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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 08:49
Mont Saint-Michel - randonnée dans les sables

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Le Mont, je le connaissais bien sûr comme beaucoup d'entre vous, mais, bien qu'amoureuse des sables, je n'en avais encore jamais fait le tour à marée basse, quand la lumière se prend dans le filets des eaux stagnantes, les flaques laissées là par la mer retirée si loin et si absente qu'elle n'ait plus, à l'horizon, qu'une ligne fluide, à peine discernable. Randonnée organisée par un ami, nous avons arpenté, avec un guide et durant 4 heures, les alentours du Mont Saint-Michel jusqu'au rocher de Tombelaine immortalisé par la légende d'Hélène, qui se jeta dans le vide en apprenant la mort de son beau chevalier. Ici l'histoire s'est gravée dans la pierre et a été imaginée, rêvée, composée comme un grand poème épique dans ces étendues d'onde marine de 50.000 hectares qui sont comme un immense respir et communiquent à chaque voyageur ou pèlerin un indicible sentiment d'intemporalité. Il faut tenter d'imaginer qu'il y a 10.000 ans, l'homme courait après le mammouth dans ce qui devait ressembler à une toundra, mélange de mousse et de lichens. Pourquoi cette Merveille, qui défie les lois de la pesanteur et même du simple savoir-faire humain, s'est-elle érigée au milieu de cette baie sur une roche à l'accès périlleux, faisant fi de toutes les difficultés, lorsque l'on sait, qu'à l'époque, le Mont était encerclé par les eaux - et que celles-ci peuvent monter, à certains moments de l'année, à la vitesse d'un cheval au galop - mais notre guide a précisé pas d'un anglo-arabe, d'un percheron ! Nul doute que tous les éléments étaient réunis pour faire de cette édification  une bravade, comme il arrive à l'homme de les aimer, afin de se mesurer à l'impossible.

 

Partis à 13h15, nous étions une quinzaine pieds nus à nous engager sur l'étendue qui s'ouvre devant nos yeux d'un paysage habité par le ciel et tout d'or vêtu. Le premier kilomètre n'est pas facile car on commence par une zone de vase, la plus proche du Mont, extrêmement glissante, qui fait que chaque pas s'effectue à la limite du déséquilibre. Obligation d'avancer les bras un peu écartés pour assurer sa marche. Ensuite nous abordons un espace non seulement glissant mais mouvant, qui ondule curieusement à notre passage, si bien qu'il est conseillé de laisser une distance entre nous et d'avancer régulièrement comme le montagnard le fait lors d'une ascension, afin d'éviter l'enlisement, chose toujours possible, ce que notre guide va s'empresser de nous démontrer.  Il s'immobilise un instant et, aussitôt, s'enfonce jusqu'au haut des cuisses. Les appareils de photos crépitent. Pour s'en sortir, il lève d'abord une jambe, s'agenouille, lève l'autre, s'agenouille encore - nous sommes toujours à genoux ici, dit-il avec humour, au pied de Saint Michel - et parvient à s'arracher à la succion exercée par l'eau et le sable, mais il a tout de même prévu des cordes, au cas où ... La fin du trajet sera plus confortable, sauf pour la voûte plantaire mise à rude épreuve par le relief du sable bourrelé par les vagues, qui ne permet jamais au pied de reposer à plat, mais c'est si beau, la lumière y joue une symphonie si éblouissante, les oiseaux une partition si vaste, que les 4 heures de balade nous donnent l'illusion de nous être immergés dans un songe.

 

  
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En 708, Saint Aubert, anachorète comme de nombreux moines de l'époque, à la suite de plusieurs apparitions de l'archange Michel, décide de fonder un sanctuaire qui lui sera dédié. En 711 le roi Childebert III sera le premier pèlerin à venir y prier, très vite suivi par une foule recueillie en provenance de l'Europe entière. En l'an 1000, on compte entre 10 et 20.000 pèlerins par jour et le Mont Tombe est devenu  le lieu le plus fréquenté de l'Occident chrétien. Charlemagne va d'ailleurs mettre la France sous la protection de ce viril archange, capable d'en découdre avec l'ange du mal et d'en triompher. L'importance prise par le Mont incite les bénédictins à s'y installer pour assurer une permanence spirituelle. Ce sont eux qui introduisent les troupeaux de moutons qui  pâtureront allègrement dans les herbus, mais qui ne seront utilisés ni pour leur laine ( d'assez mauvaise qualité ), ni pour leur viande ( les moines n'en mangent pas ), mais pour la fine peau des agneaux qui servira à fabriquer les parchemins avec lesquels ils confectionneront  les admirables manuscrits calligraphiés et enluminés qui sont désormais conservés au musée d'Avranches. Ce musée recèle un trésor d'environ 70 ouvrages, s'échelonnant du Xe au XVe siècle.


Durant la guerre de Cent ans, les Anglais vont occuper la France, à l'exception du Mont qu'ils ne parviendront jamais à annexer. Bien qu'une forteresse ait été bâtie sur Tombelaine, dans l'attente de l'assaut décisif, il semble que l'archange Michel se soit révélé être un protecteur hors pair, car les anglais feront chou blanc devant ce rocher invincible. A la Révolution, tout changera, les bénédictins seront obligés manu militari d'abandonner leur abbaye qui deviendra une prison, jusqu'à ce qu'elle soit réhabilitée par Napoléon III qui, à l'évidence était un homme de goût, et remise en état, car elle était en ruine, par les élèves de Viollet-le-Duc. Cette restauration, sous la surveillance du maître, comprendra la réalisation de la flèche flamboyante - qui rappelle celle de Notre-Dame - surmontée de l'archange qui fut réalisée de 1890 à 1897 par Petitgrand, remplaçant la toiture à 4 pans de jadis.  Ces restaurations, admirablement conduites, eurent le mérite de raviver le souvenir du Mont et d'en refaire, non plus un lieu de pèlerinage, mais de tourisme avec, hélas ! le mercantilisme que cela suppose. Il est de nos jours le monument le plus visité après la tour Eiffel. Aussi est-il difficile de s'isoler un instant de la foule ( sauf en hiver et en semaine ) qui ne cesse d'y déambuler.

 

Mais sur les sables, vous ne croiserez que quelques promeneurs ou cavaliers. Vous serez assurés de n'y entendre que le sifflement du vent et le cri des oiseaux de mer, d'y marcher des heures en silence et d'y contempler le Mont sous tous ses angles, dans son éternelle beauté, ayant surmonté les outrages de l'histoire et du temps. Une petite communauté de la Fraternité de Jérusalem assure les offices et les retraites pour les quelques pèlerins d'aujourd'hui. Ils viennent au monastère ressourcer leur moral et leurs forces, y réapprendre le recueillement, la contemplation, la prière. De toutes parts, ils découvrent les sables à l'infini, les lignes du lointain horizon, ils voient la mer partir et revenir, le flot s'enrouler dans sa vague, la lumière s'y mirer doublement dans le ciel et les sables et la nuit former, autour du Mont, un grand châle de ténèbres. Voilà dressé pour la postérité ce que des hommes qui n'avaient alors, pour travailler la pierre, que leurs mains et leur foi, ont su réaliser ; voilà ce qu'ils nous ont légué à force d'humilité, de patience et de courage ; voilà, à l'égal des cathédrales, des abbayes, des forteresses, des châteaux, des cloîtres, l'oeuvre de leur esprit et de leur coeur qui, même réduite à l'état de ruine, sera belle à voir encore dans 5000 ans, parce que pétrie d'amour et de sagesse. Et nous, hommes et femmes du XXIe siècle, que laisserons-nous ?
 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

 

Autres articles concernant des sites exceptionnels assez proches de Paris :

 

La Vallée-aux-Loups - Chateaubriand botaniste

 

Trouville, le havre des artistes

 

La baie de Somme, royaume de la lumière et des oiseaux

 

 

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Mont Saint-Michel - randonnée dans les sables
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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 07:58
Croisière en Croatie et au Monténégro

 

Il y avait longtemps que je rêvais de faire en bateau la côte dalmate, ce littoral dentelé, escarpé et spectaculaire, qui se caractérise par ses 1185 îles au relief montagneux, séparées le plus souvent du continent que par d’étroits canaux. Une légende raconte que l’archipel des Kornati ne serait qu’une poignée de pierres que Dieu jeta dans la mer après avoir construit le monde. Et il est vrai que certaines d’entre elles ressemblent à des cailloux à fleur d’eau. Arrivés à Dubrovnik par avion, mon mari et moi embarquons le soir même sur « Le belle de l’Adriatique » après avoir suivi, depuis l’aéroport, une route en corniche époustouflante de beauté, nous jetant au visage une mer étincelante ponctuée d’îles aux rochers ocre et l’ancienne Raguse, vigie ceinturée de remparts que Lord Byron, à juste titre, qualifiait de « Perle de l’Adriatique ». On ne s’étonnerait nullement de voir apparaître, dans ce décor immobilisé dans le temps, les rames d’une trirème soulevées en cadence, portant sa cargaison d’amphores. Tout est paisible à cette heure du soir que le soleil déclinant pare d’un éclat indescriptible, au point que la main de l’homme et celle de la nature semblent avoir agi en une égale synergie pour parvenir à composer un paysage aussi attractif. Le résultat de cette union est l’un des coins les plus impressionnants et les plus magnifiques qu’il soit donné de contempler.

  

La fondation de la ville remonte à un passé lointain, presque légendaire, comme il convient à un lieu qui réunit toutes les qualités esthétiques, fondation qui correspondrait à la chute et destruction de la ville romaine d’Epidaure au VIIe siècle. Cette hypothèse serait confirmée par les fouilles archéologiques récentes. Dans les siècles de son âge d’or, Dubrovnik était une république typiquement aristocratique, dont le pouvoir était concentré entre les mains des nobles. C’est également une cité qui, tournée vers la mer, fut celle des navigateurs. Au XVIe siècle, ils étaient au nombre de 4000 et cinglaient vers les ports qui longent l’Adriatique et la Méditerranée, au service du commerce de minerai de plomb, d’argent, de sel et d’orfèvrerie produit dans les environs. C’est à cette époque qu’un tremblement de terre verra mourir plus de 5000 habitants et n’épargnera que les remparts. Si bien que la ville sera repensée et reconstruite mais, dès lors, l’ancienne Raguse ne retrouvera jamais complètement sa puissance passée. La Dalmatie sera annexée par Napoléon en 1806 ; puis l’empire Austro-Hongrois y étendra sa domination jusqu’en 1918, avant que la Croatie ne renaisse à elle-même après bien des conflits, des guerres et des épreuves en 1991.

 

Aujourd’hui se promener dans Dubrovnik est un pur bonheur*. Définie par ses remparts, sa physionomie repose sur un solide système de fortifications qui l’enserre entièrement et lui confère cette allure altière, cette harmonie et unité incomparables, comme le ferait un écrin pour une perle précieuse. Car l’intérieur de la ville en est une, avec ses ruelles étroites à l’ombre bienfaisante, ses places fleuries aux pavés lustrés, ses toits de tuile hérissés de clochers, ses portes architecturées qui s’ouvrent sur de belles cours, ses rues voûtées où il fait bon flâner afin de découvrir, au hasard des pas, des palais, des fontaines, des puits, de nombreuses églises et cloîtres dont la sérénité tranche avec l’agitation bon enfant de la ville. On s’attarde un long moment sur la Placa pour y admirer la statue de Roland (celui de la chanson), la colonnade du palais Sponza, le pittoresque des façades, dans une atmosphère où tout n’est que luxe et beauté. La pierre blanche, la finesse de l’architecture font des monuments de véritables joyaux, comme si une plénitude d’élégance s’était à jamais fixée ici.

 

Après cette journée consacrée à la visite de Dubrovnik, notre bateau largue les amarres en direction de Mljet sur une mer qui, au long des siècles, vit confluer les navires conquérants et marchands, tour à tour hellènes, romains, byzantins, vénitiens, turques, petit paradis encore sauvage où Ulysse aurait été prisonnier de la nymphe Calypso et où nous allons faire une randonnée romantique sous une voûte d’arbres aux essences multiples et parmi le vol des papillons, avant de sauter dans une barque qui nous mènera à un monastère bénédictin oublié sur un îlot. Les moines construisirent jadis, au beau milieu de ce lac qui mêle eau douce et eau salée, une église, merveille de l’architecture romane consacrée à la Vierge, et entourée d’un jardin avec des vues ravissantes sur le lac d’un bleu  de smalt, ombré par des pins d’Alep.

 

Revenus à bord, alors que nous déjeunons, « La belle de l’Adriatique » prend la direction de l’île de Korcula, l’une des plus célèbres de l’archipel, où nous amarrons au cœur de la plaisante cité fortifiée qui ouvre ses ruelles rectilignes aux promeneurs que nous sommes, ainsi que sa chapelle Notre-Dame des Neiges, son musée des icônes, sa cathédrale Saint-Marc et sa maison dite de Marco Polo, où la légende veut que le navigateur naquît au XIIIe siècle, ce qui s’avère peu probable. Avec ses 47 km de long sur 6 à 8 de large, Korcula est la sixième plus grande île de l’Adriatique, nichée entre collines verdoyantes et mer azurée. Le soir nous attend un spectacle inattendu : « la danse des épées », exécutée par des hommes qui perpétuent une coutume vieille de quatre siècles. On y raconte le conflit qui opposa les Chrétiens aux Turcs. La fiancée du roi chrétien ayant été enlevée par le roi maure, celui-ci, épaulé par ses fidèles guerriers, se livre à un combat sans merci au rythme des cornemuses qui s’achèvera par la libération de la fiancée et sa victoire sur le ravisseur.

