Cette semaine, je vous invite à un détour dans une région que je n’ai jamais visitée, un pays de notre continent dont on parle bien peu, la Macédoine. Celui-ci a connu de bien pénibles épreuves que nous avons oubliées ou même ignorées. Alors pour rafraichir nos mémoires, je propose cette lecture.
Le rêve de Dieu
Krsté Tchatchanski (1949 – 2003)
Pendant les années titistes et peut-être même un peu après, dans un petit village de la région du lac d’Orihd, au sud de la Macédoine, Nicolas, dit Nicolas le Tsar, qui a vaillamment combattu les Allemands pendant la guerre, disparait précipitamment pour éviter d’être emmené par la police révolutionnaire. Le pouvoir lui reproche son opposition au collectivisme et à la révolution. Son fils Vergo assistera avec sa mère, tous deux impuissants, à la perquisition de la police.
Bien des années plus tard, Vergo revient au village avec le cœur plein de rancune à l’endroit de son père toujours absent dont certains disent, en ricanant, qu’il a été émasculé dans les geôles du pouvoir, et rempli de haine à l’encontre de l’assassin de sa sœur alors qu’elle était une toute jeune fille. Son épouse a plongé dans la folie, il a rompu avec sa maitresse, Emilia, pour ne pas la délaisser. Il a juré vengeance sur la dépouille de sa sœur et il rentre au village pour assouvir celle-ci. Emilia voyage avec une troupe de comédiens, elle croit de moins en moins que Vergo quittera sa femme. Leurs histoires parallèles se rejoindront peut-être au bout de ce long chemin de douleur qui symbolise les malheurs que le peuple macédonien endure depuis des lustres.
Ce récit, achevé alors que commençait le martyr de Sarajevo, rappelle que la Macédoine a subi l’emprise douloureuse des armées allemandes, qu’elle les a combattues vaillamment aux côtés du Maréchal Tito, mais a été obligée de plier sous le joug du régime imposé par le Maréchal victorieux. Elle nous rappelle surtout que cette terre fut un royaume fort et fier, désormais découpé en trois parties au grand dam de ce peuple humilié et dispersé qui ne trouve plus les moyens de sa subsistance dans son propre pays. Condamnés à l’exil, les hommes ne reviennent chez eux que pour y être inhumés, comme Nicolas le Tsar. « Est-elle donc maudite cette terre macédonienne que je veux réunifiée et entière ?! »
Le texte de Tchatchanski peut dérouter le lecteur, tant il est composé de pièces dispersées qu’il faut ré-assembler afin de reconstituer l’intrigue. Comme les pièces, qui donnent les éléments de compréhension nécessaires au lecteur, sont placées à la fin du texte, il est impératif de rester vigilant tout au long de la lecture de manière à ne pas perdre le fil de l’histoire en suivant les chemins séparés d’Emilia et de Vergo. Ces deux personnages se rejoindront peut-être un jour comme les trois parties de la Macédoine pourraient être réunies elles aussi …. un jour…. le jour où les balles, qui sifflent déjà aux frontières du pays, créeront un ordre nouveau dans les Balkans. Peut-être ?
« La Macédoine est une terre biblique et elle est le rêve de Dieu ».
Denis BILLAMBOZ
Pour consulter la liste de mes précédents articles, cliquer ICI