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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 08:20

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Avec une oeuvre riche d'une trentaine d'ouvrages, de multiples récompenses dont le Nobel 2010 de littérature, une carrière de cinq décades, maints combats politiques et engagements qui vont du tiers-mondiste à l'ultra libéralisme, Mario Vargas Llosa est un écrivain incontournable de la littérature internationale, traduit dans presque toutes les langues et auteur d'une oeuvre solidement ancrée dans la réalité politique sud-américaine. Cette oeuvre, a-t-il avoué devant les jurés de Stockholm - " exalte la résistance de l'individu, de sa révolte à son échec " - et prend sa source au plus intime de son auteur.

 

Né en 1936 dans la ville d'Arequipa au Pérou, l'écrivain a passé la plus grande partie de son enfance en Bolivie auprès d'un grand-père qui aura la bonne idée de l'initier à la lecture - " ce qui m'est arrivé de plus important dans ma vie" - confiera Llosa, reconnaissant à cet ancêtre éclairé. Mais en 1948, sa mère avec laquelle il vit - son père étant resté au pays auprès d'une autre femme - s'installe à Piura au Pérou et c'est alors que la figure paternelle réapparait et que ce père inscrit son fils, qui lui semble trop confiné dans son imaginaire, au collège militaire de Leoncia-Prado, où l'adolescent va vivre un véritable enfer. Après cette expérience douloureuse, Llosa prend son destin en main et choisit l'université et des études littéraires pour lesquelles il se sent depuis toujours une vocation. Très vite, encouragé par la lecture de Sartre, il rejoint l'organe clandestin du Parti communiste et devient un militant de gauche qui combat la dictature du général Odria, expérience qui nourrira l'un de ses grands romans "Conversation à la cathédrale". Puis, il part pour l'Europe afin de rédiger sa thèse de doctorat, lit Flaubert, Sartre et Camus, ce dernier l'éloignant progressivement du dogmatisme sartrien. C'est à Paris que naît son amitié pour des écrivains comme le Colombien Gabriel Garcia Marquez, l'Argentin Julio Cortazar et le Mexicain Carlos Fuentes.

 

Son premier roman "La ville et les chiens"  sera publié en 1963, vision sombre du Pérou d'alors à travers la description d'un collège militaire où le jeune homme avait passé tant d'heures difficiles. Ce premier ouvrage sera salué d'emblée par la presse qui le considère d'ores et déjà comme un novateur. Cela grâce à une construction rigoureuse et au don de conteur de Mario Vargas qui sait utiliser à bon escient les techniques modernes. A 30 ans à peine, le voilà salué comme le chef de file de la littérature sud-américaine. Fort de cette notoriété naissante,Vargas se retire quelques années dans son pays natal et y rédige "La maison verte" ( 1966 ), récit touffu qui lui vaut néanmoins son premier prix, l'international de littérature Romulo-Gallegos. C'est à l'occasion de son discours de réception qu' il définit sa conception de la littérature : - "La littérature est feu, cela signifie non-conformisme et rébellion ; la raison d'être de l'écrivain est la protestation, la contradiction et la critique." Il ne dira pas davantage, ni mieux, 43 ans plus tard à Stockholm : - " Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas." -

 

Lors d'un voyage à Cuba, l'affaire Padilla, du nom d'un poète cubain emprisonné pour ses écrits subversifs contre le totalitarisme de Castro, lui fait prendre conscience de l'anormalité de la situation et le décide à rompre avec son engagement castriste. A la suite de cet événement, sa conscience politique évolue à la faveur de faits marquants, ainsi le Printemps de Prague ( 1968 ), la lecture de "L'Archipel du goulag" de Soljenitsyne ( 1973 ), les analyses politiques d'un Aron et d'un Revel, ces maîtres en lucidité, et il reconnaîtra bien volontiers ses propres erreurs de jugement en écrivant " que l'intelligentsia occidentale semblait alors, par frivolité ou opportunisme, avoir succombé au charme du socialisme soviétique ou, pis encore, au sabbat sanguinaire de la révolution culturelle chinoise." Aveu courageux que tous les acteurs de cet opportunisme ou cet aveuglement n'ont pas formulé.

 

C'est probablement avec "La guerre de la fin du monde" que Mario Vargas Llosa atteint le sommet de son art romanesque. Pour la première fois, celui qui se définit comme agnostique, aborde un thème religieux et décrit un épisode fascinant que les historiens nomment la guerre des Canudos (1896 - 1897), où une poignée de chrétiens défie la République brésilienne et édifie une communauté ascétique, qui n'est pas sans rappeler ce que fut chez nous la guerre de Vendée. De retour au Pérou, l'écrivain quitte l'ambiance feutrée des salons littéraires pour se jeter dans l'arène politique et se confronter aux rudes réalités de son pays alors en pleine déroute économique. Il fonde le mouvement "Liberté" et présentera sa candidature à l'élection présidentielle de 1990. Battu au second tour de scrutin, il s'estime humilié et s'expatrie cette fois définitivement. En 1997, il publie Les Cahiers de Don Rigoterto où il résume sa philosophie au travers de propos tenus par son personnage Ayn Rand : " Tout mouvement qui prétendrait transcender ou reléguer au second plan le combat pour la souveraineté individuelle, en faisant passer d'abord les intérêts de l'élément collectif - classe, race, genre, nation, sexe, ethnie, église, vice ou profession -, ressortirait à mes yeux à une conjuration pour brider encore davantage la liberté humaine déjà bien maltraitée." Profession de foi qu'il reprend et réaffirme dans "La fête du bouc" paru en 2000. Ainsi, non content d'être un conteur, un passeur, Mario Vargas Llosa, tout au long d'une oeuvre pleinement engagée, s'est-il voulu porteur de flambeau.

