L'Hôtel-Dieu de Beaune ( cour intérieure du XVe siècle )
Le début de l'automne est sans doute la période de l'année qui sied le mieux à la Bourgogne, l'ancien duché de Philippe le Hardy, de Jean sans Peur et de Charles-Quint qui a vu l'histoire s'écrire avec un grand H. Oui, les premières teintes de la saison la parent d'un charme enchanteur. Les toits multicolores et la végétation s'harmonisent soudain, mêlant les tons d'or et de rouille, les verts profonds et les incarnats. Ici, on pénétre dans l'une des plus vieilles terres d'Occident qui doit presque toute sa configuration au lent et patient travail de l'homme. Aussi y a-t-il urgence à prendre le temps de goûter à la douceur des paysages, à la saveur des fruits, à l'arôme des vins et à s'émerveiller de ce que le Moyen-Age chrétien a inspiré aux tailleurs de pierre et aux architectes. La Bourgogne doit son nom au peuple scandinave des Burgondes qui fixa ici, au Ve siècle, sa longue errance. Ensuite, les moines assurèrent la relève ; aux vignes et aux pâturages, ils ajoutèrent des millliers d'abbayes et de prieurés qui furent des relais pour la foule des Croisés et que scandaient les huit offices quotidiens. Plus tard, la haute magistrature édifiera un admirable décor urbain. Ce seront Auxerre la joyeuse que chanta la poétesse Marie Noël et Dijon, la ville "énigme", attachante et auguste avec sa place d'Armes que domine la statue équestre du grand roi, ses palais, ses loges, ses forges, sa chapelle des Elus où se tenaient les séances solennelles de l'Assemblée bourguignonne. Des ducs aux rois, le pouvoir était symbolisé par les palais et les tombeaux, si bien que la grandeur subsiste comme rassemblée dans une piété minérale.
Tournus
Partout est présente la mémoire des pierres. Sur le sol de ce vieux pays se déroule un long chapelet de basiliques, monastères, paroisses, oratoires qui surent résister aux méfaits révolutionnaires et conserver leur authenticité. Nous en aurons l'assurance en revisitant Vézelay, temple des récits bibliques, maison très sainte érigée très près du ciel. En ce lieu s'attardèrent Philippe-Auguste, Richad Coeur de Lion, Saint Bernard qui y prêcha la seconde croisade et Saint Louis en route pour la Terre Sainte, ainsi que quelques autres icônes de l'histoire européenne. A l'heure de la prière du soir, la basilique s'ouvre à vous dans son recueillement majestueux après que vous ayez passé le tympan qui a fixé l'éternité dans la pierre. Vézelay est incontestablement l'une des merveilles de l'Occident, car, nulle part ailleurs, l'art roman n'a mieux maîtrisé ses techniques et son inspiration. Tout, dans ce haut lieu, est cohérence, simplicité, dépouillement et grandeur. A la sortie, un peu de temps est nécessaire pour revenir à la réalité des choses, peut-être en parcourant à pied l'esplanade et les remparts qui cernent la colline afin de contempler la lumière s'éteindre progressivement sur les reliefs environnants en se laissant pénétrer par le silence qui veille ainsi qu'un dieu bienfaiteur.
Vézelay
Le lendemain, nous nous rendons à Bazoches, qui n'est éloigné de Vézelay que d'une dizaine de kilomètres, château familial de Vauban où l'élégance n'a d'égale que l'harmonie. C'est à Bazoches que s'arrêtèrent Philippe-Auguste et Richard Coeur de Lion en partance pour Jérusalem. On les imagine soupant et dormant dans cette demeure qui jouit d'un panorama unique sur le Morvan. C'est en 1675 que le Maréchal de Vauban en fit l'acquisition grâce à une gratification que Louis XIV lui avait accordée à la suite du siège de Maestricht. Entre deux voyages, il appréciait de venir s'y reposer auprès de sa femme et de ses enfants, d'autant que la demeure à taille humaine, aux pièces claires et bien distribuées, offrait toutes les commodités. Aujourd'hui, elle est occupée par ses descendants qui l'entretiennent avec un soin jaloux et proposent, à qui le souhaite, de venir s'y marier ou d'organiser une fête. C'est également dans ce château que Vauban élabora une partie de ses études et les plans de plus de 300 ouvrages et échafauda les méthodes d'attaque et de défense des fortifications et places fortes qui firent de lui le maître incontesté de l'architecture militaire. Enfin, c'est dans cette sobre et belle demeure qu'il composa et rédigea ses réflexions sur les sujets les plus divers que, non sans humour, il appelait "ses oisivetés". Il repose sous une simple dalle dans la modeste église du village auprès de sa femme morte peu de temps avant lui, de l'une de ses filles et d'une petite fille décédée en bas âge. Voilà le tracé de vie d'un des plus grands serviteurs de la France.
Le château de Bazoches et le village
Mais la Bourgogne n'est pas seulement admirable pour sa romanité, ses villes et villages, ses basiliques, monastères et habitations anciennes, elle l'est également pour ses voies d'eau qui la sillonnnent et l'imbibent d'une fraîche clarté. Réunir les fleuves fut une grande ambition ébauchée dès le XVIe siècle et que réalisera le XVIII ème en entreprenant des travaux gigantesques afin de favoriser le commerce fluvial. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui ont choisi la péniche ou le bateau habitable pour s'offrir une croisière et se laisser doucement porter au fil de l'eau et du temps. Rives ombragées, forêts de hêtres, chasse aux libellules et aux papillons, cueillette des champignons, passage des écluses, les minutes s'égrennent. Il y a celles de l'émerveillement, celles de la méditation dans un silence de cathéadrale que composent les ormes et les saules. Pour nous, ce ne sera que quelques balades à pied le long du rivage, puisque nous sommes descendus chez des amis qui restaurent un château médieval et ont ainsi privilégié l'intemporel à l'éphémère.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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