Il y a une différence entre ce qui est vrai et ce que l’on croit, tant la vérité est une certitude démontrable qui se doit d’être objective, alors que la croyance est une adhésion subjective non démontrable. Ainsi y-a t-il trois formes de croyance :
la superstition = croire à
l’opinion = croire que
la foi = croire en
et, à ces trois formes de croyance, l’objectivité s’oppose. Quant à la superstition, c’est une croyance irrationnelle qui admet l’existence de puissances occultes et risque de faire sombrer la personne dans l’irrationnel, souvent par peur ou anxiété. La superstition est le plus souvent le fruit de l’ignorance et de l’inquiétude, sorte de pensée magique qui concerne tous les humains depuis la petite enfance où le nourrisson crie pour que la mère apparaisse aussitôt. Alors quelle différence entre la pensée magique et la religion puisque le religieux a tendance à renvoyer l’homme à un au-delà transcendant ?
Il est vrai que la foi exige un engagement total mais n’est pas fondée sur des arguments rationnels. Croire n’est pas savoir, si bien que le philosophe se refuse à toute croyance, redoutant que la foi opère un déplacement face à la réalité. Lucrèce disait que l’homme a volontiers peur des dieux et de l’au-delà. Epicure, que les dieux de l’Olympe ne peuvent être que bons et parfaits et que l’homme n’a rien à craindre d’eux. Alors que Xénophane s’élevait contre ceux qui projetait l’image des hommes sur les dieux. Descartes, philosophe plus proche de nous, a eu l'audace d'établi trois preuves de l’existence de Dieu. « Il faut nécessairement conclure que Dieu existe ; car je n’aurais pas l’idée d’une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n’avait pas été en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie. »
Selon lui, l’erreur avait pour origine le concours de deux causes : la faculté de connaitre et le libre arbitre. Il fut d’ailleurs poursuivi pour ces propos, péché d’orgueil, assurait-on. Comment osait-il prouver l’existence de dieu ! On affirmait que ni Dieu, ni l’âme ne pouvaient être démontrés et que la connaissance devait s’astreindre à certaines limites, autrement elle risquait de sombrer dans l’illusion. Les mystiques disent qu’il y a des vérités qui dépassent le savoir et qu’il faut alors s’obliger à une forme supérieure de certitude. A ce propos, Saint Bonaventure soulignait qu’il y a en nous trois regards possibles : celui de la chair, celui de la raison et celui de la contemplation. Or la philosophie entend s’appuyer sur le seul regard de la raison parce que l’on ne peut démontrer que ce que l’on est en mesure de comprendre et de vérifier. D’où la différence de domaine impartie à chacun d’eux. Je peux certes communiquer mon savoir mais je ne puis communiquer ma foi. La foi relevant de l’arbitraire individuel. Sceptique, le philosophe se méfie de tout ce qui n’est pas le fruit de la raison alors que la foi dépend de l’ordre de la croyance.
L’opinion, quant à elle, est bien entendu le fruit de la pensée. Socrate et Platon furent les premiers à partir en guerre contre l’opinion parce qu’il y a deux formes d’opinion : l’opinion juste et l’opinion vraie. Ainsi, arrive-t-il à chacun de nous de dire une chose vraie sans être en mesure de la justifier. Oui, l’opinion énonce très souvent une vérité sans être capable de la connaître réellement, seulement de la supposer … Dans « La République », Platon précise la différence qui existe entre l’opinion et la réflexion. A chaque chose de notre monde correspond une idée et, en nous tournant vers l’idée de ces choses, nous pouvons atteindre leur connaissance. Quant à l’opinion, elle s’établit sur des réalités sensibles alors même que le monde sensible change et que seul le monde des idées est éternel. Si bien qu’entre vérité et erreur, quelle marge de manœuvre avons-nous pour déceler une vérité ?
Pour ne point les confondre, il faut saisir le mécanisme de la connaissance. Descartes, encore lui, écrit que le pouvoir de comprendre et le pouvoir de juger relèvent de deux facultés différentes : l’entendement et la volonté. Notre entendement est limité, alors que notre volonté peut être totale. Et l’homme s’apparente à Dieu par la volonté, celle qui lui permet de dire oui ou non. Il n’y a rien que la volonté ne puisse s’approprier, tant elle adhère à ce que l’entendement propose. L’erreur n’est pas du côté de la raison mais de la faculté d’affirmer par la volonté que cette idée est vraie ou fausse. Une idée claire est tout de suite présente à l’esprit. Elle ne passe pas par la mémoire, elle est irrésistiblement actuelle. Admettons que le monde soit construit par l’esprit, si bien que c’est lui qui élabore notre univers et lui donne sens. C’est parce que nous avons une liberté et une volonté que nous pouvons adhérer ou nous tromper, coupables d’avoir mal usé de notre entendement et fait mauvais usage de notre liberté. Si bien que nos erreurs sont le résultat de notre liberté, alors qu’une machine peut dijoncter mais ne se trompe pas pour autant puisqu’elle ne peut user d’une quelconque liberté.
Dans l’opinion, n’en doutons pas, la vérité est constamment à l’œuvre. C’est en quelque sorte l’enfance de l’esprit et son pouvoir inaliénable. Si bien que contrairement au corps, l’esprit invite à la vie et évoque le souffle intérieur qui s’oppose à l’attachement aux seules réalités visibles.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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