 

Nous passerons la nuit en navigation pour nous réveiller le lendemain en plein Adriatique, dans un dédale d’îles qui forme un véritable labyrinthe maritime, paradis des amateurs de voile. Ils y naviguent avec plaisir dans ce semis de rocaille lâché sur la mer et cette succession de paysages envoûtants qui nous admirons nous-mêmes depuis le pont-soleil, jusqu’à notre arrivée à Sibenik que l’on atteint à la suite d’un étroit goulet. Ici les roches composent d’impressionnantes corniches, ne concédant que parcimonieusement de la place à la végétation, et plongeant en à pic dans les eaux vertes ou bleues aux transparences inouïes. Et nous voilà à Sibenik, ville fondée au Xe siècle, dont les abords industriels nous arrachent un moment aux visions de cette navigation somptueuse. Il faut prendre le temps de descendre à terre, d’emprunter le court trajet qui conduit jusqu’aux ruelles tortueuses et aux escaliers qui mènent à la citadelle, pour apprécier cette cité pétrie d’histoire. Son vrai trésor culturel n’est autre que la cathédrale Saint Jacques construite de 1431 à 1535 par des artisans italiens et dalmates en styles gothique et Renaissance. Sa beauté et son élégance lui ont valu d’être inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. A la sortie, sur le parvis, des chanteurs croates nous donnent une aubade a capela de leurs voix chaudes et profondes qui me rappellent celles des Corses ou des Basques.

 

Depuis Sibenik, nous nous rendons au parc national de Krka, où les traces les plus anciennes témoignent de la présence de l’homme dès le paléolithique. Le long de la rive droite de la Krka subsistent des restes d’un aqueduc romain. Un sentier de promenade permet d’atteindre les impressionnantes chutes où l’eau rebondit en cascades sur un dénivelé de 46 mètres, eaux tumultueuses et spectacle grandiose qui favorisent une faune et une flore originales. On ne compte pas moins de 860 espèces et sous-espèces de plantes, 18 de poissons, 222 d’oiseaux dont 18 différentes de chauves-souris. Il faut imaginer ces hautes collines rocailleuses qui se resserrent afin de composer un étroit défilé, où l’eau s’engouffre en un flot ininterrompu et bruyant, cela dans un décor idéalement champêtre.

 

A notre retour au bateau, en fin d’après-midi, alors que le soleil s’abaisse sur l’horizon, départ pour notre navigation de nuit jusqu’à Trogir que nous atteindrons en début de matinée. Aussitôt arrivés et l’ancre jetée, les chaloupes sont mises à l’eau pour nous déposer sur l’île occupée par une attachante cité médiévale classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco, tant elle recèle d’atouts avec ses maisons en pierre blanche, sa superbe cathédrale romane, joyau de l’art sacré croate, ses rues étroites enrichies de vieilles enseignes, de loggias à arcades, de porches moulurés, ses palais et son campanile d’inspiration vénitienne. Nous y musardons librement en une matinée chaude, appréciant l’ombre des rues, les échappées sur la mer, les quais du port le long desquels sont amarrés les bateaux dans une atmosphère d’un autre temps. Pendant que nous déjeunons, notre bateau effectue la distance de 26 km qui sépare Trogir de Split, où nous débarquons à 14h15 pour partir immédiatement avec notre guide, une jeune croate parlant un français impeccable, visiter la ville la plus grande de la Dalmatie avec ses 140.000 habitants et célèbre pour le palais que l’empereur Dioclétien y fit construire. Pendant dix ans, des légions d’architecte, des cohortes d’artistes et une multitude d’esclaves dessinèrent, taillèrent et ornèrent l’un des plus admirables édifices romains : un carré fortifié, type castrum, que Dioclétien entendait bâtir pour l’éternité, avec ses seize tours, ses quatre portes monumentales et ses murs de 25 mètres d’épaisseur. La pierre venait de l’île de Brac selon Pline l’Ancien, un calcaire ardent et dur, semblable à celui qui confère au rivage dalmate son austère beauté. L’ensemble pouvait abriter 2000 personnes et c’est là que Dioclétien, un simple soldat devenu empereur, avait choisi de finir ses jours après son abdication en 305 de notre ère. Se promener dans le vieux Split, c’est suivre le fil de deux mille ans d’histoire et se perdre dans un invraisemblable labyrinthe architectural, croiser des sphinx importés d’Egypte, s’asseoir au pied d’un campanile roman, parcourir les salles souterraines qui servaient d’entrepôts aux romains, admirer un péristyle, symbole parfait d’un heureux mariage de styles, et surtout entrer dans l’ancien mausolée octogonal de Dioclétien, transformé en église au VIIe siècle, la cathédrale saint Domnius, par une lourde porte à vantaux considérée comme l’un des plus belles de la sculpture médiévale et qu’animent 28 caissons relatant la vie de Jésus. L’ensemble est resté dans un état de conservation remarquable. Mais pour moi le clou de la journée sera le temple de Jupiter converti en baptistère. A l’extérieur le sphinx vient d’Egypte et à l’intérieur une belle statue en bronze de saint Jean-Baptiste est l’œuvre d’un sculpteur contemporain croate de grand talent : Ivan Mestrovic. Sur la côte dalmate, une centaine d’églises témoignent d’un relais désiré entre l’antiquité tardive et l’époque romane et du souci constant que la population a eu de témoigner de sa foi.

 

Le lendemain, arrivée tôt le matin à l’île de Hvar (prononcer Rouar), l’une des plus touristiques, volontiers considérée comme le St-Tropez croate. Heureusement les touristes ne sont pas encore nombreux. Il fait beau, nous allons pouvoir baguenauder à notre guise dans ce lieu ravissant tapissé de fleurs sauvages, de lavande, de romarin et de bruyère et dont les chemins de promenade, qui conduisent tous à la forteresse espagnole, sont bordés d’agaves et nous offrent de somptueux panoramas sur la mer et les îles voisines. Des Grecs, venus de Pharos, fondèrent ici la première colonie, suivis par les romains qui implantèrent la vigne et les Vénitiens qui en firent un arsenal et l’un des centres intellectuels de la Dalmatie. Comme le vent s’est levé, nous ne pourrons pas faire escale à l’île de Vis, si bien que notre bateau va maintenant, durant la nuit, franchir les 70 km qui nous séparent des Bouches de Kotor au Monténégro, somptueux fjord dans lequel nous entrons au petit matin à travers une succession de baies blotties entre les flancs massifs des montagnes, dont les vagues viennent baigner les rives assoupies dans le calme et la mélancolie. Comment décrire de tels paysages et les sommets environnants qui fondent sous les rayons du soleil, alors que la mer devient d’un outremer intense et que se détachent deux petites îles, celle de la Vierge des Rochers et celle de Saint-Georges posées comme deux perles sur l’eau paisible, avant d’accoster à la ville de Kotor d’une beauté romantique et pittoresque. La paix de la mer, dans ce décor tellurique, a quelque chose d’extraordinaire, tandis que la cité propose à nos regards enchantés la succession de ses églises catholiques et orthodoxes, sa tour de l’Horloge, sa cathédrale saint Tryphon, ses palais, ses places, ses cafés, ses fontaines publiques, symbole de la sérénité intarissable de Kotor, et que l’on surprend le pittoresque des lieux à de nombreux détails : reliefs, portails, blasons, statuettes. Le schéma urbain s’est formé de manière spontanée, sans plan, de sorte que le centre de la ville repose sur un tissu complexe de ruelles sinueuses et de places irrégulières mais toutes séduisantes, délimitées par des façades majestueuses et charmantes.

 

Notre voyage s’achève. Le bateau reprend l’itinéraire inverse à travers les Bouches dans une lumière adoucie qui met l’accent sur les reliefs et décline la mer sur tous les tons de bleu. Nous atteindrons Dubrovnik vers 23 heures, au moment où la sublime citadelle illuminée rayonne d’un éclat rubescent. Demain, à l’aube, ce sera le retour en France après une semaine de croisière au long d’un littoral  qui nous a permis de longer d’impressionnantes falaises, de découvrir d’étonnantes baies, d’aborder des îles qui s’étirent longues et étroites, parfois lunaires, mais le plus souvent couvertes de vignobles et d’une végétation exubérante de cyprès, de pins et de lauriers-roses typiquement méditerranéenne. La population de 4 millions et demie d’habitants est accueillante et nos guides ont toujours été à la hauteur et d’une gentillesse qu’il me faut souligner. L’histoire de ce beau pays peut se lire comme une longue marche vers une indépendance chèrement payée et, ce, au centre d’un damier de petits pays comme un trait d’union entre de nombreuses civilisations et cultures. Enfin reconnue en 1991, la Croatie est aujourd’hui une nation apaisée qui s’ouvre avec une volonté affirmée au tourisme.

 

DOVIDENJA & HVALA PUNO  (au revoir et merci)


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Photos Yves BARGUILLET

 

 

 

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8 mai 2013 3 08 /05 /mai /2013 08:01
La baie de Somme, royaume de la lumière et des oiseaux

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S'il vous prenez l'envie de changer d'horizon et de découvrir un lieu enchanteur, faites comme les oiseaux migrateurs, posez-vous un moment dans la Baie de Somme. Vous y découvrirez  une nature à l'état sauvage, parée de lumière, et offrant à votre oreille attentive la symphonie ininterrompue de ses chants d'oiseaux. La baie, paysage lunaire redéfini par la lumière, est livrée sans mesure aux noces fastueuses du sable et de l'eau. A marée basse, on peut surprendre, se séchant sur les dunes, quelques phoques veaux-marins dont la colonie ne cesse de grandir. Plus loin, on marche sur des galets à travers une zone où domine l'argousier qui, en automne, fournit des baies d'un bel orange vif. Les dunes arbusives abritent le lapin, le faisan et la bécasse recherchés par les chasseurs. Là, des oyats ont été plantés afin de stabiliser le sol, là-bas des sureaux, des églantiers, des troènes sauvages et des prunelliers. La pointe du Hourdel constitue la limite sud de la baie de Somme. Au fur et à mesure que l'on avance, on découvre des dépôts de galets en crochets successifs remontant vers le nord et protégeant la dune des assauts du vent et de la mer. Ces dépôts, nommés crochons, constituent un phénomène rare en France : la conquête de la terre sur la mer, quand partout ailleurs l'inverse se produit.

 

 

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De nombreuses espèces d'oiseaux ont adopté ce site. Les berges et l'îlot de la Gravière servent de reposoir pour les grands cormorans et pour le Tadorne de Belon, canard à tête noire avec un bec orné d'un tubercule rouge. Le littoral est un milieu rude pour la végétation qui doit s'adapter au sel, au sable, à la vase et au vent. Aussi la flore est-elle différente au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la mer. A ces paysages fondus dans l'or du sable où, à l'horizon, le ciel semble soudain se gonfler comme un ballon, on ne voit guère pousser que le chou marin et le gazon d'Olympe, alors que leur succèdent, plus loin, dans les mollières, la salicorne, la saladelle, l'euphorbe maritime et la roquette de mer et que les marais accueillent volontiers les aulnes, les saules, les pins noirs et les frênes.

 


Pour les géographes, la Baie de Somme est l'emboîtement de deux estuaires : celui de la Somme et celui de la Maye. La mer, en s'engouffrant dans les vallées de ces deux fleuves, a créé une immense étendue qui compose un ensemble de 7000 ha, dont  3000 appartiennent à la réserve naturelle ornithologique du Marquenterre. Cette réserve a pour triple objectif de sauvegarder des espaces importants pour les oiseaux, de veiller à la pérennité de la colonie de phoques et d'assurer la conservation des éléments les plus rares de la flore locale. Une visite d'une journée vous procurera d'inoubliables surprises et émotions. Pensez que sur 452 espèces d'oiseaux recensées en Europe, plus de 280 ont pu être observées au parc du Marquenterre. C'est le cas des Bécasseaux et Pluviers venus de Sibérie, des Bernaches nonettes descendus des terres arctiques ou des grands Echassiers migrant vers l'Afrique. Des oiseaux rares et menacés comme la Spatule blanche et l'élégante Avocette s'y reproduisent chaque année. Le parc, c'est également 27 espèces de mammifères ( renard, sanglier, chevreuil, biche, lièvre ), 32 de libellules, 200 de papillons nocturnes et plus de 265 variétés de plantes.

 

 

Au printemps, les petits échassiers, qui vivent entre vasières et mangroves, y font halte avant d'aller se reproduire en Sibérie. On ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de la magnifique Cigogne qui plane au-dessus du marais avant de regagner son nid, de l'Aigrette garzette si fine et délicate, du Vanneau huppé, de l'Huitrier-pie au bec orange et à l'oeil en fusion, du Héron gardeboeuf qui niche en haut des arbres comme la Cigogne, du Tournepierre, de la Barge à queue noire, du Chevalier gambette ou de la ravissante Avocette au long bec recourbé qui lui permet de sabrer l'eau et d'attraper plus aisément les vers et crustacés dont elle est friande. Afin de protéger ses oisons, elle fait parfois semblant d'être blessée. Boitillant, traînant l'aile, elle éloigne malignement le prédateur de sa couvée.

 


Au sommet de la dune, un panorama superbe nous attend. Dans les zones submergées, où une végétation de prés salés, dominée par le lilas de mer, se développe abondamment, on aperçoit des Bécassines, des Vanneaux, des Foulques, des Canards colverts, des Goélands argentés. Parmi ces oiseaux, il y a des sédentaires et des migrateurs. Certains d'entre eux, comme le coucou et le rossignol, vont passer l'hiver en Afrique ; d'autres, appelés migrateurs partiels, se contentent, comme les grives, de changer de région pour avoir plus chaud et trouver facilement de la nourriture. 

