TU ES BELLE A L'INTERIEUR DE TON COEUR
Ce livre est d’abord, lorsque vous le prenez dans les mains et le feuilletez, un bel objet : papier glacé, magnifiques illustrations composées des photos et des reproductions des dessins et toiles de l’auteur qui ne se contente pas d’écrire mais dessine et peint, artiste complète et sensible qui sait percer les mystères du cœur humain. Après Madrid et Singapour où son mari était en poste, Véronique Desjonquères s’est retrouvée avec ses enfants à Bombay en 2010 lors de sa nouvelle affectation professionnelle, plongée soudainement dans une mégapole où elle s’est installée avec le projet immédiat de ne pas se contenter d’y vivre en vase clos avec la colonie française, mais de s’ouvrir à une population très diverse, à un monde bruyant et coloré dont la découverte demande du temps, de la disponibilité et des nerfs d’acier.
« Voir la beauté de Bombay ne va pas de soi. Cela nécessite d’aller au-delà d’un extérieur sale et repoussant. Où est la beauté des bidonvilles et des barres d’immeubles décrépits par la mousson et le manque d’entretien ? Qui n’a jamais perdu ses nerfs en raison d’une circulation souvent infernale ? Comment ne pas être révoltée par ces familles entières dormant sur le trottoir, par ces enfants marchant pieds nus dans les détritus, forcés de faire la manche aux carrefours plutôt que d’aller à l’école ? Bombay est la ville de tous les contrastes : à la fois frustrante, déconcertante et fascinante, elle est aussi le lieu où la plus grande des richesses côtoie la plus dégradante des pauvretés » - écrit-elle en préambule et on imagine le désarroi, l’inquiétude des premières semaines lorsqu’il lui a fallu s’immerger dans cette ville tentaculaire, tenter de s’y adapter et surtout de communiquer avec une population aussi composite. C’est cependant ce qu’elle a su faire avec une intelligence qui a été à l’origine de l’ouvrage dans lequel on plonge avec émotion et que l’on dévore d’une traite tant les êtres, qui vous parlent, semblent proches, tant ils ont à dire et le font avec simplicité et une dignité bouleversante. Qui sont-ils ces hommes et femmes de milieux divers, ces adolescents, ces enfants, ces vieillards qui se confient avec retenue et pudeur et de façon si naturelle, sans que soit exclu de leurs propos, humour, tendresse et malice.
« Il a fallu dépasser mes peurs de déranger, d’être mal reçue. Mes interlocuteurs, choisis au hasard, au gré de mon inspiration, se sont souvent livrés avec gentillesse, se sont rendus disponibles pour répondre, n’hésitant pas à arrêter leur travail pendant plusieurs dizaines de minutes. Peut-être étaient-ils heureux qu’une étrangère s’intéresse à eux ? Parfois, mais rarement, j’ai été rejetée. J’ai fait ici une des plus riches expériences humaines que j’ai connues, elle a contribué à donner un sens à ces quatre années vécues à Bombay » - avoue Véronique Desjonquères dès les premières pages de son livre.
Et de ces quatre années difficiles mais intenses, elle n’est pas ressortie indemne, elle ne s’est pas investie sans en être profondément changée, enrichie, fortifiée. Ces êtres approchés et écoutés ont su créer en elle un paysage intérieur, faire naître une sensibilité plus vive à l’autre, une écoute sans doute plus précise, une inspiration probablement plus humaine. Sa peinture s’en ressent : colorée, sensitive, vibrante. Ses interlocuteurs sont là non seulement dans les mots mais dans les images : les Samy, les Manhar, les Kamal, les Shekar, le doux sourire de Ratan ou le beau visage de Nikita. Les enfants sont si confiants, les jeunes filles si gracieuses, malgré la pauvreté, le dénuement même. L’espérance ne faiblit pas, vigilante, comme une bougie qui donne aux visages leur clarté. Et ces hommes et femmes nous content leur quotidien sans détours, dans l’intimité de leurs humbles masures, au travail ou sur les marchés, sans oublier de souligner leurs espérances secrètes, la foi qui les anime et les aide à rester vertical. Ce livre a, entre autre pouvoir, de vous rendre proche un univers lointain, de vous conduire au cœur d’une réalité dure mais vraie, émouvante, courageuse et toujours sobre et digne. Quelle belle leçon de vie ! Merci à l’auteure d’avoir su consacrer ces quatre années à ce témoignage en mots et en images d’une vérité et d’une authenticité qui nous incitent à partager son expérience.
« En décidant de faire ce livre au lendemain de mon arrivée en Inde, j’avais l’intuition et j’espérais qu’il m’aiderait à voir la beauté de Bombay. Par le témoignage de ces hommes et de ces femmes, j’ai voulu traduire la diversité de la mégapole. J’ai abordé des quartiers proches que je côtoyais dans mon quotidien et des lieux touristiques plus connus. J’ai cherché à comprendre comment les gens vivaient, travaillaient, ce qu’ils ressentaient, quels étaient leurs rêves. Ces rencontres personnelles m’ont transformée de l’intérieur. »
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Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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