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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 07:56

BeauneHotelDieu.jpg

        L'Hôtel-Dieu de Beaune ( cour intérieure du XVe siècle )

 

Le début de l'automne est sans doute la période de l'année qui sied le mieux à la Bourgogne, l'ancien duché de Philippe le Hardy, de Jean sans Peur et de Charles-Quint qui a vu l'histoire s'écrire avec un grand H. Oui, les premières teintes de la saison la parent d'un charme enchanteur. Les toits multicolores et la végétation s'harmonisent soudain, mêlant les tons d'or et de rouille, les verts profonds et les incarnats. Ici, on pénétre dans l'une des plus vieilles terres d'Occident qui doit presque toute sa configuration au lent et patient travail de l'homme. Aussi y a-t-il urgence à prendre le temps de goûter à la douceur des paysages, à la saveur des fruits, à l'arôme des vins et à s'émerveiller de ce que le Moyen-Age chrétien a inspiré aux tailleurs de pierre et aux architectes. La Bourgogne doit son nom au peuple scandinave des Burgondes qui fixa ici, au Ve siècle, sa longue errance. Ensuite, les moines assurèrent la relève ; aux vignes et aux pâturages, ils ajoutèrent des millliers d'abbayes et de prieurés qui furent des relais pour la foule des Croisés et que scandaient les huit offices quotidiens. Plus tard, la haute magistrature édifiera un admirable décor urbain. Ce seront Auxerre la joyeuse que chanta la poétesse Marie Noël et Dijon, la ville "énigme", attachante et auguste avec sa place d'Armes que domine la statue équestre du grand roi, ses palais, ses loges, ses forges, sa chapelle des Elus où se tenaient les séances solennelles de l'Assemblée bourguignonne. Des ducs aux rois, le pouvoir était symbolisé par les palais et les tombeaux, si bien que la grandeur subsiste comme rassemblée dans une piété minérale.

 


tournus_et_philibert.jpg   Tournus

 

 

 

Partout est présente la mémoire des pierres. Sur le sol de ce vieux pays se déroule un long chapelet de basiliques, monastères, paroisses, oratoires qui surent résister aux méfaits révolutionnaires et conserver leur authenticité. Nous en aurons l'assurance en revisitant Vézelay, temple des récits bibliques, maison très sainte érigée très près du ciel. En ce lieu s'attardèrent Philippe-Auguste, Richad Coeur de Lion, Saint Bernard qui y prêcha la seconde croisade et Saint Louis en route pour la Terre Sainte, ainsi que quelques autres icônes de l'histoire européenne. A l'heure de la prière du soir, la basilique s'ouvre à vous dans son recueillement majestueux après que vous ayez passé le tympan qui a fixé l'éternité dans la pierre. Vézelay est incontestablement l'une des merveilles de l'Occident, car, nulle part ailleurs, l'art roman n'a mieux maîtrisé ses techniques et son inspiration. Tout, dans ce haut lieu, est cohérence, simplicité, dépouillement et grandeur. A la sortie, un peu de temps est nécessaire pour revenir à la réalité des choses, peut-être en parcourant à pied l'esplanade et les remparts qui cernent la colline afin de contempler la lumière s'éteindre progressivement sur les reliefs environnants en se laissant pénétrer par le silence qui veille ainsi qu'un dieu bienfaiteur.

 


Basilique_de_Vezelay_Narthex_Tympan_central_220608.jpg   Vézelay

 

 

Le lendemain, nous nous rendons à Bazoches, qui n'est éloigné de Vézelay que d'une dizaine de kilomètres, château familial de Vauban où l'élégance n'a d'égale que l'harmonie. C'est à Bazoches que s'arrêtèrent Philippe-Auguste et Richard Coeur de Lion en partance pour Jérusalem. On les imagine soupant et dormant dans cette demeure qui jouit d'un panorama unique sur le Morvan. C'est en 1675 que le Maréchal de Vauban en fit l'acquisition grâce à une gratification que Louis XIV lui avait accordée à la suite du siège de Maestricht. Entre deux voyages, il appréciait de venir s'y reposer auprès de sa femme et de ses enfants, d'autant que la demeure à taille humaine, aux pièces claires et bien distribuées, offrait toutes les commodités. Aujourd'hui, elle est occupée par ses descendants qui l'entretiennent avec un soin jaloux et proposent, à qui le souhaite, de venir s'y marier ou d'organiser une fête.  C'est également dans ce château que Vauban élabora une partie de ses études et les plans de plus de 300 ouvrages et échafauda les méthodes d'attaque et de défense des fortifications et places fortes qui firent de lui le maître incontesté de l'architecture militaire. Enfin, c'est dans cette sobre et belle demeure qu'il composa et rédigea ses réflexions sur les sujets les plus divers que, non sans humour, il appelait "ses oisivetés". Il repose sous une simple dalle dans la modeste église du village auprès de sa femme morte peu de temps avant lui, de l'une de ses filles et d'une petite fille décédée en bas âge. Voilà le tracé de vie d'un des plus grands serviteurs de la France.

 


France--Bazoches-du-Morvan--Chateau--12eme-.jpg eglise-et-vaches.jpg

    Le château de Bazoches et le village

                                                      

 

Mais la Bourgogne n'est pas seulement admirable pour sa romanité, ses villes et villages, ses basiliques, monastères et habitations anciennes, elle l'est également pour ses voies d'eau qui la sillonnnent et l'imbibent d'une fraîche clarté. Réunir les fleuves fut une grande ambition ébauchée dès le XVIe siècle et que réalisera le XVIII ème en entreprenant des travaux gigantesques afin de favoriser le commerce fluvial. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui ont choisi la péniche ou le bateau habitable pour s'offrir une croisière et se laisser doucement porter au fil de l'eau et du temps. Rives ombragées, forêts de hêtres, chasse aux libellules et aux papillons, cueillette des champignons, passage des écluses, les minutes s'égrennent. Il y a celles de l'émerveillement, celles de la méditation dans un silence de cathéadrale que composent les ormes et les saules. Pour nous, ce ne sera que quelques balades à pied le long du rivage, puisque nous sommes descendus chez des amis qui restaurent un château médieval et ont ainsi privilégié l'intemporel à l'éphémère.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Château de Bazoches
Château de Bazoches

Château de Bazoches

Intérieur du château et portrait de Vauban
Intérieur du château et portrait de Vauban

Intérieur du château et portrait de Vauban

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26 août 2015 3 26 /08 /août /2015 09:19
Photos Erwann Barguillet
Photos Erwann Barguillet

Photos Erwann Barguillet

gazelle de Grant

gazelle de Grant

La grande famille des antilopes est l'une des plus diversifiée d'Afrique de l'Est, au Kenya comme en Tanzanie. Il y en a de toutes sortes : des légères, des audacieuses, des rustiques, des timorées, des inquiètes, des sveltes et des trapues. Les antilopes des plaines par exemple, comme les gazelles de Grant ou de Thomson, ont une robe fauve et un ventre blanc, des cornes en forme de lyre.

gazelles de Thomson et de Grantgazelles de Thomson et de Grant
gazelles de Thomson et de Grant

gazelles de Thomson et de Grant

dik-dik

dik-dik

 

Plus grande, l'antilope des roseaux se singularise par des cornes courbées vers l'avant comme des crochets. Dans la savane rameuse se plaisent les koudous qui portent de superbes cornes en spirales et des rayures sur le corps. On remarque aussi le généruk ou antilope-girafe au cou démesuré et au corps gracile. Citons également le bongo au pelage acajou barré de blanc et marqué au poitrail d'un large V de teinte plus claire et le dik-dik aux grandes oreilles.

antilope des roseauxantilope des roseaux

antilope des roseaux

koudou et gazelle de Thomson koudou et gazelle de Thomson

koudou et gazelle de Thomson

J'ai gardé pour la fin l'oryx, antilope fine et élégante, maquillée de blanc et de brun, avec une tête couronnée de cornes annelées. Lui aussi aime les broussailles, mais supporte les quasi déserts, car il a besoin de peu d'eau pour subsister. C'est un animal courageux qui n'hésite pas à se battre s'il est attaqué, combat qu'il perd souvent mais qu'il a néanmoins livré. Ainsi est-il arrivé à une mère oryx de s'attaquer à une portée de lionceaux pour obliger une lionne à lâcher son petit qu'elle tenait déjà dans sa gueule. Pour eux la vie est courte, le danger constant, il s'agit seulement de survivre dans un pays encombré de pièges et dangers. C'est pour cette raison que les animaux ont dû braver un environnement hostile et que le petit oryx, qui se tient debout dès sa naissance, est en mesure de suivre le troupeau d'adultes peu de jours après sa naissance. Comparées à un lionceau, que la lionne met des mois à éduquer, les gazelles, en général, font figure de surdouées ; habiles, souples et téméraires, filant comme le vent, adultes dès l'âge d'un an, elles sont prêtes à en découdre avec la terre entière et ne craignent nullement, en certains circonstances, à affronter les félins avec leurs cornes effilées et, parfois, certes rarement, à emporter la victoire et à sauver leur peau. Mâles et femelles usent d'une stratégie intelligente en fuyant en zigzag de manière à désarçonner leur poursuivant.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Arrêt sur images : au coeur du monde sauvage

