Pour changer un peu, je vous propose cette semaine un texte issu d’une collection de livres érotiques mais ce recueil de nouvelles est plus morbide qu’érotique et certainement moins pornographique que ce que nous voyons régulièrement à la télévision. Il nous raconte seulement, un peu crûment, que les désirs et les fantasmes ne sont le seul lot des Aphrodite et des Adonis mais que tous y ont droit même les moins bien lotis.
S’inventer un autre jour
Anne Bert ( ?... - ….)
« Elle aimait Mozart et les Beatles », non, non, je me trompe de love story, elle aimait un acteur et les beaux textes, surtout sa façon de réciter ces beaux textes, mais elle perd, suite à un accident, la possibilité d’atteindre l’orgasme et se venge cruellement sur le responsable de cet handicap. Tom a été abusé par sa tante, il en a gardé un profond dégoût pour les femmes sauf celles qui se décomposent à l’approche de la mort et qu’il accompagne dans leur dernier souffle. L’homme-chien a tout perdu, il vit avec son chien, en marge, il refuse même les avances d’une bourgeoise qui veut vivre avec lui son fantasme d’étreindre un SDF. Madame devient veuve mais ne peut se séparer de son mari, elle se donne à un autre sur sa tombe pour perpétuer leurs gestes d’amour. Accro à l’image d’une rue qu’une fille transmet chaque matin sur son blog avec un petit message, il découvre avec surprise que cette femme virtuelle aurait pu être plus réelle pour lui. Odile tombe dans les rets d’un voyeur en cédant à ses exigences et y prend un réel plaisir. Dans ces six nouvelles Anne Bert met en scène des personnages qui ne considèrent pas leur sexualité comme la majorité des femmes et des hommes, mais vivent leur handicap en marge, préférant la morbidité, la nécrophilie, le fétichisme ou la virtualité, bien que tous aient des désirs, des fantasmes, des envies sexuelles comme la majorité des êtres humains. Le fil rouge qui relie ces histoires, plus morbides qu’érotiques, est ce besoin qu’ont les handicapés, paumés, déviants (ou présentés comme) d’avoir et de vivre une sexualité même si elle est différente de celle des autres.
Ces textes pourraient figurer dans le catalogue n’importe quel éditeur, ils ne sont jamais indécents, seulement durs, cruels, charnels, sensuels, ils disent des mondes que nous n’aimons pas voir, pas regarder, le monde de la marginalité et de la différence qui choque nos penchants bien pensants. Le talent d’Anne Bert lui permet de nous emmener au fond d’histoires difficilement supportables mais tellement réelles, des histoires comme les médias en relatent quotidiennement. Son écriture fluide, forte, violente quand il le faut, sensuelle si c’est nécessaire, lui permet d’explorer les mondes les plus glauques sans jamais sombrer dans la sordidité, ni la répugnance. Elle nous montre seulement que la sexualité est une fonction charnelle, physiologique, psychique et finalement vitale qui ne concerne pas que les starlettes et les bellâtres dénudés qui s’exhibent dans les magazines ou sur la Toile mais tout le monde, les moches, les handicapés, les malades, les pauvres, … et que les fantasmes peuvent planter leurs racines là où on ne l’aurait jamais cru. Les phéromones peuvent entraîner dans leur danse endiablée, comme dans un ballet de Walpurgis, les êtres sexués sans aucune préférence, l’amour est pour tout le monde même si certains disent le contraire et en font même une religion.
Denis BILLAMBOZ
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Liste des articles "Les coups de coeur de Denis "
Liste des articles : LES VOYAGES LITTERAIRES DE DENIS