J’ai déjà parlé de cette expérience proposée par Jacques Flament Editeur, j’ai déjà présenté un texte de Thierry Radière mais je n’ai pas encore évoqué la genèse de ce projet très ambitieux qui prend de l’ampleur de mois en mois.
Le Bunker – Premier témoignage
Thierry Radière (1963 - ….)
L’éditeur Jacques Flament a conçu un projet littéraire original, il a défini un ensemble de contraintes qu’il a soumis à des écrivains pour que chacun d’eux apporte sa version de la situation qu’il a imaginée. Il définit lui-même ce concept de la manière suivante :
« LE BUNKER est un projet littéraire de JFE (Jacques Flament Editions) qui se positionne dans la durée, le nombre de livres proposé n'ayant, pour l'instant, pas de limite définie... À partir d'une situation donnée (l'apocalypse soudaine, sous quelque façon qu'on l'envisage) contraint 217 personnes à cohabiter, bloquées dix mètres sous terre, et à envisager la survie ou la mort ensemble, sans possibilité notoire de sortie. Chacun des auteurs de la série prend donc la posture du survivant et décrit son quotidien, son passé, ses fantasmes ou, pourquoi pas, ses rêves d'un futur meilleur ».
Comme un mauvais élève, j’ai lu le sixième témoignage sans connaître précisément les règles du jeu mais le texte était suffisamment explicite pour que je ne m’égare pas trop. Cette fois, je connais le projet, je peux affronter le Premier témoignage, celui de Thierry Radière.
Ce défi était vraiment à la mesure de Thierry Radière, lui qui excelle dans la description des scènes intimes, des états d’âmes torturés, des huis clos pesants et dans l’expression d’une vision plutôt sombre de l’humanité et de son devenir. Ainsi, il introduit son témoignage par une remarque qui dénote cette vision : « Je pensais que tout, absolument tout, disparaitrait avec l’annonce de la catastrophe. Il m’a fallu du temps pour comprendre que non ». Le pire n’est pas toujours certains. Il a donc choisi de créer une ambiance non pas de résistance et d’espérance mais plutôt une atmosphère apocalyptique décalée, nous ne sommes pas morts mais nous mourrons certainement assez rapidement. Nous avons échappé au pire, mais il nous rattrapera vite. Pour meubler ce temps qu’il lui reste à vivre, qu’il pense plutôt court, il écrit sur un petit carnet et quand il aura noirci l’ensemble du support, il écrira dans sa tête. Il constate alors que ce qu’il écrit est plutôt meilleur que ce qu’il a écrit auparavant. Il faut tout de même préciser que l’ensemble des personnes présentes dans le bunker sont des artistes ou des gens travaillant directement avec eux, soit des individus impliqués à un degré divers dans la création artistique.
Sur ce petit carnet, le narrateur, inventé par l’auteur, raconte la vie dans le bunker, l’attitude des autres, leurs réactions, leurs dérives, leurs peurs, la foi en la religion qui les anime ou pas, leur spiritualité car, peu nombreux sont ceux qui croient en une issue possible, peu nombreux ceux qui pensent que le monde extérieur n’est pas anéanti. Le narrateur écrit surtout sur lui-même, sur la vie qu’il a eue, sur son enfance, les faits qui l’ont marqué, ce qu’il est aujourd’hui, ce qu’il a déjà abandonné, ceux qui ont partagé sa vie… il s’interroge également sur l’art, son rôle dans la société, la fonction de l’artiste, la place de la création et les conditions idéales pour créer. Il en déduit « Que l’art est éphémère et qu’il est sans cesse à réinventer. Sa nécessité vient d’un manque de liberté, au sens large du terme. Moins nous nous sentons libres, mieux nous créons. » Une réflexion qui résonne un peu a contrario de l’envie de l’auteur qui dit « Je veux rester un être libre jusqu’au bout. » Toute la difficulté de l’artiste qui veut exprimer la liberté mais qui ne crée jamais mieux que sous la contrainte.
Ce témoignage n’est que le premier, six sont déjà publiés et d’autres viendront certainement encore. « LE BUNKER constituera donc une série de livres sur l'enfermement, la privation, le manque de liberté dans l'absolu, chacun des ouvrages étant considéré comme un témoignage où l'univers révèle, décrit, poétise ou honnit un univers imposé à travers les mots. »
Denis BILLAMBOZ
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