 


Afin de repérer un oiseau, mieux vaut se fier à son ouie qu'à sa vue. Leurs chants ont une fonction essentiellement territoriale. Les concerts sont à leur paroxysme d'intensité au printemps, pendant la période nuptiale. C'est alors qu'il est important d'exercer son oreille en même temps qu'aiguiser son oeil, de façon à profiter de ce spectacle total. Je vous le recommande. Ne ratez pas cette visite et cette immersion dans une nature belle et secrète. A deux heures de Paris, vous connaîtrez un dépaysement auquel vous ne vous attendiez pas. Tout est réuni pour combler vos attentes, enchanter vos sens et vous mettre en communion étroite avec l'harmonie la plus parfaite, la beauté la plus authentique.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

   

 

     SITE DU MARQUENTERRE  

 

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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 10:47
Houat ou la Bretagne insulaire

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" Dans tout rocher, il y a quelque chose d'informe qui s'efforce pour être vu. Un rocher n'est pas quelqu'un qui a été, c'est quelque chose qui va être ".

                                                                 Henri de Régnier

 

Depuis toujours les îles ont exercé sur moi un attrait irrésistible. Je ne plais à les imaginer, puis à les approcher, les découvrir, les parcourir, ensuite me les rappeler. J'en ai visitées beaucoup en Manche, en Atlantique, dans le Pacifique, en Méditerranée. Je les aimées toutes pour leur beauté, leur isolement, leur mystère et me suis laissée bien volontiers envoûter par leur charme. Aujourd'hui, je vous propose la visite de l'une d'entre elles, située entre Belle-île et le Golfe du Morbihan, non loin de sa jumelle Hoëdic. L'archipel d'Houat appartient au vaste quadrilatère marin qui comprend les presqu'îles de Quiberon, Rhuys et Guérande, quadrilatère que les géographes ont dénommé - par opposition à Mor Bihan - " Mor Braz ", celui-ci formant l'extrême limite sud de la terre bretonne. Dès l'approche, l'île d'Houat frappe par l'élégance de ses anses sableuses, son littoral découpé que baigne une eau couleur d'émeraude et par son aspect sauvage de grand rocher battu par les vents. Ici le paysage apparaît tel qu'il devait être aux premiers printemps celtiques. Ni clôture, ni murets, ni poteaux électriques, ni barrières, ni routes ; tout est resté comme au premier matin du monde et, une fois que l'on a tourné le dos au bourg, qui, pareil à un douar africain regroupe ses quelques maisons blanchies à la chaux autour de son lieu de prière, on emprunte le sentier de randonnée qui serpente au long de la falaise et permet  - si l'on dispose d'un peu de temps et que l'on est bon marcheur - de faire le tour complet de l'île en 4 ou 5 heures. A chaque tournant, le visiteur à tout loisir de s'émerveiller à la vue des paysages qui mêlent les arbrisseaux noueux, les tamaris, les immortelles jaunes ou encore l'avoine de jasmin, les oeillets de falaise et les oyats, aux lointains de mer qui se profilent dans une brume légèrement ouatée, soit l'île soeur d'Hoëdic, soit Belle-île, Groix ou la côte sauvage de Quiberon.

 

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Il fait beau en cette matinée de juin, alors que le bateau, qui assure le ravitaillement et le courrier depuis Locmariaquer - nous dépose à Port-Gildas. C'est en ce lieu gai et animé dès l'aube que se concentre l'activité de l'île. A Houat, on dit que la terre est aux femmes et la mer aux hommes. Les pêcheurs - car il n'y a pas d'autre activité masculine - alignent leurs embarcations en épi le long du môle, abandonnant aux plaisanciers le centre du bassin. Leur flottille rassemble une cinquantaine d'esquifs et ce sont une centaine d'hommes qui officient durant l'année pour piéger crustacés et poissons dont le bar et le congre. Quatre cents habitants demeurent sur l'île à l'année mais le chiffre double facilement au moment des vacances d'été, lorsque les inconditionnels de ces longues plages sauvages où viennent s'épuiser des vagues crêtées d'écume d'un bleu transparent, n'ayant rien à envier à celles des Antilles ou de l'océan indien - se joignent aux permanents afin de goûter à l'intimité authentique d'une nature épargnée par la modernité et le tourisme de masse. Noces somptueuses des eaux marines, du ciel et des roches, on ne sait où donner du regard face à la splendeur dépouillée et encore vierge de cette terre isolée au large de nos côtes qui, à l'époque mésolithique, formait une crête granitique avec Hoëdic, rattachées l'une et l'autre à la presqu'île de Quiberon et prolongeant ainsi le massif armoricain.
 

 

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Aujourd'hui une quinzaine de mille et des eaux peu profondes les séparent du littoral, mais ces eaux n'en sont pas moins dangereuses. Y abondent îlots et rochers et le vent y souffle continûment au point que le phare délimitant le passage porte bien son nom de Teignouse. Houat, dont l'histoire se confond avec celle d'Hoëdic, n'a cessé d'être menacée par les navigateurs Anglais et Espagnols qui croisaient dans les parages. Elle fut deux fois envahie par les Britanniques au 17e et 18 ème siècle et abrita, en 1795, deux mille officiers et soldats royalistes rescapés du débarquement de Quiberon - la position relativement distante de ces îles préservant les rencontres avec les émigrés de Londres. Appauvris par les invasions, les habitants connurent une extrême misère et ne subsistèrent que grâce au commerce de cabotage, à la production de fromages de chèvre et aux maigres récoltes de blé noir. Il n'était pas rare que l'on se contente pour repas d'un hareng posé sur un quignon de pain. De nos jours, les îliens vivent mieux grâce à la pêche, à l'agriculture et au tourisme, par chance encore discret - 32 ha de marais ont été acquis par le Conservatoire du littoral et sont ainsi définitivement protégés. Le long des ruelles, les pimpantes maisons du bourg se découvrent dans un repli du sol, abritées des ouragans avec leurs toits bas serrés les uns contre les autres comme pour " faire tête au vent" et cimentés pour mieux lui résister. Au sommet de la falaise, le cimetière marqué d'un lech et d'une croix de granite laisse découvrir le port et la presqu'île de Rhuys. Saint Gildas, figure marquante du monde celte était né en Ecosse en 493 et, après avoir accompli sa sainte mission en terre de Rhuys où il fonda la célèbre abbaye, mena une vie d'ermite dans l'île où il s'était retiré pour y finir ses jours. On peut très bien l'imaginer foulant la lande tapissée de genêts, d'armeries roses, d'immortelles et de liserons comme nous le faisons, et s'y abîmer dans la réflexion que des terres livrées à la vigueur des éléments ne peuvent manquer d'inspirer.
 

 

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Après la côte nord par laquelle nous avons amorcé notre tour de l'île et qui nous a promené par une sente boisée, piquetée de bosquets d'arbres dont les sombres éventails des pins maritimes vibrant mollement sous la brise, et sertie de criques comme autant de pierres de la plus belle eau - nous débouchons sur la lande ouest d'une âpreté grandiose qui, telle une proue de navire, projette sur l'horizon sa succession de roches sculptées par les vents et habitées par une quantité d'oiseaux marins : les cormorans huppés, les goélands bruns, les huîtriers-pies, les bernaches, les sternes, les tournepierres, les pétrels, les mouettes tridactyles, dont les cris rauques ou joyeux sont intensifiés par l'écho des grottes qui se creusent profondément dans les falaises rouges - qui flamboieront au couchant - et se découpent ainsi qu'une savante broderie. En contre-bas, l'admirable plage de Treach'er Venigued nous attire. Pas âme qui vive. Comment résister, alors que la chaleur s'intensifie, à plonger dans le remous des vagues, fraîches certes, mais ô combien stimulantes ! - tandis qu'autour des rocs l'eau fermente comme du lait avec un bruit d'orage. Houat est, par ailleurs, un paradis pour botanistes. Le nard de lys est son joyau. Cette espèce rarissime ne se rencontre qu'ici ou bien en Algarve (Portugal) et en Galilée, tandis que de nombreuses autres se côtoient comme le notait déjà en 1875 Alphonse Daudet dans ses " Souvenirs d'un homme de lettres". " Chemin faisant, nous remarquons la flore de l'île étonnante sur ce rocher battu des vents : les lys d'Houat, doubles et odorants comme les nôtres, de larges mauves, des rosiers rampants, de l'oeillet maritime dont le parfum léger et fin forme une harmonie de nature avec le chant grêle des alouettes grises dont l'île est remplie". J'y ajouterai le parfum entêtant des chèvrefeuilles qui courent à même la lande et des troènes qui forment des haies mousseuses comme l'écume d'une vague végétale.



La côte sud, contrairement à la côte nord, est davantage livrée au gigantesque espace et on l'imagine l'hiver prise dans le double remuement des nuages bas et des marées puissantes. Pour lors, notre alentour est serein et les nuages, qui nous accompagnent, ne sont que de pacifiques cumulus qui gonflent leurs joues comme des montgolfières. Nous terminons notre balade par la côte est et la superbe plage de Treach'er Goured qui entoure la pointe Tal er Hah et semble posée comme une couronne d'or sur ce que l'on pourrait considérer comme la tête de l'île, coulée de sable d'une surprenante ampleur où viennent mourir les jardins des plus riches demeures. Bien abritée des vents, elles est la plus fréquentée mais, si immense, que l'on peut s'y isoler à volonté. Au large croisent voiliers et vedettes qui se balancent paisibles sur ce miroir fragmenté de vert ardoise et de bleu azur. Un instant de détente pour délasser nos mollets fourbus et l'heure est venue de descendre au port et d'embarquer sur le bateau qui nous reconduira à Locmariaquer. Que de visions éblouissantes se bousculent dans nos esprits, alors que l'île s'éloigne et que nous apercevons, dans la douce lumière du soir, l'entrée du Golfe et l'harmonieuse parenthèse de ses côtes, journée ponctuée de flashs étincelants, tandis que l'on imagine l'île rendue à sa solitude insulaire et s'enveloppant lentement dans les brumes.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Photos Yves BARGUILLET

 

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 08:59
Revoir Venise
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On nous avait dit : partir à Venise en novembre, c'est prendre le risque d'avoir à subir " l'acqua alta" soit l'eau haute et se promener dans la Sérénissime avec des bottes d'égoutier ou encore la visiter sous la pluie et dans la brume. Eh bien, nous avons eu raison de céder à notre désir et de nous rendre à Venise, en dehors des invasions touristiques qui sévissent d'avril à octobre, dans une ambiance joyeuse, certes, mais moins encombrée et par un temps quasi estival, sans un nuage, ce qui nous a procuré l'agrément de marcher des heures sans fatigue et de déjeuner au bord du Grand Canal ou des innombrables " rii" ( petits canaux ) en compagnie des chats, des pigeons et des moineaux. Comment parler de cette ville, quand on sait que tout a été écrit et par des plumes savantes, allègres et poétiques, dont les noms suffiraient à former la plus grande académie littéraire du monde, mais chacun a sa Venise comme on a son Saint-Pétersbourg, son New-York, son Istambul ou son Paris, et pourquoi se priver du bonheur de se remémorer cette plongée dans la beauté, cette félicité qu'éprouve le piéton que nous redevenons, loin des voitures et de ses désagréments urbains, lorsque nous nous laissons égarer dans la cité lacustre enclose dans le rempart liquide de sa lagune, et que nous déambulons, tout à loisir, au hasard du réseau compliqué de ses ruelles ( calli ), des recoins ombreux de ses places ( campi ), au long de ses venelles tortueuses, ce qui permet d'en respirer l'odeur marine, de s'imprégner de ses couleurs chatoyantes, d'apprécier la floraison architecturale de ses palais, ses tapisseries de marbre, de pierre et de brique et d'y contempler l'enchantement persistant de ses lumières. Et cette lumière, Venise la doit en partie à l'air marin qui l'enveloppe et agit comme un prisme, en rehaussant les tonalités infinies et jouant de l'effusion solaire pour parer ses dômes et campaniles d'un vernis doré, et les façades de ses palazzi d'une brillance d'émaux. Oui, comment s'empêcher de parler de Venise ?

 


Si l'on peut à tout moment s'embarquer à bord d'une gondole ou d'un vaporetto, le voyage le plus dépaysant n'en reste pas moins celui que l'on accomplit dans l'histoire et la culture, tant celles-ci se sont inscrites dans la moindre de ses pierres, sous la plus modeste de ses voûtes, dans le ressaut de ses corniches et tant l'épopée de cette ville unique au monde remonte loin - vers l'an 421 - dit-on - lorsque les invasions poussèrent les habitants de la terre ferme à se réfugier dans les îles insalubres de la Lagune. L'une des premières à avoir été habitée se nomme Torcello, dont je vous parle dans l'article que j'ai consacré aux îles, du moins celles que j'ai eu l'opportunité de visiter. Pour l'instant, consacrons-nous à la Sérénissime qui captive tellement que l'on ne pense qu'à une seule chose, lorsque l'avion ou le train vous reconduit chez vous : revoir Venise !

