Aujourd’hui, je vous propose un texte léger, drôle, ironique qui cache cependant bien mal la bonne dose d’amertume que le narrateur éprouve à l’endroit de nos contemporains, notamment ceux qui travaillent dans les médias et ceux qui inventent des causes humanitaires pour faire parler d’eux. Une façon de dénoncer les travers de notre société sans accabler le lecteur sous un lot de nouvelles toutes plus affligeantes les unes que les autres.
De l’influence du lancer de minibars sur l’engagement humanitaire
Marc Salbert (1961 - ….)
Même si les minibars volent beaucoup moins gracieusement dans le ciel de Cannes que les papillons dans celui de la baie de Rio, ce roman ressemble étonnement à une démonstration du phénomène bien connu de l’effet papillon en expliquant comment un minibar largué par la fenêtre d’un hôtel cannois peut valoir au journaliste, auteur de cette défenestration, une disgrâce qui le conduit du service culturel de son journal à celui des informations générales où, dès son premier reportage, il rencontre malencontreusement la matraque répressive d’un CRS lors de l’évacuation d’un campement afghan sur la Butte Montmartre. Et l’enchaînement des événements ne fait que commencer, Arthur, le journaliste blessé, devient une icône pour tous ceux qui n’aiment pas les CRS et sont prêts à défendre toutes les causes qu’ils croient justes, ainsi Arthur est-il entraîné dans une aventure dont il ne maitrise pas les péripéties.
Sous le prétexte de cet enchaînement d’événements fortuits, Marc Salbert tricote une petite histoire drôle, légère, cocasse qui contraste avec l’ambiance tristounette actuelle, tout en dressant un tableau à la fois acide et amer de la société contemporaine, notamment du monde des médias et de l’engagement humanitaire. Il recourt avec adresse et finesse à l’ironie, à la dérision, et même à la malice pour narguer ses concitoyens qui sont parfois ses collègues des médias et pour dénoncer, comme le fait l’un de ses personnages : « le nivellement par le bas, le triomphe du rien, de l’égoïsme, de la sottise, des fausses valeurs, de l’égalitarisme forcené ».
Dans ce texte contemporain, écrit dans un langage actuel avec tout ce qu’il faut d’anglicismes et de formules branchées pour être crédible, l’auteur joue les Modiano de Montmartre en entraînant le lecteur dans les rues, ruelles, escaliers, places, bars, restaurants et salles de spectacles de la célèbre butte et en nommant à chaque fois les lieux comme pour l’inviter à les fréquenter. Une balade légère et primesautière qui masque mal la causticité de l’auteur envers tous les travers de notre société, aussi bien les brutalités stupides des forces de police que l’angélisme béat des milieux intellectuels, aussi bien la puérilité des petites querelles individuelles qui pourrissent la vie de chacun que les grandes injustices qui déstabilisent notre monde.
Une leçon de sérénité et d’optimisme puisée à la source de l’ambiance un peu surannée du rock and roll des années soixante dix, celles du hard rock et des punks, mais surtout celles de Led Zeppelin, le groupe fétiche du héros.
Denis BILLAMBOZ
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