LES ETATS GENERAUX DE NOS AMIS, LES ANIMAUX
Un jour qu’au centre de la forêt,
Se tenaient les Etats généraux de nos amis les animaux,
Les uns et les autres se plaignirent
Qu’à leur égard les humains affichaient trop de dédain.
Ecoutez plutôt ce que le tigre, le premier,
Vint raconter à l’assemblée.
Bigre ! dit-il non sans courroux, ne sommes-nous pas traités de jaloux
Par des quidams qui le sont bien davantage que nous ?
Jaloux comme un tigre, disent-ils.
Ah ! Ah ! s’exclama une oie, qui se trouvait à passer par là,
A votre tour comprenez mon émoi quand je surprends, alentour,
Des propos fort discourtois.
Il me revient aux oreilles que l’on traite telle jouvencelle
De bête comme une …
Ces ragots sont intolérables, s’indigna le chimpanzé.
Heureusement que j’ai la chance d’être mieux considéré.
Ne voyez pas d’irrévérence si je vous confie, mes amis,
Que l’on me subodore plus malin que bon nombre de pékins.
Suffit ! répliqua le corbeau qui, du haut de son perchoir,
Drapé dans sa houppelande noire,
Jouait, non sans morgue, au tribun vénérable.
Malin comme un singe, dites-vous ?
Voilà un compliment qui recèle plus de fiel que de miel.
A votre place, mon cher, je ne serais pas si fier
Qu’on me flattât de cette manière.
C’est alors qu’entra en scène sa majesté le lion.
Sa présence suscita une vive émotion.
Vous parlez à tort, dit-il, plus sentencieux encore que le docte corbeau.
Les hommes, comme nous autres, n’ont jamais respecté que la loi du plus fort.
Aussi, ne soyez pas étonnés si je passe pour bien né.
Ils m’ont proclamé roi et sachez que chez eux
Ce titre-là est prestigieux.
Hélas ! gémit la colombe, d’une voix d’outre-tombe,
N’arrive-t-il pas que, parfois, au milieu de leur peuple en liesse,
On coupât la tête des rois ?
Certes, certes, poursuivit le lion, les hommes ne sont pas des agneaux,
Ils ont même tant de défauts qu’ils nous les mettent sur le dos.
Les doléances n’en finissaient pas.
C’est ainsi qu’une tortue se plaignait qu’on la jugeât lente,
Qu’un renard se demandait s’il devait se vexer qu’on le prit pour rusé,
Alors que dans l’hémicycle, un paon protestait contre ceux
Qui osaient lui reprocher d’être un brin vaniteux.
Pour clôturer le débat, une couleuvre demanda :
Qui de moi ou de la gente humaine, qui me juge paresseuse,
Vous semble la plus venimeuse ?
La réponse allait de soi. Les hommes, qui ne sont pas charitables,
A trop médire, ne retirent que des succès peu louables,
Tant il est vrai que l’on est plus enclin à rire des autres que de soi.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE - La ronde des fabliaux -
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