 

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oryx

oryx

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24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 08:43
Photos exclusives de Erwann BARGUILLET prises en Tanzanie
Photos exclusives de Erwann BARGUILLET prises en Tanzanie

Photos exclusives de Erwann BARGUILLET prises en Tanzanie

C'était l'heure où les bêtes venaient boire à l'étang de Yangali, débouchant des sentiers dispersés parmi les épineux. Le ciel, sous l'effet d'une éruption, laissait fondre sur le paysage une coulée fluorescente, allumant des incendies dans les ramures et découpant, en un dessin ombré, la silhouette des reliefs. Une colonie d'éléphants avait choisi ce moment pour s'avancer en fil indienne, d'un pas lent, une femelle âgée ouvrant la marche en agitant sa trompe et en battant des oreilles, et les jeunes jamais très loin de leurs mères. Parfois, ils sont une quarantaine à entrer dans l'eau, à s'asperger dans un brouhaha incroyable qui n'effraie nullement les oiseaux. De quoi se nourrissent-ils ? De pas moins de deux à trois quintaux d'herbes, de feuillages, d'écorces et de racines. En permanence, ils défrichent la savane qui n'a nul besoin de jardinier pour la paysager.

 

Arrêt sur Images- Au coeur du monde sauvage
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Arrêt sur Images- Au coeur du monde sauvage
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Puis, arrivent en désordre les buffles, les zèbres, les gnous, les rhinocéros avec leur double corne et leurs quatre tonnes de chair et d'os et les nonchalantes girafes qui se plaisent à traîner autour des points d'eau et à grignoter, avec une indifférence incommensurable, épines et feuilles d'acacias de leur langue qui sort de leur bouche comme un long serpent bleu. Les lions viennent plus tard, après leur nuit de chasse et la grasse matinée qu'ils s'accordent, suivie d'une tout aussi longue sieste aux heures les plus chaudes. Ils préfèrent les crépuscules quand, au bord des étangs, sont terminés les embouteillages. A ce moment, il n'y a plus de mobile dans la savane, prête à s'enténébrer, que les singes, les hyènes et les chacals, tandis que se perçoivent, dans l'obscurité, des frémissements, des grondements, des craquements qui composent une rumeur continue et inquiétante.

Arrêt sur Images- Au coeur du monde sauvage
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Aucune mère ne l'est davantage que la lionne, aucune plus subtile dans sa manière de transmettre l'art de la chasse, la précision dans l'attaque, la bravoure dans le combat, la majesté dans l'attitude, l'autorité dans le comportement. Aucune plus courageuse pour protéger sa portée, plus vaillante face à l'adversité, mieux disposée à lutter jusqu'à la mort si l'un des siens est menacé. Montherlant a écrit à ce propose : "La lionne si le lion est tué attaque, tandis que le lion si la lionne est tuée s'enfuit." Tout est dit de ce qui sépare le mâle de la femelle.

Plus beau qu'elle avec sa crinière abondante, ses muscles puissants, ses dents et ses griffes redoutables, son rugissement que l'on entend jusqu'à sept kilomètres à la ronde, il ne se révèle pas moins paresseux, comptant sur les femelles du groupe pour assurer l'affût, l'approche, la poursuite, parfois la mise à mort, n'entrant le plus souvent en action que pour se prélever, avec une autorité impérieuse, sa part du lion. C'est un jouisseur imbu de ses privilèges et quelque peu flambeur. Gros dormeur et grand bâilleur devant l'Eternel, on le considère comme l'icône de la force et du courage, l'effigie de la puissance, alors qu'il serait plus juste de le prendre pour exemple de l'oisiveté...

Elle, effacée, plus petite, est cependant plus résistante, plus généreuse et active, chasseresse remarquable qui revient auprès des siens pour partager les agapes, prête à bondir, à foncer sur l'obstacle si nécessaire, jamais en repos, consciente jusqu'à l'anxiété de ses responsabilités. Merveilleux spectacle que ces joutes pleines de grâce auxquelles les mères se livrent avec leurs lionceaux, étonnantes scènes studieuses où la lionne apprend à sa portée à choisir sa proie, à la guetter, à affiner sa technique d'approche. Elle n'hésitera pas, d'un mouvement vif, à saisir le cou de son petit avec sa gueule, afin qu'il recommence, avec davantage de précision, le geste qui fera de lui un chasseur accompli. Les femelles ne se démobilisent  jamais et leur méthode d'enseignement paraît exemplaire. Les lionceaux rechignent mais finissent par obéir à ces mères exigeantes, jamais lasses de les éduquer.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE   ( extraits de mon récit :  "Les signes pourpres" )

 

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Arrêt sur Images- Au coeur du monde sauvage
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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 09:35
Trouville renoue avec son passé - Ouverture d'un complexe hôtel/cures marines
Trouville renoue avec son passé - Ouverture d'un complexe hôtel/cures marines

Trouville, qui avait été au XIXe siècle la reine des plages et, bien qu’ayant perdu de son éclat, restait néanmoins, à côté de sa luxueuse voisine Deauville, une plage familiale appréciée et un port plein de charme. Aujourd’hui, cette station balnéaire renoue avec le faste de son passé grâce à l’ouverture, en avril 2015, d’un hôtel 5 étoiles qui s’inscrit dans la continuité mythique de l’hôtel des Roches-Noires où séjournèrent des personnalités comme Marcel Proust et, plus tard, Marguerite Duras, d’un restaurant gastronomique et de cures marines prestigieuses.

 

 C’est le 1e juillet 1847 qu’avait eu lieu l’ouverture du Salon des bains sur un terrain ayant appartenu au docteur Olliffe, ce même docteur qui avait incité le frère de l’empereur, le duc de Morny, à s’intéresser aux étendues marécageuses qui se déployaient à perte de vue de l’autre côté de la Touques. Mais, pour lors, Deauville n’existait pas et Trouville brillait déjà de mille feux. La petite ville, découverte par le peintre Charles Mozin, qu’avaient séduit ses collines verdoyantes, ses pêcheurs sur la plage, ses barques dans la tempête, son estuaire au flux ou au jusant et, par-dessus tout, ses ciels qui varient de couleur et d’intensité à chaque heure, très vite suivi par Eugène Isabey, Paul Huet, Alexandre Descamps et Alexandre Dumas, oui, le petit port avait peu à peu pris le relais de Dieppe, lancé par la duchesse de Berry, et connaissait un essor grandissant. Aux aristocrates du début, qui bâtirent les premières grandes villas, ainsi la villa persane de la princesse de Sagan, celles de Monsieur de la Trémouille ou de la marquise de Montebello ou encore de Galliffet, s’ajoutaient bientôt la villa de Formeville, celle de Monsieur Leroy d’Etiolle, si bien que le modeste port de pêche s’était métamorphosé en quelques décennies en un lieu de villégiature recherché par des estivants tout autant épris de sport et de grand air que de confort et de mondanité.

 

En effet, c’est à Trouville, en 1891, que sera créée la Coupe de France  et, en 1906, les épreuves de régates dureront deux jours et seront remportées par une équipe allemande. Trouville aura également son vélodrome et, en 1893, le premier Paris-Trouville sera patronné par le Journal et ouvert aux vélopédistes comme aux tandémistes. Et, bientôt,  la construction du casino actuel, complété par une salle de spectacle que l’on aimerait voir rénovée  elle aussi, assurera sa renommée. Dans les rues montantes couronnant sa colline, sur la plage ou la jetée, on croisait Boudin, Courbet, Whistler, Monet, Corot, Bonnard, Charles Pecrus, Helleu, Dufy, Marquet, Dubourg pour ne citer que les plus connus. Davantage que le pittoresque, c’est la qualité de la lumière qui les fascinait, le duo subtil de l’eau et du ciel, les masses de couleurs distribuées par l’ocre des sables et les toilettes des femmes, les jeux d’ombres perpétrés par les parasols et les ombrelles qui deviendront emblématiques de l’impressionnisme. Tous essaieront de rendre sensible les vibrations de la lumière, les glacis fluides qui l’accompagnent et cet aspect porcelainé dont parlait Boudin.

