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10 août 2020 1 10 /08 /août /2020 12:21
La littérature a-t-elle un avenir aujourd'hui ?

Si la poésie est quasi en voie de disparition en cette seconde décade du XXIe siècle, qu'en est-il de la littérature ? Quelle place tient-elle encore dans notre culture et, à la lumière de son passé, qu'en est-il de son avenir ?


La raison d'être de la littérature est d'exprimer l'homme, ses rêves, ses aspirations, sa réalité tout entière. Aussi est-elle au premier chef un témoignage. De La chanson de Roland à Alain Robbe-Grillet elle n'a cessé de témoigner de la grandeur et de l'absurdité des choses, de la fidélité à l'engagement et du désarroi de la culpabilité. Elle est en elle-même un fait vivant, mouvant, remuant et cette vitalité, qui l'anime, n'a d'autre cause que la validité qu'ont les idées à exercer dans les livres une forme de radioactivité. Cela tient également aux auteurs qui ont eu pour objectif d'imprimer à leurs écrits leur force de persuasion et le rayonnement spirituel de leur temps. Ce sont ceux que Maurice Barrès nomme les bienfaiteurs. Sans leur contribution, la pensée et l'art ne bénéficieraient pas du même éclat et notre civilisation du même retentissement. Que serait, en effet, la poésie française sans Villon et Baudelaire, la pensée moderne sans Descartes ? Il y a, d'une part, les hommes et autour d'eux, une époque qu'ils inspirent ou subissent ; d'autre part, les lieux d'influences : les chambres des dames, les cours d'amour, les étapes de pèlerinage, la maison des princes, les champs de bataille, les salons, les cafés, les académies. Et, par-dessus, l'esprit du siècle, s'il est grand. La Renaissance fera Ronsard, le XVIIe Racine, Molière et Bossuet, le XVIIIe Voltaire et Diderot, le XIXe les Romantiques, le XXe Valéry, Proust, Camus et le XXIe ?


Entre ces créateurs et ces créatures, à la fois miroir de la vie, tableau de l'esprit et histoire des hommes, la littérature est à elle seule un monde dans sa pluralité, sa longue coulée ininterrompue. Mais à quel prix ? Rappelons-nous l'autorité, les superstitions, l'injustice, l'esprit de revanche, la routine, la police des moeurs qui n'ont cessé de l'opprimer et de ralentir sa progression. Rutebeuf était un gueux aux pieds nus, Villon se lamentait au fond d'un cachot, Montaigne et Rabelais étaient contraints à des précautions pour ne pas avoir maille à partir avec la Sorbonne et l'Inquisition. Tel est, de siècle en siècle, le prix du talent et la foi en ses idées qui peuvent, de par leur audace ou leur modernité, heurter momentanément l'opinion publique pour la raison qu'ils la devancent dans ses voeux et l’ébranlent dans ses assises.


De nos jours, la critique aime à parler de crise et elle n'a pas tort. Il est évident que le monde l'est en permanence. Et la littérature ne peut y échapper, dans la mesure où elle est l'une des fleurs de la conscience humaine. Au point que le roman s'interroge aujourd'hui sur ses moyens et sur ses fins et que le mélange des genres crée une confusion regrettable, du simple fait que les auteurs se réclament d'une sincérité et d'une vérité qu'ils se refusent à reconnaître dans d'autres miroirs que les leurs. Ici on emprunte au poète, là au philosophe, ailleurs à l'homme de cinéma, voire au peintre abstrait. Le théâtre, lui-même, se cherche entre le film et la tragédie, le travail de laboratoire et le grand jeu populaire, tandis que la critique, au-delà de l'appréciation des formes, tente de définir la nature du langage et les catégories permanentes de l'esprit humain.


Heureusement une crise ne signifie pas nécessairement un appauvrissement... Même si la littérature doit traverser une période de défaveur et le roman céder une part de sa place, le fait littéraire perdure. Lui qui est l'instrument de conservation et d'accroissement par excellence du capital humain. N'est-ce pas un nouvel homme qui prend lentement conscience de lui-même et, ce, au prix d'une inévitable mutation et de réels traumatismes. Car à la crise politique s'est jointe une crise morale : les bouleversements de la logique et des mathématiques n'ont-ils pas suggéré une autre idée de la raison ; ceux de la psychologie et de la psychanalyse une autre idée de la conscience, ceux des sciences physiques et des techniques une autre idée de la puissance ? Enfin le travail des explorateurs a précisé à l'homme sa place sur l'échiquier du monde et celui des grands humanistes une idée plus complète et plus riche de sa diversité ethnique. Dans n'importe quel pays, désormais, un écrivain sait ce qu'il doit à Shakespeare et Montaigne, Goethe et Pascal, Nietzsche et Dostoiëvski, Poe et Faulkner, Cervantès et Dante dans sa formation personnelle, le jeu de ses influences et l'écho qu'il entend donner à son oeuvre.


Si la littérature se refuse à tomber dans les pièges de la sous-culture et du néant, si elle garde la foi en sa vocation de tenir le juste équilibre entre les extrêmes, le rêve et le réel, le chimérique et le possible, équilibre certes provisoire, mais qu'elle a su conserver à travers tant d'épreuves, d'échecs et de fractures, l'espoir demeure qu'elle maintienne sa permanence dans le temps, tout en accompagnant l'esprit dans sa marche et l'homme dans son inquiétude.

 

 

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"LES QUESTIONS QUE L'ON SE POSE"         "LITTERATURE"
 

 

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29 juillet 2020 3 29 /07 /juillet /2020 08:59
Virginia Woolf peinte par Roger Fry

Virginia Woolf peinte par Roger Fry

Les oeuvres romanesques de Virginia Woolf ont fait leur entrée dans la Pléiade, consécration suprême pour l'un des grands écrivains britanniques du XXe siècle, hommage aux variations impressionnistes d'une plume qui se plaisait en une alternance savamment dosée de transparence et d'opacité. Femme douée d'hypersensibilité, Virginia Woolf passait sans transition de la dépression la plus totale à l'exaltation la plus vive, demeurant dans son imaginaire en un halo de songes et de réminiscences très proustiennes comme elle l'exprime dans "Vers le phare" ( 1927 ), évocation d'une petite fille perdue au beau milieu " de cette spacieuse cathédrale " qu'est l'enfance. Elle n'en sortira jamais, captive en permanence du flux et reflux de sa vie intérieure, "ces moments d'être" - précisait-elle en un style délié et ondoyant qui savait si bien dire l'essence des choses, les inflexions de l'âme, les détresses de l'esprit et les caprices du monde.

 

Née en 1882 dans une famille recomposée et érudite, entourée de livres, tout la prédisposait à la littérature à laquelle son père, éminent critique et lecteur assidu, l'entraînera très vite. Sa première épouse n'était autre que la fille de William Thackeray, l'auteur des "Mémoires de Barry Lyndon". Ainsi  Virginia croisera-t-elle, dès son jeune âge, des personnalités comme Henry James à qui elle sera redevable de la technique narrative dite "le courant de conscience" et de quelques autres sommités de l'époque.

