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1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 09:30
MES VOEUX POUR 2025

Chaque année, alors qu'approche le 31 décembre, chacun de nous oublie rarement de faire un bilan de ce qui l'a le plus déçu, affecté ou encouragé durant les 365 jours qui se sont écoulés avec plus de bas que de hauts sur le plan des réalisations sociales, politiques ou culturelles. Il est vrai que l'humanité traverse, depuis quelques années, des épreuves de tous ordres conduites par des projets qui desservent les nations, mutilent leur équilibre et brisent leurs espérances. Il est pourtant d'actualité de rappeler combien la restauration de Notre-Dame a eu le mérite de susciter nos émotions et de rappeler combien la solidarité planétaire est capable d'élans et de capacités qui permettent à l'homme d'aujourd'hui de réanimer le passé. Rien n'est donc perdu de ce qui fut à une certaine époque "le miracle gothique". En effet, rien ne se consume si nous maintenons en nous l'exigence, conservons une plume impétueuse et n'abandonnons jamais l'espérance. Notre civilisation est en danger, certes, mais chacun a en lui les ressources de l'originalité, du désir, ce qui ouvre sous nos pas une part d'infini. 

 

Comme ce le fut pour Notre-Dame, les hommes et les femmes, que nous sommes, sont en mesure de restaurer et ainsi de faire renaître pour le meilleur ce qu'il y a eu de plus sage, de plus vrai et de plus abouti, aussi veillons à maintenir notre force intérieure et, ce, malgré les faiblesses et les désillusions habituelles. Oui, serrons-nous les coudes et formulons sans crainte nos espérances.

 

ARMELLE

 

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30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 08:52
La chanson du poète

Les poètes ont raison
de marcher sur les nuages
d'être des baladins
de n'avoir point d'attaches
de vivre en un jardin ou poussent sans façon
les refrains, les quatrains.

 

Les poètes ont raison
de n'être point serviles
aux manières, aux jugements
des foules et des nations
de se moquer des modes
qui si vite se démodent
d'avancer nez au vent.

 

Les poètes ont raison
de dédaigner le temps
qui au jour fait ombrage
de préférer le large
et les grands horizons
aux trop étroits rivages
et de prendre l'absolu
pour seule voie étroite.

 

Les poètes ont raison
de boire en ce bocage
l'eau des claires fontaines
d'abreuver leur soif
aux amours éternels
et de mourir à l'aube
semblables à des étoiles.

 

Armelle Barguillet Hauteloire    (Poème composé pour un musicien)


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19 septembre 2024 4 19 /09 /septembre /2024 08:58
INCANDESCENCE - POEME

              

O paroles humaines pétries de conventions
et abimées toutes  d’adjectifs sulfureux,
ô odieux stratèges de la communication,
paroles véhiculées par des suppléments de noms
et des compléments de verbes pompeux et abstraits,

je vous ai couchées, belles phrases
dorées et enluminées de ma confession
si fiévreusement recueillie
dans la coupe de ma pensée,
je vous ai couchées sur la feuille blanche de l’écritoire
où je me découvre moi-même si corruptible
dans l’élaboration de mes concepts,
si pauvrement démunie
devant le jeu de construction de mon mental
que je tente vainement d’élever à hauteur d’intelligence.

Mon expression écrite et orale
m’explique mal
et mon esprit s’abîme de doute
lorsqu’il a charge d’honorer et de traduire
l’incommunicable.
Ô paroles humaines, je vous accuse
d’avoir blessé plus d’un bavard,
d’avoir déchiré plus d’un cœur
soucieux d’entendre vos diatribes
hautes en couleurs
et vos fumeuses harangues …

Terrible châtiment que ces océans d’adverbes,
ces raz-de-marée de pronoms,
ces laves d’épithètes !
A quel niveau de la polémique
doit se placer la censure,
à quel degré de l’échelle humaine
se situer l’accord souverain des pensées,
à quelle profondeur insondable se recueillir
la prière sublime et la sainte oraison ?


Verbe incandescent au saint des saints,
plus de discours, plus de réquisitoire,
plus de pamphlet, plus d’épitaphe,
mots hors d’usage vous m’offensez
de corrompre, d’avilir, de trahir,
de mutiler la parole unique,
parole gravée, taillée dans le granit des calvaires,
hors d’atteinte du temps,
dolmen concentré en veines de silence,
vous exprimez l’inexprimable,
défiez le simple entendement,
liez et déliez d’un seul tenant l’irréversible.

Parole d’amour,
unique en votre croisement,
superbe d’exigence et de transcendance,
vous maintenez seule dans votre unité,
admirable achèvement,
vitrail de transparence,
vous maintenez seule la croisée des transepts
et l’incorporelle alliance.

