Roman d'une famille entre les années 1940 et 1990 que les circonstances ont mis provisoirement à l'abri des bouleversements de la modernité. Charles, avocat, et sa très belle épouse vivent au Plessis, au coeur d'un univers bocager avec leur fille Anne-Clémence, sans réaliser que le monde change, se faisant les gardiens vigilants d'une permanence élégante et artistique dans laquelle leur fille puisera, dans un premier temps, son inspiration d'écrivain.
L'irruption d'Adeline Charme, d'abord préceptrice d'Anne-Clémence, puis dame de compagnie de sa mère devenue veuve, va être à l'origine d'un changement de perspective, obligeant la jeune femme à envisager son existence et son oeuvre différemment.
Confrontée à un quotidien qui voit une société s’altérer et une famille subir de plein fouet les aléas de la fortune et les incertitudes du destin, Anne-Clémence fera en sorte que cette réalité soit transposée par l'écriture.
Avec ce nouveau titre, Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE nous propose son quatorzième ouvrage après ceux consacrés à la poésie, à Marcel Proust, aux peuples nomades de l'Afrique de l'est et à la jeunesse. Ses lecteurs retrouveront ses sujets de prédilection : la quête de soi, l'aspiration à la transcendance, le double visage des choses, le refuge de l'imaginaire, de même que la justesse des mots et sa passion pour la vie artistique et ses auteurs - musiciens et écrivains - préférés.
Pour consulter certains passages de l'ouvrage, cliquer sur les liens ci-dessous :
Arrêt sur image - La collégienne
Arrêt sur image : La traversée des apparences
En vente dans toutes les librairies, à la Procure, sur internet, à la librairie GALLIMARD, en cliquant ICI
et chez AMAZON en cliquant LA
CRITIQUE SUR CRITIQUES LIBRES en CLIQUANT ICI
CE QU'ILS ONT ECRIT :
Un jardin profond comme une vie…
J’ai lu, le long de cet été d’ombre et de lumière que je n’ai pu éviter de vivre, j’ai lu donc « Le jardin d’incertitude » d’Armelle Barguillet Hauteloire. « Lu » est un mot bien nu. Car j’ai vu, entendu, suivi, frémi, ri, compris, craint…
Un livre en deux temps. Le temps végétal, celui de ce jardin si touffu, odorant, coloré, feuillu, que l’on sait enclore des secrets et des indices au-delà des charmes de ses arbres, petite porte dérobée, parterres, coins sauvages. On y trouve des magnolias, des cerisiers du Japon, des tulipiers de Virginie, des pins de l’Himalaya. Des rives bocagères, et des spirées cascadant au-dessus des rives… L’Eden d’Anne-Clémence, lieu de somptueuses rêveries et réflexions. L’endroit dont Anne-Clémence extrait le suc pour en remplir des pages et des pages une fois la nuit venue. Avec sa plume sergent-major qui gratte le papier d’un graphisme convulsif et arqué.
On pose les yeux sur tout. Les couverts disposés sur une nappe damassée, la bonne qui tire les rideaux qui préserveront l’intimité nocturne, la chaleur des cuisines et la tarte renversée de Renée, la coiffeuse de Marie-Liesse la ravissante où s’alignent les flacons, les brosses à monture d’ivoire, les crèmes et les boites à poudre… La glace piquetée de cabochons d’or et les chalands de nuages.
On respire aussi. De nouveau la tarte renversée de Renée, les cheveux d'Anne-Clémence qui embaument le vent et l’odeur champêtre des graminées.
Et la plume d’Armelle Barguillet Hauteloire se fait tranchante, elle déshabille ce monde trop parfait de sa perfection et nous en livre les artifices : « Regarde ces notables qui se refilent leurs tuyaux et préparent leurs prochaines alliances ! Nous sommes sauvés, le monde tourne rond et ma petite sœur est assurée, à défaut d’amour, de ne pas manquer d’oseille. »
Mais dans ce jardin aux mille secrets il y a celui d’un baiser que j’ai ressenti comme pur, l’expression inattendue d’une reconnaissance de deux êtres que rien ne semble devoir rassembler. Et pourtant ce baiser éphémère a rôdé entre les pages jusqu’à la dernière et me touche encore.
Le second temps du livre est celui d’une vie qui tente, comme toute vie, d’étreindre Anne-Clémence, de l’arracher aux rêves à coups de réalités qui claquent comme des gifles. Mais des gifles si bien dites, avec l’élégance de la belle écriture même lorsqu’elle est cruelle, l’amour des mots choisis et des images qui en jaillissent. Des craquelures apparaissent, les imperfections écornent le vernis, mais au fond, ce nouveau regard ne la blesse que parce qu’Anne-Clémence ne ferme pas les yeux sur ce qu’il est indécent de trop fixer. Tandis que pour son entourage, si leur monde change et s’écroule sans éclat, ils refusent d’en prendre note.
