« Donne-moi des enfants, des fils, des filles, des mômes, des kids, des gosses. Donne-moi des enfants ou je vais finir par crever ». Laure implore son mari et le ciel, elle veut un enfant à n’importe quel prix, quitte à en mourir. Laure est une femme encore jeune, elle n’a que trente-sept ans, mais elle n’arrive pas à procréer. Fille d’une famille aisée, belle et intelligente, elle exerce un métier valorisant, est mariée avec Antoine, beau et riche garçon descendant lui aussi d’une famille aisée. Ils se sont connus à la faculté, sont nés tous les deux dans les beaux quartiers de la rive gauche parisienne, se sont mariés jeunes, ont construit chacun une belle carrière, se sont beaucoup amusés, ont beaucoup fait la fête et quand ils ont pensé à assurer leur descendance, ils étaient déjà moins féconds.
Après trois fausses-couches inexpliquées, ils entreprennent le cheminement des familles souhaitant ardemment peupler leur arbre généalogique et leurs vieux jours : analyses diverses, examens de plus en plus complexes, recours éventuels à l’adoption. Mais les délais de réponse sont toujours longs, il faut attendre, attendre et encore attendre… et les résultats sont généralement décevants. Laure n’en peut plus, elle est au bord du gouffre, Antoine s’enfonce dans son boulot et le couple vacille. Alors, elle change de vie en s’inscrivant à un cours de théâtre, essaie de se reconstruire, de trouver une nouvelle raison de vivre, d’oublier son problème. Mais la vie, elle, ne se fie pas toujours au désir et au désespoir de ceux qu’elle habite …
Maud Jan-Ailleret a connu des problèmes similaires à ceux qu’elle décrit dans son récit, elle peut ainsi donner beaucoup de véracité à son texte, emporte le lecteur au plus profond de son désespoir et au plus fort de ses folles espérances. Elle projette son texte comme un cri, un hurlement de mère privée de son enfant, alors qu’elle voudrait le délivrer comme une mère qui donne naissance à son enfant. Ce texte m’a ému et même parfois fait vibrer tant il semble écrit dans l’urgence, la précipitation, car il faut toujours courir devant le temps pour ne pas dépasser les limites, notamment celle de l’âge de la procréation. Et, surtout, dans ce texte, j’ai trouvé beaucoup, beaucoup d’humanité, cette qualité qui manque si souvent à notre société actuelle. Tout ce que Maud raconte ne parait pas seulement vrai, mais est vrai : les grandes tablées à la campagne, la marmaille qui piaille sans cesse, le désir d’enfant, les douleurs, les espoirs, les faux espoirs, le regard des autres, les remarques maladroites, la solitude et le parcours inhumain dans les laboratoires, cliniques et hôpitaux. Le lecteur reste en permanence aux côtés de Maud, il voudrait lui tenir la main, lui dire qu’un jour elle aura un enfant.
Denis BILLAMBOZ
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