 

L’écrivain péruvien rejoindra Jean d’Ormesson parmi les auteurs pléiadisés de leur vivant. À 80 ans, il ne boudera pas son plaisir : « La Pléiade, c'est le rêve de toute ma vie d'écrivain. Un miracle français qui me permettra désormais d'être lu en tout temps et dans tous les pays. C'est plus important que le Nobel ». Nobélisé en 2010, il boucle la boucle. Les deux volumes, qui furent publiés dans la célèbre collection, regroupent dans une nouvelle traduction quelques-uns de ses meilleurs romans comme "La Ville et les Chiens" (paru en 1963) et "Conversation à La Cathédrale", tous deux classés parmi les 100 meilleurs romans en espagnol du XXe siècle. Mais aussi  "La Fête au Bouc" et "Le Paradis un peu plus loin", qui connurent au tournant des années 2000 d'immenses succès publics en France.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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8 avril 2024 1 08 /04 /avril /2024 07:56

La_Muse_de_la_Poesie_lyrique.jpg

 

 

Si nous nous posons les questions suivantes : en quoi la poésie est-elle singulière, qu'apporte-t-elle à chacun de nous, qu'entend-t-on par phénomène poétique, que répondre pour cerner le sujet au plus près ? De même que si j'ouvre le dictionnaire sur le mot  "poésie", quelle n'est pas ma surprise de trouver une formulation brève qui ne peut en aucun cas me satisfaire : " Poésie, art du langage visant à exprimer ou suggérer quelque chose par le rythme, l'harmonie ou l'image". Déjà à art du langage, que je récuse, je choisis art de la parole qui me semble mieux approprié, parce que la parole instaure et fonde. En nommant les choses, je leur donne existence. A ce propos Yves Bonnefoy écrit : "Recommencer une terre, c'est en quelque sorte définir un monde second, comme le lieu d'une nouvelle vie, d'une unité différente, par quoi la perte du monde premier puisse être réparée". Ainsi la poésie a-t-elle vocation à fonder, mais à fonder en réparant un monde premier qui serait imparfait, comme si une faute originelle avait rompu un pacte initial, que par l'acte poétique on tentait de rénover. Réparer, rénover, renouer, trois verbes qui illustrent ce que devrait être toute démarche poétique. Est-elle réservée aux seuls initiés ? Certes non ! La poésie habite en chacun de nous, elle est présente à tous moments de notre vie. Il me suffit de dire : le soleil se couche - pour me convaincre que je cède à une interprétation poétique, car le soleil ne se couche pas, je le sais, mais cette image est belle et me comble.

 

De tout temps, la vocation du poète fut de retrouver le songe archaïque des origines. Et aujourd'hui, davantage, que notre vertigineux passé nous a éloignés de nos sources. Il s'agit donc de porter sur les choses le regard du premier matin et de rendre aux mots leur étymologie la plus juste. C'est alors que le langage s'attribue une puissance de restitution, qu'il se veut célébrant. Peu importe que l'auteur soit fils de prince ( Charles d'Orléans) ou de rempailleuse de chaises ( Péguy), mais qu'un jour son coeur s'ouvre à la beauté et c'est la face du monde qui en est changée. Pourquoi ? Parce que le monde n'existe que si nous y posons le regard et que si nous accompagnons ce regard d'une interprétation. Ce qui dessine notre vie, ajuste notre pensée ne sont que les conséquences de ce jeu subtil. Et à ce jeu, l'artiste est particulièrement bien préparé. Tandis que le scientifique fournit des données et que le philosophe invite l'homme à la réflexion, le poète trace un sillage et nous convie à le suivre. C'est lui qui invente le futur et revigore le passé, qui lie le monde des sens à celui des sentiments, qui met, à sa façon audacieuse, souvent étrange et parfois excentrique, l'univers en partitions.  "L'écrivain véritable est quelqu'un qui ne trouve pas ses mots, disait Paul Valéry, alors il les cherche et il trouve mieux..."

 

Aujourd'hui nombreux sont ceux qui s'affligent que la poésie soit condamnée à disparaître de notre univers culturel, les médias l'ayant réduite à la portion congrue. Mais l'activité souterraine où elle survit, ainsi qu'en des catacombes, et où elle a appris à résister afin de se perpétuer, nous garde d'un trop grand pessimisme. Qu'importe qu'elle ne soit qu'un filet d'eau sur une terre aride, si notre soif demeure...N'oublions pas que ce qui nous entoure est toujours en mesure de recommencer.

 

Puisque les scientifiques nous assurent que le cosmos se compose de 90% de matière invisible, il reste au poète un vaste territoire à défricher. Ce fondateur d'un ordre nouveau, selon Saint-John-Perse, a mis l'énigmatique sous son aile, afin d'en attester la permanence parmi nous, de remettre l'ineffable, l'indicible sur la voie royale. On pourrait presque dire que l'artiste est entré dans le Songe de Dieu ainsi qu'Adam s'y était introduit après que le Seigneur ait fait tomber sur lui le sommeil qui le rendait complice de sa Création. Mais si l'homme est le songe de Dieu, quel est le songe de l'homme ?