 

Peu après le décès de son père en 1904, elle s'installe à Bloomsbury, un quartier bohême londonien où, chaque jeudi, elle recevra quelques-uns des artistes les plus prometteurs, dont le romancier E.M. Forster, le biographe Lytton Strachey, les peintres Roger Fry et Duncan Grant et l'auteur Léonard Woolf qu'elle épousera sans l'aimer pour autant. Tous deux formeront le "Bloomsbury Group", cénacle et foyer d'incubation des arts avant la Grande Guerre avec un côté anti-conformiste affirmé et volontiers hippie avant l'heure. La promiscuité s'y prêtant, les liaisons homosexuelles se multiplieront auxquelles Virginia cédera, ayant connu de nombreuses amitiés féminines dont certaines se transformeront en amour, ce sera le cas avec Katherine Mansfield et Vita Sackville-West qui lui inspireront l'une et l'autre la biographie imaginaire d'Orlando ( 1928 ), créature androgyne et baroque à la croisée des genres.

 

Son mari sera pour elle un père plus qu'un amant, père tyrannique l'accusera-t-elle à tort, car cet homme, ayant renoncé à sa propre carrière littéraire qui s'annonçait prometteuse, se consacrera entièrement à elle, devenant son infirmier, son aide-soignant et lui évitant probablement l'internement. Ensemble, ils lanceront en 1917 l'une des plus fécondes aventures éditoriales de la première moitié du XXe siècle : la Hogarth Press qui publiera des auteurs comme Freud, Eliot, Rilke et quelques autres de même pointure, sans oublier Virginia évidemment.

 

En tant qu'écrivain, elle sera à l'aise dans tous les registres : critique, biographie, lettre, roman, autobiographie, récit, servi par un style fantasque qui sait épouser  les prismes de couleur et se livrer sans retenue à la poésie comme à la fiction, aux descriptions de la nature comme aux aveux intimes. Ainsi couche-t-elle sur le papier, et selon son inspiration et les circonstances, les perfidies humaines et les vérités profondes, cédant tantôt aux désespoirs les plus fous, tantôt aux éblouissements les plus enfantins, avec cette grâce d'écriture qui n'appartient qu'à elle. Sa sensibilité vibrante et sa fragilité assumée lui permettront d'illuminer ses pages de la magie de l'illusion comme l'exprime le titre de l'un de ses ouvrages "La traversée des apparences" ( 1915 ). En définitive, il ne se passe presque rien dans ses livres, l'action est reléguée au second plan au bénéfice des monologues intérieurs, des rêveries précieuses, des réflexions sur le quotidien, le vain, l'inutile, qui tout à coup s'octroient une importance troublante. Si Virginia Woolf a retenu l'insignifiance des choses, c'est qu'elle la considérait comme signifiante de la condition humaine.

 

Chez elle l'écriture était une résurrection, une tentative d'exister et de se perpétuer au-delà de soi. Cet univers étonnamment désincarné évoque l'aquarelle où se promèneraient, à peine visibles, des personnages évanescents, en apesanteur dans un monde qui seul fixe le trait. Dès son adolescence, Virginia se sentira à l'étroit dans une société édouardienne où le rôle des femmes était encore mal défini. C'est ce qui fera d'elle une féministe confirmée qui ne se privera pas de venger son sexe comprimé par les mâles victoriens. Ainsi en sera-t-il dans "Une chambre à soi" ( 1929 ) et "Trois Guinées" ( 1938 ) qui, sans constituer l'essentiel de son oeuvre, lui a mérité la quasi béatification de la part des mouvements féministes.

 

Mais ne la réduisons pas à cela, l'essentiel de sa production romanesque ne met en avant aucune thèse particulière. Ce qui la singularise n'est-ce pas davantage sa féminité étrange, l'imprégnation du mystère qu'elle dégage et la puissance de ses évocations poétiques ? Plus que féministe, elle est intensément féminine et jamais plus que dans ses livres où l'on sent si bien se dessiner les frontières qui séparent les hommes des femmes. L'idée d'être incomprise, tout ensemble futile, subjective et délaissée baigne la plupart de ses oeuvres. Il y a chez elle une délectation morose, mais comment en serait-il autrement de la part d'une femme qui n'a cessé de monologuer avec la mort depuis sa jeunesse ! Cette mort qu'elle rejoindra volontairement le 28 mars 1941 à l'âge de 59 ans. Elle qui avait goûté à l'ivresse et à la folie se savait parvenue au terme de son voyage terrestre et s'accordait l'ultime liberté de choisir son moment et son heure pour quitter le monde des apparences pour l'autre. Lestée de lourdes pierres, elle se laissera glisser dans l'onde glacée d'un cours d'eau, afin de se dissoudre dans l'élément liquide, elle qui avait écrit dans son ultime ouvrage "Entre les actes" ( 1941 ) cette phrase prémonitoire : "Puisse l'eau me recouvrir". Ainsi disparaissait physiquement pour mieux renaître littérairement cette femme-enfant que Marguerite Yourcenar, autre grande dame des lettres, décrivait ainsi : "Un pâle visage de jeune Parque à peine vieillie, mais délicieusement marquée des signes de la pensée et de la lassitude".

 

Oeuvres romanesques de Virginia Woolf - Gallimard/La Pléiade - 2 volumes 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Virginia Woolf et son père

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27 juillet 2020 1 27 /07 /juillet /2020 08:31
Le grand Coeur de Jean-Christophe Rufin

Voilà un livre que l’on quitte à regret tant l’auteur a su rendre vivante la personnalité de l’argentier Jacques Cœur et nous immerger dans une époque assez mal connue, allant  de la fin de la guerre de Cent ans au tout début de la Renaissance. Un roman mené de main de maître pour nous décrire un temps marqué par les rudes  épreuves d’une guerre interminable et  les sacrifices et obligations qu’il fallût assumer pour redresser une France moribonde. Charles VII, le roi au triste visage, eut assez de clairvoyance et de finesse d’esprit pour la remettre en selle et se choisir un argentier fort talentueux qui allait ouvrir le commerce sur l’Orient et l’Europe et préfigurer ce que l’importation de la richesses pouvait représenter à l’avenir. Certes, l’homme était ambitieux et se fit monnayeur, dans un premier temps, afin d’échapper à sa condition modeste et, par la suite, eut à « cœur » de réorganiser l’économie d’un pays en gagnant la confiance royale et en  créant un réseau commercial d’une ampleur incroyable.

 

«  J’ai voulu qu’on le suive dans ce livre avec son ingénuité d’enfant, ses désirs d’adolescent, ses choix d’adulte, ses doutes et ses erreurs. Il faut partir pour ce voyage sans emporter de bagages, en lui faisant confiance. Nous ne savons pas ce qu’est le Moyen-Âge. Lui non plus. Il va le comprendre en y vivant, et nous, en le regardant vivre » écrit l’auteur dans sa postface.

