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11 mars 2024 1 11 /03 /mars /2024 08:57

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L'esprit celte aime s'attacher à la mémoire des lieux. La ville de Glastonbury a beau se trouver en Angleterre, elle fait ancestralement partie du royaume celtique et fut assimilée au XIIe siècle avec l'île mythique d'Avalon. Elle a vu depuis sa renommée décupler, la légende arthurienne venant se greffer sur des traditions d'une remarquable pérennité religieuse.
Au sud-ouest de l'Angleterre, dans l'ancienne Domnonée des Bretons, une éminence naturelle, visible de très loin, frappe l'oeil : un tertre verdoyant surplombe la ville de Glastonbury. Ce relief énigmatique, qui domine la plaine basse des Somerset Levels, a pris le nom de tor, mot d'origine celtique désignant une colline ou une crête rocheuse. Au sommet de cette prédominance trône aujourd'hui la seule tour qui a survécu aux aléas des siècles.

 


De 10.000 à 8.000 avant J.C., sous l'effet du réchauffement climatique de la fin de la dernière glaciation, se produisit une formidable remontée des eaux océanes. Les plaines furent totalement submergées et, pendant cinq millénaires, Glastonbury compta parmi les rares îlots qui parvinrent à faire surface. Lorsque la mer commença de se retirer, une végétation de bois et de landes recouvrit la région marécageuse et permit peu à peu la formation de vastes tourbières. Vers 4.000 avant notre ère, des peuples chasseurs investirent les lieux et fondèrent des cités lacustres. Ce caractère singulier de sanctuaire naturel suscitera le sentiment du sacré que possédaient d'instinct les populations pré-indo-européennes du néolithique. Situé au centre d'un important maillage de sources d'eau souterraines et de lignes telluriques, le Tor connut très tôt  la ferveur cultuelle. Quand les Celtes s'installèrent en Bretagne insulaire durant le premier millénaire, l'île devint le foyer d'un collège druidique, comme le mentionneront plus tard les textes médiévaux des Triades galloises.
 


Au VIIe siècle de notre ère, les Saxons conquièrent le Somerset et poursuivent le drainage des terres, sans omettre d'ériger un oratoire au sommet du Tor. Ainsi Glastonbury devient-il le siège d'une importante abbaye. Bien que ruiné par les invasions des vikings danois du IXe siècle, des moines, venus d'Irlande, parviennent à exhumer le Tor de ses ténèbres, au point que le cimetière de Glastonbury abritera bientôt  les tombeaux des princes et des saints. C'est également à cette époque que l'on bâtit au sommet du Tor une église dédiée à Saint-Michel. Le culte de l'archange, protecteur de l'Occident, renoue avec le très ancien culte celtique du dieu de la Lumière.
Au moment de la conquête normande de 1066, le lieu est à son apogée et possède le plus riche monastère du pays. Cherchant à asseoir la réputation du saint lieu, les moines passent commande d'une histoire institutionnelle de la fondation de l'abbaye. L'île de verre des croyances anciennes correspondant aux descriptions de l'île d'Avalon, la ville de Glastonbury s'identifie à la résidence des rois de l'Autre Monde. Au même moment, le moine Caradoc de Llancarfan produit une Vie de saint Gildas.

 

 Pour la première fois, le roi Arthur est mis directement en relation avec Glastonbury. Arthur y serait venu délivrer Guenièvre, enlevée par Melwas, roi du Somerset, et retenue prisonnière dans la place forte du Tor. Plus tard, mortellement blessé à la bataille de Camlann, Arthur sera porté sur l'île d'Avalon pour y recouvrer la guérison. Son mythe est alors si fortement ancré dans la croyance populaire que le roi des Bretons est censé revenir d'Avalon pour mener les Celtes opprimés à la victoire contre l'envahisseur. Mais un dramatique incendie va totalement embraser l'abbaye en 1184, réduisant les bâtiments en cendres, abbatiale et cloître compris. Tout est à néant et le coût de la reconstruction s'annonce exorbitant. Les reliques étant compromises, le nombre des pèlerins diminuera fortement.

 

Au cours des travaux de restauration en 1191 survient un événement d'importance : les moines mettent à jour une ancienne sépulture. Celle-ci, profondément enfouie, est découverte entre les deux pyramides du cimetière. Il s'agit d'un sarcophage creusé dans un tronc de chêne, contenant les restes d'un prince guerrier couvert de blessures ; à ses côtés, repose son épouse dont la chevelure étend encore ses tresses d'or. Surmontant les dépouilles, une croix de plomb porte en creux l'inscription suivante :  Ici repose l'illustre roi Arthur dans l'île d'Avalon. La découverte de ces reliques va apporter à l'abbaye un prestige retentissant. La dynastie Plantagenêt met aussitôt à profit la légende. Arthur mort, il ne reviendra plus. C'est là mettre un terme à l'espoir breton de la survivance du souverain tutélaire et opérer, par la même occasion, un transfert de légitimité. Les restes d'Arthur et de Guenièvre sont solennellement remis en terre un siècle plus tard, en présence du roi Edouard Ier d'Angleterre. Glastonbury, transformé en sanctuaire de la royauté britannique, devient également la gardienne de la mémoire arthurienne.