 

Dès lors que le sacré ne se réfugie plus dans les concepts religieux autant qu'il le faisait autrefois, il incombe aussi au poète la charge de relever le défi qui a voulu réduire Dieu à n'être qu'une hypothèse parmi d'autres. Aux certitudes de jadis qui plaçaient l'homme face à Son Créateur succède le douloureux questionnement du poète en quête du Créé. Au-delà d'un soi fatalement narcissique, l'univers sollicite plus que jamais notre intérêt. C'est parce que nous sommes aptes à le concevoir, que nous nous l'approprions. Dépassement que la science circonscrit en une aire d'enquête rigoureuse dont le poète ne peut se satisfaire. Il entrerait alors dans le domaine dogmatique et s'autodétruirait. C'est pourquoi il lui faut faire appel à son imaginaire, afin de redonner pouvoir au songe créateur, car on ne crée pas pour faire une oeuvre, on crée pour entrer dans la Création. Et cela n'est possible que si notre premier regard est chargé d'humanité, que si le visible ne meurt en nous qu'afin que l'invisible y renaisse.

 

Plutôt que le sens de la chose vue, il semble que c'est l'essence de la chose supposée qui fonde les mythologies, que ce soit la nostalgie du leurre et l'anxiété de l'invisible matière qui ne cessent de nous mobiliser. Débarrassé d'un passéisme stérile, l'homme de la parole use de sa mémoire en visionnaire. Il nomme les choses, non pour les réintroduire dans leurs fonctions, mais pour les ré-habiliter dans leur innocence. Ce n'est plus le  réalisme du réel qui l'inspire mais l'improbable réalité, comme si l'existence n'avait d'autre cause que la méditation de l'existant. La poésie, dans sa pure rigueur, n'est-elle pas une avancée dans la lumière ? Semblable au rayonnement fossile qui baigne notre univers, elle est notre rayonnement intérieur, notre mémoire divine. Grâce à elle, nous pouvons accéder à une réalité supérieure, atteindre une plus haute humanité.

 

Mais comment rendre compte d'un pays qui se tient à l'écart, comment rendre structure à ce qui se dérobe, alors que le livre aveuglant n'est pas encore écrit ?  L'éternité est d'abord la mort éternelle, perpétrée par notre impossibilité à rendre la parole incandescente. C'est la raison pour laquelle le poète se contente d'accomplir son destin en deçà de l'indistincte patrie où fusionnent les songes. Le sien a eu le mérite de lui faire pressentir l'immensurable, de le mener jusqu'à une limite que les mots rédempteurs lui permettront peut-être un jour de franchir, car rappelons-nous que l'énigmatique n'est pas fatalement l'obscur. C'est parce qu'elle est empreinte de charme et de sortilèges que la poésie est cette " magie suggestive" dont parle Baudelaire ; c'est parce qu'elle est douée du pouvoir d'évoquer, de suggérer, de substituer un monde à un autre qu'elle opère une sorte de distanciation quasi métaphysique, métamorphosant l'ordinaire qui nous cerne en un extraordinaire qui nous enchante. On goûte alors, quand le poète atteint ces sommets, à cette "magie recueillante" qu'évoquent les mystiques. La poésie, contrairement à la prose, qui nous entraîne loin de nous-même, nous rappelle vers les profondeurs de l'être, vers cette " chaleur sainte" écrivait Keats.

Pour terminer, car il serait déplacé de conclure quoi que ce soit en poésie, citons cette belle méditation de Thierry Maulnier qui, en quelques mots, explique ce qu'est l'art suprême du poète :

 

Il y avait le silence,
il y eut le cri,
au-dessus du cri
vint le chant,
au-dessus du chant
vint la musique,
au-dessus de la musique
vint le langage,
au-dessus du langage
la poésie,
au-dessus de la poésie,
     quoi ?
le silence.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Réflexions sur la poésie
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18 mars 2024 1 18 /03 /mars /2024 09:42
Ces amis qui enchantent la vie de Jean-Marie Rouart

Voilà un livre enchanteur, peut-être parce qu’il a été écrit par un homme enchanté, enchanté par le plaisir que lui a procuré les livres, la lecture et la bonne fée « littérature » qui l’a bercé depuis son enfance. Nous savons qu’il est bien rare qu’un écrivain ne soit pas d’abord un lecteur et Jean-Marie Rouart n’échappe pas à la règle, lui qui a à son actif une trentaine d’ouvrages et veille depuis quelques années à la bonne santé de notre langue française en siégeant sous la Coupole.

 

 

« Ce que j’aime dans la littérature, c’est l’extraordinaire diversité des écrivains qui la compose. Il y a des aristos snobs comme Saint Simon ou Gobineau, des prélats érotomanes come le cardinal de Retz, des riches, des pauvres, des mélancoliques comme Nerval et des gais lurons comme Joseph Delteil, des beaux, des laids, des saints comme Pascal ou des crapules comme Maurice Sachs ; certains sont passés par la prêtrise et le monastère, d’autres par la prison. Quant à leurs mœurs, on a  toutes les variations des tempéraments, des sagesses et des perversités. C’est l’exacte reproduction de la vie, mais en mieux ».

