Ce recueil se compose de plusieurs nouvelles, surtout par la taille et les thèmes qu’elles abordent, moins par le fond, sorte de fil rouge qui semble relier ces textes de façon à ce que le lecteur puisse en tirer une morale, des impressions sur la vie écoulée et peut-être aussi des conclusions utiles à l’approche de la fin de la vie. Des liens intertextuels relient des textes à d’autres, des mots, des expressions, des lieux, des personnages, des événements apparaissent dans certains d’entre eux, comme pour leur conférer une certaine unité et conclure le recueil dans un exercice littéraire que les adeptes de l’Oulipo n’auraient sans doute pas renié.
Françoise Pirart n’a pas atteint l’âge auquel il devenu nécessaire de rédiger un testament, fût-il littéraire. Cependant son recueil est empreint d’une certaine nostalgie et d’enseignements qu’elle a tirés du temps écoulé, d’un certain désabusement devant les événements qu’elle a vécus, subis pour certains d’entre eux. Cet ouvrage est une sorte de panorama de ce que fut la vie à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, la période où, comme moi, même si elle est beaucoup plus jeune, elle a traversée et déjà accomplie. Une forme de satire de la société bienpensante et peu généreuse de l’époque, ce monde du m’as-tu vu, des petits bourgeois prétentieux, des frimeurs.
Le recueil comporte surtout des nouvelles courtes, quelques pages, pas davantage, néanmoins quelques-unes sont plus conséquentes que les autres et surtout plus originales : un ancien président de la République devenu très vieux regarde le monde depuis sa maison de retraite de luxe, il se souvient de ses concurrents, de ses prédécesseurs, de ceux qui l’ont entouré et surtout de ce qu’il a fait, de ce qu’il n’a pas fait, des promesses proférées et non tenues. Il évoque aussi le pouvoir qu’il faut bien assumer et surtout conserver… Une maison hantée, qui rend malheureux ceux qui ont voulu y habiter, apporte un petit côté fantastique, ainsi que les déboires d’un couple homosexuel confronté aux mêmes problèmes que les hétérosexuels.
Et avec tout cela, le temps qui coule inexorablement, la fin qui approche et à laquelle il faut commencer à penser. Le temps qui emporte les amours de jeunesse, les espoirs, les projets, les ambitions, les amitiés. C’est un regard lucide, clairvoyant, mais aussi ironique, sardonique, teinté d’un humour parfois un peu noir que Françoise Pirart jette dans le rétroviseur de sa vie. Le monde tel qu’il a été avec ses joies mais surtout ses déceptions et ses fausses promesses. Un monde de patrons qui oublient leur épouse et leur famille, de vieux qui se dessèchent dans des EHPAD, d’éditeurs qui refusent des manuscrits sans les lire, des voitures folles qui se percutent, des amours incompris, impossibles, étouffés, usés de politiciens incompétents. Mais comme l’a dit un président : « Tout est sous contrôle ! ». Un tout livré dans une écriture fine et policée qui laisse glisser en douceur aussi bien l’ironie que le sarcasme, l’amertume que la dérision.
Denis BILLAMBOZ
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