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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 07:44
Le jardin d'incertitude - présentation

 

Roman d'une famille entre les années 1940 et 1990 que les circonstances ont mis provisoirement à l'abri des bouleversements de la modernité. Charles, avocat, et sa très belle épouse vivent au Plessis, au coeur d'un univers bocager avec leur fille Anne-Clémence, sans réaliser que le monde change, se faisant les gardiens vigilants d'une permanence élégante et artistique dans laquelle leur fille puisera, dans un premier temps, son inspiration d'écrivain.

 

L'irruption d'Adeline Charme, d'abord préceptrice d'Anne-Clémence, puis dame de compagnie de sa mère devenue veuve, va être à l'origine d'un changement de perspective, obligeant la jeune femme à envisager son existence et son oeuvre différemment.

 

Confrontée à un quotidien qui voit une société s’altérer et une famille subir de plein fouet les aléas de la fortune et les incertitudes du destin, Anne-Clémence fera en sorte que cette réalité soit transposée par l'écriture.

 

Avec ce nouveau titre, Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE nous propose son quatorzième ouvrage après ceux consacrés à la poésie, à Marcel Proust, aux peuples nomades de l'Afrique de l'est et à la jeunesse. Ses lecteurs retrouveront ses sujets de prédilection : la quête de soi, l'aspiration à la transcendance, le double visage des choses, le refuge de l'imaginaire, de même que la justesse des mots et sa passion pour la vie artistique et ses auteurs - musiciens et écrivains - préférés.

 

Pour consulter certains passages de l'ouvrage, cliquer sur les liens ci-dessous :

 

Arrêt sur image : l'enfance

Arrêt sur image - La collégienne

Arrêt sur image : l'aïeule

Arrêt sur image : Paris

Arrêt sur image : La traversée des apparences

 

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CE QU'ILS ONT ECRIT :

 

Un jardin profond comme une vie…

J’ai lu, le long de cet été d’ombre et de lumière que je n’ai pu éviter de vivre, j’ai lu donc « Le jardin d’incertitude » d’Armelle Barguillet Hauteloire. « Lu » est un mot bien nu. Car j’ai vu, entendu, suivi, frémi, ri, compris, craint…

 Un livre en deux temps. Le temps végétal, celui de ce jardin si touffu, odorant, coloré, feuillu, que l’on sait enclore des secrets et des indices au-delà des charmes de ses arbres, petite porte dérobée, parterres, coins sauvages. On y trouve des magnolias, des cerisiers du Japon, des tulipiers de Virginie, des pins de l’Himalaya. Des rives bocagères,  et des spirées cascadant au-dessus des rives… L’Eden d’Anne-Clémence,  lieu de somptueuses rêveries et réflexions. L’endroit dont Anne-Clémence extrait le suc pour en remplir des pages et des pages une fois la nuit venue. Avec sa plume sergent-major qui gratte le papier  d’un graphisme convulsif et arqué.
On pose les yeux sur tout. Les couverts disposés sur une nappe damassée, la bonne qui tire les rideaux qui préserveront l’intimité nocturne, la chaleur des cuisines et la tarte renversée de Renée, la coiffeuse de Marie-Liesse la ravissante où s’alignent les flacons, les brosses à monture d’ivoire, les crèmes et les boites à poudre… La glace piquetée de cabochons d’or et les chalands de nuages.
On respire aussi. De nouveau la tarte renversée de Renée, les cheveux d'Anne-Clémence qui embaument le vent et l’odeur champêtre des graminées.
Et la plume d’Armelle Barguillet Hauteloire se fait tranchante, elle déshabille ce monde trop parfait de sa perfection et nous en livre les artifices : « Regarde ces notables qui se refilent leurs tuyaux et préparent leurs prochaines alliances ! Nous sommes sauvés, le monde tourne rond et ma petite sœur est assurée, à défaut d’amour, de ne pas manquer d’oseille. »


Mais dans ce jardin aux mille secrets il y a celui d’un baiser que j’ai ressenti comme pur, l’expression inattendue d’une reconnaissance de deux êtres que rien ne semble devoir rassembler. Et pourtant ce baiser éphémère a rôdé entre les pages jusqu’à la dernière et me touche encore.
Le second temps du livre est celui d’une vie qui tente, comme toute vie, d’étreindre Anne-Clémence, de l’arracher aux rêves à coups de réalités qui claquent comme des gifles. Mais des gifles si bien dites, avec l’élégance de la belle écriture même lorsqu’elle est cruelle, l’amour des mots choisis et des images qui en jaillissent. Des craquelures apparaissent, les imperfections écornent le vernis, mais au fond, ce nouveau regard ne la blesse que parce qu’Anne-Clémence ne ferme pas les yeux sur ce qu’il est indécent de trop fixer. Tandis que pour son entourage, si leur monde change et s’écroule sans éclat, ils refusent d’en prendre note.

 
« Bien que rassuré par les compétences de Thomas, ses dernières années avaient été endeuillées par les chagrins familiaux, le déclin des valeurs auxquelles il avait cru, la dégradation des postulats auxquels il s’était rallié. C’était un naufrage qui, non seulement l’emportait, mais engloutissait irrémédiablement une société dont la longévité cachait bien des échecs, mais qui avait eu assez de morgue pour tenir debout et faire illusion. »

 
On l’aura deviné, ce thème m’a ravie puisque moi aussi je l’aborde souvent à ma manière. Les personnages sont complets, les recoins de leur psychologie nous sont dévoilés ainsi que leur visage de croisière, ce visage que l’on porte lors d’un long voyage entre passagers. Le récit est si précis qu’on pourrait peindre les scènes qui parfois ont le faste du tout grand cinéma.

 
Vous le dirai-je ? J’ai beaucoup aimé !

 

EDMEE de XHAVEE

 

 

Le parcours de l'enfance à l'âge adulte d'Anne-Clémence. "Tandis qu'elle écrivait, son enfance veillait sur elle …" narre l'auteure. Dès les premières lignes, je me suis retrouvé dans les souvenirs de ma propre enfance. Celle qui m'a protégé, en tout cas. Dans une belle ferme en pleine campagne landaise. Immédiatement j'ai été attiré par l'histoire. Très différente de la mienne, mais pourtant ...

"Ensuite, Anne-Clémence pénétrait dans le domaine des bois. L'entrelacs des branches et leurs arabesques formaient un fouillis généreux, plus rassurant et plus propice à nourrir de confidences et d'abandons le quotidien."

Tout est beau dans la première partie de ce roman. Peut-être trop. Les descriptions de la nature sont magnifiques. Quand Armelle parle de fleurs, leur parfum vous envahit. De page en page, tout sent bon comme les armoires de cette vieille ferme que j'ouvrais, pour le seul plaisir de l'odeur des bouquets de lavande séchée qui s'en dégageait. 


Une question s'est imposée. Autobiographie ou pas ?

" Marie-Liesse se languissait depuis toujours avec volupté. Elle aimait que cette paresse l'engourdisse, l'enserre d'une douceur câline. C'était sa façon gracieuse de se laisser aller au fil des jours, de s'abandonner à leur gré. Aussi l'expression de désaveu qu'elle laissait peser  sur sa fille (dont elle ne s'expliquait pas les goûts ) l'excluait-il de ce lieu magique, en même temps que de son coeur maternel dont, avec maladresse, l'enfant cherchait la faille qui l'y conduirait, comme la petite porte dérobée lui permettait de regagner le parc et de s'introduire dans son secret, et cela au point qu'elle se demandait si sa mère n'était pas toute entière concentrée dans son reflet ..." 

Au quart du roman, les images de l'enfance s'envolent. Un premier mariage, aux couleurs d'hier et les mots deviennent plus violents. Pour tout avouer je n'imaginais pas la plume d'Armelle aussi sarcastique.

"Le visage de Thomas trahissait son introversion, son âpreté, ses lèvres minces livraient à l'observateur la clé d'une sensualité égocentrique, tandis que les narines dilatées laissaient supposer que cet homme avait le goût du pouvoir et de l'action."

L'héroïne découvre Paris. Les premiers amours avec un certain Jean-Baptiste. Et Émilie, aussi. Une grand-mère bien dans son époque, qui s'impose comme par erreur pour effacer le souvenir d'une autre aïeule et les temps heureux de l'adolescence. 

"Bien qu'elle ait eu beaucoup d'amants, Émilie avait veillé à ne pas briser les cœurs. Ce n'était pas dans ses intentions. De plus, elle avait horreur des complications et son existence était trop bien remplie pour qu'elle perdît son temps en atermoiements."

Une femme qui ne se laisse pas ébranler par le malheur. En cela, elle me plaît.

Le temps passe. Le mariage d'Anne-Clémence s'annonce. À peine distillée par quelques mots bien sentis, on saisit dès lors l'erreur de casting. Cette belle-famille ne rentre pas dans les cases de celle de l'héroïne très attachée aux traditions d'hier. À un certain paraître également.
 

Définitivement c'est la fin d'une époque. Même les couleurs, qui ont baigné les presque cent cinquante premières pages du roman, s'altèrent. Il est question de divorce, de trahison et surtout du plus horrible, d'intérêt financier. 

"Et il n'était pas impossible, s'il savait rassurer le père et s'éloigner de la famille sans faire de vague et avec autant de discrétion qu'il avait mis d'outrecuidance à s'en approcher, qu'il obtienne une gratification en espèces sonnantes et trébuchantes qui confirmerait, une fois de plus, son habileté à user des autres à son profit."

La fin se dessine mais promet encore de beaux rebondissements.  "Il n'était clair qu'avec les chiffres, pour le reste, il préférait entretenir les paradoxes"

Une nouvelle ère s'annonce et déjà pointent les regrets et l'amertume. 

"C'était la mémoire infinie de la chose écrite que le vie parcourt encore, au point que dans le mouvement des phrases se perçoit jusqu'au bruit du pas attendu, jusqu'au vacillement de l'ombre aimée"

Un beau roman qui mériterait d'être lu par le plus grand nombre, en tous cas par tous les amateurs d'une belle écriture.

 

ALAIN LHOMME

 

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Le Rondonneau de mon enfance qui m'a inspiré Le Plessis.

Le Rondonneau de mon enfance qui m'a inspiré Le Plessis.

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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 10:15

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Ton ombre est restée prisonnière des saules
dans la nuit musicale où les ténèbres parlent à mon oreille.
Le temps a mis en gerbes ses moissons
disjoint les pierres qui jaunissent au soleil.
Tout avait commencé, ainsi tout va finir,
le vent comme la pluie scelleront en nos mémoires
de tragiques espoirs.

Nous saurons un matin nous éveiller ensemble,
sans rien attendre de l’empire des songes,
nous tisserons notre destin qui nous fera aigle ou colombe.