 

 

Marcel Proust ne disait pas autre chose, la littérature est une médecine extraordinaire à laquelle on recourt pour consoler ses peines de cœur, apprendre à vivre, à aimer, à regarder, à réfléchir et à laquelle Jean-Marie Rouart a même demandé comme fait-on pour être heureux ?  En quelque sorte, la littérature est souveraine pour subvenir à la plupart de nos maux. Avec ce livre, Rouart rend à César ce qui appartient à César et l’exprime avec une jubilation qui gagne son lecteur irrémédiablement. Aussi ce gros ouvrage de 900 pages vous distille-t-il ses bienfaits au rythme que vous avez choisi, puisque vous pouvez le consulter à loisir en prenant les chapitres dans l’ordre ou le désordre selon le portrait de l’écrivain que vous souhaitez découvrir et qui est toujours brossé d’une plume alerte, enjouée, admirative et malicieuse. Voyons par exemple ce qu’il dit de son ami Jean d’Ormesson qui vient d’entrer dans la Pléiade, siège à ses côtés à l’Académie française et qu’il classe dans la famille des « Beaux et Grands Esprits » :

 

 

« Jean d’Ormesson adore être de son temps. Il y a chez lui une jubilation d’exister ici et maintenant, à connaître l’époque de Sartre, de la psychanalyse, de la pilule, de de Gaulle, de Mitterand, du socialisme, de la théorie de la relativité, des bébés-éprouvette, de la conquête de la lune et de la télévision. C’est curieusement très peu un homme de nostalgie. S’il s’était confondu avec le monde aristocratique dont il est issu, il n’aurait probablement jamais écrit. Il s’est construit contre ce monde qui regarde en arrière, et s’est découvert une autre aristocratie où il a choisi de réussir par lui-même, celui de l’esprit, où les noms qui comptent ne sont plus les Noailles, les Rohan, mais ceux d’Einstein, de Claudel, de Roger Caillois, de Marx, de Freud. Ce qui l’intéresse, c’est l’excitation des idées de notre temps et de vibrer à l’unisson des palpitations intellectuelles de son siècle ».

 

 

A la suite des 121 portraits, dont le relief ne manque jamais d’attrait, vous avez à votre disposition un texte choisi qui vous met ou  remet à l’oreille la petite musique de chacun de ces auteurs, vous incitant à les lire ou relire selon votre goût personnel, votre humeur du moment, vos disponibilités ou tout simplement votre curiosité, que ce soit « Les modernes engagés »,  "Les soleils païens", « Les nostalgiques de l’ailleurs », « Les amants malheureux de l’Histoire » ou encore « Les fracasseurs de vitres » dont les noms s’échelonnent de Rabelais à Stefan Zweig, de Machiavel à Camus, de Casanova à Karen Blixen, de Lewis Carroll à Fitzgerald, de Marcel Proust à Roger Nimier, de Montaigne à Houellebecq ; ils sont presque tous là avec leurs tics, leurs engouements, leurs vices et leurs vertus, leurs clartés solaires ou leurs ombres tragiques.

 

 

Comment s’est opéré ce choix ? Jean-Marie Rouart s’en explique dans sa longue préface : «  Je ne voulais pas céder à la manie de la classification par l’excellence, qui ne correspond ni aux subtiles hiérarchies de l’art ni à celles de la vie. L’amour, les sentiments, les coups de foudre introduisent heureusement un peu de désordre. Pourquoi se laisser imposer des valeurs consacrées dans un domaine où tout est affaire de goût personnel ? Je n’ai obéi qu’à mon penchant et à ma fantaisie. J’ai voulu éviter l’écueil de tout choix : être conventionnel, oublier ce que l’on est, ses goûts, ses penchants secrets, pour se fondre dans la masse et ressembler à tout le monde ».

 

 

C’est ainsi que, guidé par son enthousiasme et son admiration, Rouart nous fait partager les passions littéraires qui ont ébloui et enrichi son existence, nous communiquant ces vérités grisantes que chacun de ces écrivains cherche pour devenir meilleur, loin des  préjugés, des conformismes et des oukases injustes de la société.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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30 janvier 2024 2 30 /01 /janvier /2024 09:20
Avec les fées de Sylvain Tesson

Sylvain Tesson est un quêteur d’espace mais davantage encore un quêteur de sens, tant il est vrai qu’il considère que « l’absence d’un mythe est notre malheur tricolore, à nous qui avons tué le mystère.  Soulagés que rien ne nous soit supérieur, nous nous satisfaisons que tout nous soit semblable. » On comprend pourquoi, en lisant ces phrases, l’écrivain ait depuis son plus jeune âge parcouru à pied, à vélo, en bateau une partie de notre planète, ce soit isolé dans des déserts, des îles et ait poursuivi des êtres féériques dans les  profondeurs des forêts  ou la gravité vertigineuse des cimes.

 

Ce vagabond ne cesse plus de vivre en spectateur et vénérateur de ce qui est d’abord le mouvement avant d’être la présence tant il lui est devenu évident qu’il y a une façon particulière  de contempler l’univers. Ce livre lui a été inspiré parce que la pénombre ne cesse plus de tomber et de s’apesantir sur un univers qui ne fonctionne désormais que grâce à des machines et à des banquiers. Et à cause de cela, il a décidé de partir avec les fées « qui se convoquent et savent reculer le vacarme des hommes et la bêtise des chiffres. »

 

Ce parcours nous entraine sur les terres celtes, les balcons de l’ouest où les promontoires se distribuent en plis successifs et vous assurent un ordre de la beauté sereine. Nous voici successivement en Espagne, en Bretagne, au pays de Galles, en Irlande, en Ecosse où l’on ne cesse de traverser à pied, à vélo ou en bateau des paysages lavés de pluie et chargés de mystère, des landes imprégnées de secrets, « tant il est vrai que le merveilleux émane du réel », et que la mer a le pouvoir « de dissoudre les certitudes. »


Itinéraire difficile parfois, où l’homme n’a plus honte de son insatisfaction parce que la féérie d’un lieu rassure l’esprit, attendrit l’âme et repose le corps. Rien n’est simple, si bien que l’écrivain entend vivre en spectateur et vénérateur de ce qui se trame. « L’absence d’un mythe est notre malheur tricolore, à nous qui avons tué le mystère » - conclut-il. Et comme il a raison !