 

Le train à voie étroite ramenait chaque été son lot de villégiaturistes. Les passagers descendaient enveloppés dans des pelisses, les femmes dissimulées sous des voilettes qui les protégeaient des escarbilles. Les calèches attendaient devant la gare inaugurée en 1863, trois ans après le pont de la Touques  et qui, dorénavant, reliait Trouville à Deauville, sa cadette. Cette cadette commençait d’ailleurs à s’émanciper et la période de 1910-1912 sera décisive pour les stations des deux bords de la Touques. Trouville n’était plus, alors, la seule à capter l’attention, il fallait compter avec Deauville. La lutte fut d’autant plus rude que s’y mêlèrent politique et rivalités de personnes. Ce fut entre autre la guerre des casinos. Mais, bientôt, la mise fut remportée par le magicien de la nuit Eugène Cornuché qui entraîna les initiés dans le somptueux établissement qu’il inaugurait à Deauville. Les trouvillais n’avaient plus que leurs larmes pour pleurer, d’autant que des nuages s’accumulaient à l’horizon et que le tocsin s’apprêtait à retentir dans toutes les églises de France. En l’été de 1914 éclatait la Première Guerre Mondiale.

 

En 1922, la guerre terminée, Cornuché, qui avait fait la gloire du casino de Deauville, reprenait pied à Trouville en même temps qu’un mécène, Fernand Moureaux, ambitionnait, quitte à en payer une partie de ses deniers, à redonner au petit port normand son caractère et son charme, tout en l’actualisant. Ainsi s’élèveront sur les quais rénovés et, d’après les plans de Maurice Vincent, la nouvelle poissonnerie avec criée et se réalisera la normandisation des maisons qui bordent la Touques. La guerre de 39/45 ne manquera pas,  à son tour, de laisser des cicatrices. Les allemands détruiront la jetée-promenade qui permettait l’accostage des bateaux à vapeur en provenance du Havre et une part du patrimoine immobilier sera également endommagée. Si bien que Fernand Moureaux, une fois encore, avancera sur ses fonds personnels les sommes nécessaires à la destruction des blockhaus et à la réhabilitation des bâtiments dont l’église Notre-Dame des Victoires qui avait perdu ses vitraux. Il ne faudra pas moins de douze années pour déminer et redonner à la cité balnéaire son cachet. Beaucoup de changements s’avèreront inévitables : les grands hôtels seront convertis en appartements, un complexe nautique remplacera les « bains bleus », mais la magnifique jetée-promenade ne verra pas aboutir le projet de sa reconstruction.

 

Quant aux cures marines, qui occupaient une partie du casino, et avaient été créées par le docteur Larivière en 1945, elles avaient été fermées dans les années 90 parce qu’elles ne correspondaient plus aux normes exigées. Or, elles ouvrent à nouveau en ce 16 avril 2015 avec une surface plus grande de 2500 m2 et sont les plus modernes d’Europe du groupe Accor. L’accès est direct avec l’hôtel 5 étoiles qui constitue avec elles un complexe de bien-être et de loisirs exceptionnel. C’est l’architecte Philippe Nuel qui a redonné son élégance de jadis à l’établissement, affligé depuis 20 ans d’un déclin inexorable. Doté de 103 chambres dont 16 suites, l’hôtel se plaît à jouer sur les variations autour des camaïeux de blanc et de gris, soulignés délicatement de bleu, en écho avec l’univers marin qui l’entoure. Au décor inspiré par les bains de mer de la Belle-Epoque s’ajoute une offre thalasso et spa exclusive qui ravira les amateurs de détente marine. D’ailleurs le directeur Emile Viciana ne se cache pas de réinventer le projet d’origine, celui des débuts de la Thalasso où le Tout-Paris se rendait à Trouville pour profiter de sa longue plage de sable et des bienfaits de la mer que l’on allait prendre en cabines roulantes. Si bien que, désormais, Trouville renoue avec son passé sans rien sacrifier de son présent puisque faisant de cet alliage un atout précieux.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Trouville, le havre des artistes

 

 

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31 janvier 2014 5 31 /01 /janvier /2014 09:30

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            Abbaye de Beauport

 


J'ai toujours pensé que partir c'était renaître un peu et chacun de mes voyages n'a fait que confirmer ma conviction qu'il n'y a rien de tel que de rompre les amarres pour se ressourcer, se restaurer intérieurement et s'ouvrir à de nouvelles perspectives. Ce lundi 2 juillet, mon mari et moi mettions le cap vers la Bretagne, très précisément sur Paimpol, où depuis que nous avions vu l'émission  "Les racines et des ailes" consacrée à la région, nous souhaitions la visiter au plus vite en nous fixant plusieurs jours dans un manoir/chambres d'hôtes non loin du port, à Kerbors. Ce lieu va se révéler des plus plaisants, d'une part parce que cette demeure du XVIIe siècle a été magnifiquement restaurée, d'autre part parce que les jardins, qui l'environnent, alternent harmonieusement pelouses, buissons de fleurs, arbres rares et pièce d'eau et sont en soi un pur enchantement. 

 

Une fois nos valises posées, dès le lendemain matin, nous partions à l'assaut de notre premier objectif : l'abbaye de Beauport sise en baie de Paimpol, face à l'archipel de Bréhat. Celle-ci est un témoignage étonnant de l'architecture religieuse en Bretagne. Son histoire remonte au XIIIe siècle où les chanoines de l'ordre de Prémonté vont modeler ce lieu jusqu'à la Révolution. Son nom de Beauport ou Bellus Portus dit bien son exceptionnelle dimension littorale. Elle fut ensuite un centre d'accueil des Pèlerins se rendant à Saint Jacques de Compostelle, puis un comptoir de commerce et d'économie maritime. Pendant trois siècles, les chanoines poursuivront les constructions et aménagements en duo avec les jardins de roses et d'agapanthes, les vergers de figuiers et de pommiers à cidre, ainsi que les prés salés et l'activité d'un port abrité. Construite sur une colline surplombant le magnifique paysage de la côte, le dénivelé fut habilement utilisé dans l'organisation des bâtiments ; le cloître, l'église et les pièces principales furent construites sur les hauteurs afin de bénéficier de la vue ; les pièces servantes, cellier et salles secondaires, érigées en-dessous, au niveau du jardin et des dépendances. De style gothique, l'abbaye est aujourd'hui en ruine mais des ruines d'une beauté intemporelle qui font corps avec son environnement, si bien que l'on imagine sans peine les volumes de jadis en visitant le cloître végétalisé ou l'église à ciel ouvert qui jouent l'un et l'autre avec la lumière et les somptueuses couleurs de la nature.

 

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 La borne km 0 pour Compostelle              La salle capitulaire

 

 

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 Le cloître dans son cadre bucolique

 

 

C'est en 1862, et suite aux démarches de Prosper Mérimée et à l'initiative du comte Ponïnski, que l'ensemble fut classé monument historique, après qu'il ait été longtemps propriété d'une famille qui n'avait plus les moyens de l'entretenir et ait subi les pillages et destructions qui faisaient suite à la Révolution. En 1992, le site a été acquis par le Conservatoire du littoral et d''importantes restaurations ont pu être effectuées en collaboration avec le Conseil général des Côtes d'Armor.

Un chemin mène au rivage qui offre au regard une série de criques, d'anses, de pointes, avec de superbes perspectives sur l'océan, côte du Goëlo qui invite à remonter les siècles jusqu'au temps d'Alain Barbe-Torte, qui guerroya contre les Normands en 917, ou à les descendre puisqu'en 39/45 elle abrita les aviateurs alliés acheminés clandestinement  d'ici vers la Grande-Bretagne. On décèle, depuis ce contre-bas, la puissance de l'abbaye qui avait juridiction sur treize paroisses et dont les bâtiments, disposés autour d'une cour intérieure, ont toujours grande allure, surtout vus de loin et dans son extraordinaire décor maritime.