 

 Jadis sur les plaines, il y avait des brumes,
dans les hêtres pleureurs des battements furtifs, 
la vie était à son zénith.
Au large, la mer essaimait ses lames grises.
Non, je ne te demanderai pas de te souvenir,
seulement  de me dépeindre le monde imprévisible qui t'habite.
L'immensité repose en toi,
ton regard est plus insondable que l'univers.
Rien qui n'y soit pas depuis toujours.
Une lueur tempère les ténèbres.
Partout se respire une persistante odeur d'oyat.

 

Admettons que les choses
ne fassent que semblant de recommencer.
Lorsque l'oeuvre sera accomplie, la parole dite,
qu'auras-tu à m'apporter de meilleur,
à me confier de nécessaire ?
Une fête s'installera dans son décor gaufré.
Les baraques de tir, les manèges,
les vieilles mélodies, les clowns plus tristes
que des soldats à la parade,
cette joie monotone pour notre avril.
Peut-être me diras-tu : il se fait tard ?
J'aurai un petit rire. Il pleuvra.

 

D'un élan, tu es autre,
loin de la lampe qui cristallise les objets.
Victimes d'un long oubli,
nous demeurons égaux dans le sommeil,
nous devinons nos visages
qu'un souffle disperse et efface.
Autrefois, tu éprouvas la plénitude des choses,
tu sus te souvenir de ce qui ne fut pas.
La tension abolit la distance,
la forêt prend mesure de l'arbre,
nos pas ajustent le chemin.
De part en part, se situent les terres
où le visible nous condame.

 

Quelle clarté nocturne s’est aventurée dans tes yeux,
alors que je te contemple, que l’ombre te redessine,
que peut-être je t’invente, que sans doute je te fais roi ?
Car nous régnerons, nous qui avons épousé la jeunesse de l’eau.
Nous régnerons dans l’immobile noyau de notre songe.
Probablement est-ce là que les choses cesseront d’être mortelles,
que l’éternité prendra feu, que ta royauté me fera reine.

 

(…)

 

Ici, nous avons cru la nuit définitive,
peuplée de grands ducs et de dames blanches.
Crois-moi si je te rappelle que l’enfance
a le goût des cerises et des pommes sures.
Crois-moi si je t’évoque le parc empli de mystères
où s’empannent les ailes des oiseaux nocturnes.
La demeure resplendit comme une châsse
au bout de la nef d’arbres centenaires,
un peuple de fantômes s’y ébat
à la lueur mourante des chandelles.
Entends le bruit de leurs bottines
qui claquent sur les dalles de marbre noir !
Non, nous ne pouvons plus vivre ici,
trop obsédante est l’attentive sollicitude des branches,
le frémissement des trembles alors que passe l’étranger.
Et puis, au large de la plaine, le ciel a la couleur de l’ambre.

  

Ne dis rien. Préservons ensemble le temps qui dort,
tenons à l’abri la songeuse espérance.
Au-dehors, laissons le bruit battre à la vitre,
l’horloge égrener son chant funèbre,
écoutons le râle de la mer et les vents venus d’ailleurs
nous bercer de la complainte des lointaines terres.
Regarde-moi, dans ce demi-jour ou cette demi-nuit
me chauffer au feu qui décline,
me taire pour te mieux entendre,
pour te mieux connaître me recueillir dans ton absence.
Tout en moi se fait l’écho de toi,
c’est une vibration intime qui s’exaspère,
un prolongement irrésistible, 
de l’un à l’autre vers ce qui recule et s’espère.

Deviner ton pas quand tu viens,
à chaque instant te découvrir,
te rejoindre en chaque pensée,
ô songeuse espérance,
ne point laisser place à l’angoisse.
 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( Extraits de “Profil de la Nuit ” )

 

Prix St Cricq-Theis de l'Académie française  (1987)

Prix Renaissance de poésie (1991)

Prix de l'Académie Renée Vivien  (2022)

 

 

Pour consulter la liste des articles de la rubrique  "Articles me concernant," cliquer  ICI

 

 

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 09:13

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C'est en 1975 que je me suis immergée dans l'oeuvre de Proust. Peu d'auteurs n'avaient, jusqu'alors, produit sur moi une telle impression. Il m'avait fallu attendre mes trente ans pour m'engager dans une expérience dont je ne doutais pas de l'importance révélatrice, mais qu'il me paraissait préférable de n'aborder qu'après avoir accompli un certain parcours intérieur. Ce que l'on m'avait enseigné de Proust, durant mes études, m'avait permis d'apprécier la finesse de ses analyses, le charme envoûtant de ses phrases qui ne nous lâchent qu'après nous avoir conduits là où nous devons aller, c'est-à-dire au plus profond.

 

A la suite de La Recherche, j'avais lu un certain nombre d'ouvrages consacrés à l'écrivain, entre autres, celui de Georges D. Painter, dont le parti pris freudien avait pour conséquence de circonscrire l'auteur du Temps Retrouvé dans l'enclos fécond mais fangeux de ses névroses, déviations sexuelles et obsessions, ce qui m'avait particulièrement irritée. La démonstration du dramaturge anglais, pour savante et laborieuse qu'elle fût, ne pouvait me convaincre que le génie de Proust ait pu jaillir de ces seuls désordres psychiques. Il y avait autre chose, ce miracle qu'il avait si bien su évoquer dans Contre Sainte-Beuve cette rencontre inouïe avec l'inspiration, ce dépassement de soi irrésistible, cette entrée dans la demeure de l'esprit où les légendes se fondent, qui permet au créateur d'affronter sa création et de la rendre possible.

 

L'être humain ne peut se résumer à ses instincts, ses pulsions, ses humeurs sans en être dangereusement réduit : non, l'homme, selon Proust, est habité de songes, d'impressions qui se conservent intacts et que la mémoire peut réactualiser à tous moments, aussi est-ce notre intuition et notre capacité de ressouvenance qui éclairent notre conscience et nous aident à défier le temps.

C'est pourquoi, il m'a paru intéressant, en réaction à cette approche trop psychanalitique, d'aller au-devant de Proust par une autre voie, celle qu'emprunta cet auteur qui n'eut de cesse de percevoir l'envers du réel afin d'atteindre l'essence des choses, et où il se laisse plus volontiers aborder. Ce compagnonnage ne s'est pas affadi depuis ; la providence a même voulu que j'habite dans une avenue qui porte son nom, à proximité d'un manoir que fit construire, dans les années 1890, l'une de ses amies les plus chères, Madame Straus, et où, au printemps, les aubépines abondent...

 

La pérennité du souvenir est notre éternité et il n'y a rien d'éphémère que nous ne soyons capables de faire revivre, si bien que nous possédons, malgré nos faiblesses et nos insuffisances, le pouvoir de rendre au passé la fraîcheur et la réalité du présent, de le faire réapparaître dans une plénitude plus parfaite et mieux accomplie, comme si les événements et les scènes de jadis revenaient à nous dans la lumière d'un jour meilleur, comme si les chemins où nous nous égarions, convergeaient soudain afin de nous convaincre que la vérité ne se dévoile qu'après que nous l'ayons croisée, ainsi que ces fruits exotiques qui ne parviennent à maturité que longtemps après avoir été cueillis.

 

La Recherche n'est pas une lecture innocente, et nombreux sont ceux qui la délaissent dès le premier tome, parce qu'ils ne voient en cette suite de romans qu'une fastidieuse introspection, qu'une maniaque quête de soi. Ils vous diront que Balzac avait conduit une semblable démarche, mais en élargissant le spectre à tous les milieux sociaux, que Saint-Simon l'avait fait également, mais en y incluant un fantastique témoignage historique. Mais Proust ? Le milieu étroit où il situe La Recherche, ce parisianisme mondain du XIXe et du début du XXe siècle méritaient-ils autant de pages, de patientes descriptions et un inventaire aussi scrupuleux des faiblesses humaines, car ces personnages ne sont-ils pas désespérément banals ? Mais, c'est parce qu'ils le sont, et que les plus menus soucis les agitent, qu'ils nous semblent si vrais !

 

Rien ne va plus loin que ce subit ralentissement où Proust plonge son roman, comme si avec sa plume, il agissait à la façon d'un cinéaste qui projetterait son film à une vitesse inférieure à la normale, fractionnant ainsi chaque geste. Proust a peint ses personnages de cette manière, en décomposant le temps, en freinant l'image, en représentant les scènes en sur-dimension, au point qu'elles se livrent de l'intérieur, comme si nous étions happés par ce temps tellement décalé qu'il épouse le rythme du nôtre.

Proust n'a cessé de jouer avec l'illusion, en prestidigitateur : tout en usant des outils les plus tangibles, des faits les plus concrets, il a, grâce à la cadence qu'il a adoptée, modifié notre perception. Sa Recherche, bien que privée d'action, est en  définitive une épopée. On y est en transhumance dans des steppes de perplexité et de solitude, on a l'impression que pèse un ciel d'apocalypse, on y devine dans le rire d'une jeune fille, une détresse qui confine au désespoir. On se sent d'autant plus humain, que l'humain semble s'y briser.

 

Proust nous a pris par la main. Ce n'est plus seulement le montreur de marionnettes, le ventriloque ; il est devenu notre ami, notre confident et sa phrase murmurante ne cesse plus d'éveiller au secret du coeur un surprenant écho. Quelle est cette voix venue d'ailleurs avec l'intonation de la nôtre ? On ne peut nier l'influence que Proust exerce sur son lecteur. Peu d'écrivains ont suscité un tel engouement, une telle dévotion. Peu sont lus avec une telle curiosité, peu ont inspiré un aussi grand nombre d'études. Cette Recherche  est à l'origine de centaine d'autres, comme si on renvoyait, par un jeu de miroir, à cet auteur qui s'est intéressé à presque tout ce qui concerne l'homme, son image magnifiée par les effets causés par sa propre réflexion. On rejoint là cette communion des esprits à laquelle il croyait et, qu'en avance sur son temps, il pensait scientifiquement possible. Il devinait que le néant contient toujours quelque chose. Aussi, je suppose que les découvertes de la mécanique quantique l'auraient enthousiasmé et conforté dans cette idée que la pensée a assez de force pour animer la matière et lui donner un sens.

 

Rien d'étonnant que des créateurs tels que lui, dont l'esprit fut si fécond, produisent bien après leur mort un réseau d'ondes pensantes qui nous prouvent que l'univers rêvé peut s'établir en une unité plus probante que la réalité perdue. C'est donc que La Recherche est sortie victorieuse des ornières du temps. Elle ne s'y est pas enlisée, à l'exemple d'autres romans, trop encombrés d'un réalisme pesant. Rien ne pèse dans l'univers de Proust. D'autant moins, que ce qui compte pour l'écrivain, c'est que l'art libère les énergies, transgresse les frontières, éclaire les ténèbres et outrepasse les limites du temps. Si bien que l'artiste, enseveli dans la nuit du tombeau, ne cesse plus de dialoguer avec les générations futures.