 

Au long de ces pages, on vit à l’heure d’une France en pleine restructuration, pansant ses plaies encore vives, affichant son ambition et sa résolution pour reprendre sa place durement écornée par les Anglais. Ainsi plongeons-nous dans cette époque charnière où tout est à reconstruire et à réinventer, d’où l’intérêt de l’ouvrage dont le narratif est tout ensemble concis et flamboyant.

 

« J’avançais et de nouveaux trésors apparaissaient puis cédaient la place à d’autres encore, dans quelques directions que j’aille. Toutes les richesses de la terre étaient rassemblées là, tirées des forêts de Sibérie comme des déserts d’Afrique. Le savoir-faire des artisans de Damas était représenté comme l’habileté des tisserands flamands ; les épices qui mûrissent dans les tiédeurs orientales voisinaient avec les merveilles du sol, minerais, gemmes, fossiles. Le centre du monde état là. Et il n’était pas acquis par la conquête ou le pillage mais par l’échange, la liberté des hommes et le talent de leur industrie. »

 

Ainsi voyageons-nous avec Jacques Cœur sur les routes qu’il a initiées pour le commerce, cela sous une forme de mémoire que Jean-Christophe Rufin érige comme un tombeau romanesque à cet aventurier qui a consacré son talent à renflouer les finances de la France sans oublier d’assurer les siennes. L’auteur s’accorde néanmoins quelques fantaisies en évoquant les amours qu’il aurait eus avec la belle Agnès Sorel, qu’il connût et  protégeât mais qui était néanmoins la maîtresse attitrée du roi. Les passages sur leur supposée  union sont d’ailleurs les moins convaincants et les moins réussis. Mais le livre est, par ailleurs, si bien conduit, rédigé d’une plume si éloquente et  descriptive que l’on suit ce Jacques Cœur à travers un parcours unique et picaresque et selon une fresque à laquelle se mêlent  intimité, nostalgie et tendresse.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE


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Jacques Coeur

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18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 08:38
Les lilas de Bellême de Céline Posson-Girouard

Voilà un livre qui vient à la plume comme l’émotion au cœur, rédigé  tel un aveu, une promesse, un remords,  une délivrance, un livre dont les phrases jaillissent ainsi  qu’une lave brûlante, un chagrin inconsolé, une révélation qui reconstruit un passé bousculé par la douleur.

 

Céline Posson-Girouard nous offre un bel ouvrage parce qu’il fait fi de toute prétention et va là où le souvenir est encore à vif, lié à un amour inconsolable, celui de la disparition d’une mère. Ainsi, à travers ces lignes, nous raconte-t-elle ce que fut cette aventure, ce duo permanent qui passait du rire aux larmes, du quotidien à l’imaginé, de la réalité aux rêveries partagées.

 

Cette mère n’était pourtant pas facile, femme au caractère trempé, parfois rude, voix haute et autorité assumée face à cette petite fille aimante et soumise, toujours prête à se plier aux exigences maternelles. C’est un matriarcat qui règne dans cette vaste demeure entourée d’un jardin ludique et d’arbres centenaires. Voici donc cette sonate à quatre mains où chaque variation trouve et amplifie son écho. Petite fille pelotonnée dans le calme et le confort de la demeure familiale dont les longs couloirs conduisent aux salons et aux chambres, Céline tisse son actualité de nombreux rêves, de visions enchanteresses. Et puis, il y a ce jardin, ce lieu qui vous offre toutes les évasions, les fleurs à brassées, les parfums enivrants. Mère et fille aiment jardiner comme le fera Colette avec Sido. «  Nous étions assises toi et moi sur le banc au fond du jardin, sous les lilas. Nous prenions racine dans l’enchantement câlin où s’évaporent leurs parfums subtils, persistants. »

 

Une enfance muette, nous dit l’auteure, une enfance à emmagasiner l’essentiel, la simple beauté des choses, l’amour d’un père et d’une mère, une intimité permanente avec la nature, la résonnance avec  la musique et la littérature qui façonnent  peu à peu ses goûts. Mais la révolte va se déclencher lors des années scolaires, Arlette va devenir Céline et traverser son temps de révolte, son mai 68 où tout sera passagèrement remis en question. «  En classe de seconde, nous nous imaginions toutes devenir des écrivains et nous cherchions des pseudonymes ! J’osais même changer d’identité en reniant le prénom que tu m’avais donné, maman. »

 

Proustienne depuis sa jeunesse, ce fut en compagnie de sa mère que Céline se rendit pour la première fois à Illiers-Combray et que, depuis lors, infusa en elle l’admiration  qu’elle n’a cessé de vouer à cet immense écrivain dont elle souligne que c’est grâce à lui qu’elle a mieux compris la force inouïe et initiatrice du lien maternel. «  Je dois donc à ma mère d’approfondir « A la recherche du temps perdu » depuis l’adolescence. En cherchant à comprendre le sens de cet amour filial chez Proust, j’ai mieux compris le mien. »

 

Les années ont passé, Céline s’est mariée, est devenue mère à son tour, son père adoré est mort, la vie a suivi son cours inexorable, sa mère est tombée gravement malade, paralysée et privée de la parole, clouée sur son lit à jamais. Ces passages sont les plus beaux du livre, une progressive décantation vers l’amour donné « dans le mystère du pur échange » :

« Nous n’avions plus besoin de parole. La bouche de nos cœurs s’ouvrait à l’éternité, dans cet instant d’amour intense. Nos âmes se touchaient dans un élan rapide, total, tourné vers le ciel. »

 

Ultime épreuve sera celle de la vente de la maison d’enfance qu’aucun des trois enfants n’est en mesure de reprendre. Pour avoir connu cela, je comprends d’autant mieux Céline Posson-Girouard qui voit, comme je l’ai vu, se dénouer les liens tissés avec le parc et la maison, s’évanouir  les mystères de l’enfance, se rompre les secrets espérés et désirés, s’effacer les images qui ont fondé  immuablement notre imaginaire. « Accoudée à la fenêtre de la chambre, je contemplais pour la dernière fois ce  jardin que je devais quitter. Je tentais d’imprimer en moi le plan géométrique de ses allées de sable blond. Celle du milieu ouvrait deux côtés symétriques mais tellement différents par les plantations que je pouvais nommer comme Proust, « Le côté de Guermantes » et « Le côté de Méséglise ».

 

Voilà un hommage vibrant et émouvant à une enfance heureuse, protégée et épanouie qui s’est jour après jour tissée dans la simplicité d’une existence rurale pleine de poésie et de mystère, une belle histoire de femme qui a placé au premier plan, comme le fera Proust et Romain Gary,  l’image inaltérable de la mère.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
 


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Les lilas de Bellême de Céline Posson-Girouard
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24 juin 2020 3 24 /06 /juin /2020 07:38
Paul-Jean Toulet ou une poésie fantasque

Puisque tes jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton coeur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys que courbe un vent amer,
- Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l'homme est semblable

Aux illusions de la mer.

