La mère et la Petite, son enfant unique, vivent dans le bourbier de la banlieue industrielle de Liège chez les grands-parents. On ne parle jamais de son père, on ne sait rien à son sujet, seulement qu’il n’est pas là. C’est une question qu’il est interdit d’évoquer, la grand-mère ne le tolérerait pas. La grand-mère, c’est elle qui dirige avec autorité cette famille et veille à une éducation très stricte de l’enfant. L’ambiance à la maison est souvent lourde, la Petite sent, tout comme le lecteur, qu’un lourd non-dit plane sur cette famille, notamment sur la mère, une femme seule, veuve ou abandonnée. Nul ne peut et ne veut le dire, il ne faut surtout pas en parler devant la Petite, ça pourrait la perturber.
Chaque année, celle-ci attend avec impatience le retour de l’été car, avec sa mère, elle passe tout le mois d’août à la campagne chez Tante Estelle, la sœur de la grand-mère acariâtre, une tante qui est tout le contraire, douce et aimante. Elle choie la Petite qui a beaucoup de liberté pour jouer aux alentours, sur les rives de l’Ourthe. C’est un véritable bonheur pour la fillette qui aime la nature au point d’embrasser les arbres et ne comprend pas bien pourquoi les gens du village disent « La pauvre petite » quand ils la voient. Mais cette année le cousin Léon trouble l’ambiance avec sa belle voiture américaine, ses cadeaux, son argent. Il enlève la mère que la Petite ne voit plus assez, elle a peur que le cousin l’emporte loin là-bas « à la Colonie ». La Petite n’est pas la seule à s’inquiéter, la famille est en ébullition, les sorties du cousin et de la mère contrarient sérieusement les grands-parents, l’oncle et la tante. La Petite ne comprend pas ce qui se passe, alors elle met les pieds dans le plat sans vraiment savoir ce qu’elle fait.
C’est un joli texte plein d’empathie que livre l’auteure, un texte qui oscille entre un récit de vacances bucoliques et une tragédie larvée sous le tapis des non-dits familiaux. Un texte écrit comme le suggère l’éditeur : « en petites vignettes à la manière des impressionnistes ». Moi, j’ai pensé à une épopée campagnarde en vers, à la taille de la Petite, avec ses héros et sa tragédie elle aussi à la dimension de l’enfant. Même si l’ambiance est pesante et que le drame finit par éclater, l’atmosphère campagnarde reste conviviale, légère, sereine, irénique, la nature est un puits de paix et on se prend à penser que le monde serait meilleur si les humains étaient aussi calmes et paisibles que les arbres et leur environnement naturel.
Denis BILLAMBOZ
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