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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 08:15
Un certain sourire de Françoise Sagan

Jusqu’à cette lecture je ne connaissais rien de Sagan, ou presque, elle n’appartenait pas à mon monde, elle avait surgi avant 68, pour moi elle appartenait à la génération d’avant, et j’avais tellement d’idoles à admirer que Sagan était restée sur les étagères poussiéreuses qui accueillent les livres qui ont quitté l’actualité et n’appartiennent pas encore à l’histoire.
 

 

 

                                                      Un certain sourire

                                   Françoise Sagan (1935 – 2004)

 

 


Jusqu’à ce jour, je n’avais donc presque rien lu de Sagan, je n’avais même pas dix ans quand elle a écrit ce roman, son deuxième, après le célébrissime « Bonjour tristesse », je m'en tenais à la femme sulfureuse qui  agitait les médias en créant le scandale à de multiples occasions. Dans ce texte, j’ai découvert une jeune auteure, presque encore une jeune fille, fragile, sensible, mais volontaire et engagée qui n’hésite pas à tutoyer la transgression en allant à l’encontre des bonnes mœurs de l’époque pour évoquer l’amour d’une jeune fille, tout juste sortie de l’adolescence, pour un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Aujourd’hui ce texte passerait sans doute pour une gentille bluette, le rock an roll, les hippies, les beatniks, la révolution sexuelle  n’avaient pas encore déferlé sur le Vieux Continent, dans les années cinquante, aussi faisait-elle preuve d’une réelle audace, et même d’une certaine provocation, en mettant en cause la morale bien pensante de la génération précédente.

 

Dominique, jeune provinciale icaunaise, arrive à Paris pour suivre ses études, elle traine son ennui dans les bars des quartiers estudiantins avec Bertrand, son amoureux de circonstance, qui lui présente Luc, son oncle, qui ne laisse pas la jeune fille indifférente. Rapidement elle balance entre le jeune homme et l’homme mûr, moins beau mais beaucoup plus séduisant, et progressivement  s’immisce dans le couple de Luc, ne cherchant qu’à vivre une aventure charnelle avec le quadragénaire sans détrôner sa fidèle épouse. Toute la mécanique du texte repose sur la dualité entre plaisir et amour, Dominique réussira-t-elle a satisfaire son corps sans attacher son cœur à celui de Luc qu’elle ne prend, a priori, que comme une passade, une expérience, une étape dans sa vie de femme en construction ?

 

La lecture de ce texte fait immédiatement surgir des images de Jean Claude Brialy, Claude Rich, Jean Pierre Cassel, trainant gauchement une langueur affectée pour séduire des blondes évaporées et languides comme Jeanne Moreau, Jean Seberg, Bernadette Lafont, dans des films estampillés « Nouvelle vague » que j’ai vus durant mes années estudiantines. Une image fidèle de cette jeune bourgeoisie sans souci financier qui s’ennuyait un peu en attendant que la musique révolutionne les mœurs.

 

Je ne me souviens pas de la polémique qui a entouré la parution des premiers romans de Sagan mais après cette lecture, je peux aisément concevoir la réaction des populations éduquées dans la conception de l’amour qui conduit au mariage et à la procréation, impliquant un respect strict de la fidélité conjugale. Dominique aime Bertrand pour meubler le vide de sa vie, elle succombe au charme de Luc, un homme marié et beaucoup plus âgé qu’elle, simplement, du moins l’espère-t-elle, pour connaître une aventure charnelle sans grand sentiment. Des comportements et des mœurs qui ne peuvent que choquer le bourgeois d’avant les sixties et déclencher les réactions en chaîne qui ont meublé la vie de l’auteure.