 

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L'abbaye et son environnement maritime


 

A quelques kilomètres de là débute le sentier des Falaises, assez sportif car caillouteux, mais que les amoureux de la randonnée ne doivent pas manquer, car il serpente dans le silence de la lande parmi les fougères et les bruyères mauves en offrant des points de vue grandioses sur cette large échancrure côtière fermée au loin par le cap Fréhel avec, tout au long, des plates-formes parsemées d'écueils et découpées à souhait. Quant à Paimpol, la ville doit sa célébrité et sa réputation à son activité portuaire. Si, de nos jours, le vent de l'aventure ne gonfle plus les voiles des goélettes, ce chef-lieu de canton continue à jouer la carte maritime grâce à son bassin à flot et sa marina très fréquentée. Bien sûr, nous sommes loin des pécheurs d'Islande qui ont inspiré des écrivains comme Pierre Loti ou des compositeurs comme Théodore Botrel, dont le mérite a été d'ancrer dans la mémoire collective l'épopée des marins ferrant la morue à Terre-Neuve et aux abords de l'Islande. Une épopée, dont les chapelles, les sanctuaires présents partout, ont vocation à perpétrer. C'est pourquoi l'eau est si omniprésente dans la mythologie celtique. A toute époque, il semble que l'Armorique ait été vouée aux divinités de l'au-delà et aux âmes errantes, celles des marins disparus en mer. Les marais, les gorges où s'encaissent les rivières, les chaos de roches ne sont-ils pas, selon l'histoire et les légendes qui s'égarent sur la lande, les lieux fréquentés par ces âmes absentes ? Jamais, en pays breton, le souci de la destinée n'a laissé l'homme au repos. Il s'en inquiète constamment et cette inquiétude des heures dernières n'a point manqué de laisser son empreinte dans le moindre calvaire, le moindre enclos paroissial, la plus humble chapelle. Partout les éléments, la terre, la mer, le ciel forment avec l'ouvrage local de l'homme un territoire à part et, par conséquent, sacré.
 

 

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     Château de la Roche-Jagu

 

 

Notre dernière visite de la journée sera pour le manoir-forteresse de la Roche-Jagu situé dans l'une des boucles de la rivière du Trieux, dont les rives sont enveloppées de verdure. Il se dresse au sommet d'une falaise, austère et élégant, offrant une vue exceptionnelle sur la vallée et proposant aux visiteurs le charme de ses jardins. Il fut édifié au XVe siècle par Catherine de Troguindy à l'emplacement d'un ancien château-fort, ne conservant de l'ancien que la partie manoir, ce qui lui donne une allure plus légère malgré sa grande sobriété. La campagne alentour est superbe, lieu d'une intense agriculture avec, ici et là, les frondaisons d'un parc résidentiel et une végétation exubérante où que vous posiez le regard. Fourbus, nous sommes heureux au retour de retrouver notre chambre et table d'hôtes où le dîner, préparé avec les produits locaux, se révélera un régal.

 

 

 

Autre articles consacrés à la Bretagne :

 

Ile de Bréhat - la perle rose         

Houat ou la Bretagne insulaire         

Le cycle arthurien et la forêt de Brocéliande       

Le Golfe du Morbihan, terre de légende

 

 

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 09:15
La Normandie : éloge de ma province

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Pour être née à Paris et y avoir vécu, je me réjouis chaque matin, depuis plus de vingt ans, de m'éveiller dans ma jolie province et d'ouvrir mes volets sur un paysage de verdure et de mer. J'aime tout d'elle : sa campagne aux collines boisées et aux riches prairies, ses éperons rocheux surplombant des vallées encaissées, son bocage qui prend parfois des allures alpines, ses falaises abruptes et ses souples vallons. Terre  d'échange et de traditions à la géologie variée, elle figure une gigantesque mosaïque faite de pleins et de déliés. Plus à l'Est, on y voit des gorges profondes et âpres ; au Nord-Est, le pays d'Auge offre ses paysages tranquilles que le printemps vient colorer de parterres de fleurs et de gracieux pommiers, éden bucolique pour les randonneurs, alors qu'à l'approche de Caen, la plaine, qu'habille le bleu du lin et l'or du colza, s'étend à perte de vue et, qu'à la lisière Sud, le schiste et le granit s'imposent, affirmant le caractère pittoresque des villages et hameaux qui, loin des tumultes urbains, ont su conserver leur silencieuse modestie. Là s'égrènent les maisons anciennes blotties autour des rues étroites et les cours pavées ouvrant sur d'imposants manoirs.


Rappelons-nous que la Normandie est l'une des terres les mieux pourvues en monuments historiques malgré les dommages irréversibles que la guerre lui a fait subir. Pas moins de 900 édifices pour le seul département du Calvados : églises, calvaires, abbayes, châteaux et manoirs, villas balnéaires, hôtels particuliers et maisons de ville auxquels s'ajoute une centaine de monuments "dignes d'intérêt", trésors architecturaux hérités d'un passé que cette province a su entretenir et valoriser. Des joyaux qu'il n'est pas besoin de chercher pendant des heures. Ici un moulin, un ancien atelier, les vestiges d'une filature ou d'une tannerie ; là un lavoir, une laiterie ou une fromagerie restaurée, une vieille école, un colombier, un presbytère, une gare Second Empire, un viaduc ferroviaire ; le patrimoine industriel y côtoie le patrimoine rural ou maritime dans la plus parfaite harmonie.


L'esprit bâtisseur des ducs de Normandie a laissé son empreinte. Quantité de demeures fortifiées y ont été bâties à partir du XIe siècle pour parer au climat d'insécurité de l'époque  (déjà !). La fin du XVIe marquera un tournant architectural : la bourgeoisie d'alors s'installe à la campagne, les aristocrates mettent leurs demeures au goût du jour, ainsi naissent des châteaux de facture classique, rompant avec le style défensif médiéval. Qui dit patrimoine architectural suppose fatalement patrimoine artisanal issu d'un savoir-faire très ancien. Qui n'a jamais entendu parler  de la dentelle d'Alençon ? A son apogée au XVIIe, la dentelle au fuseau évoque l'âge d'or de ces compositions élevées au rang d'oeuvres d'art. Pays d'élevage également grâce à ses riches prairies, à ses verts pâturages, la Normandie est connue pour ses fromages et ses haras et chacun sait combien elle est une terre gourmande qui  réserve aux visiteurs d'excellentes tables d'hôtes.

 

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Mais si l'arrière-pays est d'une richesse incomparable, les charmes naturels du littoral ne sont pas en reste. De cette large façade ouverte sur la Manche, la mer rythme le quotidien de nombreux ports de pêche. Préservées de l'urbanisation, ces zones, peuplées d'une flore et d'une faune diversifiées, découvrent des plages infinies, dont les peintres ont aimé capter les jeux de lumière que ne cessent d'offrir les duos du sable et de l'eau, de l'eau et du ciel. Ainsi passent les saisons, toutes somptueuses selon moi. L'hiver et sa beauté graphique, ses tonalités comme saisies sur papier glacé, le printemps et son exubérance végétale qui fait de la nature la palette chromatique la plus extraordinaire qui soit, l'été et ses fastes et l'automne gagné par les feux qui embrasent les forêts, tout est enchantement pour l'oeil. Oui, la Normandie ressemble à un jardin façonné avec élégance qui viendrait s'incliner en plans successifs jusqu'à la mer,  lieu de mémoire et terre d'histoire, mais également domaine idéal pour le promeneur qui aime à s'attarder et n'a que l'embarras du choix entre chemin côtier et chemin creux.

 

Car l'histoire y a rédigé  des pages inoubliables et conçu des personnages de première grandeur, rappelons-nous Guillaume le Conquérant, la redoutable Aliénor d'Aquitaine ou Robert le Diable, la courageuse, l'intrépide Charlotte Corday, l'arrière-petite nièce de Corneille assassinant Marat dans sa baignoire, la pieuse Thérèse de Lisieux entrant au Carmel à peine sortie de l'enfance, événements et personnages qui ont fait de cette province l'un des plus remarquables foyers culturels et religieux de l'Occident. Riche des sanctuaires qui témoignent de sa foi, la Normandie plonge ses racines dans la profondeur des temps médiévaux avec ses abbayes de Jumièges, de Saint-Wandrille, du Bec-Hellouin, de Caen ou du Mont-Saint-Michel, de même qu'elle s'est toujours ouverte sur le vaste horizon de la mer avec ses ports du Havre, de Fécamp, de Dieppe, de Honfleur et de Cherbourg qui la virent commercer avec une grande partie du monde jusqu'à fonder un brillant royaume normand en Sicile. Et n'oublions pas les peintres et les écrivains qui l'immortalisèrent : les Boudin et Monet qui expérimentaient la peinture en plein air, l'incontournable Pierre Corneille, Jules Barbey d'Aurevilly, épris de légendes et de surnaturel, le Flaubert de "L'éducation sentimentale" et de "Madame Bovary" qui demeurent sans doute les meilleures introductions à la Normandie du XIXe siècle, sans oublier Guy de Maupassant qui a su, mieux que personne, décrire le monde des paysans cauchois ou celui de la bourgeoisie locale, Marcel Proust et Marguerite Duras qui se plaisaient à y séjourner et à évoquer les longues plages peuplées d'oiseaux marins ou les somptueux couchers de soleil sur la mer. Peu de régions françaises offrent une telle imagerie qui, au fil des ans, a su assurer à la Normandie semblable identité. Si cette province s'inscrit dans la mémoire de notre pays, elle conserve toute sa place dans la France d'aujourd'hui tant elle affirme la permanence de son destin et de sa culture dans l'intarissable filature du temps.