 

 

Paul-Jean Toulet (1867 - 1920) fut le chef de file du mouvement fantaisiste qui, dans les années 1900- 1910, tentait de bousculer les anciennes normes établies par les symbolistes et d'édifier un univers de détachement et d'enjouement qui baignait dans une mélancolie élégiaque dissipée par le sourire. Mais qui était-il ce jeune homme qui faisait une si forte impression sur ses amis ? Par sa mère, il appartenait à la famille de Charlotte Corday, par son père il descendait d'une lignée de béarnais et de créoles établis à l'île Maurice vers laquelle, ses études achevées, il s'empressera d'aller passer trois années, afin de s'imprégner de ces parfums exotiques dont il raffolait. Revenu à Paris, il se lie d'amitié avec Debussy, Toulouse-Lautrec et Giraudoux, puis repart pour l'Indochine où sa dépendance à l'opium ne fera que s'aggraver. Sa santé n'est pas bonne et pour cause : il est noctambule et abuse de l'alcool et de la drogue. En 1912, il se retire à Guétary, au coeur du pays basque, où il mourra d'une hémorragie cérébrale huit ans plus tard.

 


Ses poèmes ne seront édités qu'après sa mort : Les contrerimes et Les vers inédits. Ceux-ci, peu nombreux, ont apporté une forme nouvelle, savante et précieuse, à la fois forte et flexible dont Toulet joue avec un art consommé. Les coloris sont lumineux, le rythme envoûtant, surprenant, crispé, les jeux de rimes souvent frivoles, parfois sévères, se chargent de fixer l'esprit sur la netteté d'une impression ou d'un sentiment. C'est la conjonction d'une sensation fugitive, d'un regard sur le temps perdu, d'une pensée sur l'existence et la fragilité des choses. L'amour n'y est jamais passion, à peine libertinage, plus souvent pur badinage. La mort, elle-même, devient une réalité familière dont le goût est inséparable de l'amour. Nous sommes aux antipodes de l'aventure spirituelle des Fleurs du mal de Baudelaire, du spleen, des ivresses, de la révolte et du recours à l'au-delà. Cette poésie exprime un dilettantisme désabusé, un dandysme qui se décline en un subtil mélange d'exotisme nonchalant, de tendresse et d'impertinence et " d'un humour allant parfois jusqu'au plaisir de la mystification".

 


Toi qu'empourprait l'âtre d'hiver
       Comme une rouge nue
Où déjà te dessinait nue
       L'arôme de ta chair ;
Ni vous, dont l'image ancienne
      Captive encore mon coeur,
Ile voilée, ombres en fleurs,
       Nuit océanienne ;
Non plus ton parfum, violier
       Sans la main qui t'arrose,
Ne valent la brûlante rose
       Que midi fait plier.


 

Il est agréable de voyager parmi ces courts poèmes d'une remarquable concision, d'une harmonie savante, d'un tour finement ironique. Le refus des facilités y est visible, de même que la volonté de ne pas être dupe, de ne point céder à la démesure ou au sentimentalisme outrancier. Valéry, lui aussi, se méfiait des transports " qui transportent mal". L'influence de Toulet fut néanmoins modeste, faute d'avoir été publié plus tôt, aussi n'a-t-il pas fait école. Mais, sans lui, quelque chose manquerait à l'univers poétique de notre temps.

 


D'une amitié passionnée
Vous me parlez encor,
Azur, aérien décor,
Montagne Pyrénée,

Où me trompa si tendrement
Cette ardente ingénue
Qui mentait, fût-ce toute nue,
Sans rougir seulement.

Au lieu que toi, sublime enceinte, 
Tu es couleur du temps:
Neige en Mars; roses du printemps.

Août, sombre hyacinthe
 

 

Autres articles consacrés à la poésie et aux poètes :

 

Le coeur révélé

 

La poésie, quel avenir ?

 

Présentation de mes ouvrages sur la poésie

 

Présentation de mes ouvrages sur la poésie ( suite )

 

Profil de la nuit, un itinéraire en poésie

 

René-Guy Cadou ou la rêverie printanière

 

Marie Noël ou la traversée de la nuit

 

Yves Bonnefoy ou recommencer une terre

 

Milosz ou l'entrée dans le silence

 

Joe Bousquet ou l'horizon chimérique

 

Patrice de la Tour du Pin ou la liturgie intérieure

 

 

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Paul-Jean Toulet ou une poésie fantasque
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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 08:25
Romain Gary de Dominique Bona

 

 

Une biographie qui vous emporte dès les premières pages pour deux raisons : tout d’abord parce que le personnage est passionnant, viril, improbable, il a traversé la vie comme un météorite ;  par ailleurs, qui mieux que Dominique Bona pouvait nous rendre tellement vivante,  présente,  cette personnalité hors du commun qui a su mêler la folie et la raison, le  talent et l’improvisation. Romain Gary, c’est tout en un : un homme qui  a assumé ses passions et un écrivain qui a fait en sorte de les conserver. Et comme sa vie fut  menée  au pas de charge, il fallait une plume alerte pour  la mettre en mots,  après que le héros ait su la mettre en actes. D’ailleurs Dominique Bona ne s’est pas cachée pour avouer dans son bel ouvrage  « Mes vies secrètes »,  après la lecture de "Les promesses de l'aube", combien sa rencontre avec Gary avait été violente et définitive : «  La foudre est tombée sur moi. Je n’avais encore rien lu de son auteur. Mais ce premier Gary a été une révélation. Dès le premier chapitre, j’ai été transportée, envoûtée : vocabulaire de la passion. Je ne sais trop comment le dire pour être fidèle à ce moment, dont l’intensité ne s’est jamais reproduite – au moins dans un livre. Et j’ai presque honte de l’avouer, tant cette déclaration me paraît exaltée, impudique, de l’ordre du secret et de la confession. Mais elle est pourtant vraie: Gary a changé ma vie. C’était une voix de basse, une voix d’homme qui racontait cette histoire. Loin du style policé, raffiné, volontiers savant des écrivains français, elle ressemblait à celles que j’avais entendues dans mon enfance: voix de conteur, puissante et caressante, chargée d’expérience et de mystère, elle me semblait ne parler qu’à moi seule. »


C’est avec un brio incroyable que cette excellente biographe nous décrit les grandes heures, le grand galop de la vie militaire, puis diplomatique et enfin littéraire de Romain Gary, soulignant les moments marquants et les étincelles d’un parcours hors du commun. Gaulliste de la première heure, Gary a toujours eu un comportement viril, sans faiblesse vis-à-vis des hommes et des événements. Marié une première fois avec une femme intelligente qui sut garder son indépendance, il tomba amoureux plus tard d’une fée-enfant dont la fragilité sut attendrir son cuir rugueux et qui, un an avant lui aura la même fin tragique. Ainsi leurs destins seront-ils scellés dans la fulgurance et liés dans une actualité qu’ils ne cessèrent d’animer avec un indiscutable talent : elle dans un souci de révolte, lui dans un souci de dépassement. En effet, Gary ne fut jamais en confiance qu’au feu de l’action.

