Pour cette chronique estivale, j’ai choisi de vous proposer des nouvelles présentées par l’auteur comme des contes, peut-être certaines le sont-elles ? Des nouvelles pleines de soleil, inondant la communauté hispanique de Bruxelles. Une lecture tonifiante qui regonflera le moral de tous les déprimés.
Contes espagnols
Lorenzo Cecchi (1952 - ….)
Lorenzo Cecchi nous offre neuf contes, apparemment le compte est bon même si l’éditeur tend un petit piège au lecteur inattentif, mais l’important reste que ces contes soient savoureux et ils le sont. A priori, sans connaître l’auteur, il semblerait que le narrateur soit très proche de lui et qu’il décrive dans ses contes des moments d’émotion particuliers qu’il aurait vécus avec des Hispaniques, notamment des Espagnols et surtout des Espagnoles, côtoyés à Bruxelles ou en Espagne. Il faut souligner pourtant une exception à cette généralité, la neuvième et dernière nouvelle n’a rien à voir avec les autres même si elle dépeint une belle Ibérique, elle ne concerne pas le narrateur, elle raconte l’horrible vengeance, au XVIIe siècle, d’un triste noble italien incapable de satisfaire sa femme et fou de rage quand il apprend qu’elle le trompe. J’ai apprécié toutes les nouvelles du recueil, Cecchi a l’art de la narration, il sait raconter et son regard sur les gens, leur comportement, leurs sentiments, leurs émotions, leurs motivations est très perçant. Il voit juste, à travers les quelques faits divers qu’il raconte c’est un peu la diaspora ibérique qu’il met en scène avec ses petites tracasseries, ses aventures et mésaventures. Ces contes sont, selon moi, davantage des nouvelles que des contes, sauf le fameux neuvième et dernier qui évoque un fait qui pourrait être historique, l’est peut-être, ou n’est finalement qu’un conte, peu importe, l’histoire est aussi abominable que le texte est bien troussé. J’ai dégusté ces vieux mots oubliés qui sonnent si joliment aux oreilles des amateurs d’histoire dont je suis.
Lorenzo Cecchi a peut-être connu cette Conchita qu’il prenait pour une Espagnole qu’elle n’était pas ou cette Frida qui, elle, était bien espagnole alors qu’il la croyait suédoise. Je suis presque sûr qu’il a effectivement vendu sa première marchandise à un émigré hispanique ayant pris en pitié sa grande maladresse commerciale. Par contre, je doute qu’il ait été l’heureux bénéficiaire de la fureur sexuelle de la flambante mexicaine qui s’est vengée de la tromperie de son mari avec le premier venu. Ainsi le lecteur, pourra laisser courir son imagination pour tenter de comprendre ce qui vient directement de l’imagination de l’auteur ou ce qu’il a puisé dans sa carrière professionnelle et sa vie d’immigré du sud de l’Europe. La querelle entre le narrateur italien et son voisin espagnol, plus matcho l’un que l’autre, sent le vécu plus que l’histoire du gars qui écrit à son meilleur ami juste avant de se suicider : « qu’il part heureux de savoir qu’il n’a jamais couché avec aucune des femmes qu’il a eues ».
Même si les textes, que je vous propose, respirent une certaine pointe de mélancolie, j’y ai personnellement trouvé beaucoup de vie, d’envie de vivre, d’espièglerie et même de dérision dans les moments les moins favorables de l’existence. Un recueil à mettre sur son chevet pour lire un ou deux textes les soirs de blues. Je ne voudrais surtout pas oublier les illustrations chatoyantes de Jean–Marie Molle, son rouge notamment qui, à lui seul, dégage une véritable fureur de vivre.
Denis BILLAMBOZ
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