A cinquante-huit ans, Lukas, un Grec exilé à Montréal où il a réussi dans la restauration, est visité dans ses rêves par la jeune fille dont il était amoureux depuis l’école primaire et qu’il a abandonnée sur une plage de Leros, leur île natale, un soir, alors qu’il avait dix-sept ans et elle douze. Il n’a pas eu le courage de résister à la volonté de ses parents souhaitant le voir rompre avec cette fille pas assez bien pour lui. Avant de quitter ce monde, il voudrait lui demander de lui accorder son pardon pour ce lâche abandon, un pardon sans lequel il croit qu’il ne pourrait pas trouver la paix dans l’autre monde.
Un soir, après avoir dérogé à son poker rituel, il rentre tard et reste dans sa voiture après l’avoir remisée au garage, prend un somnifère afin d’être certain de dormir pour que la jeune fille Zéphira lui rende visite et qu’il puisse lui implorer son pardon. Mais il a omis de couper le moteur de l'automobile qui dégage des fumées toxiques, ce qui lui fait très vite perdre conscience. Heureusement, la locataire du rez-de-chaussée s'inquiète de ce long séjour au garage, s'y rend et le découvre agonisant. Son intervention permet l’évacuation de Lukas vers un hôpital où les médecins, le supposant perdu, voudraient lui prélever quelques organes encore sains mais son épouse résiste contre vent et marée.
Pendant son transfert à l’hôpital et les longues négociations entre les médecins et sa famille, Lukas accomplit un long périple héroïque, digne d’une odyssée mythologique, au sein d’un immense cimetière où il rencontre des gens qu’il a connus, des gens qui l’aiment, d’autres qui lui en veulent un peu, beaucoup, passionnément, lui tendant les pires traquenards auxquels il échappe grâce à l’intervention de Zéphira. Mais, à son grand dam, celle-ci s’esquive avant qu’il ait pu lui quémander son pardon, si bien qu’il reste en équilibre entre le monde des vivants et celui des morts, espérant vivre encore grâce au pardon de la jeune fille.
Ainsi l’auteur propose-t-il au lecteur une aventure onirique et l’invite-t-il à explorer l’espace qui, comme dans la mythologie grecque, existerait entre la vie et la mort. Lukas naviguerait ainsi dans cet entredeux, là où les anciens évoluaient. Ce texte puise son intrigue au cœur des légendes grecques et dans certaines croyances issues d’un syncrétisme entre les religions antiques et les religions monothéistes plus récentes. Comme dans la mythologie, on retrouve les mêmes symboles sexuels, chaque personnage a une aventure, un désir, un écart qu’il lui faudra bien avouer un jour.
« Je n’ai jamais dit qu’on pouvait se servir des rêves pour changer le passé, mon ange. On peut faire de petites visites en rêve à ceux qu’on aime, oui, mais refaire l’histoire ? Personne n’a ce pouvoir… »
Dans cette épopée, Pan Bouyoucas évoque non seulement la culpabilité et le culte nécessaire qu’il faut rendre aux aïeux pour accéder au monde des morts et y être accueilli en paix et la recherche de la vérité qu’il faut transmettre à sa descendance, tant il est convaincu que la sérénité éternelle ne sera accessible qu'à ceux qui l’auront méritée.
« Je me suis lancé dans ce rêve pour redresser le tort que je lui avais fait et dire tout ce que je n’avais pas su lui dire par le passé, afin de m’en libérer et de vivre en paix, avec ma famille, les années qui me restaient… »
C’est avec grand plaisir que j’ai acquis ce texte dans une vente de livres d’occasion, ainsi que plusieurs autres titres, et j’ai toujours été ravi de ces lectures. Je trouve celui-ci un peu rocambolesque mais l’Odyssée, l’Iliade et de nombreuses légendes grecques ne le sont-elles pas aussi ?
Denis BILLAMBOZ
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