 

Oui, cette histoire est frappée à l'angle du moindre fronton, sur la plus petite arcade, les voussures, galeries, ponts, arches, depuis le groupe mystérieux sur lequel on s'est longtemps interrogé et qui est formé par les quatre tétrarques de style égyptien-syrien du IVe siècle, ceux que la légende vénitienne nomme «Les quatre Maures" et qui, vraisemblablement, seraient l'empereur Dioclétien et trois autres chefs de la tétrarchie romaine. Ils sont de nos jours enchâssés dans le mur d'angle de la basilique Saint-Marc. La splendeur de Venise fut d'abord celle de ses doges, de son arsenal qui comptait 16.000 charpentiers et calfats au XVe siècle, de sa conquête des mers, de son génie du commerce et des affaires et de son gouvernement stable, constitué par un Grand Conseil que présidait un doge. Le doge était le personnage central de la république vénitienne. Sa fonction était essentiellement représentative. Vêtu de pourpre et d'hermine, portant sur la tête le «corno ducal", il incarnait la grandeur et la richesse de la ville. Les limites de son pouvoir n'en étaient pas moins fixées dès son élection, le doge s'engageant par serment à ne jamais outrepasser ses droits. A l'un d'eux qui eut cette tentation, la tête lui fut séparée du corps. Son élection procédait d'un cérémonial extrêmement compliqué, mêlant divers scrutins et tirages au sort, afin d'éviter les intrigues. Mais l'existence de ce haut magistrat n'était pas forcément enviable. Sa famille était tenue à l'écart de certaines dignités, lui-même ne pouvait sortir seul ou quitter Venise et devait renoncer à ses activités commerciales et lucratives.



Cent vingt doges se sont succédé de 697 à 1797, à la tête d'un gouvernement de onze cents ans qui força l'admiration de l'Europe. L'âge d'or du commerce, du XIIIe au XVIe siècles, lié à l'extraordinaire expansion territoriale de la République et à la puissance de sa marine, s'explique également par la solidité de sa monnaie. C'est la pratique du compte courant qui naît, de même que celle de la lettre de change. Cependant en 1797, le glas sonne pour la République de Venise déjà affaiblie par la concurrence maritime des autres pays d'Europe et par le commerce qui s'est intensifié avec les Amériques. Un jeune général, un certain Napoléon Bonaparte, âgé de 28 ans, à la tête de l'armée française, est allé bousculer les Autrichiens et les a poursuivis jusqu'en Italie, où il a investi Vérone. Le 12 mai 1797, Bonaparte exaspéré par l'attitude des Vénitiens qui agissent par guérillas sournoises, leur déclare la guerre et finalement Le Grand Conseil, qui a louvoyé longtemps et n'a pas d'unanimité, accepte l'abdication du Doge, la suspension du Sénat et du Conseil des Dix, remplacés en catastrophe par un gouvernement provisoire. Le 18 Octobre, Bonaparte signe le traité de Campoformio par lequel l'Autriche et la France se partagent ce qui reste de la Sérénissime. C'est ainsi que le "Quadrille des chevaux de Saint-Marc", qui a heureusement retrouvé sa place depuis lors, orna un moment l'arc-de-triomphe du Carrousel aux Tuileries. En 1806, Napoléon reprendra Venise aux Autrichiens et proclamera son beau-fils Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie ( 1805-1814). Après la chute du Premier Empire, Venise passera de nouveau entre les mains des Autrichiens, qui ne feront pas grand chose pour elle, avant d'être définitivement rattachée à l'Italie en 1866 à la suite d'un plébiscite. Désormais elle en partage le destin, ce qui lui a valu de nouvelles épreuves : bombardements entre 1915 et 1918, occupation nazie à la chute de Mussolini et, pour couronner le tout, des catastrophes naturelles : l'écroulement du campanile de Saint-Marc en 1902, les inondations de 1916 et de 1966, mais rien ne saurait l'abattre. Comme le phénix, elle renaît de ses cendres et a renforcé, dès 1893, son prestige culturel en créant la Biennale internationale de l'art contemporain et, plus récemment, en 1932, la Mostra qui se déroule chaque fin d'été au Lido.

 


De nos jours, Venise doit faire face à trois problèmes : l'exil de sa population dans une ville où l'immobilier est devenu très cher, la préservation de la cité et de sa lagune, ainsi que la restauration et la sauvegarde de ses monuments. Elle s'y emploie grâce aux ressources d'un tourisme de près de 2 millions de visiteurs par an et par les dons octroyés par quelques puissants mécènes. Mais cela suppose également des désagréments d'un autre ordre.

 

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Venise, née de l'onde et toujours en proie aux caprices des marées, dont la plus belle avenue est une voie d'eau, ce Canal Grande qui s'ouvre sur l'Adriatique et la Méditerranée, a vu se hisser et s'affaler les voiles de milliers de vaisseaux, ceux de la conquête d'abord, ceux du commerce ensuite, qui partaient chargés des bois du Trentin, du fer de Carinthie, des verres et cristaux de Murano, du cuivre et de l'argent de Bohême et de Slovaquie, et revenaient avec les cuirs de Chypre, les céréales de Crète, les parfums d'Arabie et les épices des Indes, que les marchands musulmans vendaient en Egypte. Que de caraques et de galères se sont croisées ici, à la pointe de la presqu'île de Dorsoduro occupée par la douane de mer ! Mais certains voyageurs ne se contentèrent pas de suivre ces itinéraires presque routiniers. Ainsi Marco Polo, qui a consigné le récit de ses expéditions lointaines dans le «Livre des merveilles" ( 1298 ), embarquera à l'âge de 15 ans et passera vingt-cinq années de sa vie en Asie, avant de se rendre en Chine, de traverser l'Anatolie,  le Pamir et le désert de Gobi, d'escorter une princesse mongole jusqu'en Perse et de regagner enfin sa ville natale. A sa suite, les Vénitiens choisiront un autre itinéraire par le Tigre, l'Euphrate et la mer Caspienne pour se rendre à leur tour en Chine avec laquelle ils commerceront.

 


Souvenons-nous que l'art de la régate est une invention vénitienne. Ce genre de divertissement permettait à la "Reine des mers" de maintenir en excellente forme des rameurs capables de servir à tous moments sur les galères militaires. De tous les bateaux civils, aucun n'est plus populaire que la gondole, qui a tant frappé l'imagination des visiteurs et demeure le symbole de la ville. Chateaubriand, surpris de leur couleur noire, crut, en apercevant pour la première fois des gondoles, qu'il assistait à quelque funéraille ! Et il est vrai qu'à Venise les morts sont conduits au cimetière de San Michelle par bateau. Théophile Gautier sera ravi par le spectacle des gondoles auxquelles il consacrera ces lignes : " La gondole est une production naturelle de Venise, un être ayant sa vie spéciale et locale, une espèce de poisson qui ne peut subsister que dans l'eau du canal. (...) La ville est une madrépore dont la gondole est le mollusque ". Quant à son origine, elle reste obscure. Peut-être existait-elle déjà dans les premiers temps de la Cité ? Nous savons avec certitude qu'elle voguait sur les canaux vénitiens au détour du XIe siècle.

 

 

Mais revenons à nos doges qui, à l'exception de trois ou quatre d'entre eux, n'ont pas laissé dans l'histoire de leur ville un souvenir impérissable, sinon celui de bons gestionnaires, leur pouvoir restreint ne leur octroyant que la charge de veiller au bon fonctionnement de la Sérénissime, d'assurer une permanence et de faire respecter les lois que promouvait un gouvernement oligarchique très moderne de par ses structures souples et son esprit collégial. Non, en dehors de Enrico Dandolo qui contribua à la chute de Constantinople alors qu'il avait près de 90 ans, de Sebastiano Venier, vainqueur à Lépante en 1571 ou de Francesco Morosini qui reconquit la Morée ( Péloponnèse ) en 1694, leurs portraits s'alignent dans l'une des salles du palais sans nous évoquer de flamboyantes épopées. Au final, ce sont les artistes qui ont marqué la ville de leur empreinte persistante et non les détenteurs du pouvoir ou les grands marchands, dont ces 200 familles qui contribuèrent à sa fabuleuse richesse. Mais cette richesse aura eu le mérite d'être bien employée et de permettre à des artistes incomparables de donner leur mesure. Oui, la Venise que l'on admire aujourd'hui, dans laquelle on se plaît à flâner, qui a résisté aux outrages du temps et, parfois, à l'inconséquence des héritiers, est bien la Venise de Palladio, Sansovino, Tiepolo, Véronèse, Carpaccio, Tintoret, Lombardo père et fils, Coducci, le Titien, Bellini, da Ponte, Scamozzi, Longherra, Benoni, Longhi, Canaletto, Guardi, Falcone, Fumiani, Sardi, Tremignon, Rossi, Massari, Boschetti, Veneziano, Bassano, Ricci ou Canova. Ce sont eux qui ont édifié les palais, les ponts, les demeures patriciennes, les basiliques, les campaniles, les loggias, les galeries, les innombrables églises, ont réalisé les fresques, les mosaïques, les pavages, les statues, les plafonds peints, les sculptures, les ferronneries, eux qui surent allier les styles, le byzantin, le gothique fleuri, le néo-classique, le baroque, et faire de leur ville une patrie des arts et un hymne à la beauté. Ici les chefs-d'oeuvre prolifèrent comme si le génie avait été contagieux et du palais des doges à la plus humble chapelle ne cessent de solliciter notre regard.

 

 

La ville, dans sa complexité urbaine, compte six quartiers, tous différents les uns des autres, organisés autour de son Grand Canal, merveilleuse artère, limpide ou sombre selon l'humeur du ciel et des saisons. En effet, rien de comparable entre l'animation populaire de la via Garibaldi à Castelo, le fourmillement commerçant du Rialto ou la douceur de vivre qui émane de certains coins du Dorsoduro. Et aucune similitude entre les abords du Grand Canal et ses luxueuses demeures et le calme presque villageois du nord de Cannaregio. Ville dont les limites sont définitivement fixée, elle se morcelle en une infinité d'îlots reliés par plus de 400 ponts à degrés, ce qui la sauvera de la transformation brutale dont tant d'autres villes eurent à souffrir. Si bien que les Vénitiens d'aujourd'hui ont, à peu de choses près, les mêmes modes d'existence que leurs ancêtres et, ce, dans un décor intemporel. L'absence de véhicules à roues permet aux piétons de vivre leur existence de piéton en toute quiétude et de circuler sans danger, ni contrainte, se laissant gagner par l'harmonieux silence où ne se perçoivent que les voix, l'écho des pas, les chansons, le roucoulement des pigeons et les cloches qui sonnent les heures. Menant la vie normale de l'agora et des forums, ce piéton  conserve les privilèges de l'être humain à son meilleur stade de civilisation. A vivre ainsi au contact de la beauté ne retrouve-t-il pas naturellement sa bienveillance et son urbanité, celles même des Vénitiens toujours bien disposés à vous indiquer votre chemin lorsque vous vous égarez dans le bienheureux labyrinthe des calli.

 

 

Dans cette plénitude de beauté que nous devons à nos ancêtres, je n'ai déploré que deux fausses notes, dues à ces désagrément d'un autre ordre dont je vous parlais plus haut, soit  la présence de plus en plus encombrante des marchands du temple et les graffitis qui viennent jeter sur les perfections d'antan les stigmates désolants de notre décadence.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Venise et les îles de la lagune

 

Le carnaval de Venise

 

Venise et les écrivains

 

Proust et Venise 

 

La République de Venise pourrait-elle encore servir d'exemple ?  

 

 

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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 09:48
Trouville, le havre des artistes

 trouville plage (WinCE)

 

Trouville, contrairement à Deauville, a eu l’avantage d’être découverte, non par des financiers et des promoteurs, mais par des artistes. En ce coin privilégié du littoral, ils se sont toujours sentis chez eux ; ce, depuis le temps où la mère Ozerais accueillait Alexandre Dumas. A sa suite, d’autres artistes s’y sont installés, y ont résidé, peint, écrit, tourné des films, photographié, construit. Autre avantage, qui n’est pas l’un des moindres, Trouville a su grandir sans se défigurer. Cela grâce aux personnalités éclairées qui se sont succédées pour lui donner le visage qu’elle a aujourd’hui : Couyère l’artisan des premiers travaux d’infrastructure, le comte d’Hautpoul, le baron Clary et, à partir de 1935, le bienfaiteur de la ville, dont le quai porte le nom, Fernand Moureaux. Quant au nom de Trouville, d’où provient-il ? Sans doute d’un toponyme hybride, mi-roman, mi-scandinave. Le trou ou Thörulfr dériverait du nom du possesseur du lieu,  à l’origine un Viking prénommé Turold, l’un de ces nombreux et fameux navigateurs qui descendirent des brumes de Norvège ou du Danemark à bord de leurs drakkars et surent faire souche en épousant des jeunes filles du cru, nous donnant l’exemple d’une assimilation parfaitement réussie.

 

A une heure du matin, le samedi 4 janvier 1549, le sire de Gouberville quitta Honfleur avec chevaux et valet. Il partait en pleine nuit pour «avoir la grève », c’est-à-dire profiter de la marée basse pour atteindre Trouville au passage de la Touques. Dans l’ombre nocturne, les cavaliers avaient à éviter les moulières et roches noires, mais le chemin était plus aisé, plus court que les mauvaises routes de l’époque. Il s’agit bien de Trouville où le bac et ses passeurs étaient utilisés lorsque l’heure tardive et le flot, grossi par la marée montante, incitaient à la prudence. Mais le jour, on n’était point contraint à cela. Les cavaliers passaient la rivière à gué et les piétons utilisaient la barque de traversée. A marée haute, un bateau passager de plus grande taille embarquait les uns et les autres.

