Le 24 mai prochain Robert Allen Zimmerman, alias Bob Dylan, fêtera ses quatre-vingts ans et ses soixante années de carrière. J’écoute ses chansons et sa musique depuis presque aussi longtemps puisque je l’ai découvert grâce à Hugues Auffray avec son trente-trois tours « Auffray chante Dylan » édité en 1965. Dans notre turne d’étudiant, que nous partagions à trois, ce disque tournait régulièrement selon la mode de l’époque. Quelle ne fut pas ma joie quand il y a quelques jours j’ai découvert ce livre, soit toute la carrière, ou presque, du Grand Bob dans un seul ouvrage !
Profitant de cet anniversaire, « Les Impressions nouvelles » ont décidé d’éditer cet énorme travail de Nicolas Livecchi en en confiant la préface à Arnaud Desplechin. « La discographie dylanienne est un labyrinthe vertigineux » confie l’auteur qui pourtant n’a pas hésité à se lancer dans une recherche digne d’un archéologue immergé dans le monde de la musique. Le recensement des œuvres du maître est particulièrement complexe pour plusieurs raisons, selon l’auteur : la longévité de sa carrière, sa production exceptionnelle de musiques et de textes, sa régularité à enregistrer des albums tout au long des six décennies de sa carrière qui n’est pas encore achevée, sa propension à se produire régulièrement sur scène, notamment au cours de longues, voire très longues, tournées. « Pour se faire une vague idée, on dénombre aujourd’hui 3 049 concerts donnés de par le monde depuis le 7 juin 1988… ».
En 2010, les premiers enregistrements de Dylan tombent dans le domaine public. L’extension de l’Internet et la création des réseaux sociaux provoquent le développement d’un vaste marché parallèle qui amplifie considérablement sa discographie. « Au final en 2020, le site internet Discogs recense désormais 10 173 références d’albums concernant l’artiste Bob Dylan, et 33 456 références où il est crédité… Tapez le nom de bob Dylan sur Amazon, et c’est plus d’un millier de CD et vinyles qui vous seront proposés. ». C’est cette masse énorme de documents musicaux que l’auteur a triée pour établir la discographie la plus complète et la plus accessible possible. Son objectif est double : d’une part, combler un manque en recensant de manière suffisamment complète et ordonnées les références discographiques actuellement disponibles, d’autre part, proposer un guide initiatique à l’intention de ceux qui n’ont pas connu toute la carrière de Dylan et, considérant son âge, ils sont nombreux aujourd’hui. Pour atteindre ses objectifs, après avoir consacré un premier chapitre à ce qu’il considère comme des anthologies et des compilations incontournables, Nicolas Livecchi a découpé son texte en périodes correspondant à la vie du chanteur et au style de musique qu’il adoptait au cours de chacune d’elles. Ainsi, explore-t-il les époques suivantes : les débuts, la période folk, la période rock, la période country, la période bohème, la période gospel, la période MTV, la période blues, Dylan avant Dylan et, bien sûr, Dylan après Dylan. Cet ouvrage ne serait pas complet s’il ne comportait pas une liste d’enregistrements rares, originaux, étonnants, insolites, incongrus, même s’ils ne sont pas les meilleurs du marché. Mais, comme le spécifie l’auteur : « le corpus dylanien est si vaste et éclaté qu’il (…) resterait toujours de nouvelles chansons à découvrir ».
Pour chacune des périodes évoquées, l’auteur dresse une courte biographie du chanteur, évoquant sa vie personnelle, ses activités musicales tant dans la création et les sources d’inspiration que dans les enregistrements ou les concerts. A la suite de cette introduction biographique, il propose les albums studio ou live (où il évoque les concerts), des archives, des livres, des DVD. Tous ces enregistrements et écrits sont présentés avec la photo de leur couverture et des commentaires personnels qui ne sont pas toujours flatteurs pour le chanteur et ceux qui les ont réalisés et produits. Livecchi explore les fonds officiels, les fonds parallèles et les enregistrements non officiels : répétitions, recherches musicales, chansons jamais produites, morceaux piratés, le corpus est vaste. J’ai beaucoup apprécié que, comme tout bon universitaire doit le faire, l'auteur propose à la fin de son ouvrage la liste de ses sources, un index des chansons citées et un autre des personnes et groupes cités et ils sont tous les deux très fournis. La technologie évoluant à grande vitesse, les supports musicaux cités deviendront vite des documents d’archives, aussi était-il nécessaire de faire un point complet de cette œuvre monumentale avant de passer à une nouvelle ère qui verra, sans nul doute, apparaître de nouveaux modes de diffusion de la musique engendrant de nouveaux enregistrements des œuvres de Dylan sur des supports que nous ne connaissons pas encore.
Hugues Auffray m’a amené à Dylan et Dylan m’a emmené vers ses idoles en commençant par celle que j’admire plus que toute autre Joan Baez qui reste tout en haut de mon panthéon musical. Comme lui, j’étais et je reste un fanatique de James Dean et j’ai eu la chance de connaître dans la foulée ses autres idoles Buddy Holly, Woody Guthrie, Pete Seeger, qui m’ont emporté sur les voies de la musique venant de l’Amérique des années soixante et soixante-dix. Nicolas Livecchi n’élude pas la polémique créée par l’attitude de Dylan lorsque le Prix Nobel lui fut décerné, il se contente de relater les faits … et pour le reste : « Ecoute mon ami / Ecoute dans le vent / Ecoute, la réponse dans le vent ».
Denis BILLAMBOZ
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