Alors que nous commémorons le centième anniversaire de l’effroyable guerre de quatorze, comme nous l’appelons couramment, c’est peut-être le moment pour ressortir Louis Pergaud, l’un des nombreux écrivains victimes de cette effroyable boucherie et de l’oubli total dans lequel le monde littéraire l’a abandonné.
De Goupil à Margot
Louis Pergaud (1882 – 1915)
J’ai exhumé ce recueil de nouvelles animalières, ce petit bestiaire, des rayons d’une étagère où il dormait depuis de longues années. J’aime lire la prose de Pergaud et comme il fait partie de la longue liste des écrivains fauchés par l’imbécile boucherie de la Grande Guerre, je voulais, en cette année commémorative, le remettre un peu à l’honneur car il est tombé dans les oubliettes de l’histoire littéraire depuis un bon nombre d’années malgré l’acharnement que certains réalisateurs de la "Guerre des boutons" mettent à massacrer périodiquement ses Gibus et autres garnements.
Si Hugo nous a fait l’honneur de naître à Besançon et Colette d’y écrire quelques ouvrages, Pergaud est le véritable écrivain comtois de référence. Avec ce recueil, il a obtenu le Prix Goncourt en 1910. Il doit être rare que ce prix honore un recueil de nouvelles. Dans celles-ci, l’auteur met en scène les petits animaux de la campagne, ceux qui sont rarement mis à l’honneur dans la littérature, excepté l’incontournable renard, taupe, fouine, écureuil, lièvre, grenouille… les représentants de la faune des plus faibles, ceux qui sont à la merci de nombreux prédateurs. Dans un langage riche, nourri de mots qui, à l’époque, étaient aussi rares qu’aujourd’hui et d'un vocable disparu ou presque de nos jours, il dépeint le petit monde de la forêt et des taillis qu’il a bien connu quand il était enfant dans un village du Haut-Doubs. Il décrit sans complaisance, mais sans concession non plus, la violence de la vie dans la nature, la suprématie inéluctable du fort sur le faible. Il n’y a ni morale, ni sentiment dans ces récits, il n’y a que l’incontournable loi de la prédation qui régit le monde animal depuis l’origine du monde. Seul l’homme perturbe cet équilibre millénaire en introduisant dans cet univers bien hiérarchisé la cruauté qui semble être sa caractéristique principale.
Quand il a écrit ces lignes, Louis Pergaud ne se doutait pas qu’il serait un jour l’un de ces êtres sans défense à la merci de la cruauté humaine, pris au piège comme Margot, Goupil, Fuseline ou Rana, victime innocente de l’imbécilité humaine.
Denis BILLAMBOZ
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