 

Aux alentours de 1600, Trouville était déjà un havre, c’est-à-dire un abri, un refuge pour les navires. En 1599, Robert Esnault d’Hennequeville arme un bâtiment pour aller s’approvisionner en sel jusqu’aux rivages de Galice et il n’est pas rare que d’autres armateurs envisagent des courses jusqu’en Ecosse, au Portugal, au Pays-Bas et à Terre-Neuve. A Trouville, en ces temps anciens, on pouvait être à la fois cultivateur, propriétaire de saline, maître et bourgeois de navire. Au XIXe siècle, Flaubert parlera d’une falaise surplombant des bateaux. Avant d’être reine des plages, Trouville fut d’abord et avant tout …un port. Quand la population commença de s’accroître à la fin de l’ancien régime, le village initial, aux masures couvertes de chaume, était devenu trop étroit au pied du vallon de Callenville. Désormais les demeures ne cesseront plus de gagner sur la dune et d’occuper les étendues sableuses de la péninsule de la Cahotte. C’est ainsi qu’un certain Pierre Grégoire Ozerais fait l’acquisition d’une portion de terrain en herbe le 17 mai 1783 pour y construire une maison, qui deviendra peu de temps après l’auberge du Bras d’or, tandis que la bourgade de pêcheurs poursuit tranquillement son développement. La construction navale prospère et le quai ne sert plus seulement à l’accostage des barques de pêche, mais au déchargement des navires marchands.


Mais voilà que par une journée de l’été 1825 arrive d’Honfleur, à marée basse, par le chemin de grève, un peintre de 19 ans qui va poser son chevalet et planter son parasol sur les bords de la Touques. Il s’appelle Charles Mozin et il est tellement séduit par le paysage qu’il décide de résider là un moment et prend pension à l’auberge du Bras d’or. Bien que celle-ci ne soit pas particulièrement confortable, le lieu l’enchante et le jeune peintre ne se lasse pas de dessiner Trouville sous toutes ses facettes : ses collines verdoyantes, ses pêcheuses sur la plage, ses barques dans la tempête, son estuaire au flux ou au jusant et, par-dessus tout, les ciels qui varient de couleur et d’intensité à chaque heure. Mozin vient de lancer Trouville sans le savoir. Il est bientôt rejoint chez la mère Ozerais par Eugène Isabey, Paul Huet, Alexandre Decamps et Alexandre Dumas. Si bien que le monde élégant n’a plus qu’à suivre, après qu’il y ait été encouragé par les descriptions de Dumas et les toiles de Mozin.

Une des premières personnalités à acquérir une demeure sera la comtesse de Boigne, célèbre mémorialiste, qui achète en mars 1850 quarante ares d’une propriété qui faisait autrefois partie du presbytère de l’église Saint Jean-Baptiste, acquise par un cultivateur lors de la vente des biens du clergé. Elle et son ami le duc Pasquier, ancien conseiller d’état et préfet de police de Paris, membre de l’Académie française, seront les personnalités influentes qui contribueront à la prospérité de la région.

 

Le 1er juillet 1847 a lieu l’ouverture du nouveau Salon des bains de mer sur un terrain ayant appartenu au docteur Olliffe, ce même docteur qui avait incité le frère de l’empereur, le duc de Morny, à s’intéresser aux étendues marécageuses qui se déployaient à perte de vue de l’autre côté de la Touques… Mais pour lors, Deauville n’existe pas et Trouville brille déjà de tous ses feux. Les bains de mer sont à la mode,  la petite ville ayant pris le relais de Dieppe lancé par la duchesse de Berry. En 1845, le comte d’Hautpoul est élu maire. Il est le fils du général d’Hautpoul, tué à la bataille d’Eylau et de la princesse de Wagram, fille du maréchal Berthier. C’est lui qui  va marquer le paysage architectural de la ville, alors que son épouse s’emploiera à des tâches charitables. Tandis que le comte termine les travaux de l’église Notre-Dame des Victoires, offrant sur sa cassette personnelle le maître-autel, l’une des cloches et la décoration picturale, la comtesse Caroline inaugure des orphelinats et des maisons ouvrières. A ce moment, Trouville a doublé sa population qui s’élève au respectable chiffre de 3.504 habitants. Aux aristocrates du début, qui ont bâti les premières grandes villas, ainsi la villa persane de la princesse de Sagan, celles de Monsieur de la Trémouille ou de la marquise de Montebello ou encore de Gallifet, s’ajouteront, à partir de 1860, la villa de Formeville, celle du docteur Olliffe, voisine de la villa de Monsieur Leroy d’Etiolle, tant et si bien que le modeste petit port est devenu un lieu de villégiature recherché par des estivants tout autant épris de sport et de grand air que de confort et de mondanités.

 

Les activités sportives constituent, en effet, un élément majeur de la vie balnéaire qui se doit d’être une fête permanente. Aux bains de mer, appréciés pour leurs vertus thérapeutiques et aux courses de chevaux pratiquées dans une région qui a la réputation d’être le paradis de ce noble animal, s’ajoute la plaisance qui séduit une clientèle de plus en plus large. C’est à Trouville qu’est créée la Coupe de France en 1891 et en 1906 les épreuves de régates dureront deux jours et seront remportées par une équipe allemande. Trouville aura aussi son vélodrome et, en 1893, le premier Paris-Trouville sera patronné par le Journal et ouvert aux vélopédistes comme aux tandémistes. Comment s’ennuyer à Trouville dont la municipalité met sur pied une fête des fleurs avec un défilé de 300 voitures, des tournois de lutte, un championnat international de catch ? Enfin il y a le casino qui a été complété par une salle de spectacle, si bien que cette fin du XIXe voit la cité au faîte de sa renommée.

 

C’est l’époque des artistes et des peintres et Dieu sait qu’ils seront nombreux à apprécier ce village de pêcheurs qui avait tant séduit Mozin, du temps où il était inconnu, mais qui ne leur déplait pas aujourd’hui qu’il a été rattrapé par le succès. Dans les rues montantes couronnant sa colline, sur la plage ou la jetée, on croise Boudin, Courbet, Whistler, Monet, Corot, Bonnard, Charles Pecrus, Degas, Helleu, Dufy, Marquet, Dubourg, pour ne citer que les plus prestigieux. Davantage que le pittoresque, c’est la qualité de la lumière qui fascine, le duo subtil de l’eau et du ciel, les masses de couleurs distribuées par l’ocre des sables et les toilettes des femmes, les jeux d’ombres perpétrés par les parasols et les ombrelles qui deviendront emblématiques de l’impressionnisme. Tous essaieront de rendre sensible les vibrations de la lumière, les glacis fluides qui l’accompagnent et cet aspect  porcelainé dont parlait Boudin. Sans doute doivent-ils à cette atmosphère quelques-unes de leurs plus belles toiles. Mais les peintres ne sont pas les seuls à être subjugués par la beauté des lieux : les écrivains ne sont pas en reste. Au manoir de la Cour Brûlée d’abord, ensuite dans celui des Mûriers qu’elle fera construire, Madame Straus, veuve du compositeur Bizet, transporte et prolonge, à la saison estivale, son salon parisien. Après Flaubert, qui était tombé amoureux à Trouville de la belle Madame Schlésinger : "Chaque matin, j’allais la voir se baigner. Je la contemplais de loin sous l’eau ; j’enviais la vague molle et paisible qui battait ses flancs et couvrait d’écume sa poitrine haletante ; je voyais le contour de ses membres sous les vêtements mouillés qui la couvraient. Et puis, quand elle passait près de moi, j’entendais l’eau tomber de ses habits" - écrira-t-il de celle qui lui inspira le personnage central de son roman   « L’éducation sentimentale » - après Alexandre Dumas qui appréciait à Trouville sa belle chambre à l’hôtel du Bras d’or et les repas copieux qu’on lui servait pour un prix dérisoire, apparaît, comme le familier du salon de Geneviève Straus, Marcel Proust. Certes, il avait déjà séjourné avec sa mère à l’hôtel des Roches-Noires, mais ce seront les vacances passées auprès de ses amis Straus et Finaly qui lui laisseront le souvenir le plus prégnant.  Il y retrouvera ses camarades du lycée Condorcet, Jacques Bizet, Jacques Baignières, Fernand Gregh, Louis de la Salle, et se plaira à être l’un des habitués de ce cercle «Verdurin-sur-mer». Le soir, on s’attardait à bavarder sous les tonnelles où couraient les ampélopsis et les chèvrefeuilles, tandis que Mme Straus, bien campée sur son  trône en rotin, bavardait avec Edgar Degas et Anna de Noailles, Guy de Maupassant et Abel Hermant, Léon Delafosse et Charles Haas.

 

Le train à voie étroite ramenait chaque été son lot de villégiaturistes. Les passagers descendaient enveloppés dans des pelisses, les femmes dissimulées sous des voilettes qui les protégeaient des escarbilles. Les calèches attendaient devant la gare, inaugurée en 1863, trois ans après le pont de la Touques et qui, dorénavant, reliait Trouville à Deauville, sa cadette. Après-midi embaumés sous les vérandas, siestes rêveuses derrière les jalousies, promenades dans les sentes qui longeaient la mer, d’où l’on respirait le parfum mêlé de feuillées, de lait et de sel marin. «  Nous étions sortis d’un petit bois et avions suivi un lacis de chemins assez fréquentés dans la campagne qui domine Trouville et les chemins creux qui séparent les champs peuplés de pommiers chargés de fruits, bordés de haies qui laissent parfois apercevoir la mer, (…) le plus admirable pays que l’on puisse voir dans la campagne la plus belle avec des vues de mer idéales ».  (Marcel Proust - Lettre à Louise de Mornand - 1905 )

 

Quant à Deauville, elle commençait de s’émanciper et la période 1910-1912 sera décisive pour les stations des deux rives de la Touques. Trouville n’était plus la seule à capter l‘attention ; il fallait compter avec Deauville. La lutte fut d’autant plus rude que s’y mêlèrent politique, lutte des classes et rivalités de personnes. Ce fut entre autre la guerre des casinos. Les joueurs et les milieux mondains s’amusaient à parier sur l’un ou sur l’autre, selon la montée ou la baisse de leurs actions…Mais bientôt la mise fut remportée par le magicien de la nuit Eugène Cornuché qui entraîna les initiés dans le somptueux établissement qu’il inaugurait à Deauville. Les Trouvillais n’avaient plus que leurs larmes pour pleurer ; mais voilà que des nuages s’accumulaient à l’horizon et que le tocsin s’apprêtait à retentir dans toutes les églises de France : la déclaration de guerre, cette guerre née de la compétition des grandes puissances européennes, eut lieu durant l’été 14, si bien que les casinos rivaux se virent réquisitionnés comme « hôpitaux complémentaires » et  les joueurs relégués à d’autres tâches.

 

Lorsqu’au début de 1916 les blessés furent transférés à la caserne Hamelin de Caen, les casinos furent rendus à la vie civile et, dès septembre 1916, certaines personnalités politiques et mondaines s’activèrent pour redonner vie au vieux casino-salon dans le but de ramener une partie de la haute société. Le 13 juillet 1917 au soir, la salle était comble et l’édifice cerné de lumière et, bien que la guerre perdura, les festivités avaient repris dans les deux stations. En 1922, Cornuché,  qui avait fait la gloire du casino de Deauville, reprenait pied à Trouville. L’empereur des jeux mettait un terme à la compétition des deux casinos en les gérant l’un et l’autre et en faisant en sorte de les rendre complémentaires. Mais une station comme Trouville pouvait-elle se contenter du seul produit des jeux ? Certes non !  Par chance, deux hommes se proposaient de se consacrer à sa modernisation et à son embellissement ; un maire Fernand Moreaux ( 1863-1956 ) et un architecte Maurice Vincent. Moureaux écrivait ceci : «  Avec sa plage et son décor de verdure, notre cité devrait être une station estivale de premier ordre. Si cette ville était dirigée par des hommes, artistes de goût, vous verriez un joyau de prix inestimable et rare ». Le prix, il le paiera souvent de ses deniers, en mécène éclairé et d’une folle générosité, qui ambitionnait de redonner au petit port, découvert par Mozin, fréquenté par Musset, Hugo, Flaubert, Gounod, Thérèse de Lisieux, son caractère et son charme, tout en l'actualisant, car il faut bien vivre avec son temps ; cela, sans omettre de renchérir sur son pittoresque. Ainsi vont s’élever sur les quais rénovés et d’après les plans de Maurice Vincent, la nouvelle poissonnerie avec criée et se réaliser la normandisation des maisons qui bordent la Touques. En 1935 sort également de terre l’établissement des Bains de mer, la piscine bleue. La reine des plages entend se rendre plus conviviale et y réussit, puisque arrivent, par cars entiers ou trains surprises, les nouveaux vacanciers, impatients de bénéficier de l'air vivifiant du littoral. Il est vrai que la population balnéaire a changé : celle du XIXe siècle était relativement homogène, constituée principalement par l’aristocratie, les propriétaires et rentiers. Au début du XXe, et surtout après la guerre de 14, la noblesse s’est appauvrie et elle est peu à peu remplacée par des hommes d’affaires, banquiers, industriels, directeurs de journaux, clientèle plus active et mobile. Ainsi le brassage amorcé à la Belle Epoque trouve-t-il son plein épanouissement. Cela a un coût : l’obligation de s’adapter aux exigences de ces nouveaux estivants en agrandissant et en réhabilitant le capital hôtelier. Trouville possède bien deux hôtels de classe internationale, celui des Roches-Noires, peint par Monet, où Proust a séjourné, et l’hôtel de Paris, mais ce potentiel est insuffisant ; aussi vers 1910 inaugure-t-elle le Trouville-Palace qui réunit les caractéristiques du palace moderne : façade monumentale, larges fenêtres et chambres claires équipées de salles de bains.