 

Il nous fallait gravir cette cluse
où l’eau coule radieuse
jusqu’aux plus hautes instances
de la terre sur le ciel,
là où battait l’artère fémorale
et le sang noir jaillissait, cela se faisait dans l’éclat,
sourcemment des entrailles profondes,
boues, laves incandescentes,
grand cri de la terre sur le monde,
cri de désespérance de par le monde,
centre, point de jonction
où se recueille l’univers,
écoutez, entendez
ce plain-chant de l’oracle boréal.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

Extraits du poème « INCANDESCENCE
Editions Saint-Germain-Des-Pres (1983)

 

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14 février 2024 3 14 /02 /février /2024 08:38
Au bord des eaux dormantes

Au bord des eaux dormantes,
voici le jardin clos,
où tout n'est que murmure,
où tout se fait écho,
où notre attente se gorge de choses désirées,
où le vallon se creuse sous ses hautes futaies,
où la liquidité ouvre des voies multiples
à nos esprits inquiets.
C'est le retour aux sources,
le ruisseau mélodieux,
l'onde compatissante et le flot tumultueux,
Le monde revenu à sa nativité,
dans la solennité et l'éblouissement,
la vie comme rappelée à son unicité.

 

 

C'est un cérémonial dans lequel on entre,
un itinéraire commencé avant l'aube.
L'enfant nous guide d'un pas de sourcier.
Une cloche tinte. Elle nous rappelle que le temps
laisse en nous l'empreinte de ses dents voraces.
Cherchons un lieu pour y établir notre gîte.
Le péril est au bout de cette longe
qui nous tient attentifs.
N'allons pas au-delà du signe sur la pierre,
du tatouage sur la rive abordée.
A nos épaules,
le temps pèse de tout son âge,
tandis qu'au loin se perçoit
le murmure des orges et des blés.


 


Admettons que les choses
fassent semblant de recommencer.
Lorsque l'oeuvre sera accomplie, la parole dite,
qu'auras-tu à m'apporter de meilleur,
à me confier de nécessaire ?
Une fête s'installera dans un décor gaufré.
Les baraques de tir, les manèges,
les vieilles mélodies, les clowns plus tristes
que des soldats à la parade,
cette joie monotone pour notre avril.
peut-être me diras-tu : il se fait tard ?
J'aurais un petit rire. Il pleuvra.

 

 

D'un élan, tu es autre,
loin de la maison pieuse,
loin de la lampe qui cristallise les objets.
Victimes d'un long oubli,
nous demeurons égaux dans le sommeil,
nous devinons nos visages
qu'un souffle disperse et efface.
Autrefois, tu éprouvas la plénitude des choses,
tu sus te souvenir de ce qui ne fut pas.
La tension abolit la distance,
la forêt prend mesure de l'arbre,
nos pas ajustent le chemin.
De part en part, se situent les terres
où le visible nous condamne.

 



Car nous régnerons,
nous qui avons épousé la jeunesse de l'eau.
Nous régnerons dans l'immobile noyau de notre songe.
Probablement est-ce là
que les choses cesseront d'être mortelles,
que l'éternité prendra feu,
que ta royauté me fera reine.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  (Extraits de "Profil de la Nuit")
 

 

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 07:31
Désert - Poème

 

Je reviens d'un pays où ne moutonne que le sable
où la grande vague levée est d'or et de sang éclatée.
Je reviens d'un pays où la raison parfois divague
et l'espérance, belle et fatale,
entre les bras du vent se meurt.
Voici l'heure où s'avance, venue du large horizon
où ne repose plus le temps,
l'éternité, plane et totale,
la terrible exigence et l'absence redoutable.
Ici, il n'y a plus de marge qui se calcule et s'aménage,
rien d'autre que l'infini du sable.


Je reviens d'un pays
où le bonheur parfois s'estompe ,
léger comme le plus léger nuage,
où le doute et la tristesse,

comme autant de lointains mirages,
s'éclipsent en fluides vagues.
Point de vaste océan naviguant sous les voiles,
point de cathédrale, haut vaisseau des rivages,
et pas de cénotaphe,
mais la mer rouleuse de vagues,

écaillée d'or sur ses crêtes.

 

Je marche dans un désert
aussi vaste que mon avidité.
Tout est clair. Je trace une ligne
qui s'efface au fur et à mesure de mes pas.
Rien ne rappellera mon passage,
car il n'y a pas d'écriture,
pas de pierre dure à la main,
seulement la coulée du sable.
Cette solitude dans le désert
ne me choque pas,
la misère n'y a pas de regard,
le feu absorde tout.
L'homme y devient un géant
dans le gigantesque espace.
Au-dessus de lui, le ciel,
lavé par la houle des vents,
devant lui, la terre dévorée de silence,
mouvante et tendre à son pied.
Point de tour pour guetter l'ennemi,
les ennemis sont la faim et la soif,
des ennemis naturels que l'on ne saisit jamais.
Et l'on se couche et l'on s'endort
un peu las dans ses membres,
délivré des désirs,
avec des rondes de lumière dans les yeux
et le seul souvenir d'une marche
longue et pénétrante comme une attente.

 


Je ne reconnais plus le monde,
et le monde ne connait plus mon visage,
le sable a tout recouvert,
et le temps et l'heure et le voyage.
Je reviens d'un pays
où ne moutonne que le sable,
où la grande vague levée
est d'or et de feu éclatée.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( extraits de « INCANDESCENCE »  Ed. Saint-Germain-des-Prés 1983 )
 

 

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Désert - Poème
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24 juin 2023 6 24 /06 /juin /2023 07:41
LES ETATS GENERAUX DE NOS AMIS LES ANIMAUX - FABLE

 

 

Un jour qu’au centre de la forêt,

Se tenaient les Etats généraux de nos amis les animaux,

Les uns et les autres se plaignirent

Qu’à leur égard les humains affichaient trop de dédain.

