Trouvé sur le stand des Editions du Basson à la Foire du livre de Bruxelles, ce texte est un premier roman plein d’ambition, il laisse prévoir d’autres publications de belle qualité.
22 h 22
Denis Daniels (1979 - ….)
« Je passe la majeure partie de mes journées dans cette gare à attendre un train qui peut-être ne viendra pas et dont je n’ai aucune idée de l’heure d’arrivée ». Le narrateur a trouvé refuge dans cette gare où il regarde arriver ou partir les trains, il observe les passagers et le petit monde qui fait vivre ce lieu au quotidien. Tout en décrivant la vie de cette gare, les petits événements qui rompent sa monotonie rythmée par le va et vient des trains et de ceux qui travaillent dans cet espace confiné, il raconte comment il en est arrivé à séjourner là sans but ni activité, simple spectateur de la vie des autres, attendant que le sort décide pour lui de son avenir.
« Alors comment me suis-je retrouvé dans cette situation ? Quels chemins parcourus dans mon existence m’ont placé dans ce déprimant vaudeville ? … Je serais bien incapable de distinguer quels éléments déterminants m’ont fourré dans cette galère. Tout ce dont je peux vous parler, c’est des grands bouleversements de ma vie. Et surtout, de celle qui les a initiés, Lola ». Jeune provincial, il débarque dans la capitale sans connaître rien ni personne mais rencontre des gens de sa région qui lui tendent la main, et il devient vite titulaire de trois petits boulots lucratifs et non déclarés, habitant d’un appartement confortable, partenaire assidu de compagnes d’un jour, habitué des fêtes à gogo et à l’œil, jusqu’au jour où il se lasse de cette vie frivole et facile et qu’il éprouve le besoin d’un peu de stabilité et d’amour à temps complet et à durée indéterminée.
Le sort fait bien les choses, c’est souvent son rôle dans les romans, il lui fait rencontrer la fille idéale pour une union à long terme, une Lola, comme la Lola qu’il a rencontrée à son arrivée à la ville, comme la Lola qui parle dans les micros de la gare et qu’il ne pourra jamais rencontrer. Avec cette Lola, il construit une vie agréable mais un peu monotone qu’il ne veut pas encombrer d’un héritier, le refus est rédhibitoire, la rupture est consommée, le hall devient un refuge permanent en attendant une autre Lola, ou peut-être la même Lola, un train de 22 h 22 car tous les tournants de sa vie sont marqués par cette heure indiquée par le sourire des aiguilles sur le cadran de l’horloge.
Avec ce texte, Denis Daniels signe un premier roman plein de fraîcheur qui marquera peut-être une étape dans sa carrière d’auteur s’il sait tirer tous les enseignements de cette première expérience et épurer son écriture. La réflexion qu’il suggère au lecteur ne manque pas d’intérêt, il lui propose de méditer sur la destinée et la possibilité de l’infléchir en faisant des choix qu’il convient d’assumer. Son héros s’est laissé porter par le sort pour ne pas être obligé d’assumer ses choix mais en en subissant tout de même les conséquences. Le bonheur peut descendre du premier train qui s’arrête en gare, ou d’un autre, et quand il passe, il faut savoir se décider et le saisir à pleine mains en prenant bien soin de l’entretenir car le bonheur c’est comme les plantes et l’amour, il faut l’entretenir avec attention.
Denis BILLAMBOZ
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