 

C’est alors que la seconde guerre mondiale s’annonce et que Trouville  passe, sans transition, de l’heure des fêtes et des palaces, des bains de mer et des salles de jeux, à l’heure allemande. Le 19 juin 1940, dans une ville presque déserte, les premières troupes montent à l’assaut des rues comme une sombre marée et, durant quatre années, Trouville et ses habitants vont connaître la vie rude et austère des occupés. Officiers et sous-officiers  réquisitionnent immédiatement les hôtels, les villas, les immeubles, tandis que les avions anglais, qui tentent des raids, provoquent les tirs des batteries ennemies. En 1942, lorsque commence la construction du mur de l’Atlantique en vue de repousser un éventuel débarquement, barrages, blockhaus se dressent et les  ouvertures des villas et demeures du front de mer sont murées. Beaucoup de maisons seront évacuées et les habitants tenus à chercher asile ailleurs. En juillet 1943, les Allemands détruisent la jetée- promenade qui permettait l’accostage des bateaux à vapeur en provenance du Havre. En 44, les bombardements s’intensifient, entraînant des destructions importantes dans le patrimoine immobilier. Le 4 juin, on annonce que le débarquement est pour bientôt. Le 6 juin à 6 heures du matin, les Allemands font sauter les écluses du port de Deauville et un immeuble, rampe Notre-Dame à Trouville, est détruit parce qu’il gêne les tirs des canons installés à l’arrière, ce qui, du même coup, pulvérise les vitraux de l’église toute proche, là où la petite Thérèse se plaisait à aller prier lors de ses vacances trouvillaises. Le 21 août, c’est au tour du pont reliant Trouville à Deauville de sauter, causant de nombreux dégâts. Mais les alliés arrivent et le 24 août a lieu la libération. Les premiers à enjamber la Touques, sur les débris du pont, seront les combattants belges de la brigade Piron. Hélas, la semaine suivante, le Havre est écrasé sous les bombardements alliés. Comment oublier autant d’épreuves ? Cette guerre a laissé des traces durables; la Normandie a souffert plus qu’aucune autre région, les plaies seront longues à cicatriser. Le généreux maire Fernand Moureaux, l’haussmann trouvillais, président-fondateur de l’apéritif SUZE, avance sur ses fonds personnels ceux nécessaires à la destruction des blockhaus. Il ne faudra pas moins de douze années pour réparer les dommages immobiliers, déminer et redonner à la cité son cachet. Beaucoup de changements vont s’avérer inévitables : les grands hôtels seront reconvertis en appartements, un complexe nautique remplacera les bains bleus et la magnifique jetée-promenade ne verra pas aboutir, hélas ! les plans élaborés pour sa reconstruction.

 

Dès 1950, l’hôtel des Roches-Noires, après avoir servi d’hôpital militaire, devient une résidence privée où Marguerite Duras acquiert, en 1963, un appartement, ayant eu le coup de foudre pour ce village où tout le monde se connaît et dont elle disait qu’il possédait un charme très violent, immédiat. Le flux et reflux de la mer, qu’elle aimait à observer de ses fenêtres, lui rappelaient le mouvement des eaux dans l’Indochine de son enfance. L’écrivain avait avec elle une relation intime, viscérale, et avouait que lorsqu’elle quittait Trouville, elle perdait un peu de lumière. Elle y  séjournera souvent et y écrira "La vie matérielle", "L’été 80", "Yeux bleus, cheveux noirs" ; elle souhaitait d’ailleurs qu’on l’appelât Marguerite Duras de Trouville. Il est vrai que les artistes n’ont jamais manqué à Trouville. A Flaubert, Maxime Du Camp, Maupassant, Proust succédèrent des écrivains comme Duras, Modiano, Louis Pauwels ou Jérôme Garcin ; à Boudin et Corot, des peintres comme Hambourg, l’humoriste Savignac, le photographe Lartigue ; à Yvette Guibert et Loïe Fuller, qui faisaient les beaux jours de L’Eden-Théâtre, des actrices et acteurs, tels qu’Emmanuella Riva, Gérard Depardieu, Annie Girardot, Antoine de Caunes. Chacun a aimé ou aime à marcher, à la fin du jour, sur la plage livrée aux seuls oiseaux de mer où « dans cette atmosphère humide et douce s’épanouissent, le soir, en quelques instants, de ces bouquets célestes bleus et roses, qui sont incomparables et qui mettent des heures à se faner ». ( Marcel Proust - La Recherche )  

 

Chacun y a ses habitudes : les fruits de mer aux Voiles ou aux Vapeurs pour les uns, les pâtisseries de Charlotte Corday pour les autres, les pulls en cachemire de la "Petite Jeannette" ou les vêtements marins du "Loup de mer", ou encore une nuit dans un 5 étoiles à l'hôtel des Cures Marines. De même que chacun a son trouville :  rues étroites et pentues, quartiers pittoresques pour y flâner,  lieux de solitude pour y rêver. Dans une ambiance bon enfant se mêlent les résidents, les pêcheurs, les saisonniers. Parce qu’on l’aime pour mille raisons, la France s’est émue lorsque sa célèbre halle aux poissons a brûlé à l’aube du 24 septembre 2006. Les messages de sympathie et les dons affluèrent en si grand nombre que la municipalité a réagi avec une louable promptitude. Cette halle a été reconstruite à l’identique pour que le visage de Trouville, si familier et apprécié, ne soit pas défiguré et que l’œuvre de Maurice Vincent, Halley et Davy retrouve sa splendeur passée, ainsi qu’il convient à un édifice inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Le destin de Trouville ne s’est-il pas inscrit dans la durée ?

 

 

 Armelle BARGUILLET  HAUTELOIRE

 

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Les planches de Trouville au début du XXe siècle.

Les planches de Trouville au début du XXe siècle.

La fameuse jetée qui permettait au bateau reliant le Havre à Trouville d'accoster.

La fameuse jetée qui permettait au bateau reliant le Havre à Trouville d'accoster.

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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 08:19

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Notre première étape sur cette route des vins, qui vagabonde entre collines et vignobles, sera pour Obernai, centre médiéval au charme incontestable avec ses vieilles maisons aux toits polychromes qui s'ornent le plus souvent des armoiries des corporations. Toute l'Alsace semble s'être concentrée ici grâce à l'échantillonnage parfait de ce qui caractérise le mieux la province. Fondée par les Romains, elle est au VIIe siècle la principale résidence du duc Adalrie, père de la future sainte Odile, qui fonda le couvent de Hohenberg. Au milieu de la place du marché se dresse une statue à son effigie, figure rayonnante dont le mont qui porte son nom est devenu en Alsace une montagne sacrée, lieu d'un fervent pèlerinage. Il y a d'ailleurs à Obernai une rue des Pèlerins avec une maison en pierre de trois étages datant du XIIIe siècle. Nous poursuivons notre route jusqu'à Sélestat qui occupe une place centrale sur la route des vins. Située sur la rive gauche de l'Ill, la ville compacte, fleurie et couleur de grès rose possède deux églises et quelques maisons anciennes remarquables, témoignages d'art d'un grand intérêt. On sait que Charlemagne y fit un séjour en 775, mais c'est surtout par son histoire religieuse que Sélestat porte profondément la marque du Moyen-Age et de la Renaissance. Ainsi l'église conventuelle Sainte-Foy, construite dans la seconde moitié du XIIe siècle, attire l'attention pour trois raisons : son porche décoré de chapiteaux historiés, ses statues en bois sculpté et son harmonieux triptyque. L'église Saint Georges, plus tardive, date des XIIIe et XVe siècles et comporte un narthex original et des portes qui ont encore leurs vantaux et leurs pentures d'origine. Depuis les anciennes fortifications se déploie un panorama superbe sur les collines sous-vosgiennes et le Haut-Koenisbourg. On remarque également dans la ville d'agréables ruelles, une tour des sorcières et un trésor de la Renaissance, la bibliothèque humaniste, l'une des plus riches du monde, installée dans la halle aux blés et qui ne compte pas moins de 450 manuscrits, 530 incunables ( livres imprimés avant 1500 ) et 2000 imprimés du XVIe siècle.


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Nous terminons la journée à Ribeauvillé, lové au bord de sa rivière, au pied des célèbres châteaux de Girsberg, Saint-Ulrich et Ribeaupierre, par un temps doux qui permet de dîner dehors dans une auberge accueillante ( mais elles le sont toutes). Ici trois grands cépages sont à l'honneur : le riesling, le pinot gris et un gewurtztraminer particulièrement fin. Ce village, très étendu le long de sa rue centrale, offre un décor ravissant avec ses maisons à colombages et ses places agrémentées de fontaines, ainsi celle qui se trouve devant l'Hôtel de Ville et date de 1536, décorée d'un lion portant les armes de Guillaume Ier de Ribeaupierre dont les ruines du château dominent la cité. Les ménétriers, présents sur de nombreuses enseignes, en avaient fait leur capitale. Parmi les plus beaux bourgs de la route des vins, Ribeauvillé séduit par ses maisons colorées de jaune, de pourpre, de bleu, de vert qui enchantent l'oeil et savent composer entre elles une incomparable harmonie. La plupart de ces petites villes sont entourées de remparts encore visibles et ont gardé leurs puits, leurs colombages ouvragés, leurs volets décorés de motifs et leurs beffrois, nous donnant une vision précise des décors de jadis. Sans oublier la décoration florale que chaque habitant a à coeur de réaliser, faisant de leurs balcons, de leurs portes, du rebord de leurs fenêtres une véritable orchestration  végétale. Mais ce qui frappe est la propreté de l'Alsace. Où que vous alliez, et malgré un tourisme intense, vous ne verrez jamais traîner un papier ou une crotte de chien. Il semble que cette province, qui a traversé l'histoire en changeant souvent de nationalité, tantôt allemande, tantôt française, a eu l'intelligence et la sagesse d'assembler les qualités de chacune d'elles à son profit. Un grand bravo pour la chaleur de l'accueil, la disponibilité des habitants et bravo surtout pour l'excellence appliquée à toutes les octaves. 

 

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Le lendemain, nous allons découvrir d'autres villages dont Eguisheim où nous déjeunerons dans une ancienne cave à vin, ce qui est courant en Alsace et dégusterons ces fameuses tartes flambées, salées ou sucrées, dont la fine pâte est un véritable régal. Quant au village, il est peut-être le plus admirable de toute la région. On peut en faire le tour en suivant l'emplacement des anciens remparts bâtis comme les maisons de façon concentrique autour de son château, résidence du bailli épiscopal dont les vestiges du XIIIe siècle sont en partie ensevelis sous les reconstructions du siècle dernier. La silhouette des trois tours carrées du Haut-Eguisheim dominent les pentes environnantes couvertes de vignes et de forêts. Inoubliable sans doute l'arôme des deux grands crus d'Eguisheim mais inoubliable surtout la forme ronde de ce village escargot qui semble n'avoir pas vu passer le temps, tellement tout est resté à son exacte place  avec des rues étroites et pavées bordées de maisons riches architecturalement. On ne sépare plus les uns des autres les oriels sur consoles, les balcons ouvragés, les pans de bois peints et sculptés, les pignons pointus, pas plus qu'on ne peut décrire le charme qui émane de ce village où l'on plonge dans le décor miraculeusement sauvegardé de l'époque moyenâgeuse, village musée et cependant vivant, habité, fleuri, animé par des enfants jouant à la marelle, une femme devisant avec sa voisine, un homme arrosant ses jardinières, un rideau qui s'écarte, un chat qui se chauffe au soleil.

 

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La prochaine étape sera pour Turkeim au pied des côteaux du Brand. Cette petite cité médiévale a conservé son enceinte et ses trois portes du XIVème, de même qu'une tradition : celle du veilleur de nuit qui, l'été, fait sa tournée dans la ville avec sa lanterne, sa hallebarde, vêtu de sa houppelande et chante à chaque coin de rue : "Veillez au feu et à la lumière". Pour ceux qui ont les moyens de descendre à l'hôtel des "Deux clefs", dont la façade est rythmée par les colombages, ce sera une plongée soudaine dans le passé et l'histoire, tant cette hostellerie communale, réaménagée en 1620 avec ses poutrages apparents et son oriel sculpté, a gardé son caractère et reste une des attractions de ce lieu. L'ensemble du village a d'ailleurs l'allure d'un décor de théâtre, ainsi la place Turenne est là pour rappeler qu'en 1675 le fougueux maréchal écrasa impitoyablement les envahisseurs impériaux et fit entrer l'Alsace dans le giron du royaume de France. C'est à Turkeim que nous allons apercevoir enfin deux magnifiques cigognes debout dans leur nid et une autre en plein vol, la plupart de ces échassiers étant déjà partis hiverner en Afrique du nord. Les gens du pays ne nous ont pas caché, lorsque nous les avons interrogés à ce sujet, que les migrateurs étaient en moins grand nombre qu'autrefois, gênés par les bruits et nuisances des villes, les lignes électriques et l'assèchement des zones humides. Néanmoins les Alsaciens font de grand effort pour conserver cet oiseau emblématique auquel ils sont très attachés. Ainsi ont-ils créé des sites protégés et des enclos d'élevage où les mères peuvent couver en toute tranquillité.