Ecoutez plutôt ce que le tigre, le premier,

Vint raconter à l’assemblée.

Bigre ! dit-il non sans courroux, ne sommes-nous pas traités de jaloux

Par des quidams qui le sont bien davantage que nous ?

Jaloux comme un tigre, disent-ils.

 

Ah ! Ah ! s’exclama une oie, qui se trouvait à passer par là,

A votre tour comprenez mon émoi quand je surprends, alentour,

Des propos fort discourtois.

Il me revient aux oreilles que l’on traite telle jouvencelle

De bête comme une …

 

Ces ragots sont intolérables, s’indigna le chimpanzé.

Heureusement que j’ai la chance d’être mieux considéré.

Ne voyez pas d’irrévérence si je vous confie, mes amis,

Que l’on me subodore plus malin que bon nombre de pékins.

Suffit ! répliqua le corbeau qui, du haut de son perchoir,

Drapé dans sa houppelande noire,

Jouait, non sans morgue, au tribun vénérable.

Malin comme un singe, dites-vous ?

Voilà un compliment qui recèle plus de fiel que de miel.

A votre place, mon cher, je ne serais pas si fier

Qu’on me flattât de cette manière.

 

C’est alors qu’entra en scène sa majesté le lion.

Sa présence suscita une vive émotion.

Vous parlez à tort, dit-il, plus sentencieux encore que le docte corbeau.

Les hommes, comme nous autres, n’ont jamais respecté que la loi du plus fort.

Aussi, ne soyez pas étonnés si je passe pour bien né.

Ils m’ont proclamé roi et sachez que chez eux

Ce titre-là est prestigieux.

Hélas ! gémit la colombe, d’une voix d’outre-tombe,

N’arrive-t-il pas que, parfois, au milieu de leur peuple en liesse,

On coupât la tête des rois ?

 

Certes, certes, poursuivit le lion, les hommes ne sont pas des agneaux,

Ils ont même tant de défauts qu’ils nous les mettent sur le dos.

Les doléances n’en finissaient pas.

C’est ainsi qu’une tortue se plaignait qu’on la jugeât lente,

Qu’un renard se demandait s’il devait se vexer qu’on le prit pour rusé,

Alors que dans l’hémicycle, un paon protestait contre ceux

Qui osaient lui reprocher d’être un brin vaniteux.

 

Pour clôturer le débat, une couleuvre demanda :

Qui de moi ou de la gente humaine, qui me juge paresseuse,

Vous semble la plus venimeuse ?

La réponse allait de soi. Les hommes, qui ne sont pas charitables,

A trop médire, ne retirent que des succès peu louables,

Tant il est vrai que l’on est plus enclin à rire des autres que de soi.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE   - La ronde des fabliaux -

 

 

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LES ETATS GENERAUX DE NOS AMIS LES ANIMAUX - FABLE
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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 07:59
Sur nos épaules, prenons ce reste de lumière

Ne restons pas à pleurer ce qui n’est plus.
Sur nos épaules, prenons ce reste de lumière.
Rafraîchissons-nous de cette eau de cendre
Que le désert exsude encore.
L’horizon s’oblitère. Il n’est plus qu’un vestige
Au fond de l’esprit.
De l’avoir trop contemplé nous rendit aveugles.

 

Jusqu’où aller ?
Aucune route qui n’aille plus loin que nous !
La mer s’oppose, tronque la marche,
La terre s’éprend du relief des vagues,
De l’audace de l’arbre qui croît,
Du cheval qui s’arrime au vent.
Une lueur accentue l’écart du silence,
Une conque marine souffre du même infini,
Nous sommes à la dérive jusqu’à l’écorchure des mondes.

 

D’autres eaux plus vivantes nous emporteront.
Nous baisserons les yeux
Et la rive laissera gémir ses ronces.
Nous y poserons le pied
Sachant que nous n’arrêterons plus de marcher.
Avec le temps, nous composerons un tissage,
Dont la trame guerroiera avec les éclairs dans le vent.

 

Nous avançons et nos rêves
Sont comme des faucons sur nos poings.
Ils savent mieux que nous où nous allons.
En nos terres de chasse ils nous précèdent.
Ils ont inventorié nos appeaux,
Ils ont l’œil que nous n’avons pas,
La force que nous n’osons libérer.
Nous pourrions les suivre
Mais, au-delà du seuil, est l’inconnaissable
Que nous n’osons nommer…

 

A l’heure où le ciel glane ses derniers épis,
Mettons le feu aux miroirs,
Afin que la gloire y soit présente.
Et pour que l’illusion soit complète,
Parlons d’amour à nos doubles
Qui riront de nos déguisements.
Venu du haut pays,
Un adolescent lira les tables du désir
Et la peine s’assoupira avec l’effraie.

 

Les pluies ne nous apaiseront pas.
Nous nous laisserons mener par elles
Vers des pays de lacs et de brumes.
On y vendange un vin noir que nous boirons,
On y moissonne des chagrins d’hiver
Et nous vieillirons parmi les arbres aux anxieuses ramures.