 

Avant-propos de mon essai :  " Proust ou la recherche de la rédemption " ( Préface de Michel Brethenoux, agrégé de l'Université )

 

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Proust ou la recherche de la rédemption
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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 09:26
Autoportrait à quatre mains - Channe questionne Armelle

 

Bonjour Armelle. Imaginons-nous toutes les deux, installées confortablement dans un espace entourés de livres, dans le coin d’une bibliothèque, l’un des espaces dans la réalité où nous aurions pu nous rencontrer.

 

 

Ou toutes deux assises dans un jardin parfumé par les senteurs de l’automne. C’est l’heure du soir que j’aime, la lumière tamisée, aquarellée qui nous enveloppe. Le bruit lointain d’un oiseau qui s’envole, le bruissement d’une feuille qui se détache.

 

 

Est-ce que la Normandie est le pays de tes racines ou juste le pays où tu as choisi de vivre ? Et pourquoi choisit-on de vivre en Normandie ? Ou d’y rester ? 

 

 

La Normandie vaut surtout pour sa campagne vallonnée avec ses bosquets d’arbres, ses coteaux, ses maisons à colombages, ses haras, ses prairies où paissent de paisibles troupeaux. Mais elle ne m’est familière que depuis une quinzaine d’années, lorsque mon mari et moi sommes venus rejoindre mes parents qui y avaient pris leur retraite. Trouville a le charme des ports de pêche. Nous nous sommes installés sur la colline face à la mer dont les lumières changeantes rythment nos jours. Je ne me lasserai jamais de contempler cette vue et d’assister à des couchers de soleil somptueux.

Et non loin, il y a un bateau pour les évasions. Yves, mon époux, est un voileux et j’avoue aimer moi-même les croisières mais, de préférence, en mer chaude.

 

 

Quel est ton principal trait de caractère, celui que tu ne pourrais gommer même si tu le voulais ?

 

 

Je réponds sans hésitation mon goût de l’indépendance. Mon travail de graphologue d’abord, d’écrivain ensuite, m’a appris à apprécier l’isolement et le silence. J’aime m’enfermer dans mon bureau pour rédiger, penser, composer, imaginer. J’ai un besoin vital de solitude. Heureusement mon mari le comprend et l’accepte, bien que ce soit parfois difficile. Mais il a de son côté son violon d’Ingres : la mer. C’est également quelqu’un qui se plaît dans la nature et que la solitude n’effraie pas.

 

 

Je tiens ce goût de mon enfance. Fille unique dans une famille peu nombreuse, j’ai dû très tôt m‘affronter à moi-même. Je me suis donc inventée un monde et, dès que j’ai su écrire, ai pris plaisir à rédiger des textes : poèmes ou contes. Ma vocation a été précoce. A 20 ans, à la fin de mes études de journalisme, je publiais Terre promise qui a été bien reçu de la critique. Mais ensuite, j’ai repris des études de psychologie et graphologie, me suis mariée et suis restée plusieurs années sans publier.

 

 

 

Quelques mots sur ta vie quotidienne, au jour le jour, comment se tisse la trame d’une journée pour toi ? En temps libre ou en temps encadré par un emploi du temps ?

 

 

Je travaille et pour me détendre j’aime marcher ou faire de la natation.

 

 

L’écriture est l’un des fils conducteur de ta vie. Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon toi, le rôle de l’auteur dans notre société ? S’il en a encore un ? Et que penses-tu de notre société, de son avenir proche ? Sur ton blog, « INTERLIGNE », tu évoques l’avenir de la poésie et celui de la littérature, un avenir que tu cernes en ombres et en lumières. N’est ce pas dû au fait qu’on marchandise tous les produits culturels ? Le ministère de la culture, dans son organisation, intègre le livre aux médias, n’est pas le désenchanter, lui enlever sa spécificité ? Le prix unique du livre est remis en cause ? Que penses-tu de la politique culturelle de ce nouveau gouvernement ? Penses-tu que l’accès à la culture soit l’un des moyens de réparer l’inégalité des chances ?

 

 

L’écriture est le point d’ancrage de ma vie. C’est un impératif, bien que je regrette de n’avoir pas travaillé davantage. Je pense, comme l’écrivain hongrois que je lis actuellement – Sandor Marai – que la littérature commence avec le superflu et que la nation commence avec la littérature. Notre langue est notre passé commun, elle sera aussi notre avenir, si nous nous en accordons un. On sait qu’une langue morte signifie une civilisation morte. La langue nous structure. Elle est le véhicule de la pensée, elle est aussi constitutive de la pensée. Elle est donc en quelque sorte notre patrie intérieure. Ce que je crains le plus est le désamour envers notre langue que nous parlons de plus en plus mal. Ce laisser-aller langagier va de pair avec le laisser-aller tout court. Je suis navrée lorsque j’entends la forme interrogative suivante : c’est quoi ? A ces petits détails, on mesure la dégradation progressive de notre société et de notre culture.

 

 

Pourtant on n’a jamais tant parlé de culture, une culture trop souvent formatée. Tout est culturel désormais. On voudrait nous faire croire, depuis quelques décennies, que les tags relèvent de l’art comme une fresque pompéienne ou byzantine. Il y a une perte des valeurs et de l’esprit critique.. Néanmoins, l’art est par excellence le lieu de l’échange, de l’émotion, du partage. Il est heureux que de nos jours chacun puisse avoir accès aux musées, aux expositions, aux bibliothèques, aux spectacles. Mais faut-il encore être réceptif à cette culture. Ne pas la recevoir passivement. La culture exige une réflexion personnelle. Je crains qu’elle soit dorénavant assimilée à un bien de consommation courant, à une forme de sociabilité. Il faut avoir lu, écouté, assisté à tel ou tel événement culturel pour être «  dans le coup ». Par ailleurs, on fabrique de la culture comme du "fast food' à bon marché et à bon compte. On vulgarise et banalise en permanence. Jadis, la culture se méritait. C’était une quête, un apprentissage, un but, une aspiration.  

 

 

Je pense que l’enfance est un élément déterminant dans la vie. Dans la vie d’un créateur, elle semble rester à vif. C’était quoi l’enfance pour toi, l’enfance réelle ou l’enfance fantasmée ? Pourquoi avoir voulu écrire pour la jeunesse ?Est-ce plus facile d’écrire pour la jeunesse ?

 

   

L’enfance, on s’y replonge sans cesse. C’est là que le feu a pris, que les braises demeurent. L’homme qui tourne le dos à son enfance risque de se dé-construire, de même que celui qui tourne le dos à son histoire et à son passé. J’ai eu, il est vrai, une enfance fantasmée car solitaire et austère. Mes parents possédaient une maison de campagne dans le Loiret, au hameau du Rondonneau, non loin de Huisseau-sur-Mauves. Au bas de la pelouse, devant la maison, coulait une rivière qui s’appelait «  Les Mauves ». Cette rivière, qui allait son bruit blanc sur les pierres, je l’ai encore dans l’oreille et je ne peux entendre chanter une tourterelle sans revoir le charme provincial de ma vieille demeure. Si je suis devenue poète, c’est bien dans le contexte de ce parc ombragé qui ouvrait sur une large plaine, labourée par le vent. Lorsque mes enfants étaient petits, j’ai une fille et un fils, j’éveillais leur imagination en leur racontant des histoires. Plus tard, ils m’ont encouragée à les écrire afin de les publier.

Non, il n’est pas plus facile d’écrire pour la jeunesse que pour les adultes. On leur doit pareille exigence, pareille transparence, pareille rigueur de récit et de style.

 

                                                   

Quel est l’élément déclencheur qui fait naître ton acte d’écriture ?


 

Difficile de dire qu’est-ce qui, à un moment donné, déclenche l’inspiration. Pour la poésie surtout. Souvent une émotion, un tableau vivant, un silence, un visage. Il y a soudain une vision qui se prolonge. Elle ouvre la phrase, elle murmure le mot, elle appelle le rythme et le poème naît comme un songe. En poésie, il faut donner à voir autant qu’à entendre. La poésie doit être musicale, colorée, subversive, diamantée, harmonieuse. On taille le diamant que recèle chaque mot. On épure. Un mot de trop, tout s’effondre, un mot inexact, plus rien n’est vrai. Tu as envers la poésie une obligation d’excellence. Comme pour le tailleur de pierre, comme pour l’artisan. Il y a aussi dans le poème une architecture. Chaque mot doit s’ajuster parfaitement au suivant.

 

 

La mythologie est omniprésente dans nos vies même si nous l’ignorons le plus souvent par manque de culture. Qu’est-ce qui t’attire dans la mythologie et quelle est la mythologie qui t’attire le plus ? Sur ton site, j’ai trouvé cette citation de Patrice La Tour du Pin (il se trouve qu’elle est inscrite sur le mur à côté de mon bureau) :  "Les pays sans légende sont condamnés à mourir de froid".

 

 

J’aime beaucoup cette phrase de Patrice de la Tour du Pin : «  Les pays sans légende sont condamnés à mourir de froid ». Mais l’homme sans idéal n’est-il pas condamné aussi à mourir d’inquiétude ? Parce qu’il est d’abord et avant tout un être spirituel. Privé d’espérance, on peut craindre qu’il ne revienne à une forme de vie primitive, peut-être même à la barbarie. En Crète où je me trouvais il y a quelques semaines, j’ai été émerveillée par les vestiges des civilisations minoenne et mycénienne. 20.000 ans av. J.C., ces hommes avaient déjà composé leur légende des siècles. Ils vivaient dans l’intimité des dieux et des déesses. N’était-ce pas leur seul moyen d’expliquer les mystères qui les entouraient et de se créer un fond historique qui leur conférait une ancienneté, une origine. A travers les mythes, les anciens véhiculaient nombre de leurs idéaux : la valeur du combat, la confiance en la vie, le culte de la beauté et l’intérêt pour l’homme en tant qu’individu. C’est ainsi qu’Hésiode raconte dans sa Théogonie la création du monde : la naissance de Gaia ( la terre ) et d’Ouranos ( le ciel ). La Crète occupe dans cette dramaturgie une place privilégiée.

 

 

Est-ce que l’actualité, la façon dont elle nous est assénée bouleverse le travail des créateurs à tel point qu’on manque de repères actuellement ? Pour moi la science fiction et la littérature fantastique m’ont semblé incarner, pour la littérature, la subversion dont j’ai besoin pour me remettre en question en évoquant toutes les problématiques du futur proche ou lointain? Qu’en penses-tu ?

 

 

Il est certain qu’un écrivain peut difficilement se mettre à l’écart de son époque. L’écriture est d’abord le témoignage d’un temps, d’une société, d’une vie. Cela depuis les premières écritures hiéroglyphiques. Mais je trouve intéressant la science-fiction. Adolescente j’ai lu des auteurs comme Jules Verne, Aldous Huxley avec passion ; par contre je n’aime pas du tout les films américains du genre, alors que j’apprécie un bon polar, davantage au cinéma qu’en livre.