 

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honfleur-dans-le-calvados_248473.jpg   Honfleur - le port

 

 

 

Les merveilleux nuages et les lumières du soir à Trouville.
Les merveilleux nuages et les lumières du soir à Trouville.

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 10:32

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Semur, bâti sur un éperon de granit rose au-dessus de la rivière Armançon dans le département de la Côte d'Or, est une petite ville d'un charme fou, sise au coeur d'une campagne vallonnée. Elle mérite d'autant plus le détour qu'elle a toutes les chances d'être un coup de coeur pour le visiteur. Pour moi, il en fut ainsi, je l'ai aimée du premier coup d'oeil et je me plais à  revenir y flâner lorsque mes pas me ramènent vers cette province magnifique : la Bourgogne. Semur surgit soudain devant vous dans l'enceinte de ses remparts ainsi qu'une enluminure médiévale et telle qu'elle était au XIV et XVe siècles, l'une des plus puissantes cités fortifiées du duché. Epousant la boucle de l'Armançon, elle se love dans son méandre avec ses rues étroites, ses places, ses remparts gardés par des tours impressionnantes : celles de l'Orle d'or, de la Gehenne, de la Prison et de Margot qui semblent tenir la ville enlacée entre leurs mains puissantes.
 

 

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Une ancienne chronique assure que les Semurois sont des gens aimables qui " se plaisent fort en l'accointance des estrangers" et, il est vrai, que la ville se prête à l'affabilité avec ses maisons à pans de bois, ses vastes demeures classiques, ses anciens couvents - car la vie religieuse a profondément marqué la Bourgogne, terre d'églises et de monastères - ses hôtels de magistrats qui offrent au regard leurs porches ouvragés, leurs sculptures figuratives et leurs grilles altières. La marquise du Châtelet, tendre amie de Voltaire, épousa le gouverneur de Semur et habita l'une d'elles. Car Semur est le paradis de deux espèces singulières d'artistes - écrit Jean-Philippe Lecat - les connaisseurs de mobilier et de livres anciens et les cinéastes. Commissaire-priseur, galerie, antiquaire accueillent les premiers - poursuit-il - tandis que les artistes de l'image sont séduits en priorité par le décor. L'âme intacte d'une ville aussi étonnante ne peut manquer de fasciner. C'est ici qu'Yves Robert a tourné "Ni vu, ni connu". Le héros, campé par Louis de Funès, était un braconnier au grand coeur et les libations, auxquelles se livrait cette petite société, commençaient à perdre leur dignité à la cinquième prise. On le comprend  quand on sait combien le vin bourguignon est gouleyant. Il faut s'attarder à Semur, la cité le mérite. Ainsi l'église Notre-Dame frappe par la pureté de ses lignes, son admirable mise au tombeau dans la tradition burgundo-flamande qui se trouve dans le bas-côté gauche et la suite des Vitraux de métiers qui rappelle que les professions du Moyen-Age s'organisaient en confréries religieuses sous la protection d'un saint patron. Progressivement ces confréries devinrent des "métiers", assurant la formation professionnelle et le respect des règles de qualité. Les vitraux de Semur datent du XVe siècle, une époque conquérante et joyeuse et leur intérêt documentaire est d'autant plus remarquable qu'il évoque opportunément la vigueur de l'industrie urbaine dans la Bourgogne médiévale.

 


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L'Auxois était riche alors et, au cours des siècles, un équilibre intelligent fut maintenu qui s'appuyait essentiellement sur l'élevage, l'agriculture et un artisanat brillant et diversifié composé de forges et de tissages, tissage à partir de la laine des troupeaux de moutons des abbayes et des communautés rurales. Oui, Semur-en-Auxois continue de sourire,  penché au-dessus du miroir formé par l'Armançon, dans son parfait décor de haies vives et de prairies closes.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 08:04
Rocamadour, la roche enchantée

 

Accroché au flanc de la montagne, défiant les lois naturelles de l'équilibre, Rocamadour s'érige au-dessus d'un val ténébreux en plein coeur du Périgord, Périgord qui offre, depuis la nuit des temps, un environnement verdoyant et minéral et voit, de la grotte de Lascaux aux coupoles byzantines de Saint-Front, l'art sacré s'y déployer avec une rare magnificence. Lieu de pèlerinage, Rocamadour était considéré à l'époque médiévale comme l'un des quatre grands pèlerinages de la chrétienté avec Jérusalem, Rome et Saint-Jacques de Compostelle. Ainsi Notre-Dame de Rocamadour a-t-elle vu s'incliner devant elle de nombreuses têtes couronnées depuis Saint Louis qui vint ici l'implorer de combler la France de grâces. Mais pourquoi un tel succès dans ce désert de pierre à l'écart des grandes routes et pourquoi tant de passion pour une modeste vierge noire en bois de noyer ? La réponse est de l'ordre du mystère, c'est ainsi, le lieu possède sa propre magie, car ni source miraculeuse, ni apparition, ni relique n'expliquent ce phénomène, tout juste déterre-t-on en 1166 un corps bien conservé que l'on attribue d'emblée à saint Amadour.


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Parvenus à l'Hospitalet,  au pied de la roche, les pèlerins voyaient enfin le terme de leur long voyage. La littérature hagiographique est emplie de ces pèlerins perpétuels, de ces marcheurs infatigables qui cheminaient de sanctuaire en sanctuaire et peuplaient les routes de France à une époque - le Moyen-Age - qu'à tort on supposait volontiers statique. Ces hommes et femmes se déplaçaient le plus souvent en groupe, avec un guide, parfois une escorte armée s'ils en avaient les moyens. Ils suivaient des itinéraires connus, jalonnés de monastères et de couvents qui leur offraient l'hospitalité, car chacun d'eux s'exposait alors aux loups, aux brigands, aux épidémies, aux famines et aux risques météorologiques. Quant au franchissement des fleuves, ce n'était pas non plus une mince affaire. Il arrivait aussi que, dans les auberges, on vous détroussât, que l'on vous offrît du vin frelaté, des femmes louches, si bien  que certains récits relèvent  du conte exotique. 


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A Rocamadour, le rituel était de gravir à genoux le grand escalier qui mène à la statue de Notre-Dame et au parvis des chapelles inondé de lumière, d'où la vue panoramique est à elle seule une récompense. Car à genoux ou non, il faut bien gravir les marches et, partant de l'ombre épaisse d'en bas, avoir comme gratification cette lumière souvent dorée qui embrase le paysage d'en haut. De nos jours, Rocamadour entend renouer avec cette tradition millénaire de foi populaire. Le souhait de son prêtre est de donner à voir aux nombreux touristes profanes le sacré en acte. Ou, comme disait Ignace de Loyola, qui vint ici : "Mettre la créature en contact avec le Créateur". Ainsi a-t-on restauré les différents offices de la journée, les processions, les chemins de croix, afin de proposer à ceux qui le désirent une totale immersion dans l'univers religieux. Le temps semble suspendu sur cette roche enchantée qui défie les siècles et où Francis Poulenc a recouvré la foi. Avec lui, la musique sacrée est de retour sur l'orgue nouvellement restauré, dont le buffet présente un décor marin, témoignage de la dévotion des gens de la mer à la Vierge de Rocamadour. Aujourd'hui, comme hier, le lieu suscite toujours l'admiration et son rayonnement est tel que les historiens ont décelé sa trace un peu partout dans le monde. Entre ciel et terre, Rocamadour reste à jamais un cap, un promontoire serti comme un témoin précieux dans la longue épopée des hommes.
 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
 

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Rocamadour, la roche enchantée
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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 08:18

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Texte et photos d'Yves BARGUILLET

 

Dimanche 26 juillet 2009 :

 

Il y a longtemps que je rêvais de visiter ces îles et le grand jour est enfin arrivé : il est 10h lorsque nous appareillons ; le vent  est de secteur sud-sud -ouest,  force 5 à 6,  la mer agitée, le baromètre à 1009 -  nous filons à 7 nœuds de moyenne sous les grains et les vagues bien formées. Grand voile et 2 ris, creux de 2m5O à 3m, la seule compagnie que nous ayons est celle des pétrels qui tournent autour de notre mât. Puis de temps en temps, les majestueux et  fiers ganetts  ( fous de bassan )  plongent assez loin de notre navire n’y jetant qu’un regard discret.  La journée suit son cours, puis la nuit au rythme des quarts, cependant quelques trouées d’étoiles entre les nuages sombres qui gravitent dans le ciel, alternance de grains et de vent mais, par chance, le gros de la dépression est derrière nous. Michel et moi laissons la barre à 6h du matin, nous approchons des îles,  car les différents phares de l’archipel projettent  leur pinceau blanc et lumineux de tous côtés.