 

Quand nous aurons cessé d’aimer,
Une félicité curieuse nous gagnera.
Nous aurons lavé jusqu’au revers de nos mémoires,
Et l’enfant, sans bruit, au jardin,
Ira ensevelir nos ombres.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE  ( Extraits de « Profil de la Nuit » )

 

 

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2 juin 2023 5 02 /06 /juin /2023 07:38
LE LIEU DE REMINISCENCE

 

Souvent, aux premières heures de la nuit,
On entendait gronder la colère du monde.
Alors, la vie se retirait, se mettait en attente,
Oiseau prolongeant en rêve sa volée.

 

Lorsque la souffrance se défroissait,
Les bambins, un à un, venaient se coucher dans ses plis.
Ils avaient oublié leurs visages dans les feuilles
Et ne savaient quel voyage poursuivre ;
Dans quel château hanté s’ébattent les licornes,
Vers quel contre-jour on navigue.

 

C’était un temps délicieusement lent.
On se tenait serré comme une meute d’enfants.
Nous avions des refuges, des territoires
Pour braconner les songes,
Des goélettes ancrées en des ports défunts.

 

 

Sans hâte, nous approchions de la terre qui nous ressemble.
On y vendange le vin de l’ivresse mystique.
Est-ce si loin en nos mémoires
Que nous n’osions en franchir le seuil ?
L’homme de toutes les soifs marche en quête d’eau vive,
Alors que le temps saigne encor de quelque mal.

 

 

Nous douterons. Ce sera notre dernière sueur.
Viendra le remords taillé dans le vieux tissu du jour.
On ne poursuit sa route
Que la tête tournée vers le couchant.
Nous avons pris ce siècle à bras-le-corps
Et c'est tant pis si nos désirs
Ne forment plus qu'une croix sur la terre dure.
Demain, l'un de nous dessinera une lampe
Et nous serons oublieux de la lumière.

 

 

Ce chemin, à l’orée, est celui où, sans fin, nous revenons.
Il y aurait mille possibilités de nous perdre.
Passez votre route, dit le sage.
Ne vous inquiétez pas de savoir où elle conduit.
Ailleurs n’est jamais autre part qu’en soi.

 

 

D'autres eaux plus vivantes nous emporteront,
Nous baisserons les yeux et la rive laissera gémir ses ronces.
Nous y poserons le pied,
Sachant que nous n'arrêterons plus de marcher.
Avec le temps, nous composerons un tissage,
Dont la trame guerroiera avec les éclairs dans le vent.

 


Ne restons pas à pleurer ce qui n'est plus.
Sur nos épaules, prenons ce restant de lumière.
Rafraîchissons-nous de cette eau de cendre que le désert exsude encore.
L'horizon s'oblitère. Il n'est plus qu'un vestige au fond de l'esprit.
De l'avoir trop contemplé nous rendit aveugles.

 


Les pluies ne nous apaiseront pas.
Nous nous laisserons mener par elles
Vers des pays de lacs et de brumes.
On y vendange un vin noir que nous boirons,
On y moissonne des chagrins d'hiver
Et nous y vieillirons parmi des arbres aux anxieuses ramures.


 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( Extraits de « Profil de la Nuit » )

 

Prix Saint-Cricq-Theis de l'Académie française  (1987)  - Prix  Renaissance de poésie (2001)

Prix de l'Académie Renée Vivien 2022 -

 

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LE LIEU DE REMINISCENCE
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5 mai 2023 5 05 /05 /mai /2023 09:24
Ne plus être l'orage mais le feu qu'on transmet

 

J’ai à vous narrer l’histoire d’un peuple
qu’une lune maussade défigurât.
Epopée grandiose qui court
à la surface des choses provisoires.
C’est ainsi qu’il faut entrer
dans la conscience des vivants.
Voyez combien nos pensées ont fière allure
quand elles avancent à pas de géants
dans les plaines et les lagunes
avec le glissement sourd de l’engoulevent,
l’envergure altière des milans ! 

Fière allure ! Mais la demeure
des sages ne s’est pas échouée ainsi qu’un panthéon
à la cime de quelque mont Ararat !
L’intelligence referme son tabernacle.
Ce peuple s’affranchira des dieux.
Son instinct le guidera.
Il sera nomade et voyagera avec les vents.
Ah ! qu’un souffle détende le front des eaux
et je serai à vous dans la mouvance craintive des herbages,
au long des sentes oisives des steppes et de la pampa,
quelque part sur l’étendue inconnaissable
où une chimère, comme moi, s’attarde.

 

Je vous parlerai de ce peuple à nul autre semblable,
peuple pétri de glaise et nourri de froment
que l’étincelle du silex, un jour,
mit en marche vers le ponant.
Solitude de l’homme en l’homme,
terre sans partage,
hamada d’un coeur qui ne prend, ni ne donne,
vacance de l’espace.
Ensemble nous parlerons de ce passé
qui stratifie le temps.
Car ils étaient, gerbes de couleurs et de races,
des hommes d’écriture et de langage,
vague humaine qui se détache,
haute vague, houle insécable de pensée et de mémoire.
Puissance qui se disperse et s’élance
à l’assaut d’un donjon, d’un rempart
ou d’une médina,
croisade au pieux visage,
les serfs ont dérobé le sceptre et l’étendard,
un clerc a donné ordre que brûlent nos vaisseaux.
De quelque lieu qu’elle soit, la volonté des hommes fixe les héritages.