« Bien que rassuré par les compétences de Thomas, ses dernières années avaient été endeuillées par les chagrins familiaux, le déclin des valeurs auxquelles il avait cru, la dégradation des postulats auxquels il s’était rallié. C’était un naufrage qui, non seulement l’emportait, mais engloutissait irrémédiablement une société dont la longévité cachait bien des échecs, mais qui avait eu assez de morgue pour tenir debout et faire illusion. »
On l’aura deviné, ce thème m’a ravie puisque moi aussi je l’aborde souvent à ma manière. Les personnages sont complets, les recoins de leur psychologie nous sont dévoilés ainsi que leur visage de croisière, ce visage que l’on porte lors d’un long voyage entre passagers. Le récit est si précis qu’on pourrait peindre les scènes qui parfois ont le faste du tout grand cinéma.
Vous le dirai-je ? J’ai beaucoup aimé !
EDMEE de XHAVEE
Le parcours de l'enfance à l'âge adulte d'Anne-Clémence. "Tandis qu'elle écrivait, son enfance veillait sur elle …" narre l'auteure. Dès les premières lignes, je me suis retrouvé dans les souvenirs de ma propre enfance. Celle qui m'a protégé, en tout cas. Dans une belle ferme en pleine campagne landaise. Immédiatement j'ai été attiré par l'histoire. Très différente de la mienne, mais pourtant ...
"Ensuite, Anne-Clémence pénétrait dans le domaine des bois. L'entrelacs des branches et leurs arabesques formaient un fouillis généreux, plus rassurant et plus propice à nourrir de confidences et d'abandons le quotidien."
Tout est beau dans la première partie de ce roman. Peut-être trop. Les descriptions de la nature sont magnifiques. Quand Armelle parle de fleurs, leur parfum vous envahit. De page en page, tout sent bon comme les armoires de cette vieille ferme que j'ouvrais, pour le seul plaisir de l'odeur des bouquets de lavande séchée qui s'en dégageait.
Une question s'est imposée. Autobiographie ou pas ?
" Marie-Liesse se languissait depuis toujours avec volupté. Elle aimait que cette paresse l'engourdisse, l'enserre d'une douceur câline. C'était sa façon gracieuse de se laisser aller au fil des jours, de s'abandonner à leur gré. Aussi l'expression de désaveu qu'elle laissait peser sur sa fille (dont elle ne s'expliquait pas les goûts ) l'excluait-il de ce lieu magique, en même temps que de son coeur maternel dont, avec maladresse, l'enfant cherchait la faille qui l'y conduirait, comme la petite porte dérobée lui permettait de regagner le parc et de s'introduire dans son secret, et cela au point qu'elle se demandait si sa mère n'était pas toute entière concentrée dans son reflet ..."
Au quart du roman, les images de l'enfance s'envolent. Un premier mariage, aux couleurs d'hier et les mots deviennent plus violents. Pour tout avouer je n'imaginais pas la plume d'Armelle aussi sarcastique.
"Le visage de Thomas trahissait son introversion, son âpreté, ses lèvres minces livraient à l'observateur la clé d'une sensualité égocentrique, tandis que les narines dilatées laissaient supposer que cet homme avait le goût du pouvoir et de l'action."
L'héroïne découvre Paris. Les premiers amours avec un certain Jean-Baptiste. Et Émilie, aussi. Une grand-mère bien dans son époque, qui s'impose comme par erreur pour effacer le souvenir d'une autre aïeule et les temps heureux de l'adolescence.
"Bien qu'elle ait eu beaucoup d'amants, Émilie avait veillé à ne pas briser les cœurs. Ce n'était pas dans ses intentions. De plus, elle avait horreur des complications et son existence était trop bien remplie pour qu'elle perdît son temps en atermoiements."
Une femme qui ne se laisse pas ébranler par le malheur. En cela, elle me plaît.
Le temps passe. Le mariage d'Anne-Clémence s'annonce. À peine distillée par quelques mots bien sentis, on saisit dès lors l'erreur de casting. Cette belle-famille ne rentre pas dans les cases de celle de l'héroïne très attachée aux traditions d'hier. À un certain paraître également.
Définitivement c'est la fin d'une époque. Même les couleurs, qui ont baigné les presque cent cinquante premières pages du roman, s'altèrent. Il est question de divorce, de trahison et surtout du plus horrible, d'intérêt financier.
"Et il n'était pas impossible, s'il savait rassurer le père et s'éloigner de la famille sans faire de vague et avec autant de discrétion qu'il avait mis d'outrecuidance à s'en approcher, qu'il obtienne une gratification en espèces sonnantes et trébuchantes qui confirmerait, une fois de plus, son habileté à user des autres à son profit."
La fin se dessine mais promet encore de beaux rebondissements. "Il n'était clair qu'avec les chiffres, pour le reste, il préférait entretenir les paradoxes"
Une nouvelle ère s'annonce et déjà pointent les regrets et l'amertume.
"C'était la mémoire infinie de la chose écrite que le vie parcourt encore, au point que dans le mouvement des phrases se perçoit jusqu'au bruit du pas attendu, jusqu'au vacillement de l'ombre aimée"
Un beau roman qui mériterait d'être lu par le plus grand nombre, en tous cas par tous les amateurs d'une belle écriture.
ALAIN LHOMME