J’ai choisi ce livre surtout par curiosité. Je connaissais Supervielle le poète, mais je ne savais pas qu’il avait écrit d’autres choses, notamment ce recueil de contes que l'éditeur considère plutôt comme des nouvelles fantastiques. Je suis du même avis. Aussi, voulais-je découvrir cette facette d'un écrivain dont la réputation n'est plus à faire. En changeant de genre littéraire, le maître n’a rien perdu de son talent et sa prose fleure bon la poésie qu’il a laissée à la postérité. Les huit petits textes fantastiques, qu’il livre dans cet ouvrage, évoquent des personnages ou des animaux qui évoluent souvent aux confins de la mort, en-deçà ou au-delà de la ligne imaginaire qui sépare le monde des vivants de celui des morts. Ils franchissent cette ligne fatidique ou l’on déjà franchie : il y a là la petite fille que son père a tellement rêvée qu’il lui a donné vie, la petite fille noyée qui refuse de vivre dans le monde des noyés et s’évade dans les abysses, le bœuf de la crèche devenu trop vieux qui ne peut pas suivre Joseph, Marie et Jésus sur le dos de l’âne parce qu’il est trop vieux et trop faible, les ombres des anciens habitants de la terre, … un petit peuple sorti tout droit de l’imagination féconde de l’auteur et qu'il décrit avec une grande finesse dans des histoires qui évoquent « Le petit prince » et laissent penser que l’auteur était fort préoccupé par l’idée de la mort et de la vie éventuelle dans l’autre monde au moment où il a rédigé ces contes.
Je vous laisse juste cette phrase pour vous donner une idée de la beauté et de l’élégance des textes du poète, on frise la poésie en prose : « L’océan devenait vide et elle ne recevait d’autres visites que celles des étoiles filantes ».
Denis BILLAMBOZ
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