 

 

Pour moi, le net est une vaste encyclopédie et j’y fais des dérives thématiques ce qui me permet de découvrir des créateurs de l’autre côté du monde. Et toi ?

 

 

Il y a tant de supercheries aujourd’hui… Quant au virtuel, il est totalement entré dans notre monde contemporain avec sa charge positive et négative, car on peut très vite déconnecter du réel et se séparer des autres.  Or nous ne sommes rien sans les autres. Ce sont eux qui nous permettent d’aimer, d’agir, de réagir. Le net a cela d’intéressant qu’il ouvre des pistes, éveille des curiosités. Mais rien ne vaudra le contact direct avec l’œuvre. L’image ne peut tout résumer.  Il nous faut aussi sentir, toucher, entendre et pas seulement voir. Mais le net est une sorte d’encyclopédie qu’il est formidable de pouvoir consulter à tous moments.

 

 

La rentrée littéraire était encore pour moi un événement festif il y a quelques années. Disons une dizaine. Maintenant, la fête n’est plus vraiment au rendez vous.

 

 

Je n’attendais rien de particulier de cette rentrée littéraire. Je me méfie des trompettes de la renommée. Par contre, je suis enchantée que Le Clézio ait eu le prix Nobel de littérature, parce que c’est un vrai écrivain. J’ai beaucoup aimé Désert, Le chercheur d’or par exemple. L’auteur use d’une écriture radio-active qui émet des ondes en permanence. En ce moment, je me consacre avec ravissement à la lecture de Sandor Maraï. Quant au cinéma français, il me déçoit souvent, alors que le cinéma  allemand, le cinéma asiatique m’ont à maintes reprises subjuguée.  Le 7e Art a des ressources immenses dès lors qu’il est entre les mains d’un vrai créateur.


 

octobre 2008

 

 

 

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21 août 2011 7 21 /08 /août /2011 07:47
Profil de la nuit, un itinéraire en poésie

 

 

Il y a longtemps que je souhaitais réunir l'ensemble de mes poèmes depuis " Terre Promise"  jusqu'au " Coeur Révélé " dans la perspective vers laquelle ils tendent tous, sans que j'en ai été pleinement consciente au moment où je les rédigeais. J'étais alors motivée par une aspiration qui aimantait mon écriture, tout en provoquant, soit une tension, soit un certain abandon, car en poésie les choses sont toujours téléguidées par l'émotion. Le poète ne cherche nullement à expliquer sa démarche, moins encore à la justifier. Il laisse libre cours à son improvisation, à sa sensibilité, à cette ferveur qui l'invite sans cesse à défricher la nuit pour y découvrir des germes de clarté.

Baudelaire disait que " le poète est un enfant qui se souvient". Je serais plutôt tentée de dire qu'il est celui qui n'en finit pas - non de revisiter son enfance - mais de la ré-inventer. Tant il est vrai que la poésie me parait s'associer naturellement aux origines du monde. Avec elle, on revient en permanence aux sources.

 

Profil de la Nuit regroupe dans une édition soignée, sur papier velin, les poèmes de Terre Promise, du Chant de Malabata et de Je t'écris d'Atlantique, auxquels s'ajoutent ceux de Profil de la Nuit  et du Coeur Révélé avec, au final, une méditation sur la poésie et le pourquoi de la chose poétique.

Aujourd'hui, dans le monde déchiré et chaotique qui est le nôtre, le poète, dont la voix semble couverte par les bruits, a plus que jamais son importance. Supplions-le de vivre, réservons à celui qui se tient chancelant dans le temps fragile la place qui lui revient, ne laissons pas en déshérence un monde sensible que néglige volontiers une époque trop exclusivement guidée par l'essor des nouvelles techniques. Le poète parait, ô combien démuni ! face aux audacieuses convictions des hommes de sciences. Son avenir, si nous lui en accordons un, est d'oser assumer consciemment une fonction ontologique d'expérience de la personne et de réflexion sur l'être, afin de brancher nos lendemains sur une ligne à haute tension.

Mais n'attribuons pas à la poésie plus que ce qu'elle peut donner. Contentons-nous de voir dans le poète un témoin de l'attente et de la présence, un nautonier qui n'a pu assurer le passage, parce qu'il reste l'otage de ses illusions, de ses amours, de ses mirages, de ses doutes et du chant funèbre du désespoir. S'il sait dire la "merveille", c'est peut-être son non-dit qui touche l'âme au plus vif, ainsi que le fait un rêve jamais achevé, un désir jamais assouvi. Pareil à Icare, il prend son envol et se brise les ailes. Son seul don suprême, l'intuition créatrice, l'incite tout autant à s'élever vers les hauteurs qu'à s'incliner vers le sol nocturne et à partager, avec le chevalier à la triste figure, les affres et les douleurs de la condition humaine.

 

Extraits :

 

Le sommeil a posé sur moi son aile tiède,
l'oiseau déserté le chemin où j'avance en grelottant de fièvre.
Ce sont partout des cris éperdus de bêtes traquées dans leur nuit.
Rien ne viendra comme je l'appréhendais.
La vie fut si cruelle à apprendre, la réalité si difficile à accepter.
Je désignerai les emblèmes qui morcellent la terre
et m'installerai avec des gestes de jeune reine
dans la lumière de ce lieu élu.
Partout la voix des morts s'entend encore.
C'est un murmure qui monte et s'évapore avec la buée du clair matin.
Il n'y a plus de ligne pour raccorder le temps, épars comme les eaux.
Aucun reflet ne désigne l'ombre qui s'éloigne et se dissipe.
De la nuit à la nuit,
quelle couche étrangement humaine garde la forme imprécise de l'amour ?

( ... )

Ton ombre est restée prisonnière des saules
dans la nuit musicale où les ténèbres parlent à mon oreille.
Le temps a mis en gerbes ses moissons,
disjoint les pierres qui jaunissent au soleil.
Tout avait commencé, ainsi tout va finir,
le vent comme la pluie scelleront en nos mémoires de tragiques espoirs.
Nous saurons un matin nous éveiller ensemble,
sans rien attendre de l'empire des songes,
nous tisserons notre destin
qui nous fera aigle ou colombe.


 

  Pour se procurer l'ouvrage sur Internet, cliquer    ICI    

 
 

Ce qu'ils ont écrit sur "Profil de la Nuit"

 

" Lire la poésie d'Armelle Barguillet Hauteloire, c'est d'abord se surprendre à remuer les lèvres jusqu'à déclamer à haute voix des séquences de mots et de phrases. Impossible de se contenter de susurrer des textes d'une telle richesse de sonorité et d'images. Dans " Le Chant de Malabata", la grâce est au rendez-vous, la langue retrouve l' inspiration musicale du Cantique des Cantiques :

"Ma fiancée, mon amante, / plus douce à mes lèvres que pulpe de mangue, / plus belle à mes yeux que feuille d'acanthe, / à ma langue plus suave que grain de coriandre... "

Au-delà de" la parole incandescente" de cette musique océane, qui fait de chaque stance une aquarelle de la pensée-émotion, l'auteure nous livre sa vérité sur l'état de ce monde :

" Il y avait eu une fête / et les hommes n'avaient laissé / que des débris de regards et de voix... / ... Ne comptez pas sur moi / pour rire de l'infâme drôlerie des chosesavec déploiements de gorge / gloussements et borborygmes. / N'y comptez pas, l'heure est trop grave".

Imprégné d'une profonde spiritualité, le poète a senti et compris là où le philosophe ânonne et le théologien tâtonne :

" Voilà que le fleuve Espérance s'est tari. / Nos âmes sont sèches et l'eau de l'esprit vient à manquer".

Mais Armelle Hauteloire n'est jamais plus émouvante que lorsqu'elle célèbre l'amour :

" Deviner ton pas quand tu viens, / quand tu pars, le supporter qui s'éloigne, / à chaque instant te découvrir, / te rejoindre en chaque pensée, / dans l'aube qui se défroisse, / ô songeuse espérance, / ne point laisser place à l'angoisse."

Comme elle l'écrit elle-même à propos du poète en général, qui ne cherche pas à " décrire le réel, mais à le faire apparaître autrement", ainsi sa parole "creuse et oscille à la lisière mouvante du visible et de l'invisible". Cela s'appelle la grâce poétique.

 

     Jean-Yves BOULIC    ( Ecrivain, journaliste )

 

                                            Ouest- France du lundi 13 mars 2006


" Le démon ( dans le sens socratique du terme ) de l'écriture a tôt saisi Armelle Barguillet Hauteloire. Son premier recueil de poèmes " Terre Promise" date de ses vingt ans. Dans la suite, des spicilèges poétiques remarqués par la critique et couronnés de plusieurs prix : Incandescence, Le Chant de Malabata, Je t'écris d'Atlantique et Cantate pour un monde défunt. Sans compter, aux éditions Clovis des ouvrages pour la jeunesse et un essai sur Proust ( un second Proust et le miroir des eaux - joli titre ! - est annoncé aux éditions de Paris) .

Le présent recueil, sous-titré Un itinéraire en poésie, rassemble les textes les plus significatifs écrits entre 1956 et 2004. Il permet de mesurer l'élévation de la pensée et la profondeur de la quête, quête de soi, de l'autre ( des autres), de Dieu enfin qui lui donne son sens. Tout du long, un souffle, une vibration. Un rythme parfois haletant que permet l'usage du vers libre et qui rappelle parfois le verset claudélien. Une ferveur qui faisait écrire à Jean Guitton : " J'ai cru relire le Cantique des Cantiques que j'ai tant admiré, aimé. Avec des accents neufs, plus intimes encore."

Si la poésie contemporaine hésite entre pédantisme abscons et mièvrerie, si elle est, pour cela même, réduite à la portion congrue dans les catalogues d'éditeurs et boudée par le public, Armelle Barguillet Hauteloire a l'immense mérite de lui redonner une âme. Elle renoue avec la création au sens le plus noble, consciente que l'expérience poétique et l'expérience mystique entretiennent entre elles des liens de parenté. Car, dit-elle, "on crée moins pour faire une oeuvre que pour être dans la Création". Voilà pourquoi Profil de la nuit vaut d'être savouré et médité. "

 

        P.L. MOUDENC

 

                                     Rivarol du vendredi 28 avril 2006

 

 

Ou plus précisément sur "Le chant de Malabata", épuisé dans les autres collections et repris intégralement dans  Profil de la Nuit.

