J’ai rêvé à vous, îles improbables,
songeuses filles aux épaules de moire,
qu’un dieu prodigue une nuit fit pleuvoir,
comme des gouttes de mercure
dans les vapeurs du soir.
Vous voilà dispersées sur les eaux,
alanguies et diaphanes,
drapées dans vos plissés de sable,
avec les cascades vertes de vos arbres
et vos phosphorescences de nacre.
Filles aux yeux d’eau, aux paupières d’écaille,
filles d’Eve aux pulpeuses moissons de mangues et de goyaves,
ô filles aux colliers d’ambre soyeuses comme des pétales,
oui, j’ai rêvé à vous.
Si lointaines vos rives, si lointain le souffle de vos palmes
et les flots rutilants qui se pressent à vos pieds,
nouant à vos chevilles des anneaux de corail.
J’ai rêvé, c’était un soir, et mon rêve glissait
et mon rêve m'emportait plus vibrant qu’une nave
dans ses voilures de vent.
Je ne suis plus cet homme livré à ses contrastes,
qui s’affronte solitaire aux transes des courants,
et sent sur lui ployer l’ampleur de ses gréements.
Je ne suis plus cet homme dérobé à ses larmes,
qui questionne l’invisible et ne livre passage
qu’à de vaines clartés, qu’à d’obscurs présages.
Mon cœur, rappelle-toi,
la beauté, la vigueur de tes jeunes saisons,
quand l’alouette chantait au-dessus des moissons,
que la source jaillissait dans un éclat de jaspe.
La maison se laurait de vignes et de lierre
et les roses trémières rosissaient son fronton.
Un enfant attendait au seuil de la porte.
Son regard s’étonnait
et la terre frissonnait comme l’âme de l’aimée
lorsqu’elle devine au loin le souffle de l’amant.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
(extraits du « Chant de Malabata » couronné par l’Académie française en 1987)
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