 

Ses débuts sont déjà prometteurs. Le Russe Romain Kacew publie dès juin 1945 « Education européenne » qui obtiendra le Grand prix des Critiques et met déjà en perspective son avenir d’écrivain avant même celui de diplomate et juste après celui d’aviateur dans les Forces françaises libres, soldat de De Gaulle. On ne peut passer sous silence, à ce moment même de la vie de Gary, les lettres que sa mère Nina lui écrivit en « les ornant de toutes les parures de son imagination », alors que la mort l’avait déjà ensevelie dans son silence nocturne, afin qu’il conserve l’espoir de la retrouver à son retour. Il racontera cet amour fou d’une mère qui avait tout misé sur son unique enfant dans « Les promesses de l’aube », l’un de ses plus beaux romans avec « Les racines du ciel », un titre à faire pâlir d’envie tous les romanciers.

 

L’Amérique des années 50 le subjugue. Mais ce sera un parcours du combattant sur un chemin semé d’embûches et de chausse-trappes où il s’agit surtout de briller, ce que Gary réussit fort bien avec son physique de Tartare, ses yeux bleus et sa voix grave, d'autant qu'il n’est jamais plus à l'aise que dans les improvisations, seul face à un public. Oui, il sait séduire. Avec sa femme d’origine anglaise Lesley, qui écrit admirablement et reçoit tout aussi admirablement, ils offrent à la France une tribune respectable. C'est à cette époque brillante de sa vie que « Les racines du ciel » seront couronnées par le Goncourt (1956), ouvrage qui ne fera pas l’unanimité de la critique.

 

Sous les feux de Los Angelès, il rencontre  bientôt son grand amour, la délicate Jean Seberg mariée à François Moreuil et déjà célèbre des deux côtés de l’Atlantique. C’est un coup de foudre de part et d’autre, époque où la jeune actrice tourne dans la douleur la Jeanne d’Arc de Preminger, une Jeanne de 19 ans terrorisée par son mentor. Lesley saura s’effacer avec une rare élégance lorsqu’elle apprendra que Jean attend un bébé et que Gary tient à l’épouser. A son tour, l’écrivain sera attiré par le 7e Art mais ce n’est pas ce que l’on retiendra de lui. Son film « Les oiseaux vont mourir au Pérou » sera un four aux Etats-Unis et bien accueilli qu’en Suède et en Allemagne où il ne sera jugé ni porno, ni hard. A 57 ans, auteur de 15 romans, Gary est un écrivain à vocation cosmopolite qui voyage beaucoup pour ne pas se figer dans la pose d’un vétéran. Jean a repris sa liberté et mit au monde une petite fille mort-née. Un désarroi immense s’est abattu sur elle. Si elle revient rue du Bac, ce lieu n’est plus pour elle qu’une escale où elle reprend un semblant de force. Tous deux fuient à leur façon leur rêve désenchanté. Jean se suicidera le 8 septembre 1979, alors que Gary joue avec son neveu à qui perd gagne avec le roman « La vie devant soi » publié sous le nom d’Emile Ajar, un roman burlesque  et sombre qui obtiendra le prix Goncourt et signe, avec une franche désinvolture, le plus grand canular du monde littéraire français. Gary aura si bien manoeuvré que l'on ne découvrira le véritable auteur, lui bien entendu, qu’une fois qu'il aura quitté la scène en se tirant une balle de revolver dans la bouche et assuré dans un bref message déposé sur son bureau : « Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. » Ainsi, aura-t-il mené son destin en homme qui se plaisait à l'organiser et à le gérer mais également ... en écrivain incendié de songes.


Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE


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Deux soeurs

Berthe Morisot, le femme en noir 

Mes vies secrètes

 

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Gary et Jean Seberg

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24 mars 2020 2 24 /03 /mars /2020 08:35
Alain-Fournier à l'heure du Grand Meaulnes et de son entrée dans la Pléiade
Alain-Fournier à l'heure du Grand Meaulnes et de son entrée dans la Pléiade

 

 

 

Qui lit encore « Le grand Meaulnes » d’Alain-Fournier à l’ère de l’informatique ou plutôt à l’âge du transhumanisme qui est sur le point de transcender nos limitations biologiques au travers de la technologie et tente de re-évaluer la définition de l’être humain comme on le concevait jusqu’alors ? Oui, la révolution numérique a tout remis en cause et dans des perspectives si révolutionnaires qu’un ouvrage comme celui-ci ne doit plus être lu que par un petit nombre d’amoureux  des beaux textes ou des contes féeriques. Cependant la tentation de l’impossible se profilait déjà dans le roman de ce jeune homme solognot, né en 1886, féru de littérature et qui préparait normal sup, concours auquel il échouera, ce qui l’incitera à se retirer à La Chapelle-d’Angillon pour écrire. Oui, la tentation de l’impossible peut prendre plusieurs aspects et c’est ici le cas. « Le grand Meaulnes » parait dans la Nouvelle Revue Française en feuilleton  de juin à novembre 1913 et suscite l’enthousiasme de nombreux lecteurs mais la guerre va très vite mettre en veilleuse ces débuts prometteurs, d’autant que l’auteur est tué le 22 septembre 1914 près d’Eparges, au bois de Saint-Rémy. Ce chantre de la féerie adolescente est mort à l’âge de Roméo et laisse dans la mémoire collective un élan romanesque presque surnaturel qui l’autorise à figurer à tout jamais dans l’histoire de la littérature française et d’avoir dessiné un personnage unique, un paradis de songe, une fuite devant le bonheur facile et un idéal d’autant plus difficile à atteindre qu’il est d’ordre mystique. En faisant entrer dans la Pléiade l'auteur de ce roman unique, les éditions Gallimard nous rappellent que les féeries de l'amour ne doivent en aucun cas disparaître,  d'autant que dans  "le monde d'avant"  le Grand Meaulnes  s'était acquis une imposante descendance.

 

Le roman retrace l’histoire d’Augustin Meaulnes, racontée par son ancien camarade de classe, François Seurel, devenu son ami. François Seurel et Augustin Meaulnes sont tous deux écoliers dans un village du Cher, près de Vierzon. Lors d’une escapade, Augustin Meaulnes arrive par hasard dans un domaine où se déroule une fête étrange et poétique, pleine d'enfants. Le château est bruissant de jeux, de danses et de mascarades. Meaulnes apprend que cette fête est donnée à l’occasion des noces de Frantz de Galais. Parmi les festivités, des promenades en barque sur un lac sont offertes aux convives ; Meaulnes y rencontre une jeune fille, Yvonne, dont il tombe instantanément amoureux. Mais la fête cesse brusquement car la jeune mariée a disparu.

 

 

Revenu à sa vie d’écolier, Meaulnes n’a plus qu’une idée en tête : retrouver le domaine mystérieux et la jeune femme qu'il a croisée. Ses recherches restent infructueuses. Les deux garçons font la connaissance du bohémien qui leur avoue être Frantz de Galais et leur fait promettre de partir à la recherche de sa fiancée perdue.
 

