Au bord des eaux dormantes,
voici le jardin clos,
où tout n'est que murmure,
où tout se fait écho,
où notre attente se gorge de choses désirées,
où le vallon se creuse sous ses hautes futaies,
où la liquidité ouvre des voies multiples
à nos esprits inquiets.
C'est le retour aux sources,
le ruisseau mélodieux,
l'onde compatissante et le flot tumultueux,
Le monde revenu à sa nativité,
dans la solennité et l'éblouissement,
la vie comme rappelée à son unicité.
C'est un cérémonial dans lequel on entre,
un itinéraire commencé avant l'aube.
L'enfant nous guide d'un pas de sourcier.
Une cloche tinte. Elle nous rappelle que le temps
laisse en nous l'empreinte de ses dents voraces.
Cherchons un lieu pour y établir notre gîte.
Le péril est au bout de cette longe
qui nous tient attentifs.
N'allons pas au-delà du signe sur la pierre,
du tatouage sur la rive abordée.
A nos épaules,
le temps pèse de tout son âge,
tandis qu'au loin se perçoit
le murmure des orges et des blés.
Admettons que les choses
fassent semblant de recommencer.
Lorsque l'oeuvre sera accomplie, la parole dite,
qu'auras-tu à m'apporter de meilleur,
à me confier de nécessaire ?
Une fête s'installera dans un décor gaufré.
Les baraques de tir, les manèges,
les vieilles mélodies, les clowns plus tristes
que des soldats à la parade,
cette joie monotone pour notre avril.
peut-être me diras-tu : il se fait tard ?
J'aurais un petit rire. Il pleuvra.
D'un élan, tu es autre,
loin de la maison pieuse,
loin de la lampe qui cristallise les objets.
Victimes d'un long oubli,
nous demeurons égaux dans le sommeil,
nous devinons nos visages
qu'un souffle disperse et efface.
Autrefois, tu éprouvas la plénitude des choses,
tu sus te souvenir de ce qui ne fut pas.
La tension abolit la distance,
la forêt prend mesure de l'arbre,
nos pas ajustent le chemin.
De part en part, se situent les terres
où le visible nous condamne.
Car nous régnerons,
nous qui avons épousé la jeunesse de l'eau.
Nous régnerons dans l'immobile noyau de notre songe.
Probablement est-ce là
que les choses cesseront d'être mortelles,
que l'éternité prendra feu,
que ta royauté me fera reine.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE (Extraits de "Profil de la Nuit")
Pour consulter la liste des "articles me concernant", cliquer ICI