Mais le 13 septembre 1275, de violentes secousses telluriques vont traverser le Tor, anéantissant l'église accrochée à sa cime. La rénovation s'avèrera de courte durée. En 1539, l'abbaye est rasée de nouveau sur ordre du roi Henri VIII. Rien ne subsistera des huit cents communautés catholiques de Grande -Bretagne ; le roi, ayant rompu son alliance avec le pape pour le motif que celui-ci se refusait à annuler son mariage avec Catherine d'Aragon, va provoquer un schisme d'où naîtra l'Eglise anglicane. La sépulture d'Arthur, profanée, disparait à jamais et, durant trois siècles, le Tor et l'illustre abbaye gisent lamentablement, abandonnés de tous. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que l'on renoue avec l'histoire des lieux et que l'archéologue britannique Arthur Bulleid découvre les vestiges du village lacustre qui témoigne du peuplement celte de l'âge du fer, tandis que des érudits français entreprennent le difficile travail d'authentification des manuscrits fondateurs. Leurs recherches n'empêcheront pas le Tor de compter nombre d'interprétations fantaisistes, mais, désormais, Glastonbury va faire l'objet de nouvelles fouilles et ce patrimoine fabuleux susciter des études historiques, littéraires, archéologiques sérieuses. C'est ainsi que, puisant dans la nostalgie de son ascendance galloise, l'écrivain John Cowper Powys va insuffler au Tor la puissance d'une colline inspirée et placer le mythe du Graal au centre de son chef-d'oeuvre romanesque A Glastonbury romance ( Paris/Gallimard 1975-76 - 4 vol. ), renouant avec le fil jamais rompu des légendes qui hantent encore nos mémoires.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

Sources / Yann Le Gwalc'h - N.R.H.   et   Geoffrey Ashe ( The Story of Glastonbury )

 

 http://www.isleofavalon.co.uk/avalon-intro-fr.html

 

 

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commentaires

A
Arthur ?<br /> Tout près de Berne, on a découvert un groupe en bronze, datant du Ier ou du IIème siècle de l'ère chrétienne, qui représente un ours de très grande taille s'approchant, comme pour lui rendre hommage, d'une déesse assise ; l'inscription gravée sur la base du bronze nous apprend que c'est une offrande pieuse, un ex-voto à la déesse Artio. Artio est un nom celtique qui est apparenté de très près au nom grec de l'ours, arktos ; la déesse Artio était alors une déesse ursine, une déesse ayant l'ours pour attribut ou pour compagnon.<br /> Donc, avant l'époque des divinités à figure humaine, Artio était une déesse-ourse, une ourse sacrée.<br /> (…)<br /> On a dit du « mystère des nombres » qu'il renferme les moyens d'opération des forces secrètes de la Nature, et que d'abord l'ellipse, la parabole et l'hyperbole trouvent leur synthèse dans l'ovoïde, en forme d’œuf. Tout le monde sait que l’œuf était un symbole sacré dans tous les Mystères de l'antiquité, parce qu'il représente l'action maternelle, donc le commencement de la vie, la virtualité, l'existence potentielle, le commencement de toute échelle numérique. Il est représenté dans les chiffres par le zéro, qui, dans l'ancien système de numération des Chaldéens, commençait les nombres.<br /> Les chiffres servant à expliquer les mystères restèrent longtemps secrets.<br /> Les figures géométriques, représentant les nombres extériorisés, ont une signification symbolique : le « 0 » est l’œuf du monde, le sexe féminin ; le « 1 » c'est l'être divin, considéré dans son unité ; le « 2 » représente l'homme à genoux devant l'être divin ; le « 3 » l'enfant ; le « 4 » la femme assise, le siège (saint-siège, chaise curule), l'inactivité ; le « 7 » l'esprit qui monte (les étoiles, le septénaire).<br /> À propos du chiffre 4, rappelons que le hiéroglyphe du mot « Isis » est le siège. Il sert à écrire le mot « demeure ». Isis représente l'habitation, la maison, on dirait en terme moderne : le foyer, le « Home ». Dans toute l'étendue des Iles Britanniques, le culte primitif s'adressait au principe féminin dans sa nature vivante. Partout on trouvait des enclos de pierres, de forme circulaire, semés dans les montagnes et les vallées, représentant la place mystérieuse de l'acte de vie, l'abri, le home. Et, dans la première astronomie comme dans l'eschatologie, ce cercle est appelé du nom de « Ked », le centre des pouvoirs créateurs de la Grande Mère. ». À Edimbourg, cela s'appelait « Arthur's seat » (le siège d'Arthur), place de la Mère, le séjour natal de l'enfant. Ceci explique l'origine du prestige attaché aux mots « Saint-Siege », dont l'hiéroglyphe, en Egypte, était une chaise portée sur la tête. Et c'est de là que vient la prérogative de la Mère, de la Femme, qui reste assise quand l'homme est debout.<br /> « Les chevaliers reviendront, dit Merlin, quand Galaad leur tendra des armes nouvelles. Et ils reprendront la Quête, non dans le sang mais dans la Lumière, non contre l'Amour mais avec lui. »<br /> Cordialement.
Répondre
A
Merci de ces explications fort intéressantes.Et qui ouvrent des perspectives rassurantes : " Et ils reprendront la quête, non dans le sang mais dans la lumière."
S
Merci pour ce très interessant article que j’ai lu avec d’autant plus d’intérêt que je me suis rendue il y a fort longtemps dans ces lieux . Vous m’avez permis de retrouver l’émotion alors éprouvée .
Répondre
A
Merci Simone, ces lieux sont très évocateurs d'une épopée.

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