Notre journée s'achèvera par la visite du délicieux village de Kayserberg au débouché de la vallée de la Weiss, lieu déjà connu à l'époque romaine et dont les ruines de son château du XIIe dominent le bourg. Construit par Frédéric II de Hohenstaufen, sa position stratégique permettait d'avoir une vue circulaire sur un paysage fait de collines qui ondulent très loin jusqu'à l'horizon, couvertes de vignes et de bois. A l'abri des remparts, les belles maisons confèrent à cette gracieuse cité son caractère pittoresque. C'est ici que naquit le docteur Albert Schweitzer, fondateur de l'hôpital de Lambaréné au Gabon, prix Nobel de la Paix en 1954, musicien, philosophe et pasteur protestant, dont la vie a inspiré un beau film : "Il est minuit docteur Schweitzer". La Weiss, qui traverse le village, ajoute un charme supplémentaire avec son pont fortifié et ses maisons typiques aux balcons fleuris qui se reflètent dans les eaux paisibles. A l'intérieur de l'église paroissiale construite entre les XIIe et XIVe siècles, l'art roman a laissé de nombreux témoignages : sur la façade un beau tympan de 1230/1235 représentant le couronnement de la Vierge ; à l'intérieur un riche mobilier et un retable sculpté, peint et doré de Hans Bongart daté de 1518.

 

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Strasbourg, la belle européenne    

Riquewihr   

Colmar, la petite Venise d'Alsace

 


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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 10:57
Riquewihr, au coeur des vignes alsaciennes

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Une journée entière, ce n'est pas de trop pour  faire le tour extérieur parmi les vignes puis flâner à l'intérieur de Riquewihr, le village le plus visité de la route des vins. Il est vrai que c'est un bijou et que l'on ne peut que s'émerveiller des magnifiques maisons qui bordent la rue centrale et les ruelles nombreuses distribuées en étoile, ainsi la maison Jung-Selig qui date de 1561 et la maison Dissler de 1610. La première remarquable par sa haute et large façade animée par un beau colombage, la seconde illustrant le goût et le raffinement de la bourgeoisie de l'époque. Comment ne pas être enclin à s'attarder à Riquewihr qui semble concentrer à lui seul ce que l'art médiéval a réalisé de plus accompli, de plus séduisant et ce que l'Alsace offre de plus raffiné, ainsi sa boutique "Féerie de Noël" où l'on trouve tous les objets qui sont sensés faire de cette fête un souvenir lumineux et captivant. On imagine ce que doivent être les marchés de Noël que je me suis promise de visiter un jour. Une autre boutique, consacrée à la verrerie d'art pratiquée ici avec un savoir-faire incomparable, présente des objets dignes de Baccarat, dont des chevaux en action, des coupes à fruits et des flacons à parfum absolument admirables.

 

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En flânant au gré des rues, on est frappé par l'harmonie qui se dégage des maisons. Si l'oeil ne se lasse pas,  c'est qu'aucune d'entre elles n'est semblable. Rarement mitoyennes, elles ont leur propre orientation, d'où le tracé sinueux des rues. Leurs couleurs forment un somptueux patchwork et ressortent gaiement sur les colombages en bois sombre. Le crépi blanc ou gris de jadis a été remplacé par des teintes vives, les bleu, vert, rouge ou ocre. Quant aux toits à forte pente, ils sont couverts de tuiles plates au rebord arrondi, tandis que des auvents protègent les murs et que les volets et les galeries en bois sculpté, partout fleuris de géraniums, donnent un air de fête aux façades. Rien n'est moins triste qu'un village alsacien.

 

Riquewihr est mentionné pour la première fois en 1049 sous le nom de "Richovilar". Au XIIe siècle, il appartient aux comtes d'Eguisheim, puis passe aux mains des comtes de Horbourg qui l'entourent de fortifications et lui confèrent le statut de "ville". Par la suite, celle qui est devenue ville, sera vendue aux Wurtemberg qui en resteront les seigneurs jusqu'à la Révolution. En 1520 est créée la corporation des vignerons qui contribue à rendre la petite ville florissante et lui permet de se développer avec de nouvelles fortifications : une Porte supérieure munie d'un pont-levis, des tours  et des beffrois. Le comte Georges de Wurtemberg et sa femme, qui s'y plaisaient beaucoup, démoliront le vieux château pour une demeure plus aimable qui devint la résidence principale de la comtesse. Elle sera achevée en 1540 et entourée de bâtiments annexes, chancellerie et écuries. Après la Révolution, convertie en école, elle l'est aujourd'hui encore. 
 

 

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Si le village surprend par son étonnant état de conservation, c'est que Riquewihr sut résister aux envahisseurs et eut  la chance de passer à travers les guerres et destructions et, qu'aujourd'hui, il veille à son bon entretien malgré ses deux millions de visiteurs annuels et quelques incendies. Ainsi a-t-il gardé intacte son harmonie architecturale, expression de la splendeur propre au XVIe siècle dont il est le vigilant gardien. Oui, le village allie de multiples séductions et son renom n'est nullement usurpé, surtout si l'on ajoute à son patrimoine architectural celui de ses vins. Blotti  au pied des collines coiffées de ruines médiévales, une mer de ceps, tout en courbes  ondoyantes, s'étire autour de lui et l'enveloppe de sa verdure. Une recherche constante de qualité a eu pour résultat que les trois-quart des vins blancs proviennent d'Alsace. Cette région offre ainsi l'occasion unique de s'initier, dans une joyeuse ambiance, à quelques-unes des innombrables variétés de la vigne.
 


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Par chance, la journée que nous consacrons à Riquewihr est un dimanche et nous allons avoir le plaisir d'assister à un concert de musiciens jouant du cor des Alpes. De ces instruments, posés à même le sol, s'élèvent des sonorités diverses, de curieuses variations semblables à des appels qui évoquent les forêts profondes ou les lieux d'altitude et nous plongent davantage encore dans le passé. C'est qu'en Alsace, tout est occasion de fête. Pas plus l'hiver que l'été, la vie n'y est morose. Les festivités se succèdent et garantissent l'immuable bonne humeur de la population. Autrefois, c'étaient surtout les pèlerinages, les processions et les fêtes patronales. Ainsi le pèlerinage de sainte Odile, la patronne de l'Alsace, reste  très fréquenté. D'autres fêtes, d'origine médiévale, rappellent un miracle légendaire lié à la fondation d'une ville. A Thann, le 30 juin, on commémore les prodige des Trois Sapins, à Ribeauvillé a lieu la fête des Ménétriers, de même qu'à Pâques le lièvre vient "pondre" dans les jardins des oeufs de toutes les couleurs. Oui, vous avez bien lu...le lièvre et non la poule. Sacré Alsaciens !  Lors de la fête d'un village, aux mariages, sur le faîte des constructions neuves, mais aussi les jours d'élection, on plante "un arbre de mai" enrubanné. A cela s'ajoutent les fêtes gastronomiques comme celle de la choucroute à Colmar ou la foire-kermesse de Wissembourg. Une région qui unit charme et plaisir et que l'on aspire à revoir très vite.

 

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Strasbourg, la belle européenne        

Alsace : la route des vins     

Colmar, la petite Venise d'Alsace

 

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 08:17

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Après la côte d'Armor en juillet, voici l'Alsace en septembre par un temps que l'on nous annonçait beau à l'est et cela se vérifiera en effet, car la semaine va nous réserver une météorologie idéale pour le tourisme : soleil éclatant et température oscillant entre 16° et 26°. Que souhaiter de mieux pour les visites que nous allons faire et les longues promenades dans les collines et vignobles de cette route des vins qui nous réserve tant d'inoubliables surprises. C'est peut-être la route gastronomique la plus fameuse de France. Entre Strasbourg au nord et Colmar au sud, elle se déroule sur 125 km et sait varier les plaisirs entre passé et présent, vignes et jolis villages, vieux châteaux et caves de dégustation, fêtes vigneronnes et abbayes. Depuis que les Romains eurent la bonne idée de planter quelques ceps de vigne sur sa terre, on peut dire que l'Alsace a su les faire fructifier. Au Moyen-Age, ce furent les communautés religieuses qui s'employèrent à l'essor de cette noble et rentable activité, d'autant que les coteaux, exposés plein sud, s'y prêtaient et que le vin vendangé eut de suite un goût délicieux, inégalable et fruité. Installés à Riquewirh, en plein coeur de la région, nous allons rayonner facilement et apprécier le charme de ce pays où la nature composée de souples collines, de bois et de vignes s'allie à la beauté de l'habitat. Les villages se succédent tout au long du parcours, tantôt blottis au creux d'un vallon, tantôt couronnant une colline comme un nid de cigogne, et toujours enlacés de vignobles qui déroulent  alentour leur tapisserie ocre et blonde.
 

 

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                                            La petite France

 

Notre première visite sera pour Strasbourg, que nous connaissions pour y être passés trop rapidement, et qui est une ville admirablement belle avec sa cathédrale, ses maisons anciennes et son quartier de la "Petite France" qui fut celui des meuniers, des pêcheurs et des tanneurs et a conservé, malgré les rénovations, son caractère originel. Ici, on soignait les soldats des armées de Charles VIII et de Louis XII qui rentraient des campagnes d'Italie, on tannait les cuirs que l'on mettait à sécher sur des claies de roseaux cultivés à cet usage sur les berges de l'Ill. Se promener dans ce quartier est un enchantement, car les quais voient se succéder des maisons médiévales, des ponts, des tours, cela en une symphonie d'eau et de fleurs. Sur la place de la Cathédrale, admirable à maints égards, ne serait-ce que par ses vitraux, sa statuaire, son horloge astronomique, sa chaire finement sculptée, cathédrale que Paul Claudel nommait " le grand ange rose de Strasbourg", se trouve la pharmacie du Cerf, l'une des plus anciennes d'Europe. Et la maison Kammerzel du XVe siècle décorée de sculptures en bois qui représentent les signes du zodiaque, les cinq sens, les héros de l'antiquité et les légendes locales. Une petite merveille à elle seule.

 

 P1070995.JPG    Maison Kammerzel

 

Mais tout est étonnant, magnifique à Strasbourg dans ce vieux quartier où alternent, en un plaisant désordre, les palais - celui des Rohan-Soubise - les églises, les places, les musées, les cours intérieures et leurs balcons croulants de géraniums, ville qui a su éviter la démesure bien que siège du Parlement européen et du Conseil de l'Europe, en conservant une taille humaine. Dans le passé, Strasbourg fut tout ensemble le foyer d'un humanisme influent avec Gutenberg et d'une profonde réforme religieuse avec Calvin. Louis XV y épousa par procuration le 15 août 1725 Marie Leszczynska, fille du roi détrôné de Pologne, Marie-Antoinelle, arrivant de Vienne pour épouser le futur Louis XVI, sera reçue par Louis de Rohan en 1770, Mozart y donnera des concerts et Goethe y séjournera comme étudiant à la célèbre Université. Par ailleurs, Strasbourg concentre tout ce que la région compte de spécialités gastronomiques : foie gras, vins, charcuteries, pains d'épices, chocolats et pâtés innombrables. On n'a que l'embarras du choix entre le coq au riesling et la poularde aux morilles, l'incontournable choucroute, les baeckeofe et flammekueche auxquels s'ajoutent au dessert le kugelhopf, brioche aux raisins secs et aux amandes, et les délicieuses friandises que les pâtisseries vous proposent dans leurs alléchantes vitrines.


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Peu de grandes villes sont aussi harmonieuses et n'offrent à l'oeil, dans un périmètre restreint, autant d'occasions de s'émerveiller. Bien sûr la cathédrale, monument emblématique de la ville, commencée au début du XII ème et achevée en 1439, vit ces gens du Moyen-Age, que l'on dit souvent arriérés, élever à mains nues l'un des plus remarquables chefs-d'oeuvre de l'art gothique. Cet édifice d'une incroyable hardiesse architecturale domine le Vieux-Strasbourg et l'écheveau de ses rues. C'est en 1384 que Michel de Fribourg édifiera le beffroi surmonté d'une flèche majestueuse qui semble flirter avec le ciel. Et tout est majestueux en effet, de la façade, et de ses trois portails richement ornés, à la nef à l'ampleur insolite, de l'admirable chaire travaillée comme une broderie précieuse aux vitraux qui presque tous datent du XII ème siècle et prouvent l'art accompli des verriers de l'époque. Comme il fait doux, après avoir vu l'horloge astronomique sonner l'heure méridienne, nous nous installons à l'ombre d'un parasol sur la place, afin de goûter à notre première choucroute, avant de poursuivre notre itinéraire à travers la ville que nous ne quitterons qu'à la tombée du soir lorsque le ciel prend les teintes roses qui se marient si bien avec le rose du granit vosgien, jamais lassés de surprendre un détail, un jeu de lumière sur les vieilles pierres de cette cité unique. 


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Alsace : la route des vins    

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 07:44

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De tous les palais impériaux d'été qui se trouvent à quelques kilomètres de Saint-Pétersbourg, celui de Pavlovsk est l'un des plus séduisants. Moins pompeux que Tsarskoïe Selo, moins impérial que Peterhoff, il allie les charmes complémentaires d'une résidence à caractère intime et d'un parc délicieusement bucolique. Ce parc, l'un des plus grands de Russie, est traversé par la rivière Slavianka, qui se plaît à y musarder entre collines et vallons. Elaboré avec amour par ses propriétaires, il devint, au cours des décennies, une véritable encyclopédie de l'architecture paysagère et reflète à merveille les tendances de l'art des jardins aux XVIIIe et XIXe siècles. Si le style anglais domine avec ses plans libres imitant la nature, autour du palais se déploient les parterres réguliers d'un jardin à la française, alors que les jardins privés adoptent le caractère intime des jardins à la hollandaise avec leurs plantations de tulipes, ce qui constituait une diversité très innovante et spectaculaire pour l'époque. C'est la raison pour laquelle, ce parc sera choisi pour cadre des festivités grandioses organisées en 1814, lors du retour triomphal du tsar Alexandre Ier après sa victoire sur Napoléon, à la suite de la désastreuse retraite de Russie.
Le parc est beau à toute saison, si bien que l'on a pu écrire qu'il ressemblait à une gravure en hiver, à un dessin au pastel au printemps, à une aquarelle en été et à une peinture à l'huile en hiver.