 

O langage des hommes qui ont tout oublié
du sens sacré des mots !
Langage, jusqu’où forer ?
Un mot exalte ou pacifie,
jamais lassé d’être roulé,
d’être brassé par la phrase qui le charrie.
(Phrase sans césure comme la houle insécable.)
N’être plus le décret, ne plus être la motion,
mais la tige assouplie dans la main du vannier,
ne plus être l’orage mais le feu qu’on transmet,

n’être plus que l’épi à terme des moissons.

 

Encore une octave et nous serons sur cette portée
où les choses ne sont plus visibles.
Au travers de la demeure, l’écho du vent passe.
Nous avons éteint le feu qui nous tenait en éveil,
fermé la porte sur l’incommunicable matière.
Tout est en ordre, n’est-ce pas ?
Mais quel frémissement trop humain nous agite,
alors que la nuit vient s’éteindre à nos lampes,
que l’insolente lumière commence à nous ronger ?

 


A celui qui veille, ce vieil adage de mémoire …
Et nous, dans la splendeur naissante,
heurtant de front l’aurore,
là où des lueurs incisent l’infini.
Nulle trace de passage sur la terre durcie,
nulle emphase de feuilles et d’arbres,
mais délivrance des captifs sur la rive,
mais coulée de fièvre dans le sable,
et toujours sur la pierre le signe du sacré.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

Prix Saint-Cricq-Theis de l'Académie Française en 1987

 

Prix de l'Académie Renée Vivien 2022

 

 


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8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 10:27
Dans le murmure du songe

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
 

 

 


            DANS LE MURMURE DU SONGE     
                (Prix Renée Vivien 2022)

 

 


Passé le dernier amer, le dernier cap, la salutation des phares,
L’eau souveraine jusqu’au débordement des astres !
Voie royale, sous l’arc de triomphe du ciel,
elle est immensité mouvante au regard
chaussée d’écume pour la marche océanique des dieux.
L’ère du songe s’ouvre aux hommes qui s’éloignent.
Ils laissent ici leurs instances, leurs lois et leurs réquisitoires.
Hommes, qui d’entre vous fut pris à défaut ?
Délivrez-vous de l’assistance servile des masses,
honorez votre âme d’un règne nouveau.
Délestez la quille des parures et artifices dont vous fûtes ceints et vêtus.
Elle est votre île sur les flots.
Plus nus êtes-vous, plus affranchis dans la lumière.
Votre regard s’accoutume à la blancheur du sel sur les vagues,
à l’éclat du couchant qui saupoudre les eaux d’une manne d’étoiles.
Solitude en mer dans un lit de plancton et d’algues,
votre couche est quelque part dans l’enfléchure des haubans.
Hommes, vous voici légataires d’une vie sans offense
au seuil de l’empire des eaux, au seuil de votre âme marine.

 


                                                 *

 

Au commencement, il y eut le pas qui éloigne, 
la main qui sépare, indistinctement l’élan qui engendre l’aventure,
l’exploit, le voyage. Si nous disons : c’était hier,
nous voilà destitués de notre présent, ayant ouvert le flot, la sente, le passage.
Pourquoi s’étonner du son fêlé qu’émet le temps !
Apprentis-sorciers, avons-nous oublié quel souffle nous traverse ?
Où le seuil, où la haute chambre du festin ?
Nous connaîtrons la fièvre, le remugle des villes
au bas d’un ciel sans couleur. Est-ce cela qui nous fut promis
lorsque la vie nous pénétra, de part en part, nous transfusa d’un sang
qui de l’irrévélé perpétue le cheminement ?
Le feu festoie avec le bois, le silence étend ses ailes
et plane au-dessus des vents.
Où l’arbre, encore dans l’étreinte du sommeil déploie ses branches,
la promesse, telle un nectar de corossol sur la langue,
est à notre mémoire l’attente confuse d’une naissance.

 


                                     *

 

A l’origine, la vie n’était qu’éclat de lune,
doigt incandescent sur les ronces,
quelque chose sans substance, de si léger,
que l’on pouvait croire qu’il n’existait d’elle que son essence.
Souvent aux premières heures de la nuit,
on entendait gronder la colère du monde.
Alors, la vie se retirait, se mettait en attente,
oiseau prolongeant en rêve sa volée.


Si les jours deviennent lourds à porter
que rien n’apparaît pour nous émerveiller,
le songe nous prendra dans sa flamme
et la réalité s’effacera peu à peu.
J’ai entendu frapper, est-ce toi ?
Dans le murmure du songe est-ce nous si jeunes encore ?
Nous savions nous parler dans les salles oubliées
où l’ombre du silence dessinait en hâte nos silhouettes.
Nous savions les mots qui consolent et apaisent
et éclairent les chambres de leurs lueurs hantées.
Oui, nous connaissions les formules
qui libèrent les coeurs, affirment les esprits.
Tout mouvement de l’âme aimante la lumière
et tisse la vérité de fils invisibles.

