Grand sinologue, Jacques Pimpaneau fait revivre dans ses romans la Chine ancienne à travers des personnages caractéristiques de leur époque et de la région où ils vivaient. Dans le présent opus, il raconte la vie d’un saltimbanque, né en 1596 dans une province reculée de l ’Empire du Milieu, qui a voulu vivre de sa passion.
Roman d’un saltimbanque
Jacques Pimpaneau (1937 - ….)
Après Monsieur Wu dans « Les quatre saisons de Monsieur Wu » et Saxifrage dans « Mémoires d’une fleur », Jacques Pimpaneau invente un nouveau personnage pour emmener ses lecteurs dans une nouvelle excursion au coeur de la Chine profonde. Cette fois, il s’agit d’un intellectuel raté qui a préféré suivre une troupe de saltimbanques plutôt que d’envisager une carrière de lettré dans l’administration vers laquelle le poussait son père. Cette histoire commence quand un riche orphelin chinois reçoit des mains du jardinier d’un monastère un manuscrit racontant la vie qu’il a menée avant de la finir en cultivant des plantes pour les moines du lieu.
Le manuscrit s’ouvre sur cette précision : « Je suis né dans la province du Sichuan la vingt-sixième année du règne de l’empereur Shenzong de la dynastie Ming », l’auteur à la grande mansuétude de préciser que cette année correspond à l’année 1596 de notre calendrier. Le jardinier raconte comment, encore enfant, ayant très tôt accompagné son père, conteur réputé ayant construit lui-même son théâtre d’ombres, il s'est initié aux histoires mises en scène par les conteurs de la région. Progressivement son père lui a confié des rôles, espérant le voir un jour prendre sa suite. Mais une fois adulte, il a préféré voir du pays et il est parti chercher un emploi de conteur qu’il n’a jamais trouvé. Ainsi, est-il devenu successivement serveur dans un restaurant, puis homme de confiance d’une riche commerçante en thé, avant de suivre une troupe de théâtre comme manœuvre et cuisinier et obtenir des rôles de plus en plus importants jusqu’à ce que les Mandchous envahissent la région, provoquant un grand nombre de victimes. La troupe amaigrie, les spectateurs moins nombreux et moins fortunés, les comédiens doivent alors se disperser.
Sur les traces de ce personnage poursuivant son rêve en exerçant divers métiers fort disparates, Jacques Pimpaneau nous convie à un véritable voyage initiatique au cours duquel le héros acquiert suffisamment de sagesse pour savoir se contenter d’un modeste emploi de jardinier dans un monastère aux confins de la Chine et du Tibet. Une forme de réconciliation entre la terre nourricière, le ciel et les esprits qui le peuplent. Comme si, de l’union de Chthonos et Ouranos, pouvait naître la sagesse transmise par des générations de moines et de lamas.
« Je préférais la décadence et le désordre au silence imposé par l’ordre, et la loi de la nature à celle des institutions, dont la morale et si souvent cruelle ». En lisant cette réflexion mise par Pimpaneau dans la bouche d’un des sages qui peuple ce roman, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il nous lançait à travers ces mots une forme d’avertissement que nous n’avons toujours pas compris et qu’il faudra au moins une bonne révolte pour que nous le prenions en considération. Les derniers événements semblent bien lui donner raison…
Denis BILLAMBOZ
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