Je sais que parmi les lecteurs, comme parmi les écrivains, il y a beaucoup d’amis des animaux et notamment des chats. Aussi je me propose de soumettre à votre lecture deux livres venus du Japon et consacrés aux chats. J’aimerais croire qu’eux aussi sont des amis des lettres.
Le chat qui venait du ciel
Takashi Hiraide (1950 - ….)
Les écrivains nippons semblent beaucoup aimer les chats, ils en parlent souvent dans leurs textes et certains, comme Hiraide et Nosaka, leur ont consacré un ouvrage. Si les Japonais écrivent sur les chats, les Français, eux, semblent apprécier ceux qui les évoquent, c’est ainsi que ce livre d’Hiraide est édité pour la troisième fois par les Editions Picquier et ne peut que séduire le lectorat français. Ce texte, présenté comme un roman, m’a paru ressembler à un conte, même si certains prétendent qu’il est très proche de la réalité autobiographique.
Un jeune couple - lui écrit, elle relit et corrige - s’installe dans la vie et déniche un petit pavillon isolé au fond d’un immense jardin dépendant d’une vaste maison. Ce pavillon leur convient, bien que la propriétaire soit un peu rigide. En effet, elle refuse que ses locataires aient des enfants et des chats. Comme ce jeune couple n’a pas un désir immédiat de maternité et ne possède aucun animal domestique, il accepte cette contrainte sans rechigner. Les jeunes gens s’adonnent à leurs tâches respectives sans se préoccuper de ce qui se passe dans le jardin, même s’ils apprécient énormément la nature qui les entoure et pensent qu’ils sont particulièrement chanceux d’avoir déniché ce pavillon tranquille.
Mais dans la vie on ne fait pas que choisir, on peut être aussi choisi. L’écrivain remarque un jour un chat malicieux et espiègle qui s’évertue à escalader la clôture que la propriétaire lui interdit de franchir. Progressivement, à force de persévérance, le petit animal parvient à pénétrer dans le jardinet du couple puis, à force de mimiques et de séduction, à gagner leur attention et leur affection, si bien que le jeune couple ne résiste pas au plaisir de l’adopter, malgré l’interdit de la propriétaire. Celle-ci, sans oser l’avouer, va bientôt succomber au charme du petit animal. Dès lors le chat devient le pivot de la vie du couple et des autres habitants de la grande maison, c’est lui qui dicte le rythme de leur vie et eux qui doivent se plier à ses caprices sous peine qu'il les prive de sa présence.
Hiraide est avant tout un poète et il écrit ce livre comme un poème avec une écriture douce, sensuelle, descriptive, aucun détail n’échappe à son attention. Avec lui l’animal devient un personnage évanescent, on ne sait pas toujours où il est, s’il est parti pour toujours ou pour un jour, s’il reviendra, s’il est mortel ou non. On dirait un personnage de Saint Exupéry, un animal qui aurait la sagesse originelle de la bête et la conscience de l’humain. Ainsi cet animal, que le poète rend presque mythologique, devient-il le centre de l’univers de ce jeune couple, l’isolant des tracasseries du monde trivial mais l’inondant des inquiétudes générées par ses absences et ses faiblesses. La morale de ce conte serait de montrer que l’insouciance, l’indépendance et l’espièglerie du chaton sont plus sages que la folie des hommes.
J'allais oublier, les excellentes illustrations de Qu Lan qui donnent tout son éclat à cette nouvelle édition.
Denis BILLAMBOZ
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