 

Ce lundi 27 juillet 2009 -

 

A 7h, Tresco est en vue, le jour s’est levé. Arrivés au mouillage, nous aurons parcouru en vingt et une  heure, 159 miles soit 7.57 nœuds de moyenne - divers rangements,  petit déjeuner copieux pour tout le monde,  le ciel se dégage maintenant, le soleil veut bien nous gratifier de sa présence entre les cumulus blancs tellement plus sympathiques que les  énormes  grains noirs et gris qui accompagnaient jusqu’alors notre route. Nous sommes ravis d’arriver à cette escale que nous apprécions après l’effort. Déjeuner, puis, vers 14h30, Pascal nous débarque avec l’annexe à la cale de vieux granit et, sacs au dos, nous allons explorer les sentiers et les landes. Toutes les sentes  offrent un panorama sublime sur les îles avoisinantes. Le ciel dégagé  fait ressortir le bleu émeraude de la mer et l’or des plages qui festonnent les échancrures rocheuses.  Michel, Benoît et Catherine m’accompagnent pour commencer la visite du magnifique et surprenant jardin exotique, où la végétation tropicale surprend, le passage du golf-stream y est pour quelque chose.  Après  la séance photo obligatoire, nous poursuivons notre promenade par les pistes  qui bordent les sables blancs tranchant avec le bleu turquoise de l’eau. Puis nous  grimpons vers la lande enluminée de bruyère mauve et d’ajoncs d’or, délimitée par des vallons souples et verdoyants où ondoient de vertes fougères. Nous visitons une église autour de laquelle un cimetière  nous offre  ses  tombes de granit  et la ciselure  des croix celtiques.  Passage à la tour Cromwell, puis nous redescendons vers le port  afin de regagner le Pub bien dissimulé  parmi les agapantes et les aloès du Mexique. Nous prenons une allée de fuchsias  géants qui déploient leurs jolies clochettes d’un rose délicat, un vrai enivrement de fleurs. Nous retrouvons Olivier et Pascal  pour nous désaltérer d’une bonne pinte de bière.  Puis à 2Oh3O, retour à bord pour une soirée amicale.

 

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Au réveil ce MARDI 28 juillet 2009 -

 

Nous levons l’ancre pour nous rendre à Sainte-Marys. Le ciel est redevenu gris, clapoteux, un  vent d’ouest qui ne nous assure guère d’une une baie abritée. En effet le mouillage est assez rouleur, mais bien amarré sur le coffre nous ferons avec. Nous déjeunons à bord puis à 14h30 Pascal nous débarque au quai en direction des douches. Showers, showers, doublement, puisque  les grains et averses  nous déversent du ciel une pluie pénétrante. Au retour, sur la digue, nous avons en face de nous le célèbre pub the mermaid. Catherine décide de partir se balader sous la pluie, le reste de l’équipe vient s’abriter au Pub pour avaler une bière en attendant l’éclaircie, qui n’arrive que vers 16h30. Nous décidons alors de prendre les chemins de lande au- dessus du village et de faire le tour de l’île. Malgré  la luminosité pâle car encore imprégnée de pluie, le paysage est grandiose, enlacé par les murailles de pierre qui longent cette côte aride, tandis qu’à chaque pointe avancée, sous les fortifications crénelées, s’épand  une pelouse tondue à l’anglaise  sur  laquelle les canons des siècles passés pointent encore leurs affûts vers le large,  comme des chiens de garde pour prévenir l’approche des rares vaisseaux qui osaient s’aventurer  dans les parages. Il fallait en effet avoir une sacrée soif d’aventure pour oser franchir ces courants violents, ces échancrures rocheuses et affronter les tempêtes impitoyables qui brisèrent tant de navires à une époque où la navigation et les cartes étaient encore imprécises. Nous rentrons au village vers I9 h, le bleu du ciel veut bien  colorer à nouveau la mer entre de gros cumulus blancs. Pascal nous a rejoints et l’équipage au complet  prend sa traditionnelle pinte au Mermaid. - dernière  soirée à bord  avant notre retour vers les côtes Françaises.

 

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Il est IOh ce MERCREDI 29 JUILLET  lorsque  nous contournons Ste Marys. Cap au 130° - pas de vent moteur, moteur - Lorsque nous prenons le quart avec Michel de 9h00 à 12h00, le ciel déverse son déluge sur 360°, nous sommes déjà au large, les voiles sont  déployées, peu à peu  les vagues sont plus étalées et il semble que cette pluie apaise la force du vent  pour un retour à force 4.5.- Nous rentrons nous changer, trempés jusqu’aux os et apprécions de casser une petite croûte bien au chaud, dans le carré. Catherine et Benoît nous relaient, dans l’après-midi les éclaircies reviennent par l’ouest pour nous offrir un soleil timide en fin de journée. La nuit voit revenir des trouées d’étoiles et l’air est moins vif. La douceur peu à peu fait place à l’humidité.

 

JEUDI 3O JUILLET 2OO9 -

 

Nous avons avalé des milles, le ciel est clair et dégagé, l’air nettement plus tiède, au petit matin nous approchons des Roches Douvres et voyons déjà les éclats blancs des phares de la côte bretonne.  La journée s’annonce belle, les trains de vagues sont plus longs et notre allure portante à la limite du vent arrière, nous voit tout au long de la journée  empanner pour nous retrouver sur la bonne route en direction de l’Ile Chausey, destination que nous avons choisie pour finir la soirée sur ce caillou qui nous est familier. A 18h, nous entrons dans le  calme du  s o u n d,  prise de coffre derrière un vieux gréement malouin d’où émane une bonne odeur de ratatouille, qui nous ouvre l’appétit - mais pour l’heure nous préférons mettre l’annexe à l’eau, direction de la cale, et visite de l’île pour quelques prises de vues à ne pas manquer. Chausey toujours égale à elle-même ; il semble ici que le temps se soit arrêté, l’on comprend  pourquoi le grand peintre de marine que fût Marin-Marie y posa souvent son chevalet et y ancra son voilier. Car il fut un excellent marin. Si le climat dans ces anglo-normandes est  capricieux et changeant, cela n’enlève en rien le charme indéfinissable de l’archipel où aucune île n’est semblable aux autres. Ici se mêlent douceur et âpreté, des lumières incomparables surplombant les méandres de roches et de courants violents.

Après  notre traditionnel  verre de l’amitié dans l’unique hôtel de l’île, nous regagnons le bord sur un lac tranquille aux teintes mordorées. Copieux repas et vers 22h, nous mettons au moteur le cap sur GRANVILLE,  guidés par le phare blanc du vieux port Normand.

 

Il est presque 01h00 du matin ce VENDREDI 31 JUILLET 2OO9  lorsque nous accostons au ponton du gaz-oïl faute de mieux car la marina est pleine comme un œuf et la place normalement réservée à ETACHON est occupée. Bien amarrés, demain sera un autre jour et tout le monde plonge dans les duvets pour cette ultime nuit à bord.

Il fait beau ce vendredi matin et, comme convenu, nous nous mettons au travail pour  briquer, astiquer, laver, nettoyer, ranger et faire en sorte que  notre unité soit belle et présentable. Sacs parés en rangés, à 12h30 avec Pascal et Marie tout l’équipage se rend au restaurant de l’embarcadère  où le patron nous a retenu une table sous les parasols  au soleil, afin de partager  amicalement  le dernier repas d’une croisière que tout le monde se plaît à dire réussie.

