à la noblesse et au roi de France. Il concevait l'idée qu'il puisse exister un peuple démocratique organisé d'une autre manière que les Américains. L'Amérique pouvait servir de modèle pour une adaptation à la civilisation européenne. La question restait : comment organiser les passions des peuples en lois et en moeurs ? En Amérique, on avait des idées, des passions naturellement démocratiques ; en France, nous avions des idées et des passions révolutionnaires. Aujourd'hui, poursuivait-il, que l'honneur monarchique a presque perdu son empire sans être remplacé par la vertu, rien ne soutient plus l'homme au-dessus de lui-même. Qui peut dire où s'arrêteront les exigences du pouvoir et les complaisances de la faiblesse

En somme, nous avons acquis, dans nos nations européennes, un état d'esprit démocratique et social sans nous être dotés des institutions correspondantes ; perte des traditions politiques et des traditions religieuses, où est le contrepoids ? Ne risque-t-on pas alors d'inciter au silence des peuples démoralisés et passifs face à des gouvernements forts et organisés, de sorte que nous nous dirigerions vers une situation comparable à la fin de la République romaine ? Ainsi la démocratie ne serait-elle pas un choix entre liberté et servitude, souveraineté d'un peuple ou celle d'un maître ?

 

L'Europe de civilisation chrétienne, plus précisément catholique,  incline à l'esprit d'obéissance et de culpabilité, alors que l'Amérique, où règne un protestantisme plus pragmatique, tend davantage vers le libéralisme et  l'indépendance ; donc la religion joue un rôle régulateur dans les deux sens, par ce qu'elle recommande et par ce qu'elle interdit.

Pour Maurras, la démocratie est un système d'institutions et d'idées, une doctrine abstraite ; organisation - des organisations historiques, des familles physiques ou psychologiques - des états d'esprit, de sentiment, de volonté  hérités de père en fils depuis de longs siècles, des compagnies traditionnelles, des dynasties. C'est la doctrine qui fait de l'Etat une providence, du citoyen  un administré et un pensionné, la doctrine étant le plus puissant instrument de propagande et de conquête, fondée sur l'égale valeur des individus. Or, construire ou organiser un gouvernement d'égalité avec des éléments d'inégalité ne revient-il pas à détruire l'organisation même de la démocratie ?

 
Où en sommes-nous aujourd'hui ? En plein paradoxe ! D'une part, la rue gouverne dans certains domaines par les revendications et les grèves qui paralysent le pouvoir ; d'autre part, jamais les citoyens n'ont été autant astreints, contrôlés, pressurés et même privés de la liberté d'expression par le politiquement correct. Et "le tout tolérable" n'est-il pas un obstacle à la régulation des moeurs et à l'intérêt général ? Qu'est devenue la sage autorité antique ? Notre époque ne se caractérise-t-elle pas par son refus du sens  et son vertige du néant qu'envisageait déjà Nietzsche, ouvrant dès lors un abîme en faisant entrer notre civilisation, qui a perdu le souci de la transmission, dans une forme de surdité métaphysique. Notre singularité même est en péril, alors qu'il est de plus en plus urgent, face à un universalisme indistinct, de retrouver notre notion d'origine.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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La démocratie est-elle une entrave à l'autorité ?
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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 07:49

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Si le paradoxe conserve son actualité, c'est bien parce qu'il a obéré notre capacité de jugement, agissant de telle sorte que le discernement et le bon sens semblent parfois déserter les préoccupations de nos sociétés contemporaines ; alors que discernement et bon sens restent des notions essentielles face à ce principe qui prend  le contre-pied des certitudes logiques de la vraisemblance. De par leur complémentarité, le discernement et le bon sens impliquent la réflexion, la méditation, l'expérience, la lucidité. Relevant du domaine de la spéculation abstraite, ces notions sont au coeur du raisonnement et du questionnement humain. Depuis la nuit des temps, de la maïeutique de Socrate, la théorie des Idées de Platon jusqu'au positivisme d'Auguste Comte, en passant par la logique cartésienne, il semble que discernement et bon sens soient allés de conserve.
 

 

Tout en accordant une valeur préférentielle au discernement que les sages et  les penseurs ont toujours envisagé comme la capacité supérieure de l'esprit, la faculté de synthèse et d'analyse en mesure de formuler le concept et de distinguer ce qu'il y a d'intelligible dans le sensible, ils n'ont pu éliminer les ressources du bon sens et faire l'impasse sur le paradoxe qui pose les assises de la contradiction, ainsi le paradoxe de Socrate : " subir l'injustice vaut mieux que de la commettre". Les premiers obstacles à franchir seront donc la crédulité naïve et le goût du confort intellectuel qui font préférer l'esprit de certitude à l'esprit de vérité. De là dérivent la mauvaise foi, le fanatisme et les violences. Le doute méthodique est donc une saine et souhaitable pratique si, faisant la part des choses, nous ne cédons pas à un scepticisme réactionnel. Il est bon de se rappeler que la vérité se montre davantage qu'elle ne se démontre et que l'homme la distingue fréquemment sans être capable de la prouver.