Et ces fées qui inspirent ses pas, elles existent  « quand on travaille à les faire apparaître. » En cela, Sylvain Tesson est un écrivain incomparable. Il nous invite, depuis ses débuts, à un long parcours où surgit toujours l’inattendu  que nous oublions trop souvent de déceler dans l’habituel et le quotidien.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 10:08

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On le sait, depuis plusieurs décades, la poésie traverse son purgatoire ou, mieux, vit dans les catacombes. Et pourtant notre époque ne manque pas de belles voix pour nous entretenir de l'essentiel et nous aider à traverses les apparences. Jean-Michel Maulpoix est de ceux-là. 

 

Jean-Michel Maulpoix, poète et écrivain né en 1952, sait mieux que personne saisir les émotions intimes, tout en centrant l’essentiel de ses textes en prose sur l’autre, le frère, l’amante ou l’ami, ainsi que sur le monde et les sensations fugitives qu’il suscite. Le poète s’emploie également à un travail sur la mémoire, là où s’ajoute à l’immanence un examen critique de soi-même, une quête soucieuse et une aspiration à l’autre versant des choses, ce versant  qui se veut étrange ou invisible. Homme du seuil, Jean-Michel Maulpoix tente de se maintenir en équilibre entre extérieur et intérieur, assumant sa perplexité et initiant une interrogation subjective afin de rester vivant, dans le flot énergique de la vie et, ce, malgré les affres d’un monde dont on ne parvient pas à assurer l’ordre.

 

«  Il s’agit d’une méditation tournée vers ce qui se dérobe ou ce qui nous échappe : analyser la substance de ce qui fait l’existence humaine dans ses aspects les plus impalpables et les plus secrets, chercher les points de rupture, les points d’équilibre, les coutures … Explorer l’intériorité à travers un motif choisi » - disait-il lors d’une interview.

 

Ce qui intéresse le poète est autant ce qui passe que ce qui dure, à condition que le souci de la langue soit respecté. Son diagnostic est sans complaisance : «  Tour à tour nous avons perdu le réel et l’imaginaire. Nous sommes les citoyens hébétés d’un univers inquiétant sur lequel nos actes semblent n’avoir aucune prise… » Aussi priorité est-elle accordée aux lieux d’espérance, le poème représentant une sorte d’état privilégié, un retour au beau langage sans pour autant céder aux affirmations péremptoires. Car le mystère demeure. Il est notre quotidien et mieux vaut procéder par approche et allusion dans le seul souci de sauvegarder le désir.
 

Je n’écris jamais que des commencements. Seule est émouvante la lisière des mots, le toucher hasardeux de la plume sur la page…

… La parole n’est pas en moi ce qui résiste, mais le roseau qui plie. Tout ce qui s’émerveille de subir.

L’aube, tel un livre de peu de mots.

Ecrire pour inventer à chaque fois une innocence. N’ayant sur terre qu’une place accidentelle, je parle en miettes. L’éphémère suffit à ma nourriture. Ma soif ne s’apaise pas.

 

Pour vous donner le goût de cette belle prose, je joins quelques extraits de : « Dans la paume du rêveur », mon recueil préféré :

 

Voici le poème revenu sur les épaules des anges. Au bout du long chemin d’images incroyables. Pâle, au sortir de la mine de neige.

Voici le mot qui fut le soc et la cognée. Voici la plume d’or. Et sur le tronc un long cortège de filles noires.

Arbres tressés de songes, linges et voix, tout l’amour à l’œuvre dans les chambres d’oiseaux.

 

Celui qui est assis dans l’herbe s’efforce de ne pas y croire. Chasseur toujours et menacé. Avide, scrutant l’obscur. Pourtant le cœur à neuf, prêt à cesser de battre.

 

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Et pour  consulter le site wikipedia consacré à l'auteur, cliquer     ICI

 

Voici, par ailleurs les autres articles consacrés aux poètes :


Jules Supervieille ou l'enfance de l'univers

Blaise Cendrars entre dans la Pléiade

Joe Bousquet ou l'horizon chimérique

René-Guy Cadou ou la rêverie printanière

Sabine Sicaud, l'enfant aux sortilèges

Alexandre Pouchkine ou l'empire des mots

Marie Noël ou la traversée de la nuit

Patrice de la Tour du Pin ou la liturgie intérieure

Milosz ou l'entrée dans le silence

Paul-Jean TOULET ou une poésie fantasque

Yves Bonnefoy ou recommencer une terre

Marceline Desbordes-Valmore ou le renoncement

 

 

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28 juin 2023 3 28 /06 /juin /2023 07:28
UNE JEUNESSE A L'OMBRE DE LA LUMIERE de JEAN-MARIE ROUART

Une jeunesse sous le signe d’un profond mal-être : c'est le roman autobiographique d'un jeune homme pauvre dans une famille riche, allergique à la peinture et vivant au milieu des tableaux de Manet, de Berthe Morisot, de Degas qui forment son cadre journalier. Malheureux et sombre, errant parmi les souvenirs de ces peintres de la lumière, cultivant une névrose d'échec face à des artistes statufiés par la gloire, il se sent menacé par « l'aile noire de la folie ». Cette mélancolie le jette dans les bras des psychanalystes qui voient en lui un gibier de choix. Échec amoureux, social, scolaire, tentation du suicide, Jean-Marie Rouart nous livre son inappétence au bonheur. Il nous la fait même partager sans en omettre un seul détail. Les filles, la drogue, tout y passe de ce garçon pourtant gâté par les dieux : beau, d’une famille célèbre, adoré par sa mère, mais dont le père n’a pas su ou pu conserver le  train de vie de ses prédécesseurs.