 Je dirais que c’est  en mer que l’on trouve l’énergie, c’est dans l’effort que l’on trouve la récompense que nous offrent ces îles que l’on aime.

Pour prendre connaissance de la première partie de cette croisière,  cliquer sur le lien ci-dessous :

 

 

Balade irlandaise


 

Et autres récits de croisière :
 

La première Manche

Les îles ou le rêve toujours recommencé

La Russie au fil de l'eau, de Moscou à Saint-Pétersbourg

Croisière en Croatie et au Monténégro

Lettre océane - les Antilles à la voile

Les Grenadines à la voile

 

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 08:24

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«Si le ciel vire ses voiles,

 Tu sauras que les navires partis au crépuscule,

 Ont ouvert des voies d’eau sur l’infini,

 Que les hommes voguent vers la haute mer,

 Qu’ils reposent au fond des cales,

 Sous des bâches,

 La tête pleine de chimères.

 Tu connaîtras l’angoisse, l’obsession,

 Quand tout se tord et se tend,

 Que tout s’exaspère

 Que les cordages lâchés se lovent sur les ponts.

 L’air saturé d’étoiles est un miroitement sans fin. »
 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  ( PROFIL de la NUIT)
                                                              

Sacré salon nautique ! Début décembre est le moment propice où s’élaborent les projets de la saison des croisières à venir. J’avais toujours en tête de découvrir l’Irlande que, les circonstances, les programmes, la durée ou la météo avaient contrarié à plusieurs reprises. Quand passant devant le stand « Cap- Anglo » se produit le déclic. Pascal, skipper à la gueule sympathique, me convainc de l’opportunité qu’offre, en juillet, la croisière qu’il organise vers ces destinations auxquelles j’aspirais. De plus sur un gib-sea  445, bateau dont la réputation n’est plus à faire.

Ce samedi 18 juillet, nous nous organisons, douches, petit déjeuner copieux à bord, à 1Oh Pascal nous rejoint au bateau, suit la livraison de l’avitaillement, il faut ranger la cambuse dans les différents coffres et équipés. Déjeuner sympathique dans le carré, puis l’après-midi regard sur la météo qui confirme par B.M.S sur la V.H.F. dépression sur Bretagne, Angleterre Irlande. Sympathique !

Lorsque nous nous glissons dans nos duvets, le vent souffle encore fort en rafales mais nous sommes venus pour en découdre avec Eol ou Poséidon au choix.
 

 

Dimanche 19 Juillet 2OO9

 

O6h branle bas, le réveil sonne, c’est le jour du départ. Le vent a bien viré Sud-Ouest, ce qui nous donne une allure plus confortable. Nous laissons CHAUSEY sur bâbord, voiles réglées, un ris dans la G.V et gênois avec quelques tours. Nous filons sur notre cap, la mer est négociable, la barre douce, en fin de matinée nous laissons JERSEY sur tribord. Puis, en fin d’après-midi, GUERNESEY nous salue.  Le vent est repassé ouest, mais la mer est bleue, 2O, 25 nœuds de vent régulier, le ciel s’éclaircit entre les nuages blancs qui s’évadent, nous prenons le rythme des quarts. La nuit tombant, les grains reviennent et les estomacs pas encore bien amarinés souffrent,  surtout que pour ne rien arranger, une fuite de gaz-oïl s’est répandue dans les fonds, sans que nous puissions en déceler l’origine. Malgré cet inconvénient, les équipes assurent le boulot. Bien que nous soyons mi-juillet, les dépressions se succèdent à cause de notre anti-cyclone des Açores qui a le mauvais goût de jouer au yo-yo. Lorsque je prends le quart de minuit à Oh30 avec Olivier, le ciel est étoilé, la mer s’est apaisée, nous apprécions. Il faut préciser que Pascal est hors de quart pour être disponible selon les circonstances de la nave, donc à cinq nous assurons les quarts de 3h. Au lever du jour, quart de O6h à O9h, nous apercevons nettement les côtes  anglaises et le phare de Salcombe qui éclaire les collines sombres de sa voisine Dartmouth. Il me revient les souvenirs de navigations antérieures ou avec  mon ami écossais  Don, sur son vieux gréement «  Onward of Ito »,  nous abordions de nuit  cette belle rivière riche en méandres. Le plaisir au petit matin de déguster  les breakfasts du légendaire capt’ain Morgan. Cette nuit, nous avons évité un cargo qui croisait notre route, abattant à courte distance pour le passer au cul, son ombre noire laissant filer un sillage aplati, le bruit des moteurs s’estompant peu à peu, il ne deviendra plus qu’une ombre fantomatique qui va s’évanouir dans la nuit. Nous croisons deux bateaux de pêche qui jouent à cache -cache avec nous, offrant tantôt  feu rouge, puis vert et blanc. Devant l’immense baie de Plymouth, les vents et courants nous ayant obligés à nous orienter à l’Est, il nous faut remonter  vers l’Ouest en direction de Lands-End.

 

 

Ce lundi matin 2O juillet 2009 -

 

Le cap est mis sur Lizard-Point, après avoir viré de bord à O6h4O devant Plymouth, nous avons accompli  I32 miles depuis le départ, nous atteignons le Cap Lizard à 17h3O par une journée de navigation calme, le vent à viré sud -ouest, l’allure vent de travers puis grand largue nous permet d’avoir le bateau bien équilibré et plus plat, le temps reste couvert et toujours menaçant. A minuit, nous croisons Long-Ship par le travers puis Lands’End pour  contourner les pointes rocheuses et nous engouffrer dans la mer celtique.

Au petit matin de ce mardi 21 Juillet, la mer devient plus nerveuse et s’enfle de grosses vagues, la dépression confirme les prévisions. A 2hI5 nous prenons un premier ris, vers 11h nous reprenons un force 6 puis 7 avec rafales à 8, aussi nous décidons de prendre un second ris - 38 à 40 nœuds de vent à l’anémo, les vagues  ourlent croisées et fortes, nous sommes proches du vent arrière, le G.P.S. nous affiche une position de 5O°.48’- 4 ‘’Nord et OO7°-17’-1 ‘’ W- La mer vire au gris ardoise, blanchit l’écume des vagues qui se succèdent par train de trois- la barre devient dure à manœuvrer afin d’anticiper la vague prochaine.

Secoués par notre arrière, c’est l’empannage redouté, la grande voile, heurtant les barres de flèche, se déchire, il nous faut affaler et ferler sur la baume dans ce roulis acrobatique et brutal sous les grains. Nous allons donc continuer sous gênois seul jusqu’en Irlande.et poursuivons ce mardi 22 juillet notre route en mer celtique vers Kinsale. Des grains énormes nous accompagnent toute la journée sous un ciel noir virant au gris sombre.

Émouvant moment de voir apparaître, par intermittence, dans une brume de pluie cette côte sauvage noire et déchiquetée, un mur lointain de collines sombres qui se dévoilent au gré des creux. Une impression d’intemporalité plane dans cette vapeur d’eau irisée, une beauté sauvage qui ne manque pas de gueule. Enfin dans l’intermittence de ce brouillard surgit le feu blanc d’alignement, le Cap au O° nous conduit dessus, puis la balise rouge nous indique le chenal d’entrée sur tribord. La mer s’est apaisée, tout devient plus clair, bientôt les lumières de la ville en étage sur ses collines intérieures et le petit port nous accueillent. Il est minuit lorsque tout l’équipage amarre "Etachon" contre un coursier endormi.

 

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Mercredi 22 juillet 2OO9 

 

Ouf ! grand soulagement pour tous, il ne reste plus qu’à éponger et assécher les fonds pour enfin respirer l’odeur des embruns et du goémon. A I7h, nous sommes dégagés de nos tâches, relaxe, dîner à bord dans une sympathique ambiance où tout le monde a retrouvé un bon coup de fourchette. Puis la bordée vers 21h suit son capt’ain  pour une virée à terre, visite du petit port oblige ; direction les jolis pubs colorés ou sans nul doute coulent les Guiness du cru. Nous sommes attirés par un flot de musique typiquement local. La nuit étant douce, les portes sont ouvertes sur les rues pavées et étroites. Nous nous retrouvons autour de ces sympathiques Irlandais, aimables et souriants, qui semblent apprécier la visite des équipages français.

