Si le ciel vire ses voiles,
vous saurez que les navires, partis à l'aube,
ont ouvert des voies d’eau sur l’infini,
que les hommes voguent vers la haute mer,
qu’ils reposent au fond des cales, sous des bâches,
la tête pleine de chimères.
Vous connaîtrez l’angoisse, l’obsession,
quand tout se tord et se tend,
que tout s’exaspère,
que les cordages lâchés se lovent sur les ponts.
L’air saturé d’étoiles est un miroitement sans fin.
Dans cette pénombre,
des signaux brefs nous disent
qu’ailleurs est un espace familier et meilleur,
au loin, alors qu’un cap se profile,
notre faim s’accroît d’un dernier désir.
Les marins, l’oreille en alerte,
surprennent le bruit sourd des vents qui remontent à leur base.
Désormais, n’y–t-il plus d’attente à espérer ?
Ce continent nous restera-t-il inconnu ?
Où mener notre course sans céder, sans faiblir trop vite ?
Ecoutons respirer les éléments,
voyons le ciel se mouvoir.
Qui s’avance, qui va dans la nuit ?
Il y a mieux à faire que de dormir. Veillons !
Tenons-nous à la proue, droit, le visage impérieux.
Force nous est de scruter, d’imaginer des contrées
où s’honoreraient des bêtes mythiques.
L’oiseau passe qui annonce un continent proche, une terre sauvage.
Reflet qu'un chemin de solitude propage,
demain nous apprendra que la fin est proche,
que le jour tarde à se lever.
Il hésite à la frontière des mondes.
N'est-ce pas des galaxies qui neigent dans l'univers,
n'est-ce pas l'éclipse qui s'accomplit avec majesté ?
Il faut se refuser à la médiation,
accepter que la route aboutisse ou bien reprendre l'océan.
En Atlantique, rien ne meurt vraiment.
Il y a une vérité à comprendre,
un chemin de halage à emprunter.
J’ai soif ! Quel océan pour m’abreuver,
quelle terre pour, à son terme, accueillir mon voyage ?
Je ne connais que l’illusion de l’apparence,
que son destin tragique.
La nuit sur tous les fronts.
Elle gave la terre, un limon putride tapisse les ruisseaux.
Le ciel germe ses feux. L'éclosion d'une flamme assemble les cris.
On brise les sceaux de tout un peuple,
on saccage les villes bâties à la hâte sur des éperons rocheux.
L'Atlantique est une contrée au-delà du possible.
D'étranges choses s'y passent.
On ne lève pas l'ancre pour s'affranchir
mais pour se porter secours.
Celui qui revient porte son deuil.
De là où je suis, je prends en compte l'éternité.
Avec elle, je dérive, je l'étarque fort,
je la mène vers ce point que je refais chaque jour,
à chaque heure. Un point qui sursoit ma vision.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( Extraits de « Profil de la Nuit » )
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