Exceptionnellement, cette semaine je vous propose deux textes car il s ‘agit de nouvelles présentées dans des petits formats bien pratiques et très jolis par les Editions Zinnia. Cette petite maison lyonnaise s’intéresse aux auteurs latino-américains de qualité trop méconnus en France.
Balles perdues
Alberto Barrera Tyzca (1960 - ….)
Et cette maison d’édition lyonnaise, Zinnia Editions, a remarqué l’un de mes commentaires sur un livre d’Alberto Barrera Tyszka et m’a proposé la lecture de deux nouvelles de cet auteur. « Balles perdues » est la première de ces deux nouvelles, elle évoque la disparition d’un brave citoyen vénézuélien sans histoire lors d’une manifestation contre le pouvoir. C’est dans le journal télévisé que sa famille le voit tomber sous les balles de la police mais ne peut le retrouver ni à la morgue, ni dans les hôpitaux de la ville, il est introuvable malgré toutes les recherches qui sont entreprises. La télévision s’intéresse bientôt à cette disparition tant pour dénoncer les violences policières que pour accabler les contestataires qui manipulent son épouse pour discréditer le pouvoir.
Instrumentalisée par les médias, la famille implose, certains membres rallient la cause des insurgés, d’autres restent fidèles aux gouvernants mais quand les télévisons étrangères se manifestent avec des contrats fort lucratifs, les opposés se rejoignent. Alberto Barrera Tyszka nous montre, à travers le jeu pervers des médias, la faiblesse des êtres ayant acquis rapidement une grande notoriété, capables de se faire de l’argent sur le dos d’un des membres de leur famille dont on ignore s’il est mort ou disparu, son corps n’ayant jamais été retrouvé, il pourrait même être toujours en vie quelque part où personne ne serait aller le chercher. Une nouvelle comme une leçon de morale qui dénonce la lâcheté des hommes toujours prêts à marcher sur des cadavres pour accéder à une certaine reconnaissance, à un certain pouvoir, et les médias, artisans de toutes les manipulations, qui peuvent servir la cause de ceux qui les possèdent ou les financent.
Une belle édition, une bonne idée, ces petits formats faciles à lire et à transporter dans une poche pour découvrir rapidement des auteurs inconnus et en l’occurrence des auteurs d’Amérique latine dont cette maison s’est fait la spécialité.
La correspondance des autres
Voici une autre nouvelle de Barrera Tyszka publiée par Zinnia Editions évoquant, cette fois, un professeur de littérature vénézuélien qui propose des cours dans plusieurs institutions pour financer sa thèse sur la correspondance entre les écrivains – sujet très large qui est déconseillé par ses maîtres – et réussit même à monter un atelier de lecture et d‘écriture dans une prison. « Il vaut mieux raconter un assassinat que le commettre. La littérature a moins de conséquence que la vie ». Il rassemble ainsi un groupe de prisonniers qui veut bien l’écouter et participer aux exercices mais un jour une émeute embrase l’établissement pénitencier, les prisonniers prennent des otages dont le professeur de littérature qu’ils acceptent de relâcher à condition qu’il les aide à rédiger chacun une lettre, qui au procureur, qui au ministre, qui à n’importe quel autre personnage influent qu’ils croient en mesure de faire avancer leur dossier auprès de la justice. Le professeur accepte cette contrainte, car plusieurs des détenus du groupe n’ont jamais été jugés, et est relâché par ses détenteurs.
Quand il rentre libre chez lui, il jure de ne jamais retourner travailler en prison mais un beau jour, en regardant le journal télévisé, il voit que les émeutes embrasent à nouveau l’établissement. La correspondance avait été sa passion, elle devient sa destinée, il ne peut plus y échapper.
Denis BILLAMBOZ
Pour consulter les listes de mes précédents articles, cliquer sur les liens ci-dessous :
Liste des articles "Les coups de coeur de Denis "
Liste des articles : LES VOYAGES LITTERAIRES DE DENIS