Belle séquence d’immersion dans la langue de Shakespeare, mais il faut élever la voix car notre cow-boy chanteur du coin, dans sa musique country scandée par sa guitare, chauffe l’assistance et les octaves montent entre chaque morceau, surtout qu’il n’oublie pas à chaque pose de s’enfiler une pinte. L’air est doux au moment de regagner nos bannettes. Nous avons remarqué au port de pêche, tout à côté de la marina, quelques chalutiers  du Guilvinec.
 

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Jeudi 23 juillet 2009 

 

Au réveil nous apparaissent les vallonnements verdoyants que l’arrivée de nuit nous avaient représentés comme de sombres collines. Décor pittoresque qu’encadre le sinueux chenal opposé au port-village encastré lui-même et semblant encore endormi.

Nos voisins  écossais  ont déjà pris le large quand  à notre tour à 1Oh, nous appareillons pour une journée de navigation qui s’annonce souriante. Cap sur Glandore-Bay. Nous tirerons des bords le long de la côte, par un petit force 4 - ce qui nous permet d’apprécier  le charme de ces vallonnements tantôt arides et pelés, tantôt souriants, quand le soleil  laisse filtrer quelques rayons pour embellir les pentes vertes et jaunes entrecoupées de bruyères.

Les 42 miles seront avalés dans ce parcours presque régate en tirant de longs bords, sous un ciel bleu et une mer qui danse enfin au fond des golfs clairs ! Avec une visibilité à laquelle nous n’étions plus habitués. A 18h, nous entrons  dans le calme de cette baie magnifique aux reflets argentés, où le silence donne le change au clapot des vagues et au chuintement  du sillage. Nous venons nous amarrer sur un coffre. Annexe gonflée et mise à l’eau, direction le creux de la baie, au pied du village qui domine la rade - visite traditionnelle de l’unique Pub ou bières brunes et ambrées sont devenues notre apéritif quotidien. Chacun en profite pour prendre quelques  photos dans cette lumière du soir où se mêlent  les gris d’une eau tranquille et  le rouge orangé d’un soleil couchant qui joue à cache-cache avec les nuages. Il est 23h lorsque je referme mon journal sur la table à carte. Les copains sont déjà partis dans leurs rêves nocturnes.

 

Vendredi 24 juillet 2OO9

 

Une nouvelle journée de navigation s’annonce plus ensoleillée que la précédente, le moral est au beau fixe, force 3 à 4, aucun grain en vue dans un ciel enfin estival. Suivant le même scénario qu’hier, nous tirons des bords au près, laissons bientôt les stagues  roches noires et sinistres  dans notre sillage, quand vers 16h parait le mythique Fast-net  imposant sur sa forteresse de roches, vigie que semble être placée là  pour mettre en garde  les navigateurs d’Outre-Atlantique et leur rappeler que les côtes de ces parages  sont bien plus dangereuses que l’immense Océan. Tout l’équipage est à poste pour faire crépiter les numériques, photos obligent !  Les images en témoigneront dans l’album des souvenirs. A 17h3O nous embouquons la baie de  Cork-haven - le paysage défile en nous offrant sur tribord les collines festonnées de bruyères mauves et de fougères ; deux tours en pierres crénelées nous rappellent les tours génoises corses. La lumière argentée du soir,  nous permet de découvrir, au fond de ce fjord, un village lilliputien où quelques maisons blanches entourées de pelouses et d’hortensias s’égrainent au bord de l’eau calme. Nous trouvons un rare coffre libre, auprès d’un vieux routier de la région.

Direction la cale de granit, histoire de se dégourdir les jambes. Le vent de face lève un clapot et nous fait progresser avec des ruses des Sioux  pour ne pas mouiller les sacs. Des enfants se baignent dans une eau qui ne doit pas dépasser les 11-12°, les descendants des conquérants des Amériques ont encore la peau dure. Une effervescence règne dans ce village, car aujourd’hui c’est la grande régate qui réunit  les enfants du pays. La place du bourg voit une foule de têtes blondes et rousses s’animer autour des embarcations. Nous croisons une population aimable, calme et disciplinée, dans une ambiance amicale et bon enfant. Une épicerie minuscule trône sur la place du port, mais également quatre pubs ! Tradition oblige, bière payée, nous nous installons dehors sur les bancs rustiques, face  au mouillage d’où nous voyons ‘ Etachon’  se balancer sur son ancre.


 

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Samedi 25 juillet 

 

Nous profitons d’une accalmie, pour naviguer dans ces méandres de cailloux  qui bordent des îlots verdoyants. Nous longeons  Long-Island, puis cap sur Clear Island. Ce matin le plan d’eau est calme. Nous  louvoyons au moteur, vitesse 3,5 nœuds, ce qui donne une idée à Olivier, notre ami Suisse, qui  a très envie de nous procurer une pêche miraculeuse pour ce midi ; la ligne est mise en traîne, il espérait remplir un seau de frétillants sea-bass (bars), nous nous contenterons d’un  seul maquereau  qui avait sans doute l’intention de se suicider et en conclurons que ce n’était pas le jour de chance d’Olivier. Nous entrons dans la calme et étroite baie de cap Clear  pour un arrêt déjeuner ; nous apprécions  le côté sauvage et solitaire  du fond de la baie entouré de landes vertes, seules quelques maisons circonscrivent l’anse. Nous serons le seul bateau ancré dans ce lac tranquille.Vers 13h nous virons l’ancre au guindeau afin de pointer notre étrave vers  South Harbourg Inner, nous nous faufilons dans le méandre des collines rocheuses, mais le ciel se gâte, les cheveux d’ange, précédant la masse blanchâtre qui s’amoncèle par l’ouest, n’annoncent rien d’engageant. Les dépressions atlantiques suivent imperturbablement leur chemin, puisque l’anticyclone des Açores continue régulièrement à se dégonfler. D’ailleurs la VHF nous confirme un gale warning  pour la nuit. Nous mettons le cap sur Baltimor, port de pêche abrité. Lorsque nous entrons dans le chenal, le ciel nous promet des averses et des grains ; à 17h30 nous prenons un coffre et mouillons pour la nuit, abrités des collines. L’annexe mise à l’eau,  nous  nous  dirigeons vers le port de pêche et le meilleur accostage auprès de l’école de voile. Un petit tour au Sulivan, le pub typique du lieu, nous sommes le samedi soir, il est plein comme un œuf, surtout que l’on y fête les régates de la journée.  L’ambiance est amicale et bon enfant, mêlant régatiers, femmes et enfants. Ici, comme en Angleterre, chacun commande sa  consommation  au bar, paye sa pinte et  va s’installer autour des tables basses, banquettes ou tabourets ou bien sort sur le quai  et s’assoie sur les bancs rustiques pour deviser autour des longues tables massives, face à la mer. Une anecdote, qui ne manque pas de délicatesse et donne le ton de l’accueil réservé aux équipages français : un bateau et son équipage ont gagné la régate, ils portent un toast de victoire en ayant rempli dans la coupe un breuvage  indéfinissable  ou fleure des  effluves  de whisky ; un grand gaillard dépassant les 2 m de haut, avec des épaules qui ont du mal à s’encadrer dans la porte, vient  vers nous, tout en nous tendant la coupe et en disant : "  Pour vous les français, partagez notre victoire ! "- nous faisons ainsi circuler la coupe aux lèvres et trinquons  avec plaisir à leur santé. Il est à noter qu’ici les Normands - Guillaume le Conquérant n’a-t-il pas laissé un souvenir prestigieux ? -  et bien entendu  les Bretons,  très présents  sur ces côtes, restent  les cousins naturels  des  Celtes que sont les Irlandais, les Gallois et les Ecossais, avec lesquels nous partageons tant de traditions : musiques et fondement de la langue en particulier. D’Ouessant au Fast-Net, la ligne est continue et nous voyons flotter dans les criques d’Irlande, au vent des haubans, les hermines d’Anne de Bretagne. Nous rentrons pour dîner au bateau sous une pluie fine et pénétrante ; le temps est couvert et le vent commence à piauler  derrière les collines, mais nous serons bien à l’abri  pour préparer notre retour demain. 

 

Texte et photos d' YVES BARGUILLET

autres récits de croisières :

 

Les îles Scilly - croisière

La première Manche

Les îles ou le rêve toujours recommencé

La Russie au fil de l'eau, de Moscou à Saint-Pétersbourg

Croisière en Croatie et au Monténégro

Lettre océane - les Antilles à la voile

Les Grenadines à la voile

 

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