Maintenant que tu m’as quitté,
je vais te célébrer ô ma beauté,
mon épouse, ma bien- aimée,
de mon amer exil, je vais louer la grâce
dont je suis habité.
Mon chant sera mon effusion.
Par lui, j’accéderai à l’ultime langage
des anges et des étoiles
et toi, ma compagne, seras seule à comprendre
leurs mystiques fusions
et l'éther me rendra plus suave sa musique.
Voilà que devant moi l’horizon s’élargit,
que de multiples sphères déroulent leurs anneaux,
que l’espace se dévoile et s’ouvre et s’agrandit,
que j’entends murmurer de si étranges mots !
La poésie est devenue ma terre promise.
Elle fleurit sous mes pas.
Voyez les lys blancs et les jaunes narcisses
et voyez le feuillage de ce kaïcedrat !
Ma muse s’approche et me conduit,
vers quelle rémanence, vers quelle théophanie ?
D'elle s'exhale une douce,
une très douce odeur de pluie.
Et ce chemin qui va entre lilas et buis
où nous mènera-t-il ?
Vers quelle île de lumière, vers quel paradis ?
Mon chant a sur mes lèvres un goût de miel.
Je t’ai couchée ce soir dans ma mémoire
et ton sommeil oscille, douce lumière qui veille.
Tes paupières ont enclos l’infini sous leurs ailes,
je me délecte à la seule vue de ta beauté.
Sur ma vie, tu règnes plus faste qu’un été,
irradiant de fraîcheur une terre assoiffée.
Songeuse, tourne un peu ton visage.
Mais tu dors ? Oui, repose, qu’à tes pieds
je puisse, sans te faire de tort,
déposer mes présents de pure gratuité.
Quelle force tranquille a usé l'impatience
jusqu'à sa trame la plus intime,
qui a joint la tunique d'un seul fil-à-fil ?
Je ne connais plus la couleur de tes yeux,
ouvre-les un instant, un instant pour nous seuls,
que je m’y perde un peu et que je me souvienne.
Ton regard, rends-le moi, l’éternité y coule
lentement ses eaux bleues.
O ma femme, mon aimée,
pour un pacte d’amour qui n’a plus de durée,
je romps le cercle de servitude
où notre histoire s’enlise et où l’ingratitude
cueille les fleurs pauvres de l’infidélité.
Vers quelle source obscure en moi-même supposée
remonterai-je en vain ?
Quelque chose se déchire, se brise à tout jamais,
une écluse relève ses vannes de tristesse
et libère mon être d'un trop plein de pensée.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
(Le Chant de Malabata – extraits de STANCES )
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