Lisa, née dans le sud de la Belgique, près de la frontière française, au milieu des années cinquante, est traductrice en allemand. Elle voyage beaucoup pour son métier et voit peu sa mère, Eugénie, qui l’a élevée seule depuis l’âge de dix ans car le père de l’enfant a quitté le domicile conjugal à cette époque. Un soir, un violent orage anéantit le tilleul tutélaire qui a abrité une bonne partie de son enfance et projette sa mère dans un état de choc qui nécessite son admission à l’hôpital. Lisa la veille et profite de cette occasion pour essayer de renouer avec elle le dialogue qu’elle n’a plus qu’au téléphone. Elle n’a jamais pu comprendre pourquoi son père est parti, pourquoi il n’est jamais revenu, bien que sa mère, qui regarde toujours par la fenêtre, semblait guetter son retour.
François Houdart nous conte l’histoire de cette famille à trois voix, celle d'Eugénie qui dévoile comment, jeune maman, elle acceptait les écarts conjugaux de son mari jusqu’au jour où une convocation, émanant de la police, invite celui-ci à se rendre au poste pour répondre de ses agissements à l’endroit d’une jeune mineure tombée enceinte de ses œuvres. Folle de rage, elle l’avait jeté dehors, il avait filé et n'était jamais revenu, bien qu'il ait beaucoup écrit. Sa mère étant dans le coma, Lisa fouille sa chambre et trouve les fameuses lettres envoyées par le père en même temps que les cartes postales qu’il lui adressait et qui sont toujours alignées sur la cheminée. A travers ces lettres, elle découvre la version des faits présentée par Auguste, son père, qui reconnait ses infidélités, raconte sa fuite en France pour éviter les poursuites et les tentatives qu’il a faites pour renouer avec sa mère mais surtout avec elle, sa petite Lisa. Mais Eugénie s’est opposée à toutes ces tentatives et a refusé le divorce qui n’était pas admis dans son milieu à cette époque. Aussi, a-t-il refait sa vie autrement.
Lisa donne à son tour sa version des événements ayant marqué sa jeunesse, son enfance sans père, les quolibets de ses camarades de classe, le refus de sa mère de répondre à ses questions, les points d’interrogation qui restent après avoir entendu quelques éclats de voix entre les adultes… Et, surtout, après avoir lu et relu les lettres du père et avoir entendu la version de la voisine. Aussi écrit-elle une lettre à son père pour tenter de découvrir son vrai passé et éclairer ses origines réelles qui lui semblent ténébreuses.
Ce roman est le type même d’une histoire devenue de plus en plus commune depuis que la procréation dépend de moins en moins des aléas sexuels. On y retrouve les problèmes qui font les choux gras des avocats et des psychologues : le divorce possible ou non, les ruptures, l’adultère, l’infidélité, l’amour passionné, l’amour qui s’en va, la pression sociale et familiale. Tout ce qui contribue au grand malaise qui détruit de nombreux couples. C’est aussi un texte sur l’écoute, la tolérance, la compréhension, le pardon, ce qui peut éviter de pousser sous le tapis des secrets, des rancœurs, des regrets, des remords et même de la haine, ingrédients redoutables qui pourrissent à jamais la vie d'innombrables familles.
Denis BILLAMBOZ
Pour consulter la liste de mes précédents articles, cliquer ICI