Avec " La plus précieuse des marchandises » Jean-Claude Grumberg remet les événements de la guerre de 39/45 en perspective en nous rappelant ce dont les hommes sont capables lorsque sagesse et raison ne sont plus à l’ordre du jour. Au fond d’une forêt existe un couple, un bucheron et sa femme en mal d’enfant dont la pauvre masure se trouve proche d’une voie de chemin de fer. La femme suppose que le train, qui l’utilise, transporte des marchandises alimentaires. C’est alors qu’un homme, que le train conduit avec les siens, sa femme et ses jumeaux de quelques mois dans un camp de concentration, ouvre une fenêtre et lui lance quelque chose qui n’est autre qu’un bébé, une petite fille enveloppée dans un châle qu’elle va accueillir et adopter, ne parvenant pas elle-même à mettre au monde un bébé. Avec cet ouvrage présenté sous forme de conte, Jean-Claude Grumberg nous plonge dans les tréfonds de l’histoire, celle des camps de concentration, un enfer qui tente d’abolir la race juive et où un père cherche à sauver l’un de ses jumeaux, sa petite fille que la bucheronne adopte avec bonheur en lui consacrant et son amour et ses forces.
« Pauvre bucheronne se débarrasse alors de son maigre fagot d’hiver et, aussi vite que la neige le lui permet, elle se précipite sur le petit paquet pour l’arracher à la neige. Puis, avidement, fébrilement, elle défait les nœuds comme on arrache l’emballage d’un cadeau mystérieux. »
Le récit nous est conté d’une écriture sensible, l’auteur ayant fait le choix de traiter le plus grand drame du XXe siècle en mêlant le naturel de gens simples et sans ambition à l’horreur pathétique d’une tranche inhumaine de dirigeants. Quatre-vingt pages qui suffisent à mettre le passé en perspective, à évoquer un couple qui s’affronte à l’horreur avec une parfaite innocence et à nous offrir un écho émouvant d’une page d’histoire que l’on serait tenté d’oublier, en privilégiant le choix d’une voie simple et tellement humaine.
« Voilà la seule chose qui mérite d’exister dans les histoires comme dans la vie. L’amour, l’amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres. L’amour qui fait que, malgré tout ce qui existe, et tout ce qui n’existe pas, l’amour qui fait que la vie continue. »
Un récit court mais captivant et intemporel qui mêle l’horreur à un espoir fragile d’espérance et d’amour.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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