 

" Ce poème d'une soixantaine de pages, apprécié en 1986 par Pierre Seghers et Jean Guitton, couronné par l'Académie française, a été revu par son auteur. Poésie sans doute mûrie d'expériences - chaque jour Armelle peut écrire face à la mer, la mer inépuisable, passion de son mari breton - lissée, gommée d'échos culturels ou rhétoriques trop voyants. Et si l'on glisse encore sur certains, notre bonheur à lire, à chanter à mi-voix cet Oratorio est déjà là. Quel chant d'amour intense ! Et qui, sinon la Femme, pouvait s'écrier, Vénus cosmique et intime : " Ainsi serai-je sur ta couche, / comme une amphore sur les sables, / inépuisable de promesses. " Si Claudel avait connu Armelle, eût-il donc affirmé : " la femme est la promesse qui ne peut être tenue " ?
Et puisque l'oeil écoute, le texte prend alors toute sa respiration, sobre, suggestif, puissant, déployant son énergie spirituelle pour nous enlever, nous élever, nous ravir. On pense au Poème de l'été de Claudel, cette féminine Cantate à trois voix, plusieurs fois mise en scène en plein air, dans un cadre arboré, c'est-à-dire en situation.
Mais ici le conditionnel n'est pas de mise. Le chant de Malabata est une oeuvre de foi intense. On devine un long travail intérieur, comme d'un bâtisseur de temple. Face à l'auteur, le critique restera toujours profane. En effet, Malabata chante ( son ) épouse, (sa ) soeur. On ne saurait confondre cette "Tant aimée" avec la femme-enfant d'une Invitation au voyage. Une voix aux vibrations mystiques court sans interruption tout au long de ce Chant. Les consonances orientales du nom ( Malabata ) rappellent, avec d'autres occurences, le pathétique Sakountala que Camille Claudel puisa en 1888 d'une légende indienne. Mais :

 

" La voix de ma soeur monte profonde, suave, charnelle.
  Voix si longtemps attendue,douce comme une promesse,
  La folie me saisit et je pleure à l'appel simple de son coeur. "

 

Car le tragique multiplie ses variations : l'amer exil, la solitude... fer de lance sur ma chair, la rupture criée, l'attente d'une muse qui conduise et fleurisse le pas. On y rencontre la fiancée biblique du Cantique :

 

" Ma fiancée, mon amante,
  plus douce à mes lèvres que pulpe de mangue,
  plus belle à mes yeux que feuille d'acanthe,
  à ma langue plus suave que grain de coriandre ... "

 

Des images de sacre, de fête nuptiale, avec chants d'épithalame : " En toi est mon jardin, / en toi est mon enfance ". Puis Malabata se lamente : homme mutilé, il a rendu au Seigneur une épouse " dont la chair comblait sa chair très à vif ". Que reste-t-il au héros, sinon de s'accomplir en " mystiques fusions " ? On croit entendre la Muse qui est la Grâce. L'être féminin supplié n'est-il pas à la fois la Muse, la Grâce, la Sagesse, l'Epouse, la Soeur... l'âme même, cette anima incarnée dans la parabole claudélienne ? Au début était l'angoisse. Vinrent les épreuves, l'amour, la mort. Et voici, après le consentement à l'esprit-amour, où je ne sais quelle Grâce, l'apaisement suprême, dans une sorte d'euphorie finale : " La poésie est devenue ma terre promise. / Mon chant a sur mes lèvres un goût de miel. "
Les connotations le montrent à l'évidence. Armelle fait revivre la fiancée du Cantique des Cantiques. Claudel eût-il aimé cet accomplissement trop parfait, d'ailleurs trop chargé de possessifs ? La pratique poétique peut-elle servir de religion ? Délivrance aux âmes captives ! Oui, mais l'écriture y suffit-elle ? La terre promise, par définition, n'est-elle pas toujours à l'horizon, plus sur le seuil que sur les lèvres ? N'est-ce pas cette incessante épreuve que nous dicte la Fiancée initiatrice quand elle murmure le terrible envoi : " Fuis, mon bien-aimé, fuis " ?
Armelle n'ignore pas cette échelle de Jacob . Déjà, elle a franchi bien des écueils. Suivons-la et nous habiterons ensemble quelque chose - espaces, éléments, êtres... - de cosmique. Ici, nul placage des "Vents " ou des " Amers " d'un Saint-John-Perse. On perçoit le vécu d'une tonalité claudélienne, cette tension et extension de l'être - dans tous les sens du terme. La structure même, d'ailleurs, n'est pas sans rappeler la grande tragédie grecque, dans ses alternances : récitant, choeur, monologue des personnages, stances... Mais ce grec est baptisé. D'emblée le choeur introduit à la dimension primordiale ou biblique :

 

" L'homme leva son visage,
  vit le soleil à son zénith
  et cet éclat le blessa cruellement aux yeux."

 

L'aveugle, ni Oedipe, ni Icare, a compris la loi vitale : " l'essentiel est invisible pour les yeux ". C'est pourquoi il passe de midi - zénith - à minuit, en s'agenouillant sur le sol. C'est pourquoi on entend le chant exploser : " Eclatez frontières, / élargis-toi, terre, / arrondis tes flancs comme une mère puissante ... ". Très vite, le lecteur est entraîné dans la ronde des étoiles et au sein des eaux. Dans ces eaux primordiales où tiennent notre genèse et notre renouveau. L'espace se transforme alors en une énergitique.
Ces chants, éclaboussés parfois de termes exotiques, parfois précieux, font toutefois échapper à la rhétorique des versets, aux grandes houles systématiques. Du cosmique et de l'intimisme à la fois. Les images, les éléments, les mots lourds et charnels sont aussi portés par les creux, les attentes... et soulevés. Par là peut infuser l'Esprit. Par là je puis me laisser atteindre.
Poétesse inspirée et croyante, Armelle a pressenti pour nous l'accession à l'ultime langage. Ce chant, humblement, n'est qu'un seuil. Incessamment, au coeur, se tisse une question, l'essentielle interrogation de notre commune destinée : " vers quelle théophanie ? " 
Ceux qui, nombreux, recherchent la vraie vie, loin des médias, des surfaces - panem et circenses ! - vous remercient Armelle. Nous vous reli (e) rons au quotidien, si nous voulons scander le chant de l'angélus - quand il a résisté aux pétitions citoyennes et vertes de l'anti-bruit. Car votre Oratorio reste avec nous - il se fait tard - moins pour garder mémoire que pour vivre en mémoire.

 

Michel BRETHENOUX  ( Agrégé de lettres, professeur, membre de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen, membre de la société Paul Claudel ) )

 

 

" Je dirai l'écho proprement musical qu'a laissé en moi la lecture de ces grands versets où me semble se déployer la genèse de l'homme tout autant que celle du poème. Je vois en MALABATA l'incarnation du Poète au sens grec, celui qui re-crée le monde en le célébrant ".


                                                    Pierre SEGHERS

" J'ai cru relire le Cantique des Cantiques que j'ai tant admiré, aimé. Avec des accents neufs, plus intimes encore " 

                                                   
                                                     Jean GUITTON


" L'auteur n'hésite pas à créer et animer un mythe, comme le fit autrefois Patrice de la Tour du Pin, pour mettre en scène une ascension spirituelle. Elle réussit à gagner ce difficile pari en évitant les écueils de l'emphase et de la sentimentalité. Armelle Hauteloire utilise une langue très musicale d'inspiration classique, sur un ton lyrique et chaleureux". 


                                                     Georges SEDIR

" L'auteur perpétue un lyrisme, un souffle, une anima qui tendent assurément à se perdre dans notre temps d'hyper-intellectualité. Mais j'ajouterai ceci : la qualité pour moi de ce texte n'est pas seulement dans son déroulement harmonieux, mais dans cette sorte de paradoxe que l'élévation de la pensée et du sentiment se garde de déboucher sur un langage trop philosophique et s'accompagne au contraire d'une expression limpide, simple, transparente. Le poète réussit l'équilibre entre la pulsion et l'ordre, la passion et la raison, l'écologie du coeur et l'économie du langage". 


                                                     Guy CHAMBELLAND

 

"Voici construit comme un office religieux avec Prologue, Graduel, Antienne, Stances, Final, le livre sacramentel de l'amour humain, transcendé, magnifié par le chant lyrique du don mutuel, prolongé bien au-delà du temps où il s'accomplit. Car il ne s'agit pas ici d'un recueil présentant des poèmes réunis pour constituer un ensemble, mais d'un ouvrage bâti dans sa totalité sur une ligne de pensée bien établie, sur des données terrestres et métaphysiques qui en constituent, de la première à la dernière page, la trame, l'armature, l'ossature... Ouvrant la porte à une vision plus vaste de l'amour, qui englobe à la fois le vouloir humain et le dessein divin, en une fresque lyrique où " les mots de la tribu " ont pris cette fois encore, leur sens le plus pur et le plus exaltant. "

 

                                                    Jehan DESPERT  ( Les nouvelles de Versailles )



" Il y a dans cette sorte de saga de l'âme quelque chose du souffle qui anime le Lamartine de " La chute d'un ange " mais aussi de la méditation du Vigny de " La maison du berger ", le tout baignant dans un lyrisme proche de St John Perse. Parfois, l'auteur a des accents de ferveur dignes du " Cantique des Cantiques " et il faut la louer à une époque où l'érotisme le plus vulgaire envahit tout, d'avoir su évoquer la rencontre de Malabata et de la Femme avec une admirable pudeur. C'est elle qui donne la vision d'un amour nouveau, en invitant l'homme et la femme à dépasser ensemble " leurs visions éphémères ". Et cela donne naissance à cette magnifique recréation de la salutation angélique que je tiens pour ma part pour un des points culminants du livre. Oui, ce poème révèle une grande élévation de pensée, une spiritualité profondément inspirée, servies par une sensibilité qui se traduit, à la fois, par la musique des vers et par le foisonnement des images, nouvelles et belles. "

 

                                                    Raoul BECOUSSE ( poète, écrivain et critique )



"Nous sommes très loin ici d'un divertissement léger ou précieux. LE CHANT DE MALABATA est parole inspirée, haute incandescence, rumeur de ciel entrouvert (... ) Par quelle intuition profonde, éblouissante, Armelle Hauteloire a-t-elle pu exhumer ce chant d'amour somptueux qui ressemble à une épopée de l'âme humaine ? La grâce est au rendez-vous de sa poésie. Sa langue rejoint celle du Cantique des Cantiques et du Château de l'âme de Thérèse d'Avila. Lisez ce grand texte à haute voix. Tendez l'oreille. Sa musique vient de très loin." 

 

                                    Jean-Yves BOULIC  ( journaliste à Ouest-France et écrivain )

 

"En main vos ouvrages. Restez personnelle si cela fait partie de votre inspiration. Surtout si cela doit donner d'aussi beaux fruits que LE CHANT DE MALABATA et CANTATE POUR UN MONDE DEFUNT. Ils sont parfaitement contenus par la mesure et l'élévation du ton, avec ces accents contemplatifs, ce mouvement inflexible - qui empruntent par moment à l'épique - les purifient du rauque accent personnel. Au demeurant, la poésie peut être élégiaque ou rester au bord de l'élégie, avec plus ou moins de saisons et d'oiseaux migrateurs. C'est un genre à part entière de grande mémoire. Nos joies et nos peines méritent d'être exhaussées. Par le rythme réglé sur le sentiment qui nous apprend à être triste. L'esprit dominant toujours comme un bon navire sur la vague. Par l'espérance aussi qui nous prépare à être des enfants de la Promesse. La poésie peut être prise de nostalgie pour reconstituer le mythe primitif, en deçà de la diaspora des formes culturelles. Affaire d'équilibre. Les dangers (dont vous êtes heureusement indemne)  : sans doute la confusion, la capture". 