 

Quant au bon sens, il  apparaît comme un outil que le peuple, d'instinct, s'est plu à utiliser et dont il a fait bon usage en regard de ses expériences propres. Plus ressenti que pensé, il rejoint l'esprit logique et prémunit des dangers où les idéologues et utopistes risqueraient de l'entraîner. Il est donc un contre-poids nécessaire aux divagations abusives et perverses, car l'homme de bon sens perçoit naturellement ce qui est bon de ce qui est mal, ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, guidé par cet instinct qui l'avertit des égarements toujours possibles de l'intelligence. C'est  ce qu'il conviendrait de nommer "le jugement droit".
 


Le paradoxe semble s'immiscer comme un dé-régulateur, un empêcheur de tourner en rond, un trouble-fête qui exploite à plaisir nos ambiguïtés, nos divergences, nos excès ; nécessaire, il mise sur l'objection pour nous obliger à remettre en cause le procédé de nos réflexions et combinaisons les plus élaborées.  Ainsi le paradoxe pose-t-il un doigt insidieux sur nos contradictions, se ressouvenant qu'il existe entre le concept et le jugement la même différence qu'entre l'intuition intellectuelle et  l'affirmation réfléchie. Par ailleurs, il a également son utilité lorsqu'il soumet à notre discernement des opinions qui vont à l'encontre de celles communément admises. Proust, en fin psychologue, ne craignait pas d'affirmer que  les paradoxes d'aujourd'hui seraient les préjugés de demain. 
 

 
En faisant obstacle au parti-pris, le paradoxe repose l'interrogation, en maniant et en jouant adroitement de la réfutation et de la protestation. Mais dans certaines circonstances, il nous accule, sans complaisance, jusque dans nos retranchements et peut alors nous conduire, si nous sommes faibles et influençables, à nous déjuger et, s'il est gouverné avec habileté et éloquence, à nous inciter à des compromis et à un désaveu regrettables. Tout dépend de nos certitudes. Arrivés à ce point de non retour, nous ne sommes plus seulement en phase avec le bon sens et le raisonnement, mais avec notre intime conviction, voire avec notre foi. Le domaine de l'évidence intellectuelle est étroit. Et la nature humaine si complexe, qu'elle ne mène pas obligatoirement à des solutions simples et des réponses évidentes. Si aujourd'hui, le paradoxe sévit en permanence, il serait temps de lui adjoindre bon sens, discernement et conviction, que nous avons trop souvent laissés sur le bord du chemin. Ainsi retrouverions-nous la sérénité de jugement, ne serait-ce que pour combattre le nivellement de la pensée qui nous guette,  la désinformation qui nous assourdit, l'abêtissement qui nous menace. Les exemples sont légion, le débat est ouvert.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE


 

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 09:48
La philosophie rend-t-elle sage ?

 

Avant même de nous poser la question : la philosophie rend-t-elle sage, demandons-nous d'abord : qu'est-ce que la philosophie ?  Le mot philosophie vient du mot grec philosophos qui signifie ami de la sagesse. Le philosophe est donc quelqu'un qui, sans  être à proprement parler un sage, aspire à la sagesse, car il y a un pas entre être sage et désirer le devenir. D'ailleurs Pythagore ne disait-il pas : il n'y a qu'un sage : Dieu. La recherche de la sagesse est donc à l'origine de la philosophie qui est l'art d'appréhender le monde et l'être par la voie de la raison. Les premiers philosophes ambitionnaient le savoir total. Démocrite écrivait non sans audace : "Je vais parler de tout ". Et Aristote lui-même n'avait-il pas inclus dans son oeuvre, la logique, la rhétorique, une théorie sur l'univers, une physique, un traité de l'âme, une morale, une poétique et une étude de l'être, sans oublier une histoire des animaux ? Cette prétention au savoir universel, qui pourrait nous sembler prétentieuse aujourd'hui où la connaissance s'est considérablement enrichie des acquisitions nouvelles des sciences et techniques, avait néanmoins une motivation respectable : la passion de s'informer et de comprendre afin de mieux éclairer sa conduite et de vivre, non dans l'illusion, mais à partir d'une conception exacte des biens et des maux et selon une attitude empreinte de raison et de réflexion.

