Elles nous ont fait évoluer et murir, au long de nos enfances, les petites choses de la vie. Souvenez-vous, c'était hier, l'école et son pupitre, l'encrier qui tachait les doigts, les cahiers ramassés à la hâte, le cartable un peu lourd, le chemin qui vagabondait entre les champs, le clair de lune qui nous faisait rêver et la marguerite que l'on effeuillait en secret ; oui, c'était hier et ce sont toujours ces joies simples qui font le temps léger et l'humeur joyeuse ou mélancolique, ces riens qui ont tissé nos heures et reprisé nos peines. Aussi rendons-leur ce qu'elles nous ont donné par l'insistance du regard ou la magie des mots.
« Tandis qu’elle écrivait, son enfance semblait veiller sur elle, d’autant que rien n’avait changé dans cette chambre depuis l’époque où elle revenait de ses vagabondages les genoux écorchés et que sa mère, trop occupée d’elle-même, ne lui accordait qu’une distraite attention. La jeune femme restait parfois de longs moments à regarder cette chambre où les objets, qu’elle distinguait à peine dans la pénombre, se chargeaient d’une somme de muettes évocations et que les murs, sur lesquels s’accrochait son regard, suintaient leur vie invisible qu’elle était la seule à appréhender, comme si devant ses yeux défilaient – sur l’écran de ces murs si banals, tapissés du même papier lavande que sa mère avait fait poser quinze années auparavant – un recel d’images, de sons, de scènes qui se dévidaient ainsi que le ferait une pellicule cinématographique que l’on aurait volontairement programmée à l’envers. C’était toujours au plus loin qu’elle allait, jusqu’à ces caches creusées par l’enfance qui se réaniment comme au cœur d’un livre s’intensifie le mystère, comme au fond d’un puits s’accroît l’eau dormante. » Extraits de mon roman « Le jardin d’incertitude »
Oui, ces petites choses très modestes, mais chargées de souvenirs et d’émotions, on ne peut s'en séparer tant elles sont auréolées de présence, celle d’un grand-père, d’une mère, d’une sœur, d’une amie, cela modulé sans fin par la mémoire. Immobiles et discrètes, douces et passives, elles ne cessent de rendre témoignage de ce qui fut et de donner à notre présent la grâce et la chaleur de ces jours anciens dont elles sont les témoins et les dépositaires. Oui, que serions-nous sans le passé qui s'emploie à animer et amplifier notre présent, à transposer les instants essentiels de nos vies et, au fil des jours, contribue à nous faire ce que nous sommes.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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