                                                        Francis JACQUES

                                    (Professeur émérite à la Sorbonne - Philosophe )
 

" La nuit, les peurs enfantines, le vent, l'éclair, le foyer clos, la luxuriance des sèves, les parfums entêtants inspirent Armelle Hauteloire. Elle est le poète des sensations, des mouvements, des chuchotements à  " quelque oreille si réellement cosmique et attentive". De Terre Promise ( 1959 ) à Incandescence ( 1983 ) et Le Chant de Malabata ( 1986 ) un sens éveillé de l'accueil des choses dans un lyrisme envoûtant".  

 
                                                        Robert SABATIER

                              (  Histoire de la Poésie française - XXe siècle - Tome III )

  

Ce poème a fait l'objet d'une lecture sur Radio-Courtoisie dans l'émission de Pascal Payen-Appenzeller et d'un spectacle au château du Barry de Louveciennes en 1986

Poème cité dans l'oeuvre du philosophe Francis Jacques " L'arbre du texte " ( Vrin 2007 )

 

Profil de la Nuit - Collection L'Etoile du Berger - Ed. Atelier Fol'Fer - Novembre 2005 

 

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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 09:11
Proust et le miroir des eaux

                   

 PROUST ET LE MIROIR DES EAUX  ( ou le thème de l'eau dans "La Recherche du temps perdu" )
   

Pour quelle raison choisir de parler d'une oeuvre telle que celle de Proust en prenant l'eau comme thème de réflexion ? Parce que jusqu'à ce jour, je n'ai pas eu connaissance d'un ouvrage qui traitait de ce sujet, alors que l'eau me parait habiter cette oeuvre ou, plus précisément, la codifier. A la suite de cette constatation, il m'a semblé intéressant de m'interroger sur la place qu'elle tient dans le roman, sur le message qu'elle délivre,  la force imaginante qu'elle anime. L'écrivain ne trouve-t-il pas dans l'eau substantielle l'équivalent à sa propre démarche, qui est de rendre au monde la vision de lui-même non déformée mais transformée ? Ainsi l'oeuvre, à l'égal de l'eau, participe-t-elle à ce que j'oserais appeler la liturgie de la rénovation. Proust n'envisage pas son roman autrement que comme un miroir tendu à son lecteur afin, qu'à travers lui, il ait accès à une réalité nouvelle, où la mémoire involontaire et le reflet jouent un rôle identique, introduisant le passé dans le présent et supprimant cette grande dimension du Temps où la vie ne cesse de se briser. 


POUR SE PROCURER LE LIVRE, CLIQUER   
 ICI 

 

Prix du Jury du Cercle Littéraire Proustien de Cabourg-Balbec en novembre 2007.

 

Par ailleurs, " Proust et le miroir des eaux" a inspiré au metteur en scène et directeur artistique coréen Choi Seo-ou un spectacle qui a pour titre " Le miroir des eaux" et dont la première a eu lieu à Séoul au Seoul Arts Center, théâtre Jayu, le 22 août 2010 avec le concours de l'Universal Ballet Company sur des musiques de Debussy, Ravel, Chausson, Duparc et Caplet. Chorégraphe : Yeonok Paek
Ce spectacle, q
ui combine film, arts visuels, musique et ballet, a donc puisé son inspiration grâce à deux écrivains français Roger Grenier et Armelle Barguillet Hauteloire et à leurs ouvrages respectifs " Le miroir des eaux" pour l'un et "Proust et le miroir des eaux" pour l'autre. 

 

Ce même ouvrage a également inspiré une exposition à la Galerie Chantal CROUSEL à Paris. Voir en cliquant  LA

    

Ce que la presse en dit :

 

Lecture et tradition, n° 362, avril 2007

L’œuvre de Marcel Proust est hantée par l’eau. Armelle Barguillet dresse une biographie originale à partir de ce thème pour tenter de nous faire comprendre sa personnalité.

 

Alain Sanders  (Renaissance des hommes et des idées -Janvier/Février 2007)



Poète, (Profil de la nuit, Atelier Fol’fer), essayiste (Proust ou la recherche de la rédemption (Editions de Paris), auteur d’ouvrages pour la jeunesse, Armelle Barguillet-Hauteloire vit en Normandie. Dans le voisinage - et même le très proche voisinage - des lieux qui furent familiers et chers à Marcel Proust.
En consacrant une seconde étude à l’auteur de La Recherche du temps perdu, elle réaffirme qu’elle est, par son approche même d’un auteur à bien des égards insaisissable, l’un des meilleurs analystes de la magie proustienne. A première vue, pourtant, on peut être interpellé (comme on dit aujourd’hui) par le titre de son essai : Proust et le miroir des eaux. Pourquoi, à propos de Proust, qui était peut-être un peu canotier mais certainement guère marin, prendre l’eau comme thème de réflexion à son propos ?

Armelle Barguillet-Hauteloire s’en explique :


— Parce que l’eau me paraît habiter son œuvre ou, plus précisément, la parcourir ainsi que le ferait un ruisseau, une rivière, un fleuve, de même qu’elle la codifie et l’explique. Oui, cette Recherche, qui se referme sur elle-même, cet univers clos n’est pas sans évoquer la configuration d’un lac qui, lentement, déroulerait ses berges imaginaires dans une lumière déjà gagnée par les ombres du passé, temps retrouvé qui viendrait boucler le cercle parfait du temps perdu.
À partir de cette constatation - cette clef, pourrait-on dire - on se prend à relire Proust d’un autre œil. Et l’on se dit alors : « Mais c’est bien sûr ! Pourquoi personne, avant Armelle Barguillet-Hauteloire, n’y avait pensé ? » Avec, aussitôt, cet extrait des Plaisirs et des jours : « Quand j’étais enfant, le sort d’aucun personnage de l’Histoire sainte ne me semblait aussi misérable que celui de Noé, à cause du déluge qui le tient enfermé dans l’arche pendant quarante jours. Plus tard, je fus souvent malade, et pendant de longs jours, je dus rester dans « l’arche ». Je compris alors que jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fît nuit sur la terre. »
Les premières eaux contemplées par Proust furent celles de son enfance. Celles d’Illiers-Combray baigné par la Vivonne et de nombreux étangs. Il pêcha dans la Vivonne. Il se promena en barque sur les étangs (Du côté de chez Swann). Et puis il y eut Balbec et les eaux marines. Trouville, Cabourg, la Côte Fleurie (Sodome et Gomorrhe). La mer. Qu’il contemple des Frémonts et de l’hôtel des Roches noires (Les jeunes filles en fleurs). Eaux violentes, eaux troubles, eaux crépusculaires. Eaux réfléchissantes (La Prisonnière, Le Temps retrouvé).


« Proust, - écrit Armelle Barguillet-Hauteloire - n’envisage pas son roman autrement qu’un miroir tendu à son lecteur afin, qu’à travers lui, il ait accès à une réalité nouvelle, où la mémoire involontaire et le reflet jouent un rôle identique, introduisant le passé dans le présent et supprimant cette grande dimension du Temps où la vie ne cesse de se briser. » Un miroir qui, loin de déformer la vision du monde, la transforme. Proust dans un miroir et au-delà du miroir. Un double miroir. Qui se brise.

 

Enfin, quelques réflexions de lecteurs :

 

" Je ne pouvais pas rêver mieux que " Les eaux marines et violentes" de Belle-Ile-en-Mer pour essayer de vous dire ce que j'ai ressenti à la lecture de " Proust et le miroir des eaux". J'avais choisi votre livre intrigué par le titre - avec d'autres sur Proust - sans rien en savoir, ni en connaître l'auteur. J'en ai terminé une première lecture fin 2009 ; vous me l'aviez aimablement dédicacé, lorsque nous nous sommes rencontrés à Cabourg le 28/ 06/ 2009 au Grand-Hôtel - dîner de la Madeleine d'or. Je viens d'en terminer une seconde lecture, d'un trait, plume à la main.
En commençant " Proust et le miroir des eaux ", je me suis dit, dubitatif, encore un livre sur Proust, que va-t-il m'apporter ? J'y ai au fil des pages découvert un éclairage inattendu, quelque chose de nouveau, de subtil sur La Recherche qui m'a beaucoup séduit. Et cela pour plusieurs raisons : d'abord le style maitrisé, une langue riche et classique, d'où émergent une grande sensibilité proustienne et une poésie ... si vous permettez, fluvatile. Après avoir lu, de vous, quelques poèmes, je sais désormais pourquoi.


Vous avez su, de plus, avec un fin doigté y insérer de sublimes passages de La Recherche, choisis avec un grand bonheur : c'est une opération délicate, pour ne pas aboutir - comme trop souvent chez certains qui s'y essayent - à un placage maladroit qui ne fait que souligner la pauvreté du texte de l'auteur, jouxtant celui de Marcel Proust ; vous avez réalisé une osmose fluide entre les références à La Recherche et votre propre texte, où l'essentiel est ressenti, sans hiatus, une approche fluide profonde, intuitive ; l'autre approche universitaire, que j'expérimente aux conférences de Normale-Sup et du Collège de France où l'on dissèque tout, il ne doit pas manquer un bouton à la guêtre et la moindre inexactitude est rédhibitoire, d'où il ressort une certaine sécheresse, un manque de sensibilité.

Vous avez souligné la place primordiale de la musique dans La Recherche : " elle est cette âme paisible, désenchantée, mystérieuse et souriante qui survit à nos maux et semble supérieure à eux ". La Recherche, sans la réduire à la sonate de Vinteuil, bien entendu essentielle - car le phrasé chez Proust ne peut se comprendre sans sa connotation musicale, qui implique le rythme, tant à la lecture du livre que peut-être encore davantage à la lecture à haute voix, surtout si elle est faite par des artistes tels que Dussolier, Lonsdale, Lambert Wilson, Fabrice Lucchini ( je n'ai par contre, pas du tout apprécié Bernadette Lafont, même hors sujet dans le rôle de Madame Verdurin.  


Comme vous l'explicitez page 45 " La Recherche est le roman de la création artistique, les personnages n'apparaissant et ne se répétant qu'à la manière des mouvements d'une symphonie où les rimes et assonances qui fractionnent un poème". Autre aspect essentiel, la circularité chez Marcel Proust : " L'auteur a l'ambition de faire de sa Recherche une oeuvre d'art total, si bien qu'il la circonscrit volontairement dans une structure close qui englobe toutes les autres : celle du cercle qui marque la fin du temps linéaire et le triomphe de l'art sur la vie ".  Et plus loin : " Cette recherche, qui se referme sur elle-même, cet univers clos n'est pas sans évoquer la configuration d'un lac qui, lentement, déroulerait ses berges imaginaires dans une lumière déjà gagnée par les ombres du passé, temps retrouvé qui viendrait boucler le cercle parfait du temps perdu". Voilà une phrase dont j'aurais rêvé d'être l'auteur.