 


C'est à travers la figure d'un peintre du début du XIXe siècle, Léopold Robert, mélancolique, suicidaire, amoureux d'une princesse Bonaparte qui se moque de lui et en qui Jean-Marie Rouart a reconnu son double, que l'écrivain nous entraîne dans ses quêtes imaginaires et ses voyages pour tenter de se délivrer de ses démons. S'interrogeant sur le mystère d'une destinée qui le conduit au naufrage, il brosse une fresque de la grande famille de l'impressionnisme qui compose son prestigieux arbre généalogique. Ses vagabondages ne sont-ils pas une façon d’échapper à soi-même ? Ainsi visitons-nous en sa compagnie Noirmoutier, Venise, Samos, Ibiza. L’auteur semble aimer les îles - ces terres qui sont comme des sanctuaires secrets – et cherchons-nous à ses côtés, dans ce récit  un peu brouillon, les clés perdues de sa vie sentimentale et le chemin de son labyrinthe intérieur, cet inconscient qui le harcèle et lui mène la vie dure mais l’ouvre aussi aux méditations profondes. Incontestablement, le livre est empli d’un charme particulier. Il est semé de détours qui nous reconduisent à l’essentiel. L’élégance de l’écriture rend ce pèlerinage intérieur attractif, même si cette souffrance semble entretenue avec une incontestable complaisance. Le lecteur plonge ainsi dans les affres d’un écrivain romantique qui gratte ses plaies avec auto-satisfaction. Il y a dans le livre de Jean-Marie Rouart cette coquetterie littéraire suscitant, lors de maints passages, un égotisme qui prête à sourire. Mais l’auteur a une façon gracieuse d’évoquer les lieux, les paysages, les parfums, les chagrins d'une plume délicate qui touche juste. Voilà un enchanteur qui, certes,  parle trop de lui mais en parle bien, ménage habilement ses effets et vous embarque dans ses délires et ses excès  avec des mots envoûtants. Oui, étrange cette jeunesse vécue comme un drame. Alors que Jean-Marie Rouart avait tous les atouts en main. Heureusement, la chance n'a cessé de le poursuivre : le Figaro, l'Académie française, des prix littéraires parmi les meilleurs. Pas mal pour un ancien candidat au suicide.

 

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

 

 

 

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UNE JEUNESSE A L'OMBRE DE LA LUMIERE de JEAN-MARIE ROUART
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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 08:34
Les partisans de Dominique Bona

Dominique Bona a l’intelligence de choisir des personnages d’exception pour ses biographies, qu’elle rédige toujours avec infiniment de finesse et de rigueur, des hommes et femmes qui forcent le destin, s’inscrivent dans la durée et rendent compte de la vaillance nécessaire pour marquer leur place dans l’histoire. Avec ce dernier livre « Les partisans », nous sommes en présence d’un oncle et de son neveu qui ont eu l’un et l’autre un destin exceptionnel dans le domaine de la littérature mais également dans l’histoire de la France, ayant rejoint l'un et l'autre la résistance lors de la guerre de 39/45. « Le Chant des partisans », ce sont eux … Pour Joseph Kessel, à l’époque, sa plume fut souvent une arme et certains de ses livres surent évoquer les pages les plus douloureuses de la résistance comme « L’armée des ombres ».

 

La cause juive sera sans doute le seul sujet de désaccord entre l’oncle et le neveu qui se vouèrent une affection que leurs réussites littéraires ne firent que renforcer. Autant Jef avait pleinement conscience d’avoir partie liée avec la communauté d’Israël, autant Maurice se voulait affranchi des liens avec le passé judéo-russe de Kessel. « J’ai eu souvent le sentiment d’être mon propre géniteur » - écrira le neveu, dont l’orgueil ne manquait jamais de s’affirmer avec force.

 

Nous sommes, il est vrai, en présence de deux types d’homme et de deux styles de vie que Dominique Bona nous brosse de façon précise, passionnante, tant ces destins furent riches l’un et l’autre. Si Kessel fut une quasi légende, Druon sut être un brillant écrivain autour duquel ne cessèrent de voleter les phalènes de l’époque. Dominique Bona prête à cette saga familiale, autour de laquelle ne cessera de se joindre un nombre important de femmes et de célébrités, un ton épique, convoquant dans ses pages les faits marquants de notre histoire que l’oncle et le neveu ont si bien su animer de leur parcours respectif. « Le lion », "Les cavaliers", "Les bataillons du ciel" de Kessel comme "Les rois maudits" de Druon connaitront un succès phénoménal, si bien que l’oncle et le neveu pourront savourer leur chance d’avoir des destins parallèles qu’ils surent attester de leur empreinte respective.

 

Mais autant l’oncle recherche la confrontation violente avec des paysages bruts et le désordre des émotions, autant le neveu parait plus sensible à l’harmonie classique qui a marqué l’Europe au cours des siècles. Pour l’un l’Afghanistan, pour l’autre la Grèce. Si le second n’apprécie guère l’esprit d’anarchie, l’autre ne le déteste pas et ses ouvrages sont le fruit d’une inspiration qui fait la part large et belle à l’improvisation et au hasard, même les plus rudes. Kessel, comme Druon, sera membre de l’Académie française mais la fréquentera peu, alors que Druon y fera carrière et y trouvera sans doute ce qu’il cherchait depuis longtemps : une famille. J’ai eu cet honneur de lui serrer la main sous la coupole lors de la remise des prix littéraires en décembre 1987, pour mon prix St Cricq-Theis. C’était un homme affable qui savait trouver les mots justes et aimables.