 

                            *
 

Reconnais-moi d’entre toutes et tous,
le souvenir s’émeut d’une voix qui évoque le passé,
dessine le présent avec des mots d’amour.
N’oublie pas le jour
où se sont croisés nos regards et nos attentes
et nos peines si longues à consoler.
L’avenir fleurait le parfum des ancolies,
épousait les courbes du bel azur,
nos corps se nouaient  comme le ciel et la mer
et l’ardeur fixait les heures sur l’horloge du temps.
Lorsque la souffrance se défroissait,
les bambins, un à un, venaient se coucher dans ses plis.
Ils avaient oublié leurs visages dans les feuilles
et ne savaient quel voyage poursuivre,
dans quel château hanté s’ébattent les licornes,
vers quel contre-jour on navigue.
C’était un temps délicieusement lent,
on se tenait serré comme une meute d’enfants,
nous avions des refuges, des territoires pour braconner les songes,
des goélettes ancrées en des ports défunts.
Sans hâte nous approchions de la terre qui nous ressemble.
On y vendange le vin de l’ivresse mystique.
Est-ce si loin en nos mémoires
que nous n’osons en franchir le seuil ?
L’homme de toutes les soifs marche en quête d’eau vive
alors que le temps saigne encore de quelque mal.


                                         *

 

Nous douterons. Ce sera notre dernière sueur.
Viendra le remords taillé dans le vieux tissu du jour.
On ne poursuit sa route que la tête tournée vers le couchant.
Nous avons pris ce siècle à bras-le-corps et c’est tant pis si nos désirs
ne forment plus qu’une croix sur la terre dure.
Demain, l’un de nous dessinera une lampe
et nous serons oublieux de la lumière.
Ce chemin, à l’orée, est celui où, sans fin, nous revenons.
Il y aurait mille possibilités de nous perdre.
Passez votre route, dit le sage.
Ne vous inquiétez pas de savoir où elle conduit.
Ailleurs n’est jamais autre part qu’en soi.
Ne restons pas à pleurer ce qui n’est plus.
Sur nos épaules, prenons ce restant de lumière.
Rafraîchissons-nous de cette eau de cendre que le désert exsude encore.
L’horizon s’oblitère. Il n’est plus qu’un vestige au fond de l’esprit.
De l’avoir trop contemplé nous rendit aveugles.


Nous avançons et nos rêves
sont comme des faucons sur nos poings.
Ils savent mieux que nous où nous allons.
En nos terres de chasse, ils nous précèdent.
Nous pourrions les suivre
mais, au-delà du seuil, est l’inconnaissable
que nous n’osons nommer …


Les pluies ne nous apaiseront pas.
Nous nous laisserons mener par elles
vers des pays de lacs et de brumes.
On y vendange un vin noir que nous boirons,
on y moissonne des chagrins d’hiver
et nous y vieillirons parmi des arbres aux anxieuses ramures.
Quand nous aurons cessé d’aimer,
une félicité curieuse nous gagnera.
Nous aurons lavé jusqu’au revers de nos mémoires
et l’enfant, sans bruit, ira ensevelir nos ombres.

 


                                        *

 

Quelle clarté nocturne s’est aventurée dans tes yeux,
alors que je te contemple, que l’ombre te redessine,
que peut-être je t’invente, que sans doute je te fais roi ?
Car nous régnerons,
nous qui avons épousé la jeunesse de l’eau,
nous régnerons dans l’immobile noyau de notre songe.
Probablement est-ce là
que les choses cesseront d’être mortelles,
que l’éternité prendra feu, que ta royauté me fera reine.


Mes pensées sont restées prisonnière des saules
dans la nuit musicale où les ténèbres parlent à mon oreille.
Le temps a mis en gerbes ses moissons
disjoint les pierres qui jaunissent au soleil.
Tout avait commencé, ainsi tout va finir,
le vent comme la pluie scelleront en nos mémoires de tragiques espoirs.
Nous saurons un matin nous éveiller ensemble,
sans rien attendre de l’empire des songes,
nous tisserons notre destin qui nous fera aigle ou colombe.


                                          *


Ici, nous avons cru la nuit définitive,
peuplée de grands ducs et de dames blanches.
Crois-moi si je te rappelle que l’enfance
a le goût des cerises et des pommes sures.
Crois-moi si je t’évoque le parc empli de mystères
où s’empannent les ailes des oiseaux nocturnes.
La demeure resplendit comme une châsse
au bout de la nef d’arbres centenaires,
un peuple de fantômes s’y ébat
à la lueur mourante des chandelles.
Entends le bruit de leurs bottines
qui claquent sur les dalles de marbre noir !
Non, nous ne pouvons plus vivre ici,
trop obsédante est l’attentive sollicitude des branches,
le frémissement des trembles,
alors que passe l’étranger.
Et puis, au large de la plaine,
le ciel a la couleur de l'ambre.

