Si les souvenirs m’assaillent,
Je ne m’en détourne pas. Je les prends
Afin que dans mon cœur ils flambent,
Ils y fassent un bel été.
Ton visage ne cesse pas de se recomposer.
L’onde y inscrit un sourire, y ébauche un pli.
Ainsi es-tu, présent ô combien ! Pacifié.
Si différent d’autrefois.
Je me rappelle que tu marchais
Avec cette retenue que, parfois,
Ont les femmes, les gens qui,
A leurs sépulcres, conduisent leurs défunts.
Mais, dans cet aujourd’hui,
Plein de sel et d’embrun, quelle douceur ombre
Ton visage, quel amour libère enfin ses secrets ?
Naguère, j’aimais à te voir venir parmi les haies de lauriers et de symphorines. Tu ressemblais à un pèlerin.
Les senteurs printanières se ramassaient sous les branches, on s’enivrait d’un chant de tourterelle, d’un baiser.
La vie avait les mêmes couleurs que l’enfance. Lentement elle nous envahissait. Nous passions des heures à deviner ce que le monde oubliait de nous montrer, des heures à surprendre l’irréalité.
Le soir s’allongeait contre la hanche d’une colline. Des murmures nous laissaient croire qu’autour de nous dansaient quelques anges candides. Paix à ceux qui entendent. Nos paroles se mêlaient au soliloque des blés.
Il faut que tu le saches : je marche dans ce pays depuis toujours. J’en fais le tour maintes fois. La nature y sort de sa dormance végétale comme d’une extase prolongée. De ses pores, on sent la vie sourdre, des frissons de sève passer sous l’écorce des bouleaux poudrés d’un blanc lunaire ou sous la livrée rousse des cyprès chauves.
C’est là que poussent les caroubiers, les marronniers rouges, que la mésange nonnette, le sansonnet et le rossignol des murailles, les sittelles et les troglodytes abritent leurs amours.
C’est là que les champs s’émaillent de coquelicots et de chrysanthèmes des près, que les talus se fleurissent de stellaires et de centaurées.
Dans l’étang roselier, les lueurs s’épanouissent comme des jaunets d’eau.
Alors qu’à la fourche d’un arbre mort
Un oiseau aiguise son cri,
Que dans un ciel marbré de gris
Une lueur ancienne se profile.
Demain, peut-être,
Des paroles donneront sens
A ce qui s’achève…
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( Extraits de « Profil de la NUIT »
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