 

Fatigué, Kessel cessera d’écrire à 77 ans mais sa vie d’écrivain brillait encore de tous ses feux, alors que sa vie privée était un désastre, sa dernière épouse étant alcoolique. Contrairement à lui, le neveu aura une fin plus en accord avec ses aspirations, en donnant un formidable élan à l’Académie, lui insufflant son énergie et sa foi en la littérature. Très ami avec Mgr Lustiger, la figure du Christ accompagnera ses derniers jours.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

Autres articles consacrés aux ouvrages de Domnique BONA :

 

 

Romain Gary de Dominique Bona

 

Mes vies secrètes de Dominique Bona

 

Berthe Morisot, la femme en noir de Dominique Bona

 

Je suis fou de toi - Le grand amour de Paul Valery de Dominique Bona

 

Deux soeurs - de Dominique Bona

 

 

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L'oncle et le neveu

L'oncle et le neveu

Les partisans de Dominique Bona
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2 mai 2023 2 02 /05 /mai /2023 08:01
Editions Chloé des Lys -

Editions Chloé des Lys -

Avec ce dernier ouvrage « Lovely Brunette, tout simplement », Edmée de Xhavée, qui n’avait pas publié depuis quelque temps, nous offre une délicieuse plongée dans sa vie familiale et, plus précisément, dans celle de sa mère qui a occupé une place si importante dans sa vie. Avec ce texte délicat, et souvent drôle, elle nous raconte, d’une plume fluide et pleine d’esprit, l’existence d’une mère de deux enfants qui se sépare à trente ans de son mari et s’assumera le restant de son existence sans se remarier avec un courage plein de pertinence. Ce n’était pas si simple, pour une jeune fille élevée dans le milieu de la haute bourgeoisie belge, de se retrouver à cet âge-là avec deux enfants, un garçon et une fille, et un avenir où la solitude tiendrait fatalement une place importante. Il n’était pas aisé, dans les années 1950, de refaire sa vie lorsque l’on était divorcée et dans un milieu où le divorce était très mal accepté, d’autant plus lorsque cette jeune femme était mère de deux enfants en bas-âge. Il fallait alors faire front, disposer d’une certaine dose de courage et ne pas trop affoler les maris des autres si vous étiez une personne ravissante, merveilleusement élevée et écuyère intrépide. Oui, « Lovely Brunette » disposait de ces atouts, sans compter son élégance et son éducation parfaite.

 

« Il faut dire qu’une femme divorcée n’avait sa place parmi les honnêtes gens, sauf si elle avait franchi – bien franchi ! – la septantaine, était d’une mocheté rassurante ou avait une fortune non négligeable. Mais Lovely Brunette était diablement jolie, désargentée, pleine d’esprit et encore trop jeune pour ne pas représenter une brûlante tentation pour les maris. »

 

On comprend combien cette solitude, une fois que ses deux enfants auront quitté le foyer, a  dû être douloureuse à assumer, combien de situations pénibles elle a eu à faire face, que de soirées solitaires elle a traversées, elle qui était femme jusqu’au bout des ongles, aimant la vie familiale, le cocon que constitue le foyer, la beauté du jardin qu’elle cultivait avec ardeur, le sport équestre qu’elle pratiquera en cavalière émérite jusque tard dans sa vie, oui, on s’étonne, on s’émeut de ce récit où elle n’inspire à aucun moment la pitié mais nous envoûte par sa distinction morale et physique, sa simplicité et son souci permanent d’être à sa place et à se charger de ses responsabilités avec naturel. Voilà un livre qui vous touche certes, mais vous amuse aussi, car Edmée de Xhavée ne cède pas à l’émotion simpliste, au contraire elle évoque ses souvenirs avec humour, la hauteur de vue qui est la sienne et le souci de dire les choses sans emphase.

 

Vous refermez l’ouvrage avec un pincement au cœur, j’étais en si bonne compagnie, les enfants savaient chahuter avec juste ce qu’il faut d’impertinence, la maman  partageait avec eux l’essentiel et la roue tournait naturellement jusqu’au moment où le récit s’achève parce que ce personnage si raffiné, ce visage de mère si aimée s’éloigne dans le sentier du grand soir.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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Mes critiques des précédents ouvrages de l'auteure :

 

 

Villa Philadelphie de Edmée de Xhavée

 

La Rinascente d'Edmée de Xhavée

 

Les promesses de demain de Edmée de Xhavée

 

Lovebirds de Edmée De Xhavée

 

La rivière des filles et des mères d'Edmée de Xhavée

 

 

 

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L'auteure

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14 avril 2023 5 14 /04 /avril /2023 08:08
Au-delà du tableau de Céline Posson-Girouard

Après « Les lilas de Bellême », je retrouve avec ce roman les parfums, les fleurs, les descriptions de nature que Céline Posson-Girouard sait, de sa plume délicate et en fine observatrice, nous évoquer et nous faire respirer. « Installées sur le banc de bois ancien, Estelle et sa fille écoutèrent le chant des pinsons ; leur cadence répétitive, mélodieuse les berçait ; au concert des oiseaux, un bouvreuil, perché sur la plus haute branche des seringats, lançait ses trilles en soliste. » On se croirait de retour dans le précédent ouvrage, mais il n’en est rien, en dehors de Bellême, lieu central où une part de la vie de l’auteure est restée suspendue, ce roman n’a rien à voir avec l’évocation du précédent, consacré au souvenir d’une mère très aimée.