Vous avez, par ailleurs, une connaissance profonde de La Recherche acquise plus par le sentiment que l'intelligence - postulat très proustien - le coeur plus que la raison, réalisation d'un heureux équilibre entre le cerveau droit - la sensibilité - et le cerveau gauche - la raison. Vous avez certainement lu La Recherche, aimé, relu, oublié parfois, recherché, retrouvé l'essentiel que vous pensiez peut-être perdu dans l'érosion de l'oubli, mais qui était lové, si je puis dire, dans le disque dur de la mémoire ; vos réminiscences personnelles ( comme l'ont été dans La Recherche la madeleine, le tintement d'une cuillère, les pavés inégaux ) ont réanimé le passé enfoui sous les ans, comme le serait un château abandonné aux ronces et aux mûriers ( ce qui renvoie à Cocteau " La belle et la bête " que je revois encore avec un infini plaisir ) et ont conduit - grâce à votre talent certain et beaucoup de travail ( mais, miracle, qui ne se sent aucunement ) à ce  miroir des eaux qui représente comme une glace réfléchissante que vous tendez au lecteur que je suis et dans lequel je devine des prolongements insoupçonnés, des fulgurances inédites qui confirment - à mes yeux - ce que disait Pessoa : " La littérature est la preuve que la vie n'est pas suffisante ".

Pour conclure, je me permettrai d'évoquer des passages de votre livre que j'ai tout particulièrement appréciés. Remarquable avant-propos : le décor est planté, la présentation est faite de ce qui va être développé le long du livre, à la limite tout est dit : " Selon Proust, la littérature est la seule vie digne d'être vécue, car la seule en mesure de conserver ce qui fût, d'atteindre à la vérité des êtres sous les mouvements changeants et mensongers des apparences et de faire remonter à la surface un équivalent spirituel " ( Page 10 et 11 )


Et la métaphore fondamentale de la profondeur abyssale inspirée par l'eau : " C'est avec la même incertitude que je me suis plu longtemps à me pencher sur la surface du temps écoulé" - citation de William Wordsworth que vous faites figurer page 8. Vous avez cité également L'eau et les rêves de Gaston Bachelard, livre qui m'a beaucoup marqué, il y a très, très longtemps. Je le relirai. " L'eau seule peut dormir en gardant sa beauté" - écrit-il. J'ajouterais et les enfants très jeunes. Je suis déjà assez prolixe : je ne puis citer tous les passages que j'ai aimés : les pages essentielles, à mes yeux, de votre livre ( pages 110 - 111 et 112  ), l'évocation de Dostoïevski qui écrit qu'il n'y a pas de création possible sans la perversité qui est l'envers de la pureté et votre phrase à propos de sa mère : " il n'avait jamais été autant son fils que depuis qu'elle était absente et qu'il consacrait la sienne à raconter et sublimer la leur, à l'ouvrir à cette éternité de l'art que les ferait perdurer ensemble ". Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites...


Et aussi ( pages 118- 119 ), la beauté de Venise identifiée aux robes de Fortuny portées par Albertine ( et pour lesquelles, je crois, il a demandé conseil à Oriane de Guermantes ). Je ne puis que vous citer ( page 126 ) pour expliciter ce que vous avez développé sous les titres évocateurs " Les eaux printanières ( Combray ), Les eaux amoureuses ( Balbec ), Les eaux crépusculaires ( Venise ), Les eaux réfléchissantes ( l'oeuvre ) : " Ce sont dans ces eaux printanières, ces eaux ruisselantes ou tendrement assoupies que parle le mieux la nature-enfant, qui n'a pas encore pris conscience que tout être est mortel. (... )  L'enfant Proust, retenu dans ce royaume des eaux, ne voit pas seulement éclore à leur surface la beauté des fleurs aquatiques, mais trouve dans leur présence des accompagnatrices silencieuses, des eaux claires au doux murmure, une nature en train de se contempler. Ces eaux sont devenues son double. Elles renvoient le penseur à sa pensée, alors que le penseur retourne à l'eau ses propres chimères et, qu'en ces moments rares, il perçoit, dans cette intimité recueillie, le long plaidoyer des choses qui se sont tues ".  ( page 17 )  Et page 126 : " Alors que la rêverie avait commencé devant l'eau courante d'un ruisseau, l'eau naïve d'un étang, s'était poursuivie devant les eaux silencieuses d'un lac, l'eau imprévisible, parfois violente de la mer, elle s'achève sous la treille assombrie au sein d'une eau ténébreuse qui transmet d'étranges et funèbres murmures ".  C'est la découverte de Venise, le début de la descente aux enfers :  " Venise hantée de spectres et de fantômes, concentre en elle toutes les douleurs ".

Ce que vous avez écrit sur Venise s'enchâsse avec bonheur dans les textes proustiens que vous citez. Dans ces eaux mêlées se détache pour moi le vue crépusculaire de Venise. Une digression, si vous permettez, le cinéma, avance-t-on, ne pouvait rendre en images la substantifique moëlle de La Recherche, Swann et  Le Temps retrouvé sont, à mon avis, passés à côté de l'univers proustien. Un seul metteur en scène - lit-on - aurait pu rendre l'esprit et la sensibilité de Marcel Proust : Lucchino Visconti ; il s'y est essayé, comme vous le savez, en a même écrit le scénario, que l'on peut se procurer, mais n'est pas passé à la réalisation. Donc, si Visconti a abandonné son projet, aucun metteur en scène n'aurait pu le mener à bien - prétend-t-on. Je m'élève en faux. Visconti l'a fait ce film : c'est Mort à Venise, certes sur une nouvelle de Thomas Mann, mais qu'importe ! Il n'y a pas un film plus proustien que celui-ci, qui n'est pas, contrairement à ce qu'affirment certains, un film sur l'homosexualité, mais une réflexion sur la beauté, la vie, la mort. Pour moi, un chef-d'oeuvre, l'admirable composition de Dirk Bogarde dans cette Venise mortifère où cohabitent la beauté et la mort - avec Senso - ses deux plus grands films.
Je pourrais poursuivre sur les références philosophiques de Marcel Proust, plus proche de Schopenhauer que de Bergson, approfondir les similitudes d'analyse entre Proust et Dostoïevski. Sur le personnage d'Oriane de Guermantes si séduisant de prime abord à Combray, mais qui se délite peu à peu, devient lisse et transparent, comme asexué ; est elle-même belle, Oriane ?, avec cette couperose, dont l'assortit férocement le narrateur à la fin de La Recherche, comme il règle de façon générale ses comptes avec ses personnages.
Ce sur quoi je n'ai pas encore insisté - et pourtant essentiel - c'est que l'adulte Proust avait su garder un regard d'enfant, cet éclairage unique, passager, que toute notre vie - à tout le moins pour certains - nous recherchons, cette fraîcheur originelle, mélange de découverte, d'élan, de curiosité, de poésie naturelle.... Je reviens encore à votre miroir des eaux ( page 140 ) : " Il est remarquable qu'après tant d'années de sacrifice et de souffrance, cet homme si seul et si malade ait pu conserver intacte sa faculté d'émerveillement. Proust n'a jamais cessé d'être un enfant ébloui ".
Vous constaterez comme moi que je ne suis que laudatif sur Proust et le miroir des eaux. Après deux lectures, dont la seconde en prenant des notes, je n'ai aucune critique fondamentale à formuler, pas de déception ou d'attente déçue par rapport à ce que le titre pouvait me laisser espérer ou, plus précisément, rêver. J'en suis conscient, mais c'est ce qui est venu au fil de la plume sans créer une construction artificielle.

 

Gérard FONDIMARE

 

 

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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 09:01
Les signes pourpres

 

Lors d'un séjour dans sa maison natale en Normandie, Aubin raconte à ses neveux les grands moments de son existence de médecin et missionnaire en Afrique. Après un service militaire consacré à soigner les malades dans les coins les plus reculés du sud algérien, diverses rencontres, dont celle d'un vieux Kabyle, vont l'inciter à devenir Père Blanc pour se mettre au service des autres.

 

" C'est au contact des populations - pour la plupart musulmanes - que l'amour de ma propre religion m'était remonté au coeur. En écoutant la voix du muezzin invitant à la prière, il m'avait plu de me -resouvenir de l'appel au recueillement et à l'office qu'est, dans le moindre village français, le carillon de l'église".

 

Ordonné prêtre à Carthage, il avait été, dans un premier temps, envoyé au Soudan pour y soigner les lépreux, puis au Kenya auprès des tribus Kikuyu et Massaï.

 

" Les Massaï appartenaient à ces rares populations qui avaient eu la bonne fortune de passer au travers des filets tendus par les Arabes, puis les Européens, qui faisaient d'eux un commerce lucratif, et, ayant survécu à leurs incursions, continuaient à promener inlassablement dans ces espaces solitaires, où surgissent inopinément un volcan, une montagne, un lac, leur orgueilleuse indépendance. Ils me séduisirent dès l'abord et comment en aurait-il été autrement ? Ils avaient pour eux la vaillance, la fierté, l'altière beauté, l'indéniable sagesse. Cette sagesse que je cherchais depuis que j'avais vu des peuples, aussi civilisés que ceux du continent européen, s'entre-tuer avec une sauvagerie sans pareille et employer leur intelligence, entraînée à tous les exercices de l'esprit, à inventer les armes les plus cruelles pour se détruire".

 

C'est au centre de soins de Manameru qu'Aubin va faire la connaissance de Moye, un jeune massaï de 15 ans, en phase d'initiation, que le laibon ( le chef religieux de sa tribu ) amenait au centre pour une blessure qui se révélera être sans gravité. Ce chef va charger le missionnaire d'apprendre à l'adolescent la lecture et l'écriture car - dit-il - ce garçon est exceptionnel. "Il sera appelé un jour à être le guide de sa tribu. (...)  Aujourd'hui, celui qui veut sauvegarder sa liberté doit être capable de la défendre, non seulement avec son courage et ses armes, mais grâce à son intelligence et à son savoir".