 

Meaulnes s’en va étudier à Paris mais avec le seul mobile de retrouver Yvonne. Les mois passent et François n'a plus de nouvelle de son ami. C’est par hasard que, devenu instituteur, il retrouve la piste de la jeune femme, Yvonne de Galais, la sœur de Frantz, dont le Grand Meaulnes est toujours amoureux. Aussitôt il prévient Augustin de cette bonne nouvelle.

 

 

Meaulnes demande en mariage Yvonne qui accepte. Pourtant le lendemain du mariage, Meaulnes s'en va sans laisser d’adresse. François décide de s'occuper d'Yvonne et du père de celle-ci. Il devient le confident de l’épouse délaissée. Quelques mois passent et Augustin ne revient toujours pas, alors qu’Yvonne attend un enfant. C’est à ce moment-là que François découvre les carnets de son ami où celui-ci explique être parti pour  retrouver la fiancée de Frantz.

 

 

L'accouchement ne se passe pas bien : Yvonne fait une embolie pulmonaire et meurt et le père d’Yvonne décède quelques mois plus tard, si bien que François devient l'héritier. Il s'occupe de la petite fille jusqu'à ce que Augustin Meaulnes réapparaisse enfin …

 

 

 

 

Brigitte Fossey (Yvonne de Galais) dans le film de Gabriel Albicocco en 1967
Brigitte Fossey (Yvonne de Galais) dans le film de Gabriel Albicocco en 1967

Brigitte Fossey (Yvonne de Galais) dans le film de Gabriel Albicocco en 1967

Nous sommes loin, en effet, des paradis plus immédiats et réalistes d’une certaine jeunesse contemporaine. Celui, envisagé par Alain-Fournier, propose des pistes infinies, un goût de l’étrangeté et sait tisser des mystères qui parviennent aisément à envoûter le lecteur. Sous le couvert d’un récit limpide, « Le grand Meaulnes » plonge dans la nuit imaginaire sans cesser de privilégier un amour unique, de nous offrir un jeu de miroir d’où le pathétique n’est pas exclu. C’est Yvonne de Galais, cette jeune fille qui, dans un halo d’angoisse, suscite une poursuite sans fin et focalise toutes les promesses de bonheur et d’accomplissement qu'un jeune homme est en droit d’espérer. Nous sommes là dans une expérience intime mais contée avec une mélancolie poignante, une espérance qui se heurte constamment à l’inaccompli, si bien que le roman reste à jamais celui d’une aspiration, aspiration à un idéal qui n’a peut-être pas encore déserté notre monde chaotique, en quête de transcendance.

 

A travers ce roman, Alain-Fournier nous présente une étude descriptive de la vie rurale à la fin du XIXe siècle, vie marquée par les événements d’alors, la défaite de Sedan par exemple, mais également l’existence ritualisée par la participation aux fêtes religieuses et aux offices, la description des métiers et la vie à l’école, ce qui rejoint bien des romans du terroir de l’époque. Mais ce qui le différencie du roman habituel est l’aspect onirique et initiateur que l’ouvrage développe et qui retient l’attention, cela grâce à l’irruption du surnaturel dans l’existence ordinaire. C’est également un roman sur la désillusion, la réalité meurtrissant l’idéalisme de l’adolescence. Nous assistons à la découverte des imperfections, de l’impureté, des trahisons du monde adulte par le jeune héros Augustin qui voit se fracasser son rêve, sombrer son univers. Il ne faut pas oublier qu’Alain-Fournier est empreint d’un catholicisme pessimiste. Il connait la force de la corruption et du péché et son roman peut être considéré comme un adieu au monde idéal de l’enfance, paradis célébré qu’on ne peut retrouver que dans la littéraire, dans les mots qui réédifient la statue  irréprochable.

 

« Le fin mot de cette histoire » – écrit le philosophe Jean Levêque – « est l’envahissement de la vie par le jeu, onirique de préférence, qui rend cette vie possible. L’expérience décisive qui conduit Frantz à jouer sa vie, à confondre sa vie avec un immense jeu, c’est à travers l’échec de ses fiançailles, la découverte de l’impossibilité du bonheur, d’une vraie vie dont l’obstacle mystérieux semble résider dans l’existence elle-même. Enfin tout se passe comme si il y avait une malédiction attachée à la pure vérité de l’amour » - conclut-il.

Deux films se sont inspirés de ce beau roman, ce qui prouve que « Le grand Meaulnes » conserve de fervents admirateurs bien au-delà des frontières du temps.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Images du film de Jean-Daniel Verhaeghe en 2006 avec Clémence Poesy
Images du film de Jean-Daniel Verhaeghe en 2006 avec Clémence Poesy

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Alain-Fournier à l'heure du Grand Meaulnes et de son entrée dans la Pléiade
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11 mars 2020 3 11 /03 /mars /2020 10:14
Jean-Marie Le Clézio ou le nomade mystique

 

Alors que l'on disait la culture française en perte d'influence de par le monde, le prix Nobel qui a été, attribué, il y a de cela quelques années, à un écrivain magnifique Jean-Marie Gustave Le Clézio, rend à la littérature de notre pays ses lettres de noblesse. Un auteur à lire d'urgence.
 

 

"Longtemps je restais là à regarder le mot étrange, sans comprendre, à moitié caché dans les hautes herbes, entre les feuilles de laurier-sauce. C’était un mot qui vous emportait loin en arrière, dans un autre temps, dans un autre monde, comme un nom de pays qui n’existerait pas."
 

 

Ecrivain solitaire et méditatif, timide et peu bavard, Jean-Marie Gustave Le Clézio rejoint les aspirations d'une époque au moment où celle-ci s'interroge sur le tragique de sa condition et découvre la sagesse des peuples anciens, plus proches de la nature et peut-être d'une certaine vérité. Face à la page blanche, cet écrivain solaire, dont l'écriture constitue l'aventure par excellence avoue : " Ecrire, c'est comme l'amour, c'est fait de souffrance, de complaisance, d'insatisfaction et de désir."
 


Ecologiste avant l'heure, préoccupé du sort de la planète et des multiples héritages de l'humanité, il dit encore : " J'ai cru longtemps que les mots pouvaient enclencher une sorte de frénésie ou de danse, puis je me suis aperçu que cette exaltation était plus grande quand elle était intériorisée. "
 


Ce marcheur, arpenteur de déserts, curieux et inquiet du monde, a voyagé sur tous les continents et passe aujourd'hui sa vie entre le Nouveau-Mexique, Nice et sa maison dans la baie de Douarnenez. Mais son inspiration se nourrit principalement de la fréquentation assidue des civilisations anciennes et de ses longs séjours auprès des peuples oubliés. En 1970, il s'immergera durant 4 années au milieu des Emberas, dans la forêt tropicale, à Panama. Il en sortira métamorphosé au point d'écrire :

 

Cette expérience a changé toute ma vie, mes idées sur le monde et sur l'art, ma façon d'être avec les autres, de marcher, de manger, d'aimer, de dormir, jusqu'à mes rêves ".

