Qu’ont-ils en commun le cavalier et le marin ? En lâchant la bride, en levant l’ancre, que cherchent-ils ? Est-ce seulement le goût du départ, est-ce de se confronter au vent, à l’espace, est-ce encore et toujours l’aventure, le voyage ? Il faut se souvenir que le cheval et le bateau furent pendant des siècles les seuls moyens de reculer l’horizon devant soi. Le pas du cheval accompagnait le pas de l’homme. On sait aussi que le cavalier aime sa monture comme le marin son bateau. Entre eux se sont tissés des liens indéfectibles. C’est par eux et avec eux que l’homme se libère des entraves, s’engage dans un itinéraire qui le mènera ailleurs.
Mener ? Voilà un mot que le marin et le cavalier interprètent de même façon. En effet, on mène son bateau dans la mesure où l’on est maître à bord, on conduit sa monture dans la mesure où on la maîtrise. La comparaison s’arrête là, car si on peut dominer le cheval, jamais l’homme ne dominera les éléments et le bateau est aussi ce qu’en fait la mer. Les couples marin-bateau, cavalier-cheval ont en commun le goût de la conquête. Si des expéditions ont été possibles, si des terres ont été découvertes, le mérite en revient à ceux qui ont armé des flottes, enrôlés des cavaliers, tant il est vrai qu’ils furent des conquistadores jamais lassés de mettre le cap au large pour les uns, au loin pour les autres.
La genèse du navire se perd dans la nuit des temps. L’homme primitif transportait des marchandises au moyen de radeaux. Et, au cours des siècles, les navigateurs n’eurent plus de cesse que de modifier l’architecture de leurs embarcations, de façon à les rendre plus performantes, plus sûres et surtout plus rapides. Les noms de ces bateaux font rêver : il y eut les felouques égyptiennes, les jonques chinoises, les drakkars vikings, puis apparurent les caravelles, les frégates, les trois-mâts barques, les clippers, ces coursiers dont la coque effilée fendait les eaux pour porter d’un continent à l’autre le coton, le thé, la soie.
Quand apparut la vapeur, c’était pour aller plus vite encore et on demandait : Combien de centaines de chevaux y-a-t-il sous les moteurs ? Le navire servait au transport des marchandises, le paquebot à celui des troupes ou des passagers, les cuirassés, les croiseurs, les destroyers à la guerre. Avec le cheval, l’évolution fut à peu près semblable. Lui aussi fut utilisé pour le combat, le transport, puis pour l’équitation et le sport. Dans les siècles anciens, le cheval était employé comme destrier. La charge de l’armure des chevaliers médiévaux était telle que la robustesse de l’animal comptait davantage que sa vélocité. Les Croisades révolutionnèrent l’art de la guerre. En découvrant la supériorité des montures arabes plus mobiles, les Occidentaux eurent l’idée de croiser des étalons d’Orient avec leurs juments locales et, au fur et à mesure de leurs progrès, parvinrent à donner naissance au pur-sang. Ne fallait-il pas que le cheval file à vive allure, qu’il transporte non seulement le cavalier mais achemine les nouvelles à une époque où n’existait pas le télégraphe ? Il avait par ailleurs la charge de tirer la charrue et la diligence, le carrosse et la simple carriole. Il fut le compagnon de l’homme dans le travail, dans le combat, dans le jeu. Comme le bateau.
Il est arrivé que le navire transporte le cavalier et sa monture ; de même que l’on peut surprendre, en longeant une berge, le spectacle rare de chevaux qui halent une péniche. Destins croisés ? Sans nul doute ! Et Deauville ne l’ignore pas, elle qui voit dans sa baie, aux feux du soir, se disputer des régates et, perçoit, venant de ses champs de course, le martèlement des sabots. Tout est joué. Les voiles se ferlent et les chevaux reviennent au paddock.
Demain matin, si vous vous levez à l’aube et prenez le chemin de la plage, que verrez-vous dans le petit jour qui frémit, au bout de la jetée ? Des voiles qui claquent au vent du large et, au long des vagues, là où la mer vient lécher le sable, des chevaux qui galopent leur crinière au vent du bord…
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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