
"La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir" - écrivait MONTESQUIEU.
"La liberté concrète est celle qui assume courageusement et joyeusement la loi de l'oeuvre qui est la loi du fini : donner forme, et en donnant forme, prendre forme, voilà la liberté".
Paul RICOEUR
Aussi posons-nous cette question : que signifie être libre ?
C'est tout d'abord la liberté de faire. Mais souvenons-nous que la liberté était autrefois un privilège réservé au maître par opposition à l'esclave. Il faudra attendre que le christianisme confirme les affirmations des stoïciens en faisant d'elle un principe spirituel et moral pour réaliser que la dignité de l'homme relevait de sa liberté. En effet, je ne suis libre d'agir que lorsque rien ni personne ne m'en empêche. Cette liberté est appelée la liberté d'action. Elle est la seule dont on ne puisse contester ni la réalité, ni le prix, bien qu'elle ne soit en aucune façon absolue. Par ailleurs est-on libre de vouloir ce que l'on veut ? C'est sans doute le problème le plus épineux, car puis-je n'être que moi ? Et étant moi, puis-je vouloir autrement que moi ? Il ne s'agit plus alors de la seule liberté d'action, mais de la liberté de décision ou de volonté. Volonté au sens où Epicure et Epictète la définissaient, c'est-à-dire liberté qui ne dépend que de moi puisque je suis libre de vouloir ce que je veux. Mais suis-je libre de vouloir autre chose que ce que je veux ? - pourrait ajouter malicieusement Diderot dans "Jacques le fataliste".
Cette liberté de la volonté suppose, en effet, que je puisse vouloir autre chose que ce que je désire, c'est ce que certains nomment la liberté d'indifférence ou le libre arbitre, liberté envisagée dans ce sens par des philosophes comme Descartes, Kant et Sartre. Elle suppose que ce que je fais n'est pas déterminé par ce que je suis. Selon Sartre l'existence précède l'essence et si l'homme est libre, c'est qu'il n'était rien à l'origine et n'est, en définitive, que ce qu'il se fait. Je ne suis libre qu'à la condition, certes paradoxale, de renoncer à être ce que je suis pour être ce que je ne suis pas, mais cela à condition de le définir moi-même. C'est ce que ce penseur considère comme liberté originelle. Elle précède tous les choix et tous les choix en dépendent. Cette liberté est absolue ou bien n'est pas. Elle est le pouvoir indéterminé de se déterminer soi-même. Car réfléchir, c'est déjà se libérer. "Il est impossible de concevoir une raison qui, en pleine conscience, recevrait pour ses jugements une direction du dehors"- confirme Kant. La loi morale intérieure, la conscience morale est l'acte de la raison, elle m'indique que je suis libre, puisque sans liberté je ne saurais me contraindre à agir bien. Et Kant ajoute : " Si la loi morale n'était d'abord clairement conçue dans notre raison, nous ne consentirions pas à admettre une chose telle que la liberté." C'est également la raison qui nous permet de nous libérer des pressions ou influences extérieures. Mon intelligence est un filtre qui m'autorise à user de mon libre-arbitre et d'agir selon ma détermination propre.
Ce troisième sens de la liberté, la liberté de pensée ou liberté de raison est envisagé comme compréhension et nécessité de nos choix. Etre libre de n'être soumis qu'à sa propre nécessité. Ces trois libertés, action, décision, raison ont en commun de n'exister qu'en relation les unes avec les autres, car on ne naît pas libre, on le devient. Que nous soyons libre ou que nous ne le soyons pas physiquement ou, de façon plus inquiétante psychiquement et moralement, cela ne peut nous dispenser, selon Nietzsche, de devenir ce que nous sommes. Alors réfléchissons à cela et lisons quelques maximes pour mieux nous éclairer sur le sens profond de la liberté, dont nous ne faisons pas toujours le meilleur usage:
Mais le tyran enchaînera...quoi ? ta jambe. Mais il tranchera...quoi ? ta tête. Qu'est-ce qu'il ne peut ni enchaîner, ni retrancher ? Ta volonté. EPITECTE
Et ainsi j'appelle libre un homme dans la mesure où il vit sous la conduite de la raison, parce que dans cette mesure même, il est déterminé à agir par des causes pouvant être connues adéquatement par sa seule nature, encore que ces causes le déterminent nécessairement à agir. La liberté, en effet, ne supprime pas, mais pose au contraire la nécessité de l'action. SPINOZA
Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l'expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve parfois entre l'oeuvre et l'artiste. BERGSON
La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l'existence physique et psychique de l'homme lui-même. ( ... ) La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. ENGELS
Que veut dire ce mot être libre ? Il veut dire pouvoir, ou bien il n'a point de sens ( ... ) Où sera donc la liberté ? Dans la puissance de faire ce qu'on veut ? Je veux sortir de mon cabinet, la porte est ouverte, je suis libre d'en sortir. Mais dites-vous, si la porte est fermée, et que je veuille rester chez moi, j'y demeure librement. La liberté sur laquelle on a écrit tant de volumes, n'est donc, réduite à ses justes termes, que la puissance d'agir. Dans quel sens faut-il prononcer ces mots : l'homme est libre ? Dans le même sens qu'on prononce les mots de santé, de force, de bonheur. L'homme n'est pas toujours fort, toujours sain, toujours heureux. Une grande passion, un grand obstacle, lui ôtent sa liberté, sa puissance d'agir. Le mot de liberté, de franc arbitre est donc un mot abstrait, un mot général comme beauté, bonté, justice. Ces termes ne disent pas que tous les hommes soient toujours beaux, bons et justes ; aussi ne sont-ils pas toujours libres. VOLTAIRE
Les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu'ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. Ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c'est qu'ils ne connaissent aucune cause de leur action. SPINOZA
La vraie liberté, c'est pouvoir toute chose sur soi. MONTAIGNE
Maintenant à chacun de se faire son opinion sur le sujet. C'est la liberté de raison. Alors bonne raison à tous.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
Pour consulter la liste des articles de la rubrique LES QUESTIONS QUE L'ON SE POSE, cliquer sur le lien ci-dessous :
Liste des articles "LES QUESTIONS QUE L'ON SE POSE"