 

Dans ce nouvel ouvrage, la mère vient de perdre son mari, le père de Lysia, et ne tarde pas à se remarier avec un homme qui n’a aucune des qualités du précédent : homme à femmes, jouisseur impénitent, il s’empresse de poursuivre l’adolescente de quinze ans de ses assiduités. Pour la fillette le monde chavire, sa mère ne la protège plus, ce beau-père la menace en permanence et Lysia entre ainsi dans un temps qui, non seulement la sépare de sa mère, mais perturbe en profondeur ses années de jeunesse et ses espérances.

 

Céline Posson-Girouard nous raconte la vie de cette jeune fille de façon pénétrante, on partage très vite l’angoisse qui s’installe dans son esprit, ses perspectives d’avenir brouillées par cette présence inquiétante. Heureusement la jeune fille poursuit ses études et surtout prend au sérieux ses dons naturels pour l’art et la création. Chez elle, les interrogations ne se contentent pas d’ouvrir des portes, elles se fondent en un réel désir de créativité, voire de transfiguration. Car le monde n’est pas seulement ce que l’on voit, il est surtout ce auquel on aspire et ce que l’on crée. Si mai 68, qu’elle vit pleinement, promet des lendemains qui chantent, il en condamne également un grand nombre. Il faut, par conséquent, envisager d’autres alliances, laisser mûrir ses dons et ses aspirations, revenir à ses origines, à ce Bellême qui assemble les riches heures de son passé et, par voie de conséquence, contribuera à sa renaissance. Celle-ci aura lieu, Lysia renouera avec l’essentiel et puisera dans les eaux captivantes de son imaginaire. Voilà un roman rédigé d’une plume délicate qui nous ouvre des voies touchantes sur les mystères de l’âme féminine et les musiques si complexes et diverses de l’amour. Une réussite.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

 

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Et pour consulter la critique du précédent ouvrage de l'auteure cliquer sur le titre :  "Les lilas de Bellême" 

 

 

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L'auteure

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26 novembre 2022 6 26 /11 /novembre /2022 10:23

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Dès la première page, le graphisme parle à la graphologue que je suis. Une phrase manuscrite, belle d’ailleurs, dessine, dès l’abord, le livre et son auteur. Ainsi le trait encré exprime-t-il le plaisir de vivre, la joie simple d’exister, puis le gonflement des hampes et des jambages équilibre harmonieusement la sensualité naturelle de l’homme en osmose avec la nature et les êtres et son souci permanent de rester l’intime des hauteurs. Il y a par ailleurs l’inclinaison à droite qui dévoile l’élan vers l’autre, le frère, l’ami, le proche ou le lointain. Cette écriture exprime la stabilité et la modestie ; toute tendue vers son devenir, elle sourit au monde.

 

«J'essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en la disant. Il y a des papillons dont on ne peut effleurer les ailes sans qu'elles cassent comme du verre».

 

A peine avez-vous franchi  le seuil de l’ouvrage que vous reconnaissez le style particulier de Bobin dont  « Le Très Bas » en 1992 avait été pour moi un véritable choc. Je n’étais pas la seule à l’époque à être frappée par le ton, l’alliance des mots, la réflexion profonde. Ce naturel dans l’énoncé du texte fut beaucoup copié, si bien qu’il y eût dans les années qui suivirent sa publication nombre de Bobin en herbe. « La lumière du monde », « Les ruines du ciel », " La plus que vive", « La présence pure », autant de titres qui creusèrent un sillon unique d’une sincérité totale, d’une sensibilité mystique et d’un dépouillement absolu dans les "Lettres françaises". Christian Bobin s'y révélait un jardinier inspiré qui se contentait de remplacer les plantes et les fleurs par des mots. Et ces mots exhalent toujours  un parfum entêtant, reconnaissable entre tous.

 

Néanmoins, je l'avoue, j’ai été moins enthousiasmée par « L’homme-joie » malgré les promesses du titre. Est-ce parce que le merveilleux jardinier ne s’y renouvelle pas vraiment, qu’il bêche un carré de terre dont il avait déjà extrait le suc ? En effet, on peut regretter que le poète ne nous mène pas ailleurs, que l’auteur ne nous restitue que l’écho des précédents ouvrages, qu'il n'ouvre pas d'autres perspectives, d'autres voies. Certes, la lecture reste un plaisir, un délicat enivrement, la musique est bien présente, celle émise par l'ami proche, le confident qui nous convie dans son intimité, nous laisse entrer dans son domaine le plus secret parmi ses objets familiers qui, ainsi, deviennent les nôtres, mais est-ce suffisant ? Reste la tendresse, le velouté des phrases où rien ne heurte. Il n’y a pas d’arêtes vives, pas de discours solennel, pas de sermon, moins encore de remontrances ou de profession de foi chez Christian Bobin. Nous sommes dans le domaine de la confidence, propos chuchotés qui ne sanctionnent pas, ne certifient rien, se contentent humblement de décrire l’aube et le crépuscule, le remuement délicat des choses.

 

« Je regarde le bleu du ciel. Il n’y a pas de porte. Ou bien elle est ouverte depuis toujours ». La sienne l’est également. Son seuil est accueillant, bienfaisant  comme le murmure de l’eau. Adieu Christian Bobin.

 

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Un blog qui privilégie l'évasion par les mots, d'abord, par l'imaginaire...toujours.

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