 


                                          *

 


Il faut que tu le saches : je marche dans ce pays depuis toujours.
J’en fais le tour maintes fois. La nature y sort de sa dormance végétale
comme d’une extase prolongée. De ses pores, on sent la vie sourdre,
des frissons de sève passer sous l’écorce des bouleaux poudrés d’un
blanc lunaire ou sous la livrée rousse des cyprès chauves.
C’est là que poussent les caroubiers, les marronniers rouges,
que la mésange nonette, le sansonnet et le rossignol des murailles, les sittelles
et les troglodytes abritent leurs amours. C’est là que les champs
s’émaillent de coquelicots et de chrysanthèmes des prés, que les talus
se fleurissent de stellaires et de centaurées. Dans l’étang roselier,
les lueurs s’épanouissent comme des jaunets d’eau.
Alors qu’à la fourche d’un arbre mort,
un oiseau aiguise son cri, que dans un ciel marbré de gris
une lune ancienne se profile. Demain, peut-être,
des paroles donneront sens à ce qui s’achève. Tout va,
mais, dans tes bras, ces heures trop brèves
comment les investir qu’elles demeurent ?

 


                                              *

 


Ne dis rien. Préservons ensemble le temps qui dort,
tenons-nous à l’abri de la songeuse espérance.
Au-dehors, laissons le bruit battre à la vitre,
l’horloge égrener son chant funèbre,
écoutons le râle de la mer et les vents venus d’ailleurs,
nous bercer de la complainte des lointaines terres.
Regarde-moi, dans ce demi-jour ou cette demi-nuit
me chauffer au feu qui décline, me taire pour te mieux entendre,
pour te mieux connaître me recueillir dans ton absence.
Tout en moi se fait l’écho de toi,
c’est une vibration intime qui s’exaspère,
un prolongement irrésistible ; de l’un à l’autre
vers ce qui recule et s’espère.

 


                                   *

 


Qu’une étoile se lève au large de la mer, je te la dédierai,
qu’une lune pose sur l’horizon l’orbe rousse des songes,
je l’entretiendrai de toi,
que sous la cendre bleue le feu couve
et les légendes se mettent à causer, ô mon prince !
Pareil au seigneur, étranger à son empire,
tu descends parmi les saules et les lentilles,
le cours du temps amoureux de la terre noire.
En quelle ère lointaine, inconnue de la mémoire,
es-tu né pour offrir à la postérité ce visage immuable ?
Semblable au potier, tu modèles ta pensée,
pareil à César, tu effaces les traces
des heures trop vite ensevelies sous la poussière.
Au passé, tu refuses cette épopée du deuil
qui tente parmi les ombres un ultime passage,
comme si la mer, amarrées à sa lande,
s’était engagée à la victoire. Mais non, il faut attendre !
Mon prince résolu n’a point encore armé de flotte pour la conquête,
il regarde les ténèbres se faner dans sa main,
rose funèbre, effeuillée, sans parfum.
Est-il trop tôt, est-il trop tard,
pour que la terre, oublieuse de sa genèse,
se libère des entrailles nocturnes qui la tiennent,
dépréciée et sans règne,
et que, dans un sursaut, elle renaisse enfin,
hors de l’espace et hors du temps,
toute d’espérance et délivrée, ô mon prince,
selon ta volonté et selon ta promesse,
prête à appareiller vers le royaume
accessible seulement à l’esprit.

 


                              *


Encore une octave et nous serons sur cette portée
où les choses ne sont plus visibles.
Au travers de la demeure, l’écho du vent passe.
Nous avons éteint le feu qui nous tenait en éveil,
fermé la porte sur l’incommunicable matière.
Tout est en ordre, n’est-ce pas ?
Mais quel frémissement trop humain nous agite,
alors que la nuit vient s’éteindre à nos lampes,
que l’insolente lumière commence à nous ronger ?
A celui qui veille, ce vieil adage de mémoire …
Et nous, dans la splendeur naissante,
heurtant de front l’aurore,
là où des lueurs incisent l’infini.
Nulle trace de passage sur la terre durcie,
nulle emphase de feuilles et d’arbres,
mais délivrance des captifs sur la rive,
mais coulée de fièvre dans le sable,
et toujours sur la pierre le signe du sacré.

 


                                    *

 


J’ai à vous narrer l’histoire d’un peuple
qu’une lune maussade défigurât.
Epopée grandiose qui court
à la surface des choses provisoires.
C’est ainsi qu’il faut entrer
dans la conscience des vivants.
Voyez combien nos pensées ont fière allure
quand elles avancent à pas de géants
dans les plaines et les lagunes
avec le glissement sourd de l’engoulevent,
l’envergure altière des milans ! 

Fière allure ! Mais la demeure
des sages ne s’est pas échouée ainsi qu’un panthéon
à la cime de quelque mont Ararat !
L’intelligence referme son tabernacle.
Ce peuple s’affranchira des dieux. Son instinct le guidera.
Il sera nomade et voyagera avec les vents.
Ah ! qu’un souffle détende le front des eaux
et je serai à vous dans la mouvance craintive des herbages,
au long des sentes oisives des steppes et de la pampa,
quelque part sur l’étendue inconnaissable
où une chimère, comme moi, s’attarde.

 


                                       *

 


Je vous parlerai de ce peuple à nul autre semblable,
peuple pétri de glaise et nourri de froment
que l’étincelle du silex, un jour,
mit en marche vers le ponant.
Solitude de l’homme en l’homme,
terre sans partage,
hamada d’un coeur qui ne prend, ni ne donne,
vacance de l’espace.
Ensemble nous parlerons de ce passé
qui stratifie le temps.
Car ils étaient, gerbes de couleurs et de races,
des hommes d’écriture et de langage,
vague humaine qui se détache,
haute vague, houle insécable de pensée et de mémoire.
Puissance qui se disperse et s’élance
à l’assaut d’un donjon, d’un rempart
ou d’une médina,
croisade au pieux visage,
les serfs ont dérobé le sceptre et l’étendard,
un clerc a donné ordre que brûlent nos vaisseaux.
De quelque lieu qu’elle soit, la volonté des hommes fixe les héritages.

