Dans le vaste domaine des légendes et croyances relatives aux oiseaux, l’une des plus anciennes est probablement la distinction faite entre oiseaux de bon et de mauvais augure. Les corbeaux, par exemple, ont toujours eu une mauvaise réputation en raison de leur cri guttural et de leur livrée sombre. Et puis, sur les champs de bataille, ne se repaissaient-ils pas des cadavres ? Cela suffit amplement à expliquer qu’ils étaient considérés comme néfastes et inquiétants. François Villon y faisait allusion dans sa « Ballade des pendus ». La chouette, elle aussi, était fort mal considérée en France au XIXe siècle et passait pour annoncer la mort. Il est vrai que dans les campagnes, on l’entendait souvent chuinter sur le toit des maisons où se trouvait un malade car, en général, la lumière, qui l’attirait, y restait en veille une bonne partie de la nuit. La légende du caractère funeste des rapaces nocturnes a été entretenue par les gens de lettres comme Boileau dans « Le Lutrin » :
Là, depuis trente hivers, un hibou retiré
Trouvait contre le jour un refuge assuré.
Des désastres fameux ce messager fidèle
Sait toujours des malheurs la première nouvelle.
L’engoulevent a joui à son tour d’une triste renommée car on croyait qu’il buvait le lait des chèvres lorsqu'il survolait les pâturages au crépuscule. On le nommait volontiers « crapaud volant » à cause de sa grosse tête et de son puissant gosier.
A l’opposé, certains oiseaux ont été appréciés et considérés comme des porte-bonheur. C’est le cas de la cigogne qui était chargée d’apporter les bébés dans les familles. L’hirondelle de cheminée est aussi un oiseau que l’homme a toujours observé comme l’annonciateur des beaux jours, bien qu’elle soit sensée prédire le mauvais temps lorsqu’elle vole au ras du sol. Enfin, une légende, qui remonte à Aristote, fut colportée jusqu’au XIXe siècle, affirmant que l’hirondelle s’engourdissait pendant l’hiver et le passait au fond des marais, ce qui est totalement faux. En réalité, elle disparaît de nos régions durant la saison froide pour aller chauffer ses plumes sous des cieux plus cléments, en bon oiseau migrateur qu’elle est.
Un autre oiseau annonce volontiers la pluie, c’est le pic-vert. Quant au martin-pêcheur, il devint, sous l’inspiration d’Aristote et de Plutarque, un être extraordinaire doué du pouvoir de calmer les flots et d’attirer les poissons. D’autres légendes ont elles aussi la vie dure et survivent à notre époque où les progrès de la technique ne sont pas parvenus à faire totalement disparaître de nos existences le goût du merveilleux.
Ainsi l’aigle royal serait le seul oiseau en mesure de fixer le soleil sans être ébloui, alors que le hibou et la chouette seraient aveuglés par la lumière du jour. Nous voyons que divers oiseaux ont servi de symbole ou d’emblème. L’aigle royal n’est-il pas l’expression de la puissance et de la gloire ? Les Anciens l’avaient dédié à Jupiter. Napoléon Ier le reprit à son compte pour en faire décorer les drapeaux de sa Grande Armée alors que Charlemagne et du Guesclin l’avaient adopté pour orner leurs armoiries. L’alouette des champs fut l’emblème des Gaulois et décora leurs casques, le coq est celui des Français, ce fameux coq gaulois fut choisi à la Révolution et figura sur notre drapeau de 1830 à 1870. Il symbolise le tempérament français où l’on décèle un mélange de hardiesse et de versatilité, de vigilance et de légèreté. La chouette fut jadis l’oiseau de la sagesse chez les Grecs qui en avaient gravé l’effigie sur leur monnaie, c’était également la compagne de la déesse Athéna (Minerve chez les Romains). La colombe, quant à elle, exprime la paix et la concorde depuis l’histoire biblique du déluge, tandis que le paon semble personnifier l’orgueil et que le cygne représente la grâce et l’élégance, immortalisé par le ballet « Le lac des cygnes » sur la musique de Tchaïkovsky.
La langue parlée et écrite contient elle aussi de nombreuses allusions aux oiseaux. En voici quelques-unes : bavard comme une pie – rouge comme un coq – bayer aux corneilles – léger comme une plume – gai comme un pinson – être le dindon de la farce. Le nom de certains d’entre eux est même passé dans le langage courant pour qualifier un trait de caractère particulier à un individu et que l’oiseau posséderait lui aussi : pensons à butor, à bécasse, à étourneau, à tête de linotte, à petit serin. Ajoutons encore l’expression « Le chant du cygne » qui relève davantage du domaine des légendes. Elle nous vient de l’Antiquité où l’on imaginait que le cygne chantait encore après sa mort et que sa voix était alors plus douce et harmonieuse que jamais. Enfin, quelques expressions parlées sont devenues des proverbes ou des sentences issues de la sagesse populaire : « une hirondelle ne fait pas le printemps », « petit à petit l’oiseau fait son nid », « faute de grives, on mange des merles », « qui n’a mangé ni pluvier, ni vanneau ne sait ce que gibier vaut ». Oui, à n’en pas douter, l’oiseau a sa place dans la vie et l’imaginaire des hommes. Bientôt un article sur "Les oiseaux et la littérature".
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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