Voilà un nouvel inédit de Tanizaki, dont toute l'oeuvre a été traduite en français. Ce texte est un roman noir comme Tanizaki en a produit de nombreux avec une grande maestria, une histoire machiavélique qui entraîne le lecteur aux frontières du fantastique, balançant entre réalité et illusion.
Dans l’œil du démon
Jun’ichirô Tanizaki (1886 – 1965)
A Tokyo, un écrivain termine la nouvelle qu’il doit impérativement remettre à un journal quand il est dérangé par un de ses amis qui l’invite à l’accompagner dans une bien étrange aventure. Il sait où et quand un meurtre va être commis mais il ne connait ni la victime, ni le tueur. Il ne veut surtout pas manquer cet événement et incite son ami à le suivre. Les deux compères assistent à ce meurtre mis en scène par un couple dont la femme est très belle, en regardant à travers un trou dans la cloison d’une maison vétuste d’un quartier isolé de la ville. Fort impressionné par ce crime, sa conception et sa mise en scène, l’ami décide de retrouver la femme qu’il rencontre assez facilement, trop peut-être ? Bientôt le couple s’installe chez l’ami, un homme fortuné, qu’ils plument bien vite, le tenant totalement dans leur dépendance. L’écrivain reçoit un jour une missive de celui-ci qui lui demande d’assister à sa mise à mort, la même que celle qu’ils ont vue ensemble, afin qu’il lui rende un dernier hommage avant qu’il quitte la vie dont il ne veut plus. Malgré de fortes réticences, l’écrivain accepte et voit pour la seconde fois ce macabre spectacle dont son ami est la victime. Fort ébranlé par le choix macabre de celui-ci, il essaie de comprendre le pourquoi de sa décision quand une nouvelle missive remet en question tout ce qu’il avait cru comprendre et imaginer.
Voilà une histoire machiavélique comme Tanizaki sait magnifiquement en tricoter, une intrigue qui embarque le lecteur à la frontière d’un autre monde sur fond de désir et de perversion sexuels, à la recherche de sensations fortes. Un texte qui plonge jusques au cœur des entrailles des femmes et des hommes pour en montrer la partie la plus instinctive, la plus animale, celle qui les rend capables de tout pour satisfaire leurs envies et leurs plaisirs. Mais aussi un texte qui prouve le talent du maître nippon pour tisser des intrigues particulièrement élaborées, exigeant une grande attention de la part du lecteur.
Et, même si ce texte a fait l’objet d’une traduction, on ne peut qu’attribuer à Tanizaki la qualité des descriptions, aussi bien celles des personnages que celles des lieux et des scènes où l’intrigue se noue. L’auteur décrit les protagonistes de son roman avec, dans leurs portraits, tous les défauts et les noirceurs qu’ils déploient pour donner vie à l’histoire. Ces personnages, qui assassinent les deux victimes, interprètent leur rôle comme des êtres réels ou comme des comédiens sur la scène d’un théâtre.
Denis BILLAMBOZ
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