C’est avec beaucoup de sensibilité et de fraîcheur dans son écriture que Françoise Steurs nous conte les démêlés d'un médecin du SAMU social avec Max sans-tête. Françoise travaille avec des jeunes pas tout à fait comme les autres, des jeunes qui voient le monde différemment et l’appréhendent autrement. C'est le cas de Max qui échappe à toutes les contingences sociales, vit dans le plus grand désordre, mange n’importe quoi, se néglige. Il ne pense qu’à faire des photos des gens de son quartier qu’il capture régulièrement à heure fixe dans un vieil appareil bricolé. « Max n’a que ça en tête : capter la vie qui passe autour de lui. Reproduire ces scènes de la vie quotidienne. A l’infini. En extraire des instants dans l’obscurité de la chambre noire ».
Un voisin porte plainte, Max va trop loin, il n’a aucun sens de l’hygiène. C'est alors qu'un médecin du SAMU social passe le voir et découvre des piles de photos, toujours les mêmes, floues mais prodigieusement expressives. Elles sont différentes des clichés habituels, expriment une autre vision du monde. Le Doc est subjugué par cette perception des personnages qui traduit une grande sensibilité en même temps qu’une expression artistique pointue. « Cet homme n’est pas juste bon à être enfermé dans une maison de soins. Il est capable de marquer la différence entre le jour et la nuit, il cuisine tous les jours et n’est pas agressif ». Le médecin décide de le suivre et le convainc d’exposer ses œuvres, ainsi débute une épopée épique qui conduira le Doc à se remettre en question et à se demander lequel des deux est du bon côté de ce qu’on définit habituellement comme la norme.
Un très bon texte sur la différence, en l’occurrence sur ceux qu’on prend pour des attardés mentaux, des dérangés du ciboulot, des gens un peu fous qui, souvent, possèdent une acuité artistique et une créativité affutées. Max n’a pas une logique cartésienne mais son intuition est peut-être bien supérieure à l’intelligence de nombre d’entre nous. Les conseils qu’il donne au Doc pour choisir une bonne photo pourraient servir aux lecteurs à la recherche d’un bon livre dans une bibliothèque ou une librairie. L’intuition est peut-être la meilleure conseillère quand elle s’appuie sur une perception fine et sensuelle. « Il faut pouvoir piocher, se laisser surprendre au détour d’une image. Etre happé. Ne s’intéresser qu’à une seule. Et tant pis pour les autres. C’est comme à la brocante. Tu te balades sans idée précise dans la tête. Quand, soudain, un objet attire ton regard. Tu t’arrêtes. Tu regardes encore. Tu t’approches de la chose. Tu la touches. De tes yeux, avec tes mains. Tu t’imagines quelque part… » Ce n’est que ça l’émotion artistique.
Il faut le croire car « Le fou dit toujours la vérité », Françoise Steurs l’a bien compris, elle est aux premières loges pour s’en convaincre.
Denis BILLAMBOZ
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