 

 

Né le 30 avril 1940 à Nice, Le Clézio fait une entrée remarquée en littérature en obtenant le prix Renaudot avec son premier roman Le procès-verbal. Il avait alors 23 ans et venait d'achever des études de lettres et d'anglais et préparait un doctorat d'histoire. Dans cet ouvrage, il traduisait déjà le malaise d'une époque urbaine saisie par le vertige de la consommation. Mais après cette oeuvre proche du Nouveau Roman, le jeune le Clézio s'émancipe et trouve sa propre voie, dénonçant à travers ses ouvrages ultérieurs, les déviations d'une société matérialiste qui s'éloigne de ses valeurs essentielles. Ce seront Le déluge (1966) Terra Amata (1967), Les Géants (1973). Avec ce dernier ouvrage, il met un terme à sa période noire et inaugure une époque plus apaisée. Désert (1980) raconte l'histoire des hommes bleus d'une plume incandescente et les nombreux voyages, qu'il entreprend alors, ne vont plus cesser de l'inspirer. Il y aura ainsi Le chercheur d'or (1985) et Voyage à Rodrigues (1986), deux récits qui retracent la quête d'un grand-père entre les îles Maurice et Rodrigues, romans animés d'un grand souffle que j'ai particulièrement appréciés.

 


Dès sa jeunesse, il a considéré la littérature comme sa première exigence et écrira dans L'extase matérielle : " La beauté de la vie, l'énergie de la vie ne sont pas de l'esprit mais de la matière". Aujourd'hui à 68 ans, auteur d'une cinquantaine de livres et d'innombrables articles, l'Académie Nobel l'a salué " comme l'écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle au-delà et en dessous de la civilisation régnante".

 

Son père étant anglais et sa mère française, il est bilingue mais écrit en français, peut-être par opposition à la colonisation par les Anglais de l'île Maurice où émigrèrent jadis ses ancêtres bretons.

 


Pour moi qui suis îlien, quelqu'un d'un bord de mer qui regarde passer les cargos, qui traîne les pieds sur les ports, comme un homme qui marche le long d'un boulevard et qui ne peut être ni d'un quartier ni d'une ville, mais de tous les quartiers et de toutes les villes, la langue française est mon seul pays, le seul lieu où j'habite".



Dans la plupart de ses ouvrages, il dit avoir accès à la réalité uniquement par le langage qui contient tout. Par ailleurs, l'écrivain s'attache à une réflexion sur la relation entre langage, vérité et réalité. Mais il reste méfiant envers ce qui ressemblerait à un système de pensée. C'est, par vocation, un éclectique qui préfère se référer à une  mosaïque de pensées qu'à un système quelconque. Intéressé par les mythologies, il est aussi un homme du voyage, un nomade, ainsi que pourrait l'être un Oedipe moderne. Il s'est libéré progressivement de l'angoisse du monde contemporain par une sorte d'exil permanent, celui d'un chevalier qui le conçoit comme l'acte métaphysique de la conquête du monde. Sa complexité, la magie de son verbe, sa quête sincère de l'homme en ce qu'il a d'authentique et de meilleur en ont fait un écrivain original, un magnifique ciseleur de mots, dont la question fondamentale, celle qui sous-tend toute son oeuvre pourrait se résumer ainsi : comment penser la diversité et la mondialité sans rompre l'unité et rester au service de l'homme ?
 

 

Armelle BARGUILLET  HAUTELOIRE
 

 

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Jean-Marie Le Clézio à ses débuts.

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7 mars 2020 6 07 /03 /mars /2020 08:55
Emmanuel Levinas ou l'autre plus que soi-même

LEVINAS  naquit en Lituanie en 1906. En 1923, il arrive en France et se fixe à Strasbourg. Il découvre alors la philosophie allemande et se rend à Fribourg pour suivre, durant un an, les cours de Husserl. Passe sa thèse de doctorat sur l'oeuvre du philosophe allemand : Théorie de l'intuition dans la phénoménologie de Husserl, dirigée par Maurice Pradines. Il traduira d'ailleurs en français plusieurs des ouvrages de ce maître et restera fidèle à la rigueur de la phénoménologie. Mais qu'est-ce que la phénoménologie ? Une rupture dans la relation entre le sujet et l'objet à propos de ce qu'avait dit Descartes. Ce dernier considérait que nous ne pouvions en aucune manière faire confiance à nos sens et aux raisonnements de notre cerveau. Doutant de tout, Descartes ne reconnaissait qu'une chose : qu'il ne pouvait douter qu'il était en train de douter. Or pour douter, il faut exister. En effet, je puis douter de tout, sauf douter que j'existe. Cette constatation fait acte d'une vérité première. Deuxième question : mais qu'est-ce que je suis ? Je suis forcément une chose qui pense puisqu'elle doute ? Je suis un sujet, une chose pensante. Et tout ce qui se trouve en face de moi est objet. Le monde est de ce fait un objet de ma conscience. La philosophie cartésienne se fonde sur le rapport au sujet. Si bien que le sujet, séparé de la nature, peut désormais envisager de l'aménager comme bon lui semble. A partir de là, la nature sera appréhendée différemment. On peut dire que Descartes a été à l'origine de la naissance des techniques.

 


Avec la phénoménologie, l'être devient une personne en relation, car toute pensée est pensée de quelque chose. Une conscience sans objet n'existe pas. C'est un mouvement constant. Il faut aller " aux choses mêmes " disait Husserl, établir un rapport direct avec elles et ne pas se contenter de représentations abstraites. Il n'y a pas de conscience pure de tout objet. Dorénavant la conscience n'est plus repliée sur elle-même, comme elle l'était du temps de Descartes, elle se tourne vers autre chose, elle est une tension et il faut la percevoir dans sa tension vers l'objet, dans sa relation d'intentionnalité du sujet à l'objet. Chacun se pense dans un monde qui lui est propre. Ainsi il y a la forêt du forestier, celle du botaniste, celle du simple promeneur et chacune est différente...

 


Levinas sera également influencé par Heidegger, dont il a suivi les cours en Allemagne, et pour qui l'objet, quel qu'il soit, ne pouvait être pensé selon la conscience que nous en avions. A partir de ces thèses, Levinas élabore la sienne et donne la priorité à la question de l'autre, car il est impossible d'échapper à l'être. Il faut que l'être apprenne à sortir de lui. La terrible expérience des camps nazis, où il passera quatre années en tant que prisonnier juif, va élargir, bouleverser sa vision de l'être. La haine de l'autre qu'il découvre dans les camps, cette sorte d'allergie à la proximité l'incite à croire que la responsabilité personnelle de l'homme, à l'égard de l'autre, est telle que Dieu ne peut l'annuler. La relation à autrui se transmet en un accroissement continu des obligations à son égard. Le rapport au divin coïncide alors avec la réalisation de la justice sociale. C'est un autre homme qui revient en France en 1945, y retrouve sa femme et sa fille qui avaient pu trouver asile à Orléans auprès des religieuses de Saint-Vincent de Paul, alors que les membres de la famille, restés à Lituanie, ont été massacrés.

