A travers ce recueil de nouvelles Lorenzo Cecchi raconte son pays, le Pays noir comme l’appelle ses habitants, notamment ceux de Charleroi, la patrie de l’auteur. Le pays qui a vu affluer des cohortes d’Italiens appelées pour tirer le charbon des entrailles de la terre et nourrir tout un peuple en en enrichissant certains.
Protection rapprochée
Lorenzo Cecchi (1952 - ….)
Avec ce recueil de nouvelles, Lorenzo Cecchi décrit ce lieu, le Pays Noir, où ses ancêtres italiens, avec une cohorte de compatriotes, sont venus extraire le charbon du sous-sol de ce bout de Belgique. Ce minerai, qui fit si longtemps la fortune de cette région, avant que le filon se tarisse et que d’autres énergies plus riches, plus faciles à exploiter, plus rentables ne renvoient ce dernier au fond de ses puits. Lorenzo évoque cette région après la fermeture des puits et de nombreuses usines, l’évaporation de la richesse, l’appauvrissement des populations, surtout de celles qui ont perdu leur travail au fond de la mine où dans les usines métallurgiques.
Il évoque notamment, dans la nouvelle éponyme occupant près de la moitié du recueil, mais aussi dans de courtes nouvelles comme des petites tableaux, cette jeunesse qui ne cherche même plus de travail, de toute façon il n’y en a pas, s’ennuie, traîne dans les bars, s’alcoolise et se tape sur la tronche pour une fille qui drague des étrangers un peu plus riches qui peuvent les sortir de leur triste condition et les emmener vivre ailleurs, plus près de la capitale et de ses attraits. C’est le portrait d’une région conquise par la misère qui a perdu la dignité qu’elle affichait quand il y avait du travail et quelques maigres ressources. Le cheminement d’une région où les fabricants ont souvent été ruinés ou rachetés par des multinationales et que les marchands s’emploient à conquérir.
Les populations sont devenues encore plus fragiles que la région, les marchands d’illusion y font fortune en vendant de la drogue qui déglingue une jeunesse déjà abîmée par l’alcool. Le travail, même si c’est un mal pour certains, ça reste au moins un mal nécessaire qui fait cruellement défaut quand il n’y en a plus. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches semblent encore plus riches en vendant leur générosité comme on vend une image de marque.
Dans ce paysage, qui pourrait paraître aussi noir que le charbon, il y a aussi de la tendresse et de l’empathie, ces gens-là, comme chantait Brel, aiment leur pays et, même si leurs efforts ne sont pas toujours récompensés, ils font en sorte que la vie soit plus belle … ou moins triste dans cette région qui leur colle à la peau, la terre qui a accueilli leurs ancêtres. C’est toute l’histoire de leurs enfants et petits-enfants que Lorenzo Cecchi fait vivre dans ses nouvelles qui ne masquent aucune des misères qui ont poussé sur le terreau de la malédiction du charbon. J’ai eu un petit frisson quand l’auteur a inséré une nouvelle construite d’après une mésaventure qu’il a subie personnellement. A ce moment, j’ai bien senti son attachement au Pays noir comme je le ressens souvent en lisant les textes d’autres amis qui écrivent aussi sur les misères de leur pays et sur leur envie de le faire revivre, de lui redonner les couleurs que Michel Jasmin a utilisé pour joliment illustrer ce recueil. L’espoir est tenace au pays noir !
Denis BILLAMBOZ
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