 

Sagan était peut-être un peu visionnaire, elle a peut-être senti que les mœurs étaient en train de se libérer, que l’amour ne serait plus comme avant même s’il pouvait encore piéger le cœur des petites filles qui voudraient jouer à la femme épanouie et être maitresse de leur vie sentimentale. Un roman tout à la fois initiatique et précurseur, à partir des années soixante les filles n’apprendront plus les relations amoureuses comme leur mère. Et cette révolution ne se fera pas sans quelques soubresauts.

 

Denis BILLAMBOZ

 

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commentaires

P
Salut Denis,je vois que je ne suis pas le seul à commenter ce roman bien connu, une voix qui a son charme. Oui, je l'ai lu comme "Bonjour tristesse" que j'ai préféré. Oui, ces années respiraient tout de même une certaine joie de vivre. Quand je vois les films de cette époque, la plupart transpirent une certaine insouciance. J'aurais aimé avoir 20 ans dans les années 60. Et je souffre de voir mon fils aîné les avoir dans notre triste époque.
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L
J'ai le souvenir d'une jeunesse heureuse, en effet. Bien sur, il y avait le service militaire pour les garcons et la guerre d'Algerie mais c'etait l'epoque du jazz, de salut les copains, les rues elegantes de la capitale et les jeunes filles ravissantes avec leurs jupettes en vichy. Les chansons etaient gaies, nous avions un president, Charles de Gaulle qui nous rendait fiers d'etre francais. Mai 68 a signe le debut du declin et Sagan a su rendre compte d'une jeunesse insoucieuse et deja declinante, celle des oisifs. Avec talent, d'ailleurs.
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B
Et à cette époque, nous étions jeunes et beaux !
B
Je vois que mon commentaire ne laisse pas indifférent, j'attendais un peu Armelle et Edmée qui ont connu le bonheur, comme moi, d'être jeune dans les années soixante mais, en ce qui me concerne, j'étais bien loin de la vie des bobos des grandes villes, j'étais un jeune campagnard qui travaillait dur et faisait beaucoup la fête, surtout avec les copains car les parents veillaient jalousement sur la vertu de leur fille.en les cadenassant à la maison. J'ai conscience d'avoir vécu a une très belle époque, nous n'avions pas grand chose mais savions faire une belle avec presque rien.
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A
Je ne pense pas que Sagan ait vraiment innové. Il y a longtemps que de grands auteurs étaient passés de l'autre côté du miroir comme Mauriac, par exemple, mais elle a su faire entendre cette petite musique d'une jeunesse gâtée qui s'ennuyait dans le confort des années 60 où la France se portait bien, avait une place importante dans le monde, où ce qu'on appellerait aujourd'hui les bobos avaient le désir de secouer la torpeur d'un trop grand bien-être. Car les années 60 ont été des années heureuses lorsque l'on voit ce que l'on traverse aujourd'hui. Ces valeurs bien pensantes avaient aussi leur bon côté et la jeunesse d'alors, dont j'étais, vivait un épanouissement que je ne reconnais pas dans celui de mes petites filles. Quant à Sagan, elle avait un ton et un charme que je préfère de beaucoup à celui de Marguerite Duras. J''écrirai un jour un article sur elle. Voilà une femme qui n'était pas heureuse et si peu libérée.
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A
Je reconnais bien Edmée dans son commentaire. J'ai toujours aimé lire Sagan. Elle avait à l'époque cette plume qui a bousculé des pseudos "bien pensants" et comme vous le dites, un côté initiatique et précurseur. Merci d'en parler.
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E
Je suppose que Sagan, tout simplement, a osé écrire ce qui se faisait en silence, comme Colette par exemple. Ces "aventures" ont toujours existé mais on préférait croire que les maris étaient victimes de monstrueuses débauchées, qui n'avaient pas, de leur côté, leurs hésitations, refus, doutes et petits courages. Les bonnes épouses et les immondes maîtresses, le mari toujours "pauvre chose sans défense"... Ha ha ha. Ou le mari très très consentant oui, mais "c'est pas sa faute s'il y a des garces"... c'était, disons-le... très sexiste :-)
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