 


La philosophie, contrairement à la science, s'intéresse donc principalement aux réalités qui ne sont pas d'ordre matériel, ne sont saisissables que par l'intelligence : le vrai, le bien, le juste - et en règle générale ne tombent pas sous le sens : à l'homme par la psychologie et la morale, à la transcendance par la métaphysique. Le philosophe s'est de tout temps consacré à la découverte de ce qui est au-delà des apparences. Il a voulu savoir ce que les choses sont en elles-mêmes et sa question fondatrice fut celle-ci : qui sommes-nous et pourquoi sommes-nous ?  Tant il est vrai que la philosophie est le lieu d'une réflexion, d'une interrogation sur le sens de la vie, les buts à atteindre, les situations à anticiper , les conséquences à prévoir, les solutions à trouver, les décisions à prendre, et, également, sur la valeur de nos actes, le bien et le mal, le droit, la liberté, la justice. Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? En quoi consiste le bonheur ? Il est de notre dignité de les poser et de tenter d'y répondre ? Si Pascal a parfois dénoncé la vanité d'une certaine philosophie, il a su choisir les termes qui exaltent la grandeur de l'homme qui, se sachant mortel, s'interroge à ce sujet.

 

 

Instruit par les leçons du passé, le philosophe contemporain est plus que jamais conscient qu'il ne pourra jamais prétendre à la construction d'un système absolu. A ce propos Jaspers n'a pas hésité à écrire qu'en philosophie les questions étaient plus essentielles que les réponses, parce que chaque réponse était en quelque sorte une nouvelle question et comme aucune réponse ne pouvait s'octroyer le pouvoir de satisfaire tout le monde, elle ne devait en aucune façon s'imposer au terme d'une démonstration péremptoire. Pour philosopher, il est donc nécessaire de poser pour principe que tout n'est pas de l'ordre du démontrable et que, sans la sagesse, l'homme s'égare ou, pire, se perd et s'arroge ainsi le triste privilège de se faire le complice d'une défaite de l'intelligence, tant le domaine de l'évidence intellectuelle est étroit. S'arracher à la subjectivité pour atteindre l'objectivité est sans doute le seul moyen d'exercer notre jugement critique de la façon la plus probe. Mais l'objectivité est-elle possible ? Dans la pratique du jugement, il est important de distinguer ce qui sépare le croire du savoir, car ce que je crois n'est pas obligatoirement ce que je sais. Le savoir définit ce dont nous sommes intellectuellement certain, alors que le croire sous-entend une part de foi et de confiance. Or l'amour, qui conduit à la sagesse, n'est-il pas la démarche qui implique autant d'intelligence que de coeur, de discernement que d'intuition ? Nous voyons qu'il serait hasardeux de s'en remettre à  la seule raison, puisqu'à l'évidence il n'est pas nécessaire de comprendre pour croire et de croire pour comprendre...

 

 

Et puisque nous nous interrogeons sur la vérité, ne serions-nous pas avisés en supposant qu'en ce monde nous ne l'atteindrons jamais ? D'ailleurs l'enseignement commun de toutes les grandes philosophies est d'avoir placé la recherche de la vérité dans la vie terrestre, mais sa possession dans l'au-delà. Nous nous doutons bien que le meilleur des mondes proposé par Aldous Huxley est une utopie et que le bonheur n'est pas quantifiable, que ce souverain bien n'est accessible que dans l'ordre de l'amour. Or la sagesse procède de ce bonheur- là, c'est-à-dire d'une connaissance vraie, d'un affranchissement de la connaissance approximative et immédiate. Si l'intelligence ne doit jamais abdiquer, car ce serait indigne de l'homme, l'amour ne doit pas faillir, car ce serait indigne de l'espérance qui est au coeur de la plupart de nos actes.

 


Il est courant de dire de nos jours que le monde compte plus de savants que de sages, l'homme moderne s'étant peu à peu éloigné de ce qui est inhérent à la sagesse, la vertu. La philosophie de ce début de XXIe est davantage une philosophie du rationnel que du spirituel, de l'inquiétude que de la tranquillité, alors même que ce ne sera que dans une forme de vie contemplative que l'on parviendra tout ensemble au bien et au bonheur. A la quête de la sagesse, étroitement liée au bon usage des vertus, s'est substituée celle des plaisirs, de la consommation immédiate, des intérêts particuliers, du bien-être de l'individu plutôt que de la plénitude de la personne. Soyons-en conscients et n'attribuons pas à la raison tous les pouvoirs. Nous savons qu'il y a dans l'univers, autant qu'en nous-même, une part immense de mystère que notre intelligence seule ne parviendra jamais à dévoiler. Aussi posons-nous cette autre question : et si l'amour était l'intelligence suprême, autant que la sagesse suprême ? Ce ne serait donc pas l'exercice de la philosophie qui rendrait sage, mais l'amour, ce don invisible... C'est pourquoi la philosophie reste, comme on l'a dit souvent, un non-savoir, le désir d'une participation humble et partielle à une sagesse, dont la source est intime ( et approchable que dans cette intimité) et vers laquelle l'homme de bonne volonté ne cesse de tendre.

 

 

 Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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