Lire un polar qui met en scène le grand Antonin Carême ne peut que mettre l’eau à la bouche et, même, si le roman policier laisse un peu le lecteur sur sa faim, la partie gastronomique ravira même les moins gourmands.
Le cuisinier de Talleyrand
Jean Christophe Duchon-Doris (1960 - ….)
En passant par Valençay, sur le parcours de mes vacances, je me suis un jour arrêté pour visiter le château du célèbre Prince de Bénévent, Charles-Maurice de Talleyrand, et j’ai acheté ce livre de Duchon-Doris rien que pour goûter, par l’imagination, la cuisine d’un des pères de la gastronomie française : Antonin Carême. J’ai dégusté ce livre qui évoque bien évidemment les belles recettes, l’immense talent et la géniale créativité du grand maître queux mais aussi une enquête policière devant élucider un crime odieux perpétré dans le foisonnement d’intrigues entourant les négociations du traité de Vienne qui essayait de dessiner la nouvelle l’Europe après la déroute napoléonienne.
Un beau matin d’automne 1814, un rôtisseur de la batterie d’Antonin Carême est sauvagement assassiné alors qu’il se rend à Schönbrunn pour une raison inconnue de tous, ou presque, les circonstances du crime semblent accabler le célèbre cuisinier ; l’inspecteur Vladeski de la police de l’empereur d’Autriche est chargé de retrouver le meurtrier et de dénouer l’intrigue qui se dissimule derrière ce crime. Il se lie progressivement d’amitié avec le maître queux, séduit, comme beaucoup d’autres, par son immense talent culinaire.
Ce roman policier n’est hélas pas aussi goûteux que la cuisine proposée par celui qui a donné son titre au livre ; le texte est beaucoup trop délayé, des descriptions multiples, parfois sans rapport avec l’intrigue, encombrent le déroulement de l’enquête, rompent le rythme du récit et la narration de diverses péripéties émaillant le Congrès ne restent pas seulement des éléments contextuels mais font aussi partie du récit comme si l’auteur voulait écrire un essai sur cette période clé de l’histoire de l’Europe. Par ailleurs, à chaque changement chapitre, Duchon-Doris prend le temps de camper le décor, coupant ainsi trop souvent le rythme de l’enquête, ces éléments contextuels sont certes indispensables au roman mais ils sont trop souvent hors sujet. Les fêtes et les bals inondent le texte, les descriptions des réceptions, des toilettes et de multiples autres choses finissent par lasser le lecteur qui accepterait volontiers quelques coupures aérant ce narratif touffu.
Dommage car ce roman reste un bon polar historique qui ravira sans doute les disciples de Clio. Ceux-ci pourront, à sa lecture, réviser l’histoire de notre continent et découvrir les fondations de l’Europe du XIXe siècle et même d’une partie du XXe avant que les deux guerres modifient une nouvelle fois la géographie européenne. A trop vouloir en dire, l’auteur a noyé nombre de lecteurs, comme moi, qui ont navigué entre l’intrigue policière, le roman historique, la description de la Vienne impériale et les apartés gourmands avec le grand maître queux.
Denis BILLAMBOZ
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