 


                                               *

 


Vint le poète,
celui qui habitait sur l’autre rive,
le colporteur de mots, le convoyeur de songes.
Il connaissait les mystères du langage,
les messages des vents,
des eaux la pente au dur partage.
Il ouvrait une faille à la mémoire,
sondait l’invisible et les âmes,
arguait sur le devoir, la souffrance et le mal.
Cet homme parlait de ce qu’il savait,
des vendanges, des moissons et des semailles.
Il venait de l’autre rive,
celle minérale et aveuglante du désert.
Il y avait marché longtemps
dans les oscillations des dunes et des nuages,
le poudroiement de l’or et des étoiles,
à l’écoute de l’ample choeur symphonique
des orgues de basalte et de grès.
L’écho du vent tissait ses vocables
dans ce décor rendu à son épure d’éternité.
Il y avait connu aussi
la marche lente des caravanes et les ergs
et la méditation grave de l’espace.
Il parlait une langue
qu’aucun des hommes présents
ne se souvenait avoir entendue nulle part.
Ni dans les colloques des princes
ni dans les grands amphithéâtres,
ni même dans les conclaves,
peut-être en avaient-ils saisi des bribes
dans le murmure plaintif des galets,
et cet homme avouait :
« je suis venu assumer l’inexprimable ».

 


                                       *

 


Reflet qu’un chemin de solitude propage.
Demain nous apprendra que la fin est proche,
que le jour tarde à se lever.
Il hésite à la frontière des mondes.
N’est-ce pas des galaxies qui neigent dans l’univers,
n’est-ce pas l’éclipse qui s’accomplit avec majesté ?
Il faut se refuser à la médiation,
accepter que la route aboutisse ou bien reprendre l’océan.
En Atlantique rien ne meurt vraiment.
Il y a une vérité à comprendre,
un chemin de halage à emprunter.
J’ai soif ! Le désert est immense.
Quel océan pour m’abreuver ?
Quelle terre pour à son terme accueillir mon voyage ?
Je ne connais que l’illusion de l’apparence,
que son destin tragique.

 

Armelle B.HAUTELOIRE

 


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COMMENTAIRES DES JURES :

 

Très beau texte, empreint d'une poésie ancrée dans une terre, dans une mémoire donnant une puissance extrême, assurant au lecteur un incroyable voyage.
 

Superbe oeuvre poétique au sens plein du terme. Il y souffle un lyrisme parfaitement maîtrisé qui perce le fond des choses. J'ai cru entendre comme un écho, affaibli certes mais bien présent, à la voix de Saint-John Perse. "Nous avançons et nos rêves sont comme des faucons sur nos poings. Ils savent où nous allons." Quelle profondeur et quelle justesse dans cette image qui nous fait toucher du doigt l'impalpable !

 

Inattendu ! Exceptionnel ! Etonnant poème ! Mais est-ce vraiment un poème ? Etiquette sans doute peu compatible avec une conception formaliste de ce genre littéraire. La poésie n'est donc pas le bien privilégié des poètes patentés. Texte dont la forme est comparable à un clip-vidéo. Des mots qui dessinent les images dont la juxtaposition, qui n'a rien d'aléatoire, élabore la dimension sensorielle, au propre comme au figuré. C'est la magie de ce processus qui subjugue le lecteur, sans jamais lui imposer une interprétation univoque.

 

Des images très fortes. "Mes pensées sont restées prisonnières des saules" - "Alors qu'à la fourche d'un arbre mort, un oiseau aiguise son cri, que dans un ciel marbré de gris une lune ancienne se profile." - "Tenons-nous à l'abri de la songeuse espérance. Au-dehors, laissons le bruit battre à la vitre." - "Alors que la nuit vient s'éteindre à nos lampes." Une voix puissante, quasi prophétique parfois, mais aussi proche, très intime : "Car nous régnerons, nous qui avons épousé la jeunesse de l'eau, nous régnerons dans l'immobile noyau de notre songe."

 

Dialogue intérieur. Epopée de l'âme humaine. Profondeur de l'inspiration. Force de l'évocation servie par de belles images. Souffle, ferveur, lyrisme, grande élévation de pensée, une spiritualité. Musique des vers, foisonnement des images, nouvelles et belles. "L'ombre du silence dessinait en hâte nos silhouettes." - "Nous aurons lavé jusqu'au revers de nos mémoires et l'enfant, sans bruit, ira ensevelir nos ombres."

 

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  • : Le blog interligne d' Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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Parce qu'ils disent qui il est, comment est le monde, pourquoi est la vie, qu'ils gomment les distances, comblent les vides, dévoilent les énigmes, suggèrent le mystère, ils sont nos courroies de transmission, nos outils journaliers.

 

La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se tournant vers le passé.

 Soëren Kierkegaard

 

Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.

   Montaigne

 

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   Goethe

 

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