 

 

Je m'appelle Moye.
J'appartiens au peuple nomade des Massaï.
Aussi suis-je un adolescent sans pays.
Forêts, savanes, déserts se succèdent au rythme de mon pas.
Si rien n'entrave mon courage,
c'est que je suis murran autant que Massaï, ce qui signifie guerrier.
J'ai charge de protéger ma tribu et je ne baisse les yeux
ni devant l'homme vindicatif, ni devant le fauve redoutable.
Ma lance est contre ma cuisse,
ma chevelure enduite d'argile rouge.
Quand s'annonce un combat,
j
e bande mes muscles, affûte mon regard, même le temps n'a pas prise sur moi.
Arrête-t-on le flot de la mer, la force du vent,
le courant du fleuve, les convulsions du volcan ? Non !
Alors on n'arrête pas davantage la marche du peuple Massaï.
Ce peuple navigue avec le ciel,
où chaque chose est en mouvement.
C'est pourquoi notre pays est sans orée, et sans horizon,
et nos terres innombrables.
Elles s'étendent des montagnes jusques aux sables.
Les animaux de la création y demeurent,
les fleuves et les lacs y abondent,
les arbres les plus rares y étendent leurs ombrages.
Ici, la plaine ondule sous les bouquets de palmes,
alors que sur la cime la plus haute,
règne le dieu au visage impavide.
Il veille sur les étendues sans fin,
fait verdir les pâtures, naître les vents,
tomber les pluies qui étanchent la soif.
A l'heure du matin,
il donne aux guerriers force et audace,
aux vieillards, à l'heure

du soir, consolation et espoir.

Paroles de Massaï.

 

 

Mais un événement va soudain bouleverser les plans : le mariage raté de la douce Yankihi, jeune fille d'une tribu sédentaire kikuyu et de Noro, un Massaï ayant achevé son temps d'initiation, et remettre en cause les relations qu'Aubin entretenait avec cette tribu.

 

" Quelques jours plus tard, j'avais été réveillé au milieu de la nuit par des cris. La petite école, qui se trouvait en face de l'église et du dispensaire, brûlait et les flammes crépitaient plus violemment que des armes à feu. Malgré l'aide active de la population, rien n'avait pu être sauvé. Notre école avait été réduite en cendres".

 

A la suite de cet événement, Aubin sauvera Moye d'une péritonite et l'amitié entre le missionnaire et l'adolescent prendra une dimension tout autre, renforcée par le partage de faits surprenants. C'est ainsi que Moye sensibilisera Aubin au monde animal et lui permettra d'appréhender désormais l'Afrique comme une terre initiatrice qui remet l'homme dans la perspective de ses origines.

 

" Moye ne craignait nullement de traverser la savane de jour comme de nuit et de parcourir des dizaines de kilomètres - les nomades sont des marcheurs impénitents, mais, par prudence, surtout le soir, il tapait sur le sol des coups répétés avec sa lance ou son bâton de berger, de manière à faire fuir les fauves, ceux-ci ne s'attaquant à l'homme qu'en de rares occasions".

 

Parvenu à la fin d'un récit riche en aventures diverses, Aubin pourra affirmer à son auditoire que l'Afrique avait eu le mérite de le guérir des doutes que le monde occidental avait levés en lui :
" Son désert me rendit la foi, son silence, l'écoute intérieure, sa population, la ferveur, son monde animal, la joie."

 

"En effet, les nomades ont su protéger les déserts, économiser la savane ; ils n'ont pollué ni les lacs, ni les fleuves, ni les mers. Et pourtant, aux yeux des sédentaires, les non sédentaires sont toujours coupables. Si bien que les Massaï, comme les Samburu, ces vagabonds, qui ne connaissent pas de frontières, ont été sommés de se sédentariser et de devenir cultivateurs. Ce n'est ni plus, ni moins, que l'obligation de choisir entre deux maux : creuser ou crever. Pour eux existe-t-il un pays où la joie cessera enfin d'être blessée ?"

Ce treizième ouvrage se veut une ode à l'Afrique, à son passé, son avenir, ses montagnes, son ciel pur, son soleil, les grandes lignes de ses déserts, les flots d'azur qui la baignent.



Pour se procurer l'ouvrage sur internet, cliquer   ICI


 

Ce que la presse écrit :    

 

LES SIGNES POURPRES - RECIT AFRICAIN

 

Récit d'épisodes de la vie d'un Père Blanc, ce livre sort de l'ordinaire littéraire. Aubin, médecin de formation, effectue son service militaire au Sahara alors français. Il y est impressionné par l'envoûtante beauté du désert, par la personnalité des Touaregs et par le dévouement des religieux (Pères Blancs ou Soeurs soignantes) au service des démunis. Il est amené à prendre connaissance de l'oeuvre de Mgr Lavigerie; athée jusque-là, il acquiert la foi et décide d'être prêtre. Après son noviciat, notamment à Carthage, il est envoyé au Soudan, puis au Kenya. L'essentiel du livre porte sur ses rapports avec un Masaï de haute lignée qu'il a sauvé d'une péritonite. Ce jeune homme lui fait connaître son pays et ses hommes, la nature et ses animaux. Nous avons là des anecdotes, sur les humains et sur les bêtes, très significatives. Au spectacle de cette vie, il est conforté dans ses convictions. Livre original, empreint d'une constante spiritualité qui fait défaut la plupart du temps aux écrits d'aujourd'hui.

 Yves Naz  ( L'Algérianiste - N° 128 )

 

 

Lors d’un séjour dans sa Normandie natale, Aubin raconte à ses neveux les grands moments de son existence de médecin et missionnaire en Afrique. Après un service militaire consacré à soigner les malades dans le sud algérien, diverses rencontres, dont celle d’un vieux Kabyle, vont l’inciter à devenir Père Blanc pour se mettre au service des autres.

Ordonné prêtre, il va d’abord au Soudan pour y soigner les lépreux, puis au Kenya auprès des tribus Kikuyu et Massaï.

C’est là qu’Aubin va faire la connaissance de Moye, un jeune massaï de 15 ans, en phase d’initiation, que le chef religieux de la tribu amenait au centre pour une blessure en fait bénigne. Ce chef va charger le missionnaire d’apprendre à l’adolescent la lecture et l’écriture car - dit-il - ce garçon est exceptionnel.

Plus tard, Aubin sauvera Moye d’une péritonite et l’amitié entre le missionnaire et l’adolescent prendra une dimension tout autre, renforcée par le partage de faits surprenants. Moye sensibilisera Aubin au monde animal et lui permettra de regarder l’Afrique comme une terre initiatrice qui remet l’homme dans la perspective de ses origines.

Parvenu à la fin d’un récit riche en aventures diverses, Aubin pouvait affirmer à son auditoire que l’Afrique avait eu le mérite de le guérir des doutes que le monde occidental avait levés en lui : “ Son désert me rendit la foi, son silence, l’écoute intérieure, sa population, la ferveur, son monde animal, la joie.”

 

Voix d'Afrique

 


Il faut bien dire que nous n’attendions pas Armelle Barguillet Hauteloire, spécialiste de Proust, sur un tel sujet : l’histoire d’un missionnaire dans le Kenya des Massaïs. Le sous-titre des "Signes pourpres" est : "Récit africain". Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Un roman qui, loin des sentiers battus de la grosse cavalerie littéraire française de la rentrée, révèle la part la plus secrète de notre nature. Nos motivations spirituelles et la lumière portée sur le tracé visible de nos vies.


Lors d’un séjour – une sorte de perm – en Normandie, Aubin, l’oncle africain, raconte à ses neveux comment, alors qu’il n’était qu’un jeune médecin dans le sud de l’Algérie française, il a rencontré Dieu. Inutile de dire que les neveux sont pendus aux lèvres de cet «aventurier» qui a rapporté dans ses bagages des souvenirs exotiques et des photos de ce Kenya, terre initiatrice qui remet l’homme dans la perspective de ses origines.


Le Kenya – et comment ne pas penser à Karen Blixen et à sa Ferme africaine – est un pays singulier où coïncident «les neiges éternelles et les essences tropicales, la savane épineuse et les marais de la mangrove, les lacs les plus larges et les fleuves les plus longs, les déserts les plus vastes et la faille de l’écorce terrestre la plus spectaculaire».
Après l’Algérie et la découverte de l’oeuvre de Mgr Lavigerie (Aubin sera ordonné prêtre à Carthage), le jeune missionnaire sera envoyé un temps au Soudan, pour y soigner les lépreux, puis au Kenya auprès des tribus Kikuyus et Massaïs avec, pour commencer, la découverte de Nairobi dont le nom, en langue maâ, signifie «le commencement de toute chose, la source de toute fraîcheur». Ce n’est pas une mission facile. D’abord parce que le Kenya vient d’accéder, après les horreurs des Mau-Mau, à l’indépendance. Ensuite parce que les Massaïs, s’ils ont eu cette chance de passer à travers les mailles de l’islam, ne sont pas des "clients" faciles et que leur animisme est profondément ancré dans leurs croyances. Dans sa mission, Aubin est assisté de deux soeurs infirmières, d’un frère enseignant et de deux jeunes prêtres.


Il va se lier d’amitié avec Moye, un jeune murran, à savoir un adolescent qui, au terme d’une longue et parfois cruelle initiation, deviendra un guerrier, en même temps qu’il fera la connaissance de Yankihi, une jeune Kikuyu. Les Massaïs sont d’origine nilotique, les Kikuyus d’origine bantou. Et il n’y a guère, c’est le moins que l’on puisse dire, d’atomes crochus entre les deux ethnies. Yankihi va pourtant épouser – Roméo et Juliette au Kenya – un autre jeune Massaï, Noro... Mais nous vous laissons découvrir les secrets de ce roman africain qui vient nous dire, au moment où nous désespérions un peu, que l’Afrique peut toujours inspirer de grands livres.
 

Alain SANDERS  (Ecrivain - journaliste)

 

 

Bonjour Armelle,

 

 J'ai lu votre livre...magnifique, dont la lecture très agréable

m'a apporté une immense de joie !

C'est tellement singulier, quant à son thème, que j'aurais

presque envie de lire "autre chose" de vous, par exemple le livre

qui se situe dans votre Normandie natale. Est-il encore publié?

 

Nous avons fait, en 2012 - 2013 un voyage de 9 mois

qui nous a amenés, en superbe point final en...Namibie.

Et votre livre a ravivé tant de souvenirs, quant à la faune sauvage !

Je connaissais de l'Afrique le Congo (ex -français) et le Sénégal,

et de ce fait n'ai aucune idée de cette Afrique de l'Est

que vous dépeignez merveilleusement.

 

 On se demande, bien sûr, quelles sont vos sources, d'une telle

richesse ?  C'est un témoignage impressionnant, en effet, à propos

d'une Afrique déjà  un peu "disparue" (?) et c'est d'autant plus

émouvant. Les pages sur la faune, et cette histoire d' "adoption"

sont d'une très grande beauté, et tout à fait insolites.

    

 Par ailleurs, la personnalité du Cardinal Lavigerie m'a saisie,

de par sa profondeur et son "avant-gardisme" stupéfiant. (Sûr que

tous les missionnaires n'ont pas eu ce nécessaire comportement).

A des années d'intervalle, notre pape actuel ne renierait pas cet

homme, "habité" par l'Afrique, et surtout par son Dieu...

 

Marie-France Roger ( écrivaine )

 

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