 


En 1966, il écrit un article où il déclare : "Quand on a cette tumeur dans la mémoire, on ne peut rien y changer." D'où l'importance de sa philosophie de l'autre. Il pose cette question : "Quel est le statut d'un sujet mutilé, tué par l'histoire, dont l'humanité a été démentie ?" L'existant doit provoquer une rupture en se posant comme responsable de l'autre. C'est un nouvel humanisme qui est proposé à nos sociétés modernes. La parole biblique parle de la proximité du prochain. Il faut la reprendre et la réactualiser. D'ailleurs Levinas s'initiera au Talmud.

 

 

Sa thèse est celle-ci : Nous n'existons jamais au singulier. Quelle que soit la perception que j'aie, autrui est toujours là. On ne peut se définir sans lui. C'est le lien avec autrui qui me permet ma relation avec moi-même. Mon je  n'existe que par rapport à son tu. L'autre ne se réduit pas à l'image que nous nous en faisons. A preuve son visage. Ce visage est trace de l'infini. Il exprime l'altérité. C'est à partir de ce lieu privilégié, le visage de l'autre, que Levinas fixe son exigence éthique et sa morale.

 


Cette signifiance du visage excède de beaucoup sa représentation. N'est-ce pas lui qui fait sens et me tourne vers l'infini ?  Alors que le concept me ramène au même, le visage m'ouvre à l'infini de l'autre. Néanmoins autrui n'est jamais donné complètement dans ce visage qui est sensé l'exprimer. Comme l'infini, autrui ne cesse de nous échapper. Il faut le reconnaître en tant qu'indéfinissable. Personne ne sera jamais quitte vis- à- vis de son proche. Nous serons éternellement l'obligé de l'autre, car cet autre me regarde et me prend en otage, il m'investit de responsabilité, responsabilité qui n'atteint jamais son terme et ne peut être déléguée. Qu'on le veuille ou non, nous avons tous été élus pour être responsables. On devient ainsi le gardien de son frère, on a envers lui une responsabilité morale. L'idéal de Levinas pourrait se résumer ainsi : le moi ne devient humain que lorsqu'il déserte son être. Désintéressement, allégeance à autrui. Heidegger écrivait que l'être est le garant de l'être. Levinas va plus loin : il faut être plus que soi-même et se débarrasser de soi, sacrifier son égo au bénéfice d'autrui.
Professeur à la Sorbonne de 1973 à 1976, il prend sa retraite en 1979, retraite féconde. Il écrira alors : Ethique et infini - Transcendance et intelligibilité - Entre nous. Il part rejoindre ses frères dans l'infini le 24 décembre 1995.

 

 


Autres textes importants :

 

Totalité et infini

Autrement qu'être ou au delà de l'essence.

 

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Emmanuel Levinas ou l'autre plus que soi-même
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5 février 2020 3 05 /02 /février /2020 08:52
Le pays du lieutenant Schreiber d'Andreï Makine

Ce livre est un hommage à un homme qui a consacré une part de sa vie à défendre l’honneur de la France. Cet homme est le lieutenant Schreiber. Lui et l’auteur s’étaient liés d’amitié à la suite d’une lettre que le lieutenant avait adressée à Andreï  Makine lors de la publication de « Une France qu’on oublie d’aimer ». Petit-fils de juifs allemands, Jean-Claude Servan-Schreiber était tombé amoureux de la France, comme le sera  Makine, dès sa jeunesse. « La voix que j’ai devinée derrière ses lignes » - précise Makine – « a restauré le seul lien auquel un auteur doive attacher de l’importance : son texte compris et apprécié par un lecteur. » A l’époque de leur rencontre, le lieutenant a 88 ans. Il invite l’écrivain à venir prendre un verre à son domicile. Ainsi commence une émouvante amitié et la rédaction de cet ouvrage qui n’a d’autre but, précise Makine, que d’aider la parole du lieutenant à vaincre l’oubli. Et ajoute-t-il sur la quatrième de couverture : « Je n’aurais jamais imaginé un destin aussi ouvert sur le sens de la vie. Une existence où se sont incarnés le courage et l’instinct de la mort, l’intense volupté d’être et la douleur, la révolte et le détachement. J’ai découvert un homme qui avait vécu à l’encontre de la haine, aimé au milieu de la pire sauvagerie des guerres, un soldat qui avait su pardonner mais n’avait rien oublié. Son combat rendait leur vraie densité aux mots qu’on n’osait plus prononcer : héroïsme, sacrifice, honneur, patrie… »

 

 

Makine aime les hommes qui ont cette foi, cette espérance et  la discrétion, ou mieux  la pudeur. Page 65, il insiste au sujet du jeune lieutenant : «  Son credo de légèreté n’est pas une posture d’esthète. Cette vision qui ne noircit pas le monde ni ne diabolise les hommes, il l’a acquise dans les années où le monde était infiniment sombre et les hommes dans leur cruauté, rivalisaient avec les engeances les plus démoniaquesEt ce très jeune homme oppose à cet univers-là son courage de soldat, sa gaieté de gosse, son sourire de gamin. » En effet, le jeune Schreiber s’est engagé d’emblée dans la guerre et a accepté de traverser l’enfer pour tenter de nous en préserver. Aussi le vieil homme n’a-t-il qu’un désir en contemplant le monde d’aujourd’hui où l’on ne jure que par la mondialisation, où le bougisme est à la mode, où on obéit à la marchandisation et aux capitaux, au pillage d’un continent au profit d’un autre, de permettre à chacun d’entendre l’écho lointain mais lancinant des grands silences de la mémoire et de rappeler aux nouvelles générations ce qui se cachait derrière cet hier meurtrier .

 



Le livre fut dans un premier temps rédigé par Schreiber lui-même mais les refus ne cessèrent de se multiplier malgré les efforts de Makine de persuader les éditeurs de l’intérêt de ce témoignage (qui, grâce à lui et à sa plume, deviendra un hommage). Oui, douce illusion en un temps où « la mentalité ambiante est celle où l’intelligence se doit d’être cynique et où la dérision remplace toute forme de jugement. » Certes, le livre paraîtra mais sera très vite retiré des ventes et les stocks iront au pilon un mois plus tard sans que la voix du lieutenant Schreiber ait été entendue. Si bien « que le jeune soldat s’est figé sur une couverture de livre destiné à être réduit en poussière de papier. » C’est alors qu’Andreï Makine prend le relais afin que soient connus le destin et le courage de ce soldat et que son message de dignité ne reste pas lettre morte et soit transmis aux nouvelles générations.


Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE


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L'art d'écrire selon Andreï Makine  

 

Andreï Makine ou l'héritage accablant  

 


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Le colonel Jean-Claude Servan-Schreiber

Le colonel Jean-Claude Servan-Schreiber

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Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

LES MOTS, nous les aimons pour eux-mêmes, leur sonorité, leur beauté, leur velouté, leur fraîcheur, leur hardiesse, leur insolence, leur curiosité, leur dureté, leur volupté, leur rigueur.
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Ainsi nous conduisent-ils vers l'autre, l'absent, l'étranger, l'inconnu, l'exilé.

Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

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