 

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Toutefois, commençons par le commencement : l'histoire de ce palais qui se conjugue avec celui de la Russie. Construit par Catherine II en 1772, il fut offert par cette dernière à son fils Paul qui avait 23 ans et s'y installera en 1770 avec sa jeune femme, la princesse Sophie Dorothée de Wurtemberg, baptisée dans la foi orthodoxe Maria Fédorovna. Le jeune prince, très amoureux, va vivre des années heureuses en cette demeure que lui et son épouse vont meubler et embellir, jusqu'à ce que Paul succède à sa mère en 1796. Paul est un personnage complexe, tourmenté, sur qui pèse une double tragédie : la mort de son père, dont le mystère l'a troublé et ses relations très difficiles avec sa mère, qui le maintiendra à l'écart des affaires durant son règne. De son père Pierre III, il a hérité d'un visage ingrat et d'un tempérament mal équilibré. Cependant il est doué d'une grande intelligence et a reçu une excellente instruction. Il avait 14 ans quand son père a été tué par les conjurés. Cette mort, l'usurpation du trône par sa mère qu'il voit entourée de nombreux amants, auront des répercussions sur son caractère et sur sa santé : il est nerveux, impulsif, rancunier, souffre de terribles maux de tête et de stress nerveux qui seront cause de son vieillissement précoce. Sa femme est tout son contraire : enjouée, resplendissante de jeunesse et de santé, elle est une personne captivante qui exercera une influence certaine sur son époque et donnera à Paul Ier dix enfants, dont deux empereurs : Alexandre Ier et Nicolas Ier. La nature et la qualité de son éducation l'ont dotée d'une intelligence fine et intuitive et d'admirables dons artistiques. C'est elle, principalement, qui imposera son goût raffiné à ce palais d'où émanent la féminité et la grâce. Pour cela, elle fera appel à Charles Cameron pour l'architecture intérieure, au peintre italien Scotti pour les peintures murales, à Vincenzo Brenna pour la décoration et à bien d'autres artistes encore et prendra plaisir à distribuer les pièces de façon à y déposer avec art ses collections de faïences, porcelaines, bronzes, ses innombrables tableaux, livres et objets divers, que cette femme cultivée recherchera dans toute l'Europe avec un discernement jamais pris à défaut.


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Mais les heures sombres vont sonner. Paul, ayant succédé à sa mère, n'a plus guère de temps pour résider dans sa calme retraite de Pavlovsk, ce coin idyllique dans l'esprit de Jean-Jacques Rousseau, car ses obligations l'appellent. Il s'empressera d'ailleurs de prendre le contre-pied de la politique maternelle et commencera par changer la loi de succession au trône, imposant la primogéniture mâle au choix libre de son successeur par le monarque régnant, qui avait failli lui coûter le trône, Catherine II souhaitant que son petit-fils Alexandre  prenne la relève à la place de son père. Par la suite, il remettra ordre et discipline dans l'armée et fera en sorte de faciliter un peu plus la vie du peuple. En effet, Paul Ier luttera contre la dilapidation des Fonds de l'Etat, desserrera les mailles de l'administration, rendra une certaine autonomie aux allogènes, réduira les privilèges exorbitants de la noblesse et interdira la vente des serfs sans la cession simultanée de la terre qu'ils cultivaient. Il entreprendra également de réglementer et de limiter les obligations des serfs envers leurs maîtres en proclamant en 1797 qu'ils doivent travailler trois jours pour leurs maîtres, trois jours pour eux, tandis que le dimanche est jour de repos pour tous.
Ces lois vaudront à Paul de se mettre à dos l'aristocratie qui l'accusera de se laisser influencer par l'étranger et principalement par la Prusse de Frédéric II. En 1800, il se rapproche même de la France et considère l'ascension de Napoléon comme un gage de stabilité qui met fin aux désordres de la Révolution. Ce rapprochement exaspère l'Angleterre, d'autant qu'il s'attaque directement à eux après l'affaire malheureuse de l'île de Malte. Tant et si bien que l'ambassadeur d'Angleterre à Saint-Pétersbourg reçoit un jour une lettre secrète avec l'ordre de tuer le tsar, mais par les mains des conspirateurs russes. On comprend que la Grande-Bretagne préférât ne pas trop se salir les mains. Dans la nuit du 11 au 12 mars 1801, grâce à des complicités internes, des conjurés pénètrent dans la chambre à coucher impériale et mettent le tsar en demeure d'abdiquer, ce que Paul Ier refuse. A la suite d'une confusion générale, l'empereur sera renversé et étranglé. Le lendemain, la Russie apprendra que Paul Ier a succombé à une attaque et que son fils assure la succession sous le nom d'Alexandre Ier. Une fois encore se justifiera la définition du régime politique russe : " Un absolutisme tempéré par l'assassinat".



Alexandre a 24 ans quand il accède au trône. Il tient de sa mère un visage régulier, un regard clair et souriant et une haute taille. Catherine II lui a donné comme précepteur le philosophe La Harpe qui l'a sensibilisé aux idées progressistes et au culte de la liberté. Sous son règne sera adopté un nombre non négligeable de réformes, bien qu'il faudra attendre Alexandre II pour que disparaisse enfin l'abominable servage. Mais les Français lui doivent néanmoins quelque chose que Chateaubriand n'oublia pas de souligner dans ses Mémoires d'Outre-Tombe * : il épargnera Paris lorsqu'il l'occupera avec son armée en 1814 en grand vainqueur des guerres napoléoniennes et aura l'élégance de ne rien piller dans les palais et les musées, cela parce qu'il a été élevé dans le culte de la beauté et de la culture française par sa grand-mère et sa mère. Il tentera, par la suite, d'établir la paix en Europe en conformité avec les principes du christianisme. Malheureusement la deuxième décennie de son règne sera beaucoup plus terne et l'empereur ne promulguera pratiquement plus aucune loi dans le sens du progrès. De plus en plus insatisfait de l'existence - il gardera toute sa vie le remords de l'assassinat de son père qu'il n'a pas empêché - il cherchera la consolation dans une foi mystique qui l'incitera à s'éloigner des vanités du monde. Monarque, ayant exercé un rôle considérable, il s'efface. C'est en novembre 1825 qu'il décède brutalement. Il n'a que 48 ans. A l'annonce de cette nouvelle, le peuple reste dubitatif. Le bruit court qu'en réalité sa conscience lui a dicté de quitter le pouvoir pour vivre en anachorète dans la solitude et la prière et qu'il serait devenu ermite sous le nom de Fedor Kouzmitch. Cette hypothèse s'appuie sur le désir, constamment exprimé par l'empereur de se débarrasser du fardeau de ses hautes fonctions et sur le refus d'un médecin de la cour de signer le certificat de décès. Cent ans plus tard, l'ouverture de la tombe d'Alexandre Ier n'aidera pas à résoudre le mystère : le cercueil est vide.


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                 Maria Fédorovna

 

Et qu'advint-il de l'impératrice après la mort de son époux ? Très marquée par ce drame, Maria Fédorovna va changer de style de vie dans ce palais auquel elle consacrera quarante années de sa vie, tous ses efforts et ses talents. Terminées les marches militaires, les parades, les manoeuvres. L'impératrice réunit autour d'elle un cercle de célèbres artistes, écrivains, poètes, musiciens et savants, organise des salons littéraires, des soirées musicales et même des expérimentations dans le domaine scientifique. Ainsi la vie et l'activité artistique du premier compositeur russe du XVIIIe siècle, Dimitri Bortniansky, sont liées à Pavlovsk. Et bientôt la musique  dominera l'existence du palais. Par la suite, plusieurs générations de princes, de grands-ducs et duchesses vont se succéder dans le même respect de la culture et de la beauté. Hélas, presque dévasté pendant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands qui le pillèrent et le brûlèrent, saccageant jusqu'au parc et abattant les arbres d'essences rares pour la construction d'ouvrages défensifs, il sera ressuscité, dès 1944, grâce aux efforts conjugués des restaurateurs, sous la conduite éclairée d'Anna Zelenova. Le travail titanesque, qui fut le leur, a permis de rendre à la demeure et à son parc sa séduction d'antan et de réaliser ce qu'on appellera plus tard " l'exploit du siècle". 
En ces lieux où tout invite à la rêverie, nul doute que des fantômes viennent flâner dans les allées et deviser sous les ombrages, alors que chantent les rossignols et glissent les cygnes, et que les nuits de juin, que les ténèbres ne menacent pas, posent sur le paysage leur lumière opalescente et leur sourire.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 * C'est bien volontiers que je recopie ici le passage que j'évoque à propos du tsar Alexandre Ier, fils de Paul Ier et de Maria Fédorovna, à laquelle il ressemblait beaucoup physiquement et qui fut le vainqueur de Napoléon en 1814. Ce passage est tiré des Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand, témoin et reporter en quelque sorte. ( Tome II chez Flammarion - édition du Centenaire, préfacée par Julien Gracq - livre quatrième - chapitre 13 :

" Bonaparte avait fait injustement la guerre à Alexandre son admirateur qui implorait la paix à genoux ; Bonaparte avait commandé le carnage de la Moskova ; il avait forcé les Russes à brûler eux-mêmes Moscou ; Bonaparte avait dépouillé Berlin, humilié son roi, insulté sa reine : à quelles représailles devions-nous donc nous attendre ? vous l'allez voir.
(... )
L'armée des alliés entra dans Paris le 31 mars 1814, à midi. L'empereur de Russie et le roi de Prusse étaient à la tête de leurs troupes. Je les vis défiler sur les boulevards. Stupéfait et anéanti au-dedans de moi, comme si l'on m'arrachait mon nom de Français pour y substituer le numéro par lequel je devais désormais être connu dans les mines de la Sibérie, je sentais en même temps mon exaspération s'accroître contre l'homme dont la gloire nous avait réduits à cette honte.
Toutefois cette première invasion des alliés est demeurée sans exemples dans les annales du monde : l'ordre, la paix et la modération régnèrent partout ; les boutiques se rouvrirent ; des soldats russes de la garde, hauts de six pieds, étaient pilotés à travers les rues par de petits polissons français qui se moquaient d'eux, comme des pantins et des masques du carnaval. Les vaincus pouvaient être pris pour les vainqueurs ; ceux-ci tremblant de leurs succès, avaient l'air d'en demander excuse. La garde nationale occupait seule l'intérieur de Paris, à l'exception des hôtels où logeaient les rois et les princes étrangers. Le 31 mars 1814, des armées innombrables occupaient la France ; quelques mois après, toutes ces troupes repassèrent nos frontières, sans tirer un coup de fusil, sans verser une goutte de sang, depuis la rentrée des Bourbons. L'ancienne France se trouve agrandie sur quelques-unes de ses frontières ; on partage avec elle les vaisseaux et les magasins d'Anvers ; on lui rend trois cent mille prisonniers dispersés dans les pays où les avait laissés la défaite ou la victoire. Après vingt-cinq années de combat, le bruit des armes cesse d'un bout de l'Europe à l'autre ; Alexandre s'en va, nous laissant les chefs-d'oeuvre conquis et la liberté déposée dans la Charte, liberté que nous dûmes autant à ses lumières qu'à son influence. Chef des deux autorités suprêmes, doublement autocrate par l'épée et par la religion, lui seul de tous les souverains de l'Europe avait compris qu'à l'âge de civilisation auquel la France était arrivée, elle ne pouvait être gouvernée qu'en vertu d'une constitution libre.
(...)
Alexandre ne se considérait que comme un instrument de la Providence et ne s'attribuait rien. Mme de Staël le complimentant sur le bonheur que ses sujets, privés d'une constitution, avaient d'être gouvernés par lui, il lui fit cette réponse si connue : Je ne suis qu'un accident heureux.
Un jeune homme, dans les rues de Paris, lui témoignait son admiration de l'affabilité avec laquelle il accueillait les moindres citoyens ; il lui répliqua : Est-ce que les souverains ne sont pas faits pour cela ? - Il ne voulut point habiter le château des Tuileries, se souvenant que Bonaparte s'était plu dans les palais de Vienne, de Berlin et de Moscou.
( ... )
Le jour de l'entrée de Louis XVIII à Paris, Alexandre se cacha derrière une croisée, sans aucune marque de distinction, pour voir passer le cortège.
( ... )
Alexandre avait quelque chose de calme et de triste : il se promenait dans Paris, à cheval ou à pied, sans suite et sans affectation. Il avait l'air étonné de son triomphe ; ses regards presque attendris erraient sur une population qu'il semblait considérer comme supérieure à lui : on eût dit qu'il se trouvait un barbare au milieu de nous, comme un Romain se sentait honteux dans Athènes. Peut-être aussi pensait-il que ces mêmes Français avaient paru dans sa capitale incendiée ; qu'à leur tour ses soldats étaient maîtres de ce Paris où il aurait pu retrouver quelques-unes des torches éteintes par qui fut Moscou affranchie et consumée. Cette destinée, cette fortune changeante, cette misère commune des peuples et des rois, devaient profondément frapper un esprit aussi religieux que le sien."

 

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